Intervention de Maina Sage

Séance en hémicycle du 23 mars 2016 à 15h00
Sociétés mères et entreprises donneuses d'ordre — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMaina Sage :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous avons tous en mémoire les accidents qui ont marqué ces quinze dernières années et qui ont débouché sur la rédaction de ce texte : je pense par exemple au naufrage de l’Erika au large des côtes françaises en 1999 ou encore à l’effondrement du Rana Plaza à Dacca en 2013. Ces drames terribles ont démontré la nécessité d’améliorer le contrôle par les grandes entreprises des comportements de leurs partenaires économiques. On peut donc considérer que l’objectif poursuivi par ce texte, celui de mieux prévenir les atteintes aux droits de l’homme et à l’environnement en responsabilisant les entreprises, est louable.

Avant de développer plus avant, je souhaite replacer cette initiative parlementaire dans son contexte : elle n’est pas inédite et résultant d’une soudaine prise de conscience, la France ayant déjà été l’initiatrice par le passé d’un certain nombre de réformes en matière de responsabilité sociétale des entreprises – la RSE. De plus, des exceptions au principe d’autonomie de la personnalité juridique sont admises en droit du travail, en droit commercial, en matière de pratiques anticoncurrentielles et en matière de fiscalité. Dans le domaine de la protection de l’environnement, la loi Grenelle II, chère au groupe UDI dont je suis membre, a notamment permis de faire financer par la société mère les mesures de remise en état des sites en fin d’activité à la suite d’un défaut de la société dont elle a le contrôle. Il est également possible d’engager des poursuites contre la société mère pour les pollutions générées par l’activité d’une filiale. S’agissant de la protection des droits fondamentaux des travailleurs, la loi dite « Savary » de 2014 a instauré le principe de responsabilité solidaire permettant de poursuivre l’entreprise donneuse d’ordre pour les fraudes commises par l’un de ses sous-traitants. Au niveau international, de nombreuses initiatives ont conclu à la nécessité de responsabiliser les acteurs économiques pour empêcher les violations des droits humains et les atteintes à l’environnement : en 2011, le Conseil des droits de l’homme des Nations unies a adopté des principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme que l’OCDE a renforcés à l’intention des multinationales, et la Commission européenne encourage vivement les États à les transposer dans leur droit interne ; enfin, la très importante norme ISO 26 000 évoque la notion de sphère d’influence, qui dépasse la relation de contrôle ou de domination qu’une entreprise peut entretenir avec ses filiales et avec sous-traitants.

Devant ces constats, devons-nous aller plus loin en obligeant, ainsi que le préconisent les auteurs de ce texte, certaines entreprises à prévoir un plan de vigilance à visée préventive ? Adopter une telle réforme permettrait-il d’empêcher de nouveaux drames en France et à l’étranger ?

Outre en première lecture, je rappelle que le débat sur le fait d’imposer ou non un devoir de vigilance aux sociétés mères et aux entreprises donneuses d’ordre a déjà eu lieu dans cet hémicycle à l’occasion de l’examen, en janvier 2015, d’une proposition de loi du groupe écologiste. Le groupe UDI était foncièrement opposé à ce texte, au renversement de la charge de la preuve et à la législation restrictive et pénalisante pour les entreprises qu’il prescrivait. En adoptant ce texte et donc en faisant reposer sur celles-ci une présomption quasi irréfragable fondée sur un simple manquement à un devoir de vigilance, nous aurions bouleversé le système français de la responsabilité qui exige que le fardeau de la preuve incombe au demandeur. J’ai entendu certains de mes collègues accuser l’opposition de subir des pressions du lobby des employeurs, mais je rappelle qu’entre la proposition de loi du groupe écologiste et celle-ci, cette disposition a disparu… C’est bien la preuve que le débat entre l’opposition et la majorité a porté ses fruits.

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