Séance en hémicycle du 23 mars 2016 à 15h00

Résumé de la séance

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  • humain
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  • vigilance

La séance

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La séance est ouverte à quinze heures.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. Vincent Ledoux, pour le groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

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Monsieur le Premier ministre, notre département du Nord est en danger. Pénalisé par le poids des dépenses sociales pour le compte de l’État et par la baisse de la dotation globale de fonctionnement, et malgré les orientations courageuses qu’il prend, il se trouve confronté à une situation inédite et insoluble, qui ne lui laisse pas d’autre choix que d’envisager l’augmentation de sa fiscalité. Si ce scénario du pire devait être mis en oeuvre, il viendrait alourdir l’impôt des ménages et des entreprises et constituerait un facteur de perte d’attractivité supplémentaire pour un territoire qui a déjà trop souffert sur le plan économique.

Déjà les maires de ma circonscription cherchent à mettre en place, dans la douleur et quand cela est possible, des compensations pour neutraliser cette nouvelle pénalité, à l’instar de Gérald Darmanin, maire de Tourcoing, dont je salue la grande qualité du travail accompli dans cette assemblée.

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

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Double peine, aussi, pour ma commune de Roncq, qui voit ses efforts vertueux battus en brèche, comme pour mes voisins d’Halluin, Neuville-en-Ferrain, Linselles et Bousbecque. Oui, notre département est en danger !

Exclamations sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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S’il vous plaît, mes chers collègues ! Écoutez la question !

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Une sentence populaire dit : « Je rigole face au danger, ensuite je cherche un trou pour me cacher. » Sachez, monsieur le Premier ministre, que dans le Nord, on a le sens de l’humour. Mais là, on ne rigole vraiment plus, et on ne se cachera pas non plus !

Le Gouvernement s’est engagé à annoncer avant la fin du mois de mars une réforme concernant le RSA, plus respectueuse de l’avenir des départements. Serez-vous au rendez-vous de la dernière chance ? Qu’envisagez-vous pour mettre fin à cette situation inacceptable et permettre au département du Nord d’aborder son avenir de manière sereine et pérenne ?

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. le ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales.

Debut de section - Permalien
Jean-Michel Baylet, ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales

Monsieur le député, vous ne rigolez pas ; moi non plus.

Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

Debut de section - Permalien
Plusieurs députés du groupe Les Républicains

Vive le Nord !

Debut de section - Permalien
Jean-Michel Baylet, ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales

Je veux quand même vous rappeler que, si les départements ont vu leur barque chargée, c’est bien sous la précédente majorité,…

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen – Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains

Debut de section - Permalien
Jean-Michel Baylet, ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales

…lorsque Nicolas Sarkozy a anéanti la fiscalité locale, lorsqu’il a supprimé sans concertation la taxe professionnelle,

Exclamations continues sur les bancs du groupe Les Républicains

Debut de section - Permalien
Jean-Michel Baylet, ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales

lorsque vous avez transféré aux départements la gestion des routes, sans pratiquement aucune compensation, lorsque vous leur avez transféré les TOS – personnels techniciens, ouvriers et de service – de l’éducation nationale, et beaucoup d’autres choses…

Mêmes mouvements.

Debut de section - Permalien
Jean-Michel Baylet, ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales

Oui, monsieur le député, les départements connaissent des difficultés, mais le Gouvernement s’applique à les résoudre. Nous avons saisi la main tendue du président de l’Assemblée des départements de France, Dominique Bussereau, qui a souhaité que nous puissions travailler à une recentralisation du RSA.

Mêmes mouvements.

Debut de section - Permalien
Jean-Michel Baylet, ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales

Nous sommes en train de négocier cette recentralisation avec l’Assemblée des départements de France.

Debut de section - Permalien
Jean-Michel Baylet, ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales

Une première réunion a déjà eu lieu. Une autre va se tenir dans les prochains jours, pour tenter de trouver une solution et permettre aux départements de surmonter la tâche immense qui est la leur en matière de solidarité.

Brouhaha sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Jean-Michel Baylet, ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales

Cela va peut-être vous faire vociférer, mais je le rappelle encore : qui a décentralisé la solidarité qui est, par nature, une compétence régalienne ?

Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

Debut de section - Permalien
Jean-Michel Baylet, ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales

C’est le gouvernement de M. Jean-Pierre Raffarin qui a collé cette lourde tâche aux départements, lesquels s’en acquittent d’ailleurs remarquablement et avec beaucoup d’application.

Exclamations persistantes sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Jean-Michel Baylet, ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales

Oui, monsieur le député, le Gouvernement est bien là. Je suis convaincu que nous trouverons une solution avec les départements.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste. – Exclamations et huées sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

S’il vous plaît, mes chers collègues, retrouvez un peu de sérénité !

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La parole est à M. Michel Lefait, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Monsieur le ministre des finances et des comptes publics,

depuis 2012, notre majorité s’est assigné une mission claire : redresser la France…

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…tout en sauvant notre modèle social, gravement mis en péril durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy.

Redressement des comptes publics, Pacte de responsabilité, politiques actives de l’emploi, baisse de l’euro, relance européenne, lutte contre la fraude et l’optimisation fiscale, Banque publique d’investissement : nous avons posé des fondations solides qui apportent aujourd’hui des résultats tangibles annonciateurs d’une reprise économique solide et durable.

Vives exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.

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Des faits objectifs témoignent de la réalité de ce rebond : les prévisions de croissance et d’emploi publiées par l’INSEE, qui remettent la France dans le peloton de tête européen, les excellents chiffres du déficit public

Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains

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en baisse pour la quatrième année consécutive grâce à l’action de notre majorité (Mêmes mouvements), les investissements directs de sociétés étrangères avec 962 décisions d’investissement, soit une hausse de 27 % en un an, enfin la cent millième embauche intervenue ces jours-ci dans le cadre du dispositif Embauche PME, lancé en janvier.

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Oui, mes chers collègues, c’est évident, la France redevient attractive.

Vives exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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La croissance, les déficits, l’emploi, on en parle beaucoup au club des anciens ministres de Nicolas Sarkozy, dans le cadre de la primaire de la droite ! Plus on a échoué hier, plus on disserte et on donne des leçons aujourd’hui. Grands diseux, petits faiseux !

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Aux belles paroles de la droite, à gauche, nous préférons les actes.

N’en déplaise à certains, la reprise est enclenchée et elle va s’amplifier avec la nouvelle tranche du Pacte de responsabilité, la loi travail et l’amplification de l’effort de formation des demandeurs d’emploi.

Monsieur le ministre, une hirondelle ne fait pas le printemps. Plusieurs hirondelles peuvent y contribuer. Pouvez-vous nous dire l’analyse que vous faites des bons chiffres tombés ces jours derniers ?

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur quelques bancs du groupe écologiste.

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La parole est à M. le ministre des finances et des comptes publics. Je vous invite à retrouver un peu plus de sérénité, chers collègues.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

Monsieur le député, l’activité économique a repris en France l’année dernière, en 2015.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

En effet, 1 % de croissance, c’est du pouvoir d’achat supplémentaire, et ce sont aussi des emplois supplémentaires. Pour la première fois depuis très longtemps, le secteur privé a créé l’année dernière plus de 100 000 emplois nouveaux, ce qui a permis globalement de stabiliser le chômage.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

Pour l’année 2016, vous avez fait référence à une étude réalisée par un organisme indépendant, l’INSEE. Celle-ci prévoit un taux de croissance, une activité économique de même niveau que celui que nous nous étions assigné, que le Gouvernement s’est assigné et que la majorité a assigné au Gouvernement, à savoir environ 1,5 % de croissance.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

Ce taux de croissance est nourri par deux moteurs. Le premier moteur, et j’insiste sur ce point, c’est la consommation des ménages. Avec une inflation zéro pendant deux années consécutives, le pouvoir d’achat des ménages a globalement augmenté, même s’il y a, bien sûr, des ménages en grande difficulté.

Le second moteur, c’est l’investissement des entreprises. Monsieur le député, mesdames et messieurs les députés, depuis plusieurs années, budget après budget, parfois au terme de débats contradictoires, nous votons des allégements de cotisations ou des allégements d’impôts pour les entreprises. Nous en voyons aujourd’hui les résultats.

Ce que l’on appelle la marge des entreprises est revenue au niveau d’avant la crise économique de 2008, avec une marge supplémentaire. C’est pour les entreprises la possibilité d’investir et d’embaucher. Évidemment, la lutte contre le chômage reste notre première priorité.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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En 2015, pIus d’un million de migrants ont risqué leur vie pour atteindre les rives européennes. Aujourd’hui, ils sont déjà plus de 120 000, et plus de 400 ont péri en mer. Il ne s’agit pas d’une crise migratoire temporaire, mais d’un phénomène nouveau, global et durable qui résulte de conflits traités par la force sans issue diplomatique et de déséquilibres devenus insoutenables entre le Nord et le Sud.

En réponse à cette détresse humaine, l’Europe fait la

démonstration de son incapacité à formuler une réponse politique commune et digne. Les frontières se ferment, les barbelés se dressent au rythme d’une xénophobie croissante,…

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…et l’on assiste à un indécent marchandage de ces vies humaines, à savoir « un réfugié contre un migrant ».

Tel aura été l’enjeu de l’accord conclu le 18 mars entre les chefs d’État européens et la Turquie.

Désormais, toute personne arrivant de manière irrégulière

de Turquie en Grèce sera renvoyée en Turquie. Quant aux Syriens, leur demande d’asile sera systématiquement rejetée.

Cet accord lâche et inefficace est unanimement dénoncé par les organisations humanitaires, parce qu’il piétine toutes les conventions internationales qui consacrent le droit d’asile et protègent les réfugiés.

En échange – car il s’agit bien d’un marchandage –, l’Europe s’est notamment engagée à relancer le processus d’adhésion de la Turquie en soutenant ainsi de fait son président qui, aux antipodes du respect des droits de l’Homme, réprime les minorités kurdes et bâillonne les médias « gênants ».

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Et la Légion d’honneur remise au prince héritier d’Arabie saoudite ?

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Décidément, entre les débats sur la déchéance de nationalité et la jungle de Calais, la France ne s’honore pas. Compte-t-elle enfin...

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Merci.

La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger.

Debut de section - Permalien
Matthias Fekl, secrétaire d’état chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger

Madame la députée, je vous prie de bien vouloir excuser le ministre des affaires étrangères, actuellement en déplacement en Corée pour le lancement de l’année France-Corée et la célébration des cent trente ans de relations diplomatiques avec ce pays. Je veux également vous présenter les excuses du ministre de l’intérieur, qui est en ce moment même au Sénat pour un débat sur les moyens du renseignement.

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Et le Premier ministre est également absent !

Debut de section - Permalien
Matthias Fekl, secrétaire d’état chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger

Le Gouvernement partage bien sûr votre préoccupation, l’humanisme qui a présidé à votre question et l’attention aux libertés publiques qui en résulte. Nous sommes aujourd’hui confrontés à une crise migratoire d’une gravité et d’une importance sans précédent, avec plus de deux millions de réfugiés qui se trouvent aujourd’hui en Turquie.

L’accord du 18 mars auquel est parvenue l’Union européenne a pour vocation de répondre à cette situation. Dans le cadre de ces travaux, nous sommes extrêmement attentifs à la question des droits de l’Homme et à celle du respect du droit d’asile. C’est la raison pour laquelle la France et l’Allemagne ont décidé en commun, dans une lettre commune, suivant la décision du Président de la République et du ministre de l’intérieur pour ce qui concerne la France, d’envoyer des moyens supplémentaires sur place pour respecter et faire respecter le droit d’asile et les libertés.

Nous ne sommes pas engagés dans un marchandage. Nous sommes engagés dans une résolution globale d’une situation dans laquelle toutes les parties prenantes doivent prendre leurs responsabilités. Et la Turquie, qui est en première ligne – c’est un fait, qu’on le veuille ou non – , doit évidemment en être partie prenante. Telle est la philosophie qui a présidé à cet accord, et nous sommes extrêmement attentifs à ce que dans les principes et dans la mise en oeuvre, les libertés fondamentales qui sont au coeur de l’Union européenne soient respectées.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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La parole est à M. Joël Giraud, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

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Madame la ministre de la fonction publique, le point d’indice de la fonction publique sert de base au calcul du salaire de quelque 5,4 millions d’agents de la fonction publique, soit 20 % de la population active. Or, depuis 2010, ce point d’indice est gelé. De 2010 à 2013, le pouvoir d’achat des agents a baissé de 1,3 %, alors que celui des salariés du privé restait stable. Depuis le quinquennat précédent, les fonctionnaires ont pris toute leur part de l’effort de redressement de notre pays. Nous connaissons aussi la faiblesse de certains salaires, notamment dans les collectivités.

La semaine dernière, vous avez décidé de dégeler ce point d’indice à hauteur de 1,2 % en année pleine, hausse significative qui concerne tous les fonctionnaires des trois fonctions publiques et prend en compte les efforts faits par les fonctionnaires depuis quelques années. Cette mesure était importante, mais surtout nécessaire pour ces agents. Elle vient leur apporter la reconnaissance qu’ils méritent pour leur travail au quotidien au service du bien commun.

Au lendemain des attentats qui ont endeuillé notre nation – et, malheureusement, d’autres aussi –, nous constatons combien les services publics sont précieux et indispensables. Par cette mesure, vous reconnaissez l’engagement des salariés du public, et vous défendez aussi une vision de la France.

Dans le contexte économique que nous connaissons, cette mesure de justice sociale est un effort non négligeable de la part du Gouvernement, mais elle représente un coût conséquent pour les employeurs concernés, notamment les petites collectivités.

Quel calendrier adopterez-vous pour la mise en place de cette revalorisation et comment envisagez-vous de concilier revalorisation et baisse de dotation des collectivités, notamment en pesant sur le débat actuel sur la réforme de la dotation globale de fonctionnement – DGF ?

Au-delà de la question du dégel du point d’indice, que comptez-vous faire pour l’année qui vient ? Dans quelle stratégie globale s’inscrit cette hausse ?

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En définitive, madame la ministre, quelle est votre vision de la fonction publique et de son rôle dans notre société ?

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La parole est à Mme la ministre de la fonction publique.

Debut de section - Permalien
Annick Girardin, ministre de la fonction publique

Monsieur le député, vous l’avez dit, avec le dégel du point d’indice de la fonction publique, le Gouvernement a fait en direction des fonctionnaires, des agents de la fonction publique, un geste fort…

Debut de section - Permalien
Annick Girardin, ministre de la fonction publique

…qui souligne notre attachement à la fonction publique et reconnaît l’engagement au quotidien de ces 5,5 millions de fonctionnaires qui ne sont pas des travailleurs comme tout le monde, engagés au quotidien aux côtés des Français. Le seul exemple que j’en donnerai sera celui des fonctionnaires face à la menace du terrorisme et à la montée des actes terroristes.

Au-delà du dégel du point d’indice, nous n’avons pas attendu 2016 pour agir.

Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Annick Girardin, ministre de la fonction publique

En 2014 et en 2015, le Gouvernement a fait un effort particulier pour les salaires les plus bas de la fonction publique – ceux des fonctionnaires de catégorie C, à qui je veux rendre hommage.

Nous avons également mis en place, toujours dans une vision globale, un cadre qu’on peut désigner comme « global », afin de valoriser les carrières et les rémunérations. Ce travail sera mis en application et se verra sur la feuille de paie des fonctionnaires entre 2016 et 2020.

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Et comment fait-on pour payer dans les collectivités locales ?

Debut de section - Permalien
Annick Girardin, ministre de la fonction publique

Le cap que je me suis fixé en tant que ministre de la fonction publique est clair : c’est de travailler pour une fonction publique moderne et innovante, de travailler aux côtés des organisations syndicales et de l’ensemble des employeurs pour une fonction publique plus ouverte sur la société, qui ressemble davantage à la société et relève les défis de demain

Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Annick Girardin, ministre de la fonction publique

– les défis écologiques et énergétiques, ainsi que ceux de la démographie et du numérique.

Je suis d’accord avec vous, monsieur Giraud : cette fonction publique de demain doit davantage répondre aux attentes de la France et des Français. C’est ce que souhaite le Gouvernement.

Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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La parole est à M. Jean-François Copé, pour le groupe Les Républicains.

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Madame la ministre du travail, je ne parviens pas à comprendre pourquoi, dans le texte de que vous présentez et qui a vocation à aider à la vie économique et à faciliter la vie de l’entreprise, vous avez décidé d’introduire dans le code du travail, pour la première fois, le fait religieux.

Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Vous l’introduisez de la manière la plus délicate et la plus dangereuse, en indiquant que vous permettez au salarié de manifester ses convictions religieuses sur son lieu de travail, ce qui créera évidemment de l’insécurité dans le climat même de l’entreprise – d’abord, vis-à-vis des autres salariés de celle-ci, mais aussi vis-à-vis de l’employeur, mis en situation délicate, car il lui incombera de justifier un refus pour nécessité de service. Concrètement, madame la ministre, vous allez créer un rapport de force très difficile à vivre, au détriment de l’employeur et des autres salariés.

Approbations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.

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Ce n’est pas l’idée que nous nous faisons de la laïcité et de la neutralité dans l’entreprise.

Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe Les Républicains et sur plusieurs bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Compte tenu de ce qui s’est produit dans la crèche Baby Loup et des travaux mis en oeuvre aujourd’hui, je rappelle que nous avons formulé voilà deux ans une proposition de loi, refusée par le Gouvernement, visant à ce que ce soient les employeurs qui fixent un règlement intérieur permettant à chacun, dans la concorde, de manifester sa pratique s’il le souhaitait, en veillant toutefois à ce que cela soit organisé. Au lieu de cela, vous introduisez, par le biais des salariés, un risque de rapport de forces.

Tout cela n’est pas raisonnable : vous proposez une demande d’accommodement raisonnable face à des revendications déraisonnables ! Je vous demande donc, madame la ministre, de voir s’il n’est pas possible de retirer cette disposition avant qu’il soit trop tard. Vous évoquez en effet une mesure à droit constant mais, aujourd’hui, le droit constant n’est pas clair.

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur de nombreux bancs du groupe de l’Union des démocrates.

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La parole est à Mme la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Monsieur le député, le Premier ministre a demandé à Robert Badinter, dans le cadre d’une mission, d’ériger les grands principes du droit du travail à droit constant.

« Et alors ? » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Dans la version qui sera présentée demain en Conseil des ministres, ces principes n’intégreront pas le code du travail – ni aujourd’hui, ni demain. C’est donc là une première contrevérité.

Ces principes doivent guider la commission de réécriture du code du travail jusqu’à l’horizon 2019. Vous faites ici référence au sixième principe porté par la commission Badinter,

« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

selon lequel, en effet, la liberté d’exprimer ses convictions, y compris religieuses, peut être limitée par l’employeur pour les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise et pour l’exercice d’autres libertés fondamentales des collègues de travail.

Cessons donc de propager une deuxième contrevérité : ce principe est l’état du droit actuel. C’est la stricte reprise de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, du Conseil d’État et de la Cour de cassation.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Ma loi n’apporte aucun changement, aucune évolution par rapport au droit actuel.

Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Il y aura un débat parlementaire. Tous les députés peuvent évidemment modifier l’expression du droit actuel – vous en avez, bien sûr, la liberté –, mais ne faisons pas croire que ce principe apporte une évolution du droit actuel.

Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Par ailleurs, la gestion du fait religieux en entreprise demande un vrai travail, que nous menons avec les partenaires sociaux.

Mêmes mouvements.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Monsieur Copé, puisque vous souhaitez faire de la politique autrement,

Vives exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

cessez donc ces polémiques artificielles, aussi peu digestes que celle des pains au chocolat !

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen. – Huées sur les bancs du groupe Les Républicains.

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La parole est à M. Sergio Coronado, pour le groupe écologiste.

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Les vingt-huit pays membres de l’Union européenne ont conclu un accord avec la Turquie, le 18 mars, comme l’a rappelé ma collègue Jacqueline Fraysse, afin d’endiguer le flux des migrants qui s’échouent aujourd’hui sur les côtes grecques et dont la majorité relève de la Convention de Genève. Depuis la date du 20 mars, ces enfants, ces femmes et ces hommes qui fuient les atrocités de la guerre, dont le sort nous bouleverse, sont ainsi renvoyés en Turquie.

Cet accord a soulevé, à juste titre, les plus vives critiques. Le Haut-Commissariat aux réfugiés, dit HCR, a dénoncé la transformation des hotspots, centres d’accueil à l’origine, en centres de rétention et d’expulsion de personnes dont la plupart ont besoin de protection. D’ores et déjà, le HCR a mis un terme à une partie de ses opérations sur les îles grecques de Lesbos et Chios.

L’Union européenne va donc renvoyer des demandeurs d’asile à majorité syrienne en Turquie, un pays dont nous connaissons la situation actuelle. La guerre que mène le président Erdogan contre le terrorisme n’y épargne personne : ni l’opposition parlementaire, ni les journalistes, ni les universitaires, ni les organisations des droits humains – neuf avocats ont encore été arrêtés mercredi dernier.

Disons-le clairement : la Turquie, moyennant finances, est invitée à se transformer en camp d’hébergement pour ceux qui fuient les tortures, les viols et la mort, et dont l’Europe ne veut pas qu’ils foulent son sol.

Répondant à une de mes questions lors de son audition en commission des lois, le Défenseur des droits, Jacques Toubon, a appelé hier à s’interroger sérieusement sur la légalité internationale et européenne de cet accord.

Conformément à la directive de 2013, pour être considérée comme un pays sûr, la Turquie doit au moins ratifier la Convention de Genève sans aucune limitation géographique, ce qui n’est pas aujourd’hui le cas. En outre, ces réfugiés, une fois expulsés, n’ont aucune garantie de ne pas être refoulés vers un pays tiers, où leur vie pourrait être en danger.

Monsieur le secrétaire d’État, alors que la politique régionale d’Ankara reste plus que contestable, que le gouvernement turc combat avec plus de détermination les Kurdes que Daech, comment pouvez-vous, en notre nom, justifier un tel accord ? À nos yeux, l’Europe se déshonore en l’appliquant.

Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur quelques bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger.

Debut de section - Permalien
Matthias Fekl, secrétaire d’état chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger

Monsieur le député, vous m’interrogez à votre tour sur un sujet très important. Le Gouvernement se félicite que le Parlement exerce un contrôle attentif et scrupuleux sur toutes les questions touchant aux libertés publiques, même dans cette situation de crise migratoire.

La Turquie est en première ligne des flux migratoires, avec plus de 2 millions de réfugiés présents sur son territoire et un afflux quotidien de 2 000 réfugiés depuis la Turquie vers la Grèce.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous l’avez déjà dit ! Ce n’est pas le sujet !

Debut de section - Permalien
Matthias Fekl, secrétaire d’état chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger

Nombre de ces réfugiés se trouvent, en Grèce comme en Turquie, dans une situation indigne d’un être humain. Voilà la réalité de la situation aujourd’hui.

Cet accord vise à répondre à cette préoccupation et à dissuader un certain nombre de personnes de traverser la mer Égée à leurs risques et périls avec, parfois, la mort à la clef. Il vise également à lutter contre le trafic des êtres humains qui, dans cette crise comme dans beaucoup d’autres migrations, existe.

La France est attentive à la question du droit d’asile, fidèle à sa tradition, fidèle à ses principes constitutionnels, fidèle à ses droits fondamentaux. Cela se traduit dans les principes : nous veillons à ce que la Grèce et la Turquie adoptent les modifications législatives nécessaires au plein respect du droit international.

Sur le plan pratique, cela se traduit également par l’envoi de plus de 200 personnels pour Frontex et de plus de 100 personnels pour le Bureau européen d’appui en matière d’asile. C’est ainsi que nous parviendrons à régler la question migratoire dans le respect des principes de l’Union européenne car l’Europe, dans cette affaire, joue son âme ; elle joue aussi une partie de son avenir.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ma question s’adresse à M. le ministre de la défense. À peine élu, François Hollande a pu compter sur nos armées pour mener à bien l’opération Serval au Mali grâce à la loi de programmation militaire votée en 2009.

En 2013, vous avez pourtant décidé de revoir à la baisse le format de notre défense. Avec votre loi de programmation militaire, votée par votre majorité, vous avez ainsi pris le risque d’affaiblir nos forces armées malgré un contexte international excessivement dangereux.

Debut de section - Permalien
Un député du groupe socialiste, républicain et citoyen

Vous ne savez pas lire !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

En 2015, faute d’avoir écouté nos propositions, la situation s’est tellement détériorée que vous avez décidé, dans l’urgence absolue, de faire adopter par le Parlement une nouvelle loi de programmation militaire « actualisée ».

Pour autant, cette nouvelle loi, qui n’est pas à la hauteur des enjeux, n’a pas apporté de réponse satisfaisante à cette dégradation de notre outil militaire.

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La déclaration récente d’un général lors d’une conférence publique le confirme : « Nous consommons le matériel. Une année d’OPEX – opérations extérieures – équivaut à 2,5 années en métropole. Dans cinq ans, notre capital sera entièrement consommé. » Quant à notre armée de l’air, elle ne peut pas aligner aujourd’hui plus de vingt appareils en OPEX, faute de moyens suffisants.

Depuis 2012, malgré les dangers qui menacent la France, François Hollande a privilégié le recrutement de 60 000 fonctionnaires supplémentaires pour le compte du ministère de l’éducation nationale,…

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

…au détriment de ce qui aurait pourtant dû être une priorité : le budget de la défense.

Monsieur le ministre, même si vous pouvez encore compter sur l’engagement admirable de nos soldats, compte tenu de l’importance de l’effort que vous exigez d’eux quotidiennement, allez-vous enfin obtenir concrètement du Président de la République l’engagement de faire du budget de la défense une priorité absolue ?

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves le Drian, ministre de la défense

Monsieur le député, je voudrais vous remercier de me donner l’occasion de rappeler ici que, pour la première fois dans l’histoire de la République, une loi de programmation en cours d’exécution a été révisée à la hausse ! Merci de me donner cette opportunité de le dire !

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves le Drian, ministre de la défense

Merci, monsieur Meunier, de me donner l’opportunité de rappeler que le Président de la République a décidé de renforcer les crédits affectés à nos armées de 3,8 milliards d’euros d’ici 2019.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves le Drian, ministre de la défense

Merci de me donner l’occasion de répéter qu’à la demande du Président de la République, il a été décidé, pour la première fois depuis très longtemps, de réviser à la hausse les effectifs militaires, qui augmenteront de plus de 22 000 personnels d’ici la fin de 2019.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves le Drian, ministre de la défense

Merci, monsieur Meunier, de me donner l’occasion de rappeler à l’Assemblée nationale que, pour la première fois depuis très longtemps, il a été mis fin aux ressources exceptionnelles, ce que de nombreux parlementaires demandaient.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves le Drian, ministre de la défense

Cela a enfin été réalisé, et le financement des dépenses de défense est assuré par des crédits budgétaires réels, contrairement au passé.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves le Drian, ministre de la défense

Merci enfin, monsieur le député, de me permettre de rappeler que les OPEX sont financées à l’euro près, chaque année en fin d’exercice.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves le Drian, ministre de la défense

Merci pour votre contribution personnelle à l’effort national de notre défense !

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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La parole est à M. Alain Fauré, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Monsieur le secrétaire d’État chargé du budget, mercredi dernier, avec Michel Sapin, le ministre des finances et des comptes publics, vous avez annoncé que, conformément à l’engagement du Président de la République, le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu serait mis en place à compter du 1er janvier 2018. Le 19 mai 2015, Le Président de la République François Hollande, en visite à Carcassonne avait rappelé cet engagement attendu des Françaises et des Français.

Cette réforme constitue un réel progrès pour protéger les contribuables des aléas de la vie. Aujourd’hui l’impôt réagit avec un an de retard ; demain il s’adaptera immédiatement, assurant ainsi une justice et une lisibilité plus grandes.

L’enjeu est majeur, dix-sept millions de foyers, soit trente-sept millions de Français étant assujettis à cet impôt qui assure à l’État une recette de 76,7 milliards d’euros. Ces chiffres donnent la mesure de l’exigence avec laquelle cette réforme doit être conduite.

Il est nécessaire de rappeler que la réforme portera seulement sur le mode de paiement de l’impôt sur le revenu, qui sera modernisé et simplifié par des moyens dématérialisés ; les règles et le mode de calcul de l’imposition resteront inchangés.

Les parlementaires et l’administration ont devant eux vingt mois de concertation avec les différentes instances syndicales, associatives et patronales pour travailler à la mise en place du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu.

Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous indiquer à la représentation nationale, dans leurs grandes lignes, le mode opératoire et le calendrier d’une réforme qui concerne un si grand nombre de Françaises et de Français ?

Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d’état chargé du budget

Monsieur le député, j’apporterai trois réponses à votre question.

La première portera sur la méthode. Vous l’avez rappelé, la communication que Michel Sapin et moi-même avons faite devant le conseil des ministres portait sur les grands principes de la réforme. Désormais s’ouvre une période de concertation avec l’ensemble des acteurs – employeurs, syndicats de salariés, associations, mais aussi services de l’administration fiscale, qui vont voir leurs conditions de travail évoluer. Cette phase doit déboucher cet été sur l’adoption d’un texte qui nous permettra de laisser à tous les acteurs le temps d’opérer les adaptations techniques et structurelles nécessaires.

Deuxièmement, ce qui ne va pas changer, comme vous l’avez rappelé, ce sont les modes de calcul et les grands principes de l’impôt français sur le revenu : progressivité, familialisation, existence de crédits d’impôt ayant pour vocation d’inciter à certains comportements.

Jusqu’au 1er janvier 2018, les contribuables auront toujours affaire au même type de calcul et de prélèvement de l’impôt. La nouveauté, c’est que l’impôt sur le revenu sera prélevé au fil de l’eau, c’est-à-dire en en adaptant le taux et les conditions à chaque changement de la situation du ménage – naissance, séparation, perte d’un emploi, départ en retraite – qui nécessitera d’adapter l’impôt à l’année même où les revenus seront perçus.

Cette souplesse sera possible à l’intérieur d’un couple, par exemple, ou pour certaines professions indépendantes, qui pourront adapter l’impôt en temps réel à leur situation – je pense notamment aux professions agricoles.

Neutre, moderne, juste : ce sont les caractéristiques d’une bonne réforme.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le Premier ministre, la course aux décisions électoralistes est lancée !

« C’est sûr ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.

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Quel festival de dépenses nouvelles, non prévues dans le budget 2016 et qui impacteront lourdement les budgets 2017 et 2018.

« Eh oui ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.

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Récapitulons : augmentation du point d’indice de 1,2 %, soit 600 millions dès 2016 et 2,4 milliards d’euros en année pleine.

« Olé ! » sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe Les Républicains ; « Bravo ! » sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Extension de la garantie jeune : 500 millions dès 2016 et au moins un milliard dès 2017.

Mêmes mouvements.

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Accord sur la modernisation des parcours professionnels, des carrières et des rémunérations dont le coût sera de près d’un milliard supplémentaire chaque année d’ici 2020, d’après la Cour des comptes.

Mêmes mouvements.

Mêmes mouvements.

Debut de section - Permalien
Un député du groupe socialiste, républicain et citoyen

Vous êtes contre ?

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Mesures d’urgence en faveur du monde agricole : 500 millions en 2016.

Mêmes mouvements.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Généralisation du service civique : 150 millions dès 2016, et rien de tout cela n’est financé.

Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Au total, ce sont trois milliards de dépenses supplémentaires dès 2016 et de l’ordre de huit milliards de dépenses supplémentaires pour le budget 2018 qui ne sont pas financées. Voilà une facture bien lourde que vous comptez laissez à la prochaine majorité !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ce choix de relancer la dépense publique, à quelques mois du début officiel de la campagne présidentielle, revient à sacrifier le redressement de nos comptes publics à des fins électoralistes…

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… et ce alors même que la Commission européenne vient de nouveau d’épingler la France, jeudi 4 février.

Monsieur le Premier ministre, ma question est toute simple : comment le Gouvernement compte-t-il financer ces dépenses nouvelles tout en réduisant nos déficits publics conformément à nos engagements européens ?

Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe Les Républicains.

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La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d’état chargé du budget

Monsieur le député Charles de Courson, je voudrais vous remercier (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe Les Républicains.)…ne serait-ce que de nous avoir rajeuni d’un an.

En effet, monsieur de Courson, il y a un an, quasiment jour pour jour, vous nous teniez les mêmes discours.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d’état chargé du budget

Certes, les sujets n’étaient pas tout à fait les mêmes. Vous nous disiez alors que le plan de lutte contre le terrorisme allait se traduire par 900 millions d’euros de dépenses supplémentaires et que les dispositifs de suramortissement destinés aux entreprises allaient entraîner une dépense supplémentaire de 750 millions d’euros.

Debut de section - Permalien
Un député du groupe Union des démocrates et indépendants

Il avait raison !

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d’état chargé du budget

Vous nous disiez que l’inflation étant plus faible que prévu, il allait nous manquer dix milliards de recettes ; que nous avions inscrit des milliards de dépenses non financées.

Je peux vous rassurer…

Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d’état chargé du budget

puisque l’INSEE publiera vendredi matin les comptes de 2015, desquels vous disiez pis que pendre.

L’objectif était un déficit public contenu à 3,8 %. Je crois savoir, compte tenu des informations, certes encore partielles, dont nous disposons, que nous devrions atteindre cet objectif, voire faire mieux.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen ; protestations sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d’état chargé du budget

Vous avez constaté, monsieur de Courson, que notre bonne gestion des dépenses publiques, qui finance par des économies toutes les dépenses nouvelles, nous permet effectivement d’être réactifs face aux besoins nouveaux qui apparaissent au fil de l’année, comme ça arrive à tous les ménages, toutes les collectivités, et de les financer au fur et à mesure, tout en respectant, comme le Premier ministre l’a rappelé ce matin devant la Commission européenne, nos objectifs de réduction des déficits. Nous l’avons fait en 2014 et en 2015 et nous le ferons en 2016.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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La parole est à M. Pierre Lellouche, pour le groupe Les Républicains.

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Ma question s’adressait à M. le Premier ministre, mais il n’est pas là.

En pleine guerre contre le terrorisme, et alors que le Premier ministre, justement, a rappelé ce matin même l’urgence qu’il y avait à protéger les frontières extérieures de l’Union, le Président de la République française a apposé vendredi dernier la signature de la France sur un accord avec la Turquie qui apparaît comme un véritable renoncement s’agissant de la sécurité de la France.

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Renoncement d’abord, parce que depuis des mois, vous avez laissé l’Allemagne décider seule, d’abord en ouvrant toutes grandes les portes de l’Union…

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…puis en négociant toute seule, avec le Premier ministre turc, un véritable marchandage de bazar…

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

…aussi indigne qu’inefficace.

D’un côté, l’Europe s’engage à payer 6 milliards d’euros et à lever les visas pour les 80 millions de citoyens turcs ; de l’autre, les Turcs s’engagent à reprendre, sur la base d’un pour un, les migrants arrivés en Grèce, tandis que d’autres réfugiés seraient envoyés en Europe.

C’est là qu’intervient le second renoncement, mes chers collègues, puisque cet accord revient effectivement à confier à la Turquie le soin de protéger les frontières…

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…ce qu’apparemment nous ne sommes pas capables de faire nous-mêmes. D’où ces quatre questions.

Pourquoi la Turquie accueillerait-elle aujourd’hui des migrants, alors que des accords de réadmission existent déjà, qu’elle refuse d’appliquer ?

Comment faire confiance à un pays dont le Président, M. Erdogan, a dit vendredi, le jour même de la signature : « L’Europe danse sur un champ de mines en soutenant » – de façon hypocrite – « directement ou indirectement, le terrorisme » ? Voilà ce qu’a dit le Président turc !

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Troisième question : qui va intercepter les migrants ? La marine française, la marine allemande, l’OTAN ?

Quatrième question : que va dire le Gouvernement alors que l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, l’OFPRA, est contre cet accord ?

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.

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La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger.

Debut de section - Permalien
Matthias Fekl, secrétaire d’état chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger

Je sais que tout est dans tout et réciproquement, mais sur des sujets d’une telle gravité, il faut regarder les choses avec une grande lucidité et beaucoup de calme.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

C’est ce que nous faisons. Arrêtez de vous payer de mots !

Debut de section - Permalien
Matthias Fekl, secrétaire d’état chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger

Tout le monde sait, sur les bancs de cette assemblée, que c’est l’un des traits qui vous caractérisent.

Sur cette question dramatique, alors que l’essentiel est en jeu pour l’Union européenne – je pense que nous pouvons être d’accord là-dessus –, est-ce que la situation est parfaite aujourd’hui ? Non.

Est-ce que l’Union européenne telle qu’elle est aujourd’hui parvient à parfaitement régler la situation ? Non : à l’évidence, non.

Pourquoi ? Parce que l’Europe n’a pas été créée pour cela. Elle est aujourd’hui à un tournant. Elle doit se réinventer, devant une crise majeure, devant un afflux de réfugiés importants…

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Répondez à mes questions, qui sont précises !

Debut de section - Permalien
Matthias Fekl, secrétaire d’état chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger

Je vais vous répondre, monsieur Lellouche.

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Faites respecter les droits du Parlement, monsieur le président !

Debut de section - Permalien
Matthias Fekl, secrétaire d’état chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger

Il faut, sur ce sujet, avoir une approche globale. Il y a un pays qui est en première ligne. C’est vrai pour le nombre de réfugiés qui se trouvent en Turquie : 2 millions. C’est vrai pour la menace terroriste, qui frappe aussi le peuple turc, à Istanbul comme ailleurs. Et je veux ici, au nom du gouvernement de la France, redire notre solidarité avec le peuple turc qui, comme des peuples de l’Union européenne, est victime de la barbarie terroriste et a le droit d’être défendu.

Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

Debut de section - Permalien
Matthias Fekl, secrétaire d’état chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger

Il faut travailler sur ce sujet, et le Premier ministre est d’ailleurs en ce moment même à Bruxelles, avec le secrétaire d’État chargé des affaires européennes, pour ce faire.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Quatre questions, et il vous reste vingt secondes !

Debut de section - Permalien
Matthias Fekl, secrétaire d’état chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger

Nous travaillons pour avoir une approche globale avec la Turquie…

Debut de section - Permalien
Matthias Fekl, secrétaire d’état chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger

…pour respecter le droit d’asile, pour accueillir les réfugiés qui doivent l’être en Europe et aussi, mais c’est un travail de longue haleine…

Debut de section - Permalien
Matthias Fekl, secrétaire d’état chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger

…pour sécuriser les frontières de l’Union européenne. C’est un défi majeur pour l’avenir de l’Europe.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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La parole est à M. Rudy Salles, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ma question s’adressait à M. le Premier ministre.

Avant même les événements de Bruxelles, j’avais l’intention de vous interroger sur la sécurité dans nos aéroports, notamment les jours de grève.

En effet, je me suis trouvé, comme beaucoup de passagers, bloqué à l’aéroport d’Orly dimanche après-midi. En raison de la grève des contrôleurs aériens, les passagers ne pouvaient pas entrer en salle d’embarquement et devaient attendre dans le hall jusqu’à ce que le départ de leur vol soit confirmé ou annulé.

C’est ainsi que plus de 500 personnes se sont trouvées immobilisées les unes contre les autres pendant de longues heures. Cet état de fait m’a conduit à m’interroger sur les risques d’attentat en pareille situation.

C’est pourquoi je crois que de tels rassemblements, dans les aéroports, les gares ferroviaires ou routières, sans contrôle, les jours de grève, devraient être mieux réglementés, voire interdits, à moins que le droit de grève lui-même ne doive être réexaminé quand la sécurité des personnes est en jeu. Je pense que les grévistes devraient avoir l’obligation de déclarer à l’avance et définitivement les vols annulés, au lieu de les annuler à la dernière minute comme c’est le cas aujourd’hui. Cela résoudrait ce type de problèmes. Je vous demande donc quelles initiatives vous comptez prendre et si vous partagez cette analyse. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et sur quelques bancs du groupe Les Républicains.).)

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La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche.

Debut de section - Permalien
Alain Vidalies, secrétaire d’état chargé des transports, de la mer et de la pêche

Monsieur le député, nous étions ce matin, avec le ministre de la défense et celui de l’intérieur, à Roissy pour la mise en oeuvre des mesures qui ont été annoncées hier à la suite des événements dramatiques. La question de la sécurité dans les aéroports est évidemment légitime. Nous avons constaté le nombre de patrouilles supplémentaires mises en place par la gendarmerie des transports, mais aussi dans le cadre de l’opération Sentinelle.

Nous avons examiné les nouvelles procédures, comme la nécessité d’avoir une pièce d’identité dans l’espace public, mais aussi les questions qui posent quand on a passé les contrôles.

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Ce n’est pas la question ! On vous interroge sur les grèves !

Debut de section - Permalien
Alain Vidalies, secrétaire d’état chargé des transports, de la mer et de la pêche

Vous avez abordé aussi, dans votre question, le problème de la grève. C’est un raisonnement qui, de mon point de vue, est aux limites du sophisme. Pourquoi ?

Les deux questions sont légitimes. On a le droit le s’interroger sur la sécurité dans les aéroports, et je viens de vous répondre. On a aussi le droit de poser une question sur la grève dans les aéroports. Mais faire le lien entre la question des attentats et celle de la grève vous place sur un terrain qu’intellectuellement je ne peux pas partager et que le Gouvernement ne peut pas partager.

Il y a bien deux questions, et je pense qu’il est plus rationnel de répondre à l’une et à l’autre. Sur la première, j’ai répondu. Sur la seconde, le choix du Gouvernement est celui du dialogue social. Je le dis clairement, au sujet de la grève qui a eu lieu dimanche : le Gouvernement regrette qu’une organisation syndicale, alors que nous étions dans la phase de négociation au sein de la direction générale de l’aviation civile, ait choisi le moyen de la grève.

Il y avait deux questions : il ne s’agissait pas de les mélanger, et elles nécessitaient deux réponses.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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La parole est à Mme Valérie Lacroute, pour le groupe Les Républicains.

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Monsieur le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche, les premières annonces du Gouvernement le 19 février dernier sur l’avenir des trains d’équilibre du territoire – TET – n’ont pas suffi à calmer les inquiétudes des usagers et des élus locaux, qui craignent un démembrement pur et simple des trains Intercités.

C’est bien un sacrifice délibéré de l’activité ferroviaire qui se prépare avec des conséquences désastreuses pour nos territoires, pour le quotidien des Français et pour une partie des Franciliens.

Après l’abandon programmé des trains de nuit, des échos internes à la SNCF laissent entendre que l’État s’apprêterait à alléger drastiquement un certain nombre de dessertes, privant ainsi des villes moyennes ou plus petites de leur halte ferroviaire. L’association des villes moyennes de France s’est d’ailleurs émue il y a quelques jours du risque d’« érosion irrémédiable » du service.

À ce titre, la ligne Paris-Nevers, largement empruntée par des Franciliens, doit être confortée dans la réflexion engagée par le préfet coordonnateur du dossier Intercités.

Aujourd’hui, plus de 700 personnes empruntent en gare de Nemours-Saint-Pierre les deux Intercités du matin. On ne peut pas imaginer le report de ce trafic sur le réseau Transilien, déjà complètement saturé.

La réflexion sur l’avenir des TET ne doit pas se résumer à un transfert de charges et de dettes aux conseils régionaux mais doit faire l’objet d’une concertation étroite entre l’État, les régions – y compris l’Île-de-France – et les villes pour construire un réseau ferroviaire qui réponde aux attentes de nos concitoyens.

Monsieur le secrétaire d’État, ne sacrifiez pas nos territoires sur l’autel de la seule rentabilité et de l’équilibre des comptes de l’État ! Ne multipliez pas les fractures territoriales en privant des centaines de milliers de Français du droit de se déplacer pour aller travailler ou étudier !

Pouvez-vous préciser à la représentation nationale vos intentions pour assurer la pérennité des TET et pour ne pas condamner nos villes à regarder passer les trains ?

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

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La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche.

Debut de section - Permalien
Alain Vidalies, secrétaire d’état chargé des transports, de la mer et de la pêche

Madame la députée, je vais essayer de vous rassurer tant sur le plan de la méthode que sur le fond.

La méthode, tout d’abord. À l’issue du rapport de la commission présidée par M. Duron au sein de laquelle toutes les sensibilités étaient représentées, le Gouvernement a mis en oeuvre une réforme des TET qu’il décline régulièrement à travers plusieurs phases, que vous avez rappelées.

Le fond, ensuite. Je tiens simplement à dire que l’engagement du Gouvernement pour les TET s’est concrétisé ces dernières semaines par le lancement d’un appel d’offres pour de nouveaux matériels à hauteur de 1,5 milliard, trente rames ayant été directement commandées à Alstom.

Les lignes structurantes continueront quant à elles à relever de la compétence de l’État – ce n’est pas le sens de votre question mais je tenais à le préciser à nouveau.

Par ailleurs, des négociations sont aujourd’hui en cours avec les régions. Pourquoi ? Notre objectif n’est pas de réaliser des économies coûte que coûte mais de rationaliser un minimum un système dont sont parties prenantes à la fois les régions – qui sont organisatrices – et l’État – organisateur des TET sur des lignes qui sont parfois les mêmes ou se recoupent. Les présidents de région, quelle que soit leur étiquette politique, sont d’ailleurs parfaitement ouverts à cette discussion. Cette phase s’achèvera le 1er juillet et les réponses sont d’ores et déjà diverses.

Enfin, s’agissant de la ligne Paris-Nevers et de la gare de Nemours – puisque telle était votre préoccupation – je vous confirme qu’il n’existe à ce jour et à ma connaissance aucune remise en cause de leur existence. Simplement, trois régions sont concernées et la négociation doit avoir lieu.

Vous pouvez donc être complètement rassurée quant aux intentions du Gouvernement, lequel souhaite maintenir les TET pour l’équilibre des territoires.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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La parole est à Mme Françoise Descamps-Crosnier, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Madame la ministre de la fonction publique, la France bénéficie d’une fonction publique exemplaire. Nos fonctionnaires, loin de l’image parfois véhiculée dans les médias voire même par certains responsables publics, s’investissent pleinement dans leurs missions, au service de l’intérêt général. Leur engagement auprès de nos concitoyens est entier comme nous pouvons le constater tous les jours.

Après plusieurs années de « fonctionnaire bashing » et de RGPP appliquée avec une logique aveuglément comptable, la majorité a souhaité reconnaître la qualité de la fonction publique française et renforcer les éléments qui fondent sa valeur.

Parmi eux, il y a évidemment le statut et le choix d’une fonction publique de carrière qui permettent d’assurer que la loyauté première du fonctionnaire va au service public, à l’intérêt général, et non aux intérêts partisans.

Cette reconnaissance, c’est le sens du projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires que notre Assemblée examinera à nouveau le 5 avril prochain.

Cette reconnaissance, c’est aussi le sens des mesures prises depuis 2012 en faveur du pouvoir d’achat des fonctionnaires, la revalorisation des grilles indiciaires pour les agents de catégorie C et B en 2014 et en 2015 dans le cadre du protocole dit « PPCR » – parcours professionnels, carrières et rémunérations. Je tiens d’ailleurs à saluer ici le travail réalisé ces dernières années par votre prédécesseur, Mme Lebranchu.

La semaine dernière, le Gouvernement a décidé de franchir une étape importante dans cette reconnaissance du travail des agents publics et des efforts qu’ils ont consentis depuis six ans pour contribuer au redressement des finances publiques en décidant de revaloriser de 1,2 % le point d’indice.

Je salue cette décision, madame la ministre, qui illustre votre engagement ainsi que le sens de l’écoute et du dialogue que vous manifestez aussi à l’occasion de vos déplacements comme nous l’avons vu encore récemment, lundi, à Gargenville et à Mantes-la-Jolie.

Madame la ministre, pouvez-vous détailler à la représentation nationale les implications de cette décision et développer la réponse que vous avez commencé à donner à mon collègue Joël Giraud ?

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La parole est à Mme la ministre de la fonction publique.

Debut de section - Permalien
Annick Girardin, ministre de la fonction publique

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, madame la députée Françoise Descamps-Crosnier, la revalorisation du point d’indice était nécessaire et nous en sommes tous conscients ici car le pouvoir d’achat des fonctionnaires a diminué.

Non, les fonctionnaires ne sont pas des privilégiés ! En six ans, leur salaire net a diminué de 1,3 % quand les salaires du secteur privé sont restés stables.

Debut de section - Permalien
Annick Girardin, ministre de la fonction publique

Alors, oui, il était temps, et c’était légitime, de mettre fin à ce gel du point qui avait commencé en 2010. Un décret pris en conseil des ministres d’ici la fin du mois de mai permettra de l’augmenter en deux temps : au 1er juillet 2016 et au 1er février 2017.

À la différence de ce que j’ai entendu dire, la revalorisation salariale n’est pas un chèque en blanc tiré sur l’avenir, non – Christian Eckert l’a d’ailleurs affirmé – car elle est financée et s’inscrit dans le cadre du programme de stabilité budgétaire français. Le budget est tenu, comme le prouvent largement les résultats de 2015, et, oui, nous respecterons la trajectoire budgétaire en 2016 !

Avec cette mesure, la politique du Gouvernement à l’endroit des fonctionnaires est équilibrée et juste.

Debut de section - Permalien
Annick Girardin, ministre de la fonction publique

Nous devions aujourd’hui apporter une vraie reconnaissance aux 5,5 millions de fonctionnaires !

Alors que certains ont une vision dogmatique et comptable – on évoque la suppression de 300 000 emplois voire d’un million –, nous considérons quant à nous la valeur ajoutée que représente le travail des fonctionnaires dans notre République.

Je souhaite qu’ils soient défendus et je les défendrai chaque fois qu’ils seront attaqués à tort. En même temps, je veux une fonction publique moderne, innovante, ouverte, et nous allons y travailler ensemble.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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La parole est à M. Jean-Luc Reitzer, pour le groupe Les Républicains.

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Ma question s’adressait à M. le Premier ministre, car elle porte aussi sur la cohérence de certaines déclarations ministérielles.

En effet, alors que le paquet de cigarettes neutre doit entrer en vigueur le 20 mai prochain, la ministre de la santé a déclaré, il y a peu, vouloir « une augmentation forte et significative du prix du tabac le plus vite possible », avant la fin du quinquennat, se disant même favorable à un paquet de cigarettes à 10 euros.

Non seulement ces propos ne respectent pas les engagements du Président de la République vis-à-vis de la profession…

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…mais ils sont également en contradiction avec les affirmations de M. Michel Sapin, ministre des finances…

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…qui affirmait que l’on n’assisterait pas, au cours de la même année, à l’introduction du paquet neutre et à une nouvelle augmentation du prix du tabac.

Ces déclarations contradictoires au sein du Gouvernement ne peuvent naturellement qu’inquiéter les buralistes. S’agissant des Français, nous savons tous qu’ils sont très sceptiques quant à l’efficacité de ce paquet neutre, comme le montre d’ailleurs un récent sondage. Mme Marisol Touraine pousse dès maintenant à une très forte augmentation du prix du tabac, alors que tout montre qu’une hausse brutale a pour effet principal de stimuler les achats sur le marché parallèle, hors de tout contrôle. Et tous les parlementaires frontaliers ici présents pourront vous le confirmer. Il en va d’ailleurs de même en Australie, qui a elle aussi adopté le paquet neutre.

Pouvez-vous réaffirmer que les engagements pris par le Président de la République seront pour une fois tenus et que nos buralistes ne seront pas à nouveau malmenés, voire condamnés par votre gouvernement ?

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

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La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion.

Debut de section - Permalien
Ségolène Neuville, secrétaire d’état chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion

Monsieur le député, je vous prie d’abord d’excuser Mme la ministre de la santé, Marisol Touraine, qui est avec le Président de la République à Lyon pour une conférence internationale sur la sécurité sanitaire.

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Il n’y a plus personne à l’Assemblée nationale !

Debut de section - Permalien
Ségolène Neuville, secrétaire d’état chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion

Je veux répondre très clairement à la question que vous avez posée. Face au fléau du tabagisme, en particulier chez les jeunes, qui cause près de 80 000 décès en France chaque année, c’est-à-dire beaucoup plus que les accidents de la route, il y a deux camps : celui de la résignation et celui de ceux qui veulent faire de la santé publique une priorité.

Debut de section - Permalien
Ségolène Neuville, secrétaire d’état chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion

C’est ce deuxième camp que le Gouvernement a choisi. Or il n’existe pas de mesure miracle pour venir à bout du fléau que constitue le tabagisme en France, en particulier chez les jeunes. C’est en adoptant un ensemble de mesures que nous pourrons faire diminuer la consommation de tabac.

Debut de section - Permalien
Ségolène Neuville, secrétaire d’état chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion

Le paquet neutre a déjà largement montré son efficacité. Pourquoi ? Parce que le packaging actuel, qui use de couleurs, de formes et de logos attrayants et à la mode fait que les jeunes achètent davantage de paquets de tabac. Les décrets relatifs au paquet neutre sont sortis hier. Il sera interdit de produire des paquets autres que neutres à partir du 20 mai ; la distribution des anciens paquets pourra se poursuivre jusqu’au 20 novembre pour les distributeurs, et les buralistes auront quelques semaines de plus pour écouler leurs paquets – la ministre a annoncé hier qu’ils pourraient le faire jusqu’au 1er janvier 2017.

C’est avec des mesures comme celle-ci, et avec l’augmentation du prix du tabac, que nous viendrons à bout de ce fléau.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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La parole est à M. Nicolas Bays, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Monsieur le ministre de la défense, l’année dernière, la France était frappée par les attentats les plus meurtriers de son histoire. Hier, à Bruxelles, le même ennemi, Daech, s’en est pris aux habitants de la capitale européenne. Depuis ces attentats, la France est en guerre, une guerre qui se déroule sur de nombreux théâtres d’opération, intérieurs comme extérieurs, une guerre qui mobilise plus que jamais les armées françaises.

Partout, nos armées luttent contre le terrorisme islamiste. Ce sont près de 10 000 soldats qui sont mobilisés sur le sol national dans l’opération Sentinelle. Nos armées sont employées comme jamais elles ne l’ont été depuis des décennies, et elles le sont parfois aux limites de leurs capacités. Heureusement, elles peuvent bénéficier de ce formidable outil que sont les réservistes. Les réserves sont composées d’anciens militaires d’active, mais aussi de civils qui choisissent de s’engager pour servir leur pays quelques semaines par an.

Quel que soit son statut dans le civil – indépendant, salarié du privé ou agent de la fonction publique – chaque réserviste opérationnel reçoit une formation militaire et sert selon ses compétences, dans le domaine opérationnel ou le soutien. Réalisant parfois les mêmes missions que les militaires d’active, les réservistes opérationnels viennent ainsi en renfort de leurs frères d’armes professionnels, et cet apport capacitaire est fondamental pour nos armées, afin qu’elles puissent remplir leurs missions.

Chaque réserviste prend généralement de son temps libre, et les périodes d’activité sont autant de temps en moins passé avec sa famille. Cet engagement, les réservistes le réalisent également sur leur temps de travail, ce qui nécessite de disposer d’autorisations de l’employeur, surtout pour les longues périodes de service. Cela peut représenter un frein indéniable. Être réserviste est un véritable engagement citoyen, au service de la France et de sa sécurité. Rendons hommage aux réservistes !

Monsieur le ministre, pourriez-vous nous éclairer sur les mesures que vous comptez prendre pour développer cet outil, sur les objectifs du ministère de la défense en matière d’engagement, ainsi que sur les moyens qui seront affectés à ce dispositif ?

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves le Drian, ministre de la défense

Monsieur Bays, vous êtes vous-même officier de réserve, comme plusieurs parlementaires. Vous savez donc de quoi vous parlez.

Dans une période où les menaces sont importantes – vous les avez rappelées –, où les forces armées sont mobilisées sur tous les terrains, et de manière intense, il est essentiel de renforcer les réserves. C’est pour cette raison que j’ai annoncé, lors des premières assises de la réserve militaire, que j’ai inaugurées il y a quelques jours, le renforcement des effectifs de réserve, qui devront passer de 28 000 aujourd’hui à 40 000 à la fin de l’année 2018. C’est un effort considérable.

Je souhaite, dans les opérations intérieures du type Sentinelle, que l’effectif quotidien de réservistes déployés sur le territoire national passe de 400 à 1 000. Vous le voyez, c’est une opération importante qui est engagée, et qui se traduira d’ailleurs par un effort budgétaire que j’ai oublié de rappeler tout à l’heure à M. Philippe Meunier. En 2012, les montants budgétaires affectés aux réserves étaient de 75 millions d’euros ; ils vont passer à 100 millions dès cette année.

Cette mobilisation de la réserve suppose, vous l’avez rappelé, la mobilisation des entreprises, qui doivent permettre à leurs salariés d’être réactifs et de s’absenter parfois pendant de longues périodes. Elle suppose également une valorisation de la réserve, parce que les réservistes ne sont pas des supplétifs, mais des militaires qui, pendant une période de l’année, accomplissent des missions du même type que les autres militaires d’active. C’est cette réforme des réserves que je veux mettre en oeuvre pour la sécurité du pays.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de Mme Catherine Vautrin.

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L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre et qui a fait l’objet d’un vote de rejet par le Sénat, au cours de sa séance du 18 novembre 2015 (nos 3239, 3582).

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La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle.

Debut de section - Permalien
Ericka Bareigts, secrétaire d’état chargée de l’égalité réelle

Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, le drame du Rana Plaza en avril 2013 reste gravé dans nos mémoires. Il est le fait d’une absence de considération totale pour le respect des conditions de travail et des droits des travailleurs. Il aura fallu un drame pour réveiller le monde et nous faire prendre conscience de l’ampleur du chemin à parcourir en matière de responsabilité sociétale des entreprises – RSE. L’achat de vêtements, d’un téléphone, bref, de biens de consommation courante peut apparaître comme un acte banal : mais derrière se cache la réalité des chaînes de production dans des pays où s’approvisionnent les grands donneurs d’ordres et les importateurs.

Vous le savez, le Gouvernement français a réagi dès le lendemain de ce drame, notamment en saisissant son Point de contact national pour faire la lumière sur les responsabilités, en réalité partagées par les donneurs d’ordre, les fournisseurs, les autorités locales étrangères, jusqu’au consommateur final. Nous avons présenté des solutions s’inspirant des principes directeurs de l’Organisation de coopération et de développement économiques – OCDE – à l’intention des entreprises multinationales : des mesures de diligence raisonnables, en particulier pour éviter que de tels drames ne se reproduisent.

La société civile s’est, elle aussi, fortement mobilisée. Nous remercions vivement les initiatives des citoyens car elles jouent un rôle essentiel de mobilisation, permettant de progresser ensemble vers une mondialisation mieux régulée et des entreprises plus soucieuses de l’impact de leur activité sur les droits de l’homme et l’environnement.

Chacun doit soutenir cet engagement en matière de RSE et la France tout particulièrement. La Plateforme RSE – Plateforme nationale d’actions globales pour la responsabilité sociétale des entreprises – joue à cet égard un rôle essentiel de dialogue et de concertation associant l’ensemble des acteurs concernés au niveau national. Dans le secteur privé, les entreprises françaises réalisent de très bonnes performances en matière de RSE, comme le montrent de récentes études.

Forts de notre rôle d’avant-garde, nous nous employons à promouvoir la responsabilité sociétale des entreprises. Le rôle précurseur que notre pays a pu jouer aux niveaux européen et international en matière de transparence RSE, grâce à la loi relative aux nouvelles régulations économiques de 2001, puis à la loi Grenelle 2 de 2010, l’a montré sans ambiguïté.

La France a également apporté une contribution décisive à l’adoption de la directive sur le reporting non financier par l’Union européenne le 22 octobre 2014. Cette directive fixe pour la première fois un cadre de transparence RSE au niveau européen et prévoit en particulier une transparence sur les procédures de vigilance mises en place par les grandes entreprises européennes au sein de leur chaîne de production.

La France a en outre été très active dans l’adoption le 26 juin 2014 de la première déclaration ministérielle sur la conduite responsable des entreprises multinationales, à l’occasion du forum mondial sur la RSE.

Enfin, le G7 a fait des enjeux sociaux et environnementaux dans les chaînes d’approvisionnement mondiales l’une de ses priorités. La France a joué un rôle particulièrement actif dans la promotion de cet agenda, qui permet de poursuivre nos efforts.

C’est dans cette démarche d’exemplarité française en matière de RSE qu’il convient d’inscrire les débats sur la proposition de loi soumise aujourd’hui au vote de votre assemblée.

Le Gouvernement est favorable à l’instauration d’un devoir de vigilance qui permette d’améliorer la détection et la prévention des risques liés à l’activité des grandes entreprises multinationales, en amont de tout dommage. La proposition de loi initiale sur le devoir de vigilance, déposée en 2013 par Philippe Noguès, Dominique Potier et Danielle Auroi, avait permis, au lendemain du drame du Rana Plaza, de faire écho à la mobilisation de la société civile et de démontrer la détermination du Parlement à renforcer la responsabilité sociétale des entreprises multinationales. Cette proposition de loi a eu le mérite de se saisir de ces enjeux importants.

Le Gouvernement partage pleinement l’objectif d’une vigilance renforcée dans les chaînes d’approvisionnement, en particulier auprès des sous-traitants, afin d’identifier les risques et de prévenir les accidents. Toutefois, la proposition de loi initiale soulevait de très sérieuses difficultés juridiques, notamment en termes de compatibilité avec les principes du droit de la responsabilité et les règles du droit international privé.

À cet égard, et même si certaines rédactions pouvaient sans doute être améliorées dans l’esprit du texte, la nouvelle proposition de loi, déposée par Bruno Le Roux, Dominique Potier et d’autres députés, et examinée par votre assemblée à partir de février 2015, qui vise précisément à résoudre les difficultés juridiques soulevées par le texte initial, offre une réelle occasion de progresser en la matière.

Le Gouvernement a donc soutenu cette proposition de loi et continue de la soutenir. Le texte qui est soumis à votre examen est ambitieux et équilibré. Il reçoit donc l’appui du Gouvernement. Le texte adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 30 mars 2015 et qui vous est aujourd’hui présenté impose aux grandes entreprises, celles dont les effectifs sont supérieurs à 5 000 salariés en France ou à 10 000 au niveau mondial, d’établir et de mettre en oeuvre de manière effective un plan de vigilance. Ces seuils permettent de cibler cette obligation sur les grandes entreprises qui, en raison de leur taille, sont susceptibles d’avoir une chaîne d’approvisionnement particulièrement vaste et des activités nombreuses et variées dans plusieurs pays du monde. Ces entreprises sont également capables de se doter d’outils de suivi et de contrôle plus perfectionnés que de plus petites entreprises, pour lesquelles ces dispositions seraient moins pertinentes.

Le plan de vigilance devrait comporter des mesures de vigilance dites raisonnables, permettant d’identifier et de prévenir un certain nombre de risques : les atteintes aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales, les dommages corporels ou environnementaux graves, les risques sanitaires ou encore la corruption.

Les activités non seulement de la société mais également des sociétés qu’elle contrôle, de ses sous-traitants et de ses fournisseurs seraient concernées. En cas de non-respect de cette obligation de vigilance, la justice, saisie par toute personne ayant un intérêt à agir, pourrait enjoindre l’entreprise à se conformer aux exigences de la loi. Ce texte permettrait d’exiger des grandes entreprises, en tout cas de celles qui ne l’auraient pas déjà volontairement fait, des actions concrètes de vigilance. Il permettrait aussi de mettre en valeur les comportements les plus vertueux en matière de RSE.

Je tiens à souligner que le texte contient déjà des éléments apportant un bon niveau de sécurité juridique et de prévisibilité aux entreprises. C’est le fruit du travail technique approfondi réalisé par le rapporteur, Dominique Potier, que je salue ici et que je remercie pour la qualité des échanges qu’il a eus avec le Gouvernement et toutes les parties prenantes.

D’une part, les modalités du plan de vigilance mentionné à l’article 1er seront précisées par décret en Conseil d’État, ce qui permettra de définir précisément les obligations auxquelles seront soumises les entreprises entrant dans le champ de la loi. D’autre part, le régime de responsabilité prévu à l’article 2 est clair et déjà connu des entreprises. En particulier, il exclut toute présomption de faute ou inversion de la charge de la preuve. La démarche poursuivie par cette proposition de loi est en effet avant tout celle du renforcement de démarches préventives.

Mesdames et messieurs les députés, ce texte constitue ainsi une avancée, à la fois ambitieuse et raisonnée, pour que la France continue de progresser sur le chemin de la responsabilité sociétale des entreprises, sans nuire à leur compétitivité. Ce qui se joue, c’est finalement notre conception de la mondialisation. Il faut placer en son sein le respect des principes fondamentaux du travail et interroger le rôle de chacun : les entreprises en tant que donneurs d’ordres, les citoyens en tant que consommateurs. Chacun est le garant de la régulation mondiale et du développement durable de notre économie.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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La parole est à M. Dominique Potier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

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Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des lois, madame la présidente de la commission des affaires économiques, chers collègues, « la vie d’un jeune travailleur vaut plus que tout l’or du monde ». Cette phrase magnifique est devenu le slogan de la Jeunesse ouvrière chrétienne – JOC –, fondée en France, par un homme, Georges Guérin, né en 1891, dans ma circonscription, à quelques kilomètres de la ferme où je vis. Georges Guérin fonde la JOC française en 1927, deux ans après la naissance de la JOC belge – la Belgique, déjà un pays frère, qui est aujourd’hui en souffrance et dont nous saluons le courage. La JOC belge inspire la JOC française, qui formera, des générations durant, la plupart des leaders du monde ouvrier pour les combats populaire menés dans notre pays.

Alors que les paysans quittent leurs fermes pour travailler ici à la cristallerie de Vannes-le-Châtel, ailleurs dans les mines de Neuves-Maisons ou aux fonderies de Foug, Georges Guérin comprend que le monde est en pleine mutation et qu’il faut un lieu d’émancipation, un lieu d’éducation, un lieu qui remette l’homme debout et permette de poser des principes.

« La vie d’un jeune travailleur vaut plus que tout l’or du monde » : tel est l’esprit de la proposition de loi que nous soutenons aujourd’hui – remettre l’homme au centre de l’économie, dans ce contexte mondialisé qu’est devenu l’espace contemporain. Un an après la première lecture de ce texte, s’est tenue la COP21. Nous avons voté la semaine dernière le préjudice écologique, désormais inscrit dans le code civil. Nous avons connu une mobilisation sans équivalent à l’échelle internationale comme à celle des citoyens sur les questions écologiques mondiales. Sur le plan éthique, également, de grands textes spirituels, comme Laudato si’, ont remis au coeur de nos préoccupations le bien commun et la dignité humaine, ainsi que le lien entre la justice et le développement, entre le juste et la vie.

Depuis un an, d’autre Rana Plaza invisibles se sont produits sur la planète. Nous pourrions nous demander, en regardant cette face sombre de la mondialisation, comme Aragon : « Est-ce ainsi que les hommes vivent ». Est-ce ainsi que vivent les enfants d’Ouganda, dans la ville d’Harugongo, où ils travaillent dès l’âge de dix ans dans des mines pour un géant du bâtiment et des travaux publics ? Est-ce ainsi que les hommes vivent, lorsqu’ils sont paysans argentins, producteurs de soja et que leur santé est menacée dans la ville de Monte Maiz par les épandages aériens d’un géant de l’agrochimie ? Est-ce ainsi que les hommes vivent, lorsqu’ils sont des travailleurs du textile ou des fabricants de téléphones mobiles à Suzhou en Chine ou à Dacca au Bangladesh pour des géants du textile ou de l’électronique ?

Un an après la première lecture de cette proposition de loi, nous pouvons dire à nouveau que le défi de notre société et de notre république est de bâtir un nouvel âge de la mondialisation. Il y a eu le temps des conquêtes et celui des colonies, le temps du capitalisme et celui d’un néocapitalisme financier. Que vienne l’âge d’une nouvelle civilisation fondée sur les droits de l’homme.

Nous sommes la nation héritière des Lumières. Le droit que nous avons proclamé pour nous aux XVIIIème et XIXème siècles doit s’étendre à toute la planète. La grande tradition de la République, celle des hommes de progrès, et de la gauche en particulier dans notre pays, est de défendre ces droits à l’échelle universelle. Nous sommes les héritiers de ces combats, pour un nouvel âge de la mondialisation.

Nous sommes à l’aube de ces combats, à leur tout début. Mais nous aurons la fierté, dans cette législature, d’avoir agi, ici sur le travail détaché, ailleurs sur la transparence financière. Nous voici une semaine après la publication du fruit de notre travail législatif, qui vise à imposer la transparence sur l’activité de nos banques dans les paradis fiscaux. C’est le début de la fin de ce scandale d’une optimisation fiscale qui confine à la fraude.

Nous sommes à l’aube d’une nouvelle éthique des relations internationales. Cette loi, par son caractère singulier, en donnant aux plus puissants de ce monde la responsabilité de veiller sur les plus fragiles, sur ceux qui souffrent, s’inscrit dans le récit d’une mondialisation plus heureuse et plus sûre. Elle doit bâtir une prospérité nouvelle.

À chaque fois, comme d’habitude dans l’histoire, nous faisons face aux mêmes arguments et aux mêmes adversaires. L’exemple le plus récent d’une conquête du droit dans l’économie, celui de la comptabilité moderne, paraît banal, mais il est fondamental. Lorsque le législateur a fini par instaurer des règles de transparence, un commissaire aux comptes, des règles communes, toute une partie du patronat, libérale et conservatrice, s’y est opposée au prétexte que ce serait un obstacle à la liberté des entreprises.

Aujourd’hui, cette comptabilité moderne est le garant même du bon commerce. Elle le permet dans la transparence et la sécurité. Elle n’a empêché ni la Belle Époque, ni les Trente Glorieuses. Il en va de même pour les lois relatives aux accidents du travail, défendues par le député ouvrier, Martin Nadaud, qui en 1898, après dix-huit ans de combat législatif contre les conservateurs et les libéraux, a réussi à poser le principe qu’un accident du travail, dans les forges et sur les nouvelles machines à vapeur, n’est pas le fruit du manque d’habileté de l’ouvrier, mais qu’il peut être celui d’un manque de prévention sur les machines et, plus généralement, sur la sécurité.

Cette petite révolution, qui aura valu dix-huit ans d’opposition des conservateurs et des libéraux, a fini par s’imposer moins d’un an après la naissance de la première caisse de mutualisation inter-entreprises, qui est l’ancêtre de nos caisses de solidarité. Mais surtout, le patronat a mis en oeuvre à une vitesse prodigieuse des procédures de prévention des accidents du travail. Ce progrès social très significatif pour notre société n’aura, je le répète, empêché ni la Belle Époque, ni les Trente Glorieuses.

Chaque fois que nous marquons un progrès, chaque fois que nous allons plus loin dans le respect de l’homme et des droits humains, il ne s’agit pas d’empêcher l’économie et la libre entreprise voire le commerce international, mais de leur poser des limites, au nom de la vie et de la dignité humaines et des biens communs. Une fois intégrées, ces limites deviennent le facteur d’une nouvelle prospérité.

C’est ce récit que nous vous proposons aujourd’hui, alors que cette loi est décriée et menacée, parce qu’elle dérange les intérêts de certains et bouscule les habitudes, parce qu’un nationalisme de faussaires pourrait s’attacher à la réussite de quelques entreprises seulement, parce que l’égoïsme et l’appât du gain sont toujours des moteurs impuissants dans notre société.

C’est pour cela que je veux vous dire le bonheur que nous avons d’entendre, dans cette enceinte et nulle part ailleurs, par votre voix, madame la secrétaire d’État, le soutien clair et sans faille du Gouvernement. J’en appelle à lui pour qu’il s’engage non seulement sur des principes, mais également sur un calendrier, car désormais le temps est compté dans cette législature.

Il faudra une nouvelle navette avec le Sénat, une commission mixte paritaire. Il faut accélérer si nous voulons conclure dans cette session. Cette loi doit être adoptée définitivement, afin qu’un décret, à la fin de l’année 2016, permette de marquer une victoire symbolique et réelle pour la protection des plus faibles au bout du monde.

J’en appelle à tous ceux dont nous sommes les héritiers, qui se sont battus contre l’esclavage, qui ont réussi à lutter contre la traite négrière. Je rappelle le propos du député de la Martinique, Victor Schoelcher, qui disait qu’il valait mieux perdre les colonies que l’honneur.

J’en appelle à tous ceux qui nous ont précédés dans ces combats, mais aussi à l’opposition. Sur beaucoup de sujets, nous menons des combats communs : pour l’aide publique au développement, pour la dignité humaine ou pour la coopération entre l’Afrique et l’Europe. Comment pouvez-vous passer à côté d’une telle étape, aussi mesurée, à côté de ce premier pas vers une mondialisation plus responsable ? Je vous invite à retrouver l’état d’esprit qui a été le vôtre en première lecture, celui d’un regard bienveillant.

J’en appelle aux ONG, aux syndicats qui sont à l’origine de ce progrès et de cette loi et qui en sont les combattants exemplaires. J’en appelle au courage de tous les militants qui relaient dans l’opinion ce combat incessant pour les invisibles et ceux qui souffrent d’une mondialisation sans foi ni loi. J’en appelle aux syndicats réformistes qui discutent aujourd’hui de la loi El Khomri et de son adoption future par notre assemblée : qu’ils n’oublient pas leurs frères travailleurs des pays les plus pauvres dans les discussions qu’ils engageront avec le Gouvernement.

J’en appelle également aux entreprises, parce que nous sommes parfois fatigués d’entendre un seul cri, celui de ceux qui ont peur de perdre leurs privilèges. J’en appelle à l’esprit d’entreprise et de fraternité de tous ceux qui, dans de petites entreprises, des entreprises moyennes, des ETI et parfois des multinationales, mettent le respect de la nature, de la dignité humaine et des biens communs au coeur de leur politique. Leurs réussites font la fierté de la France.

Je voudrais qu’elles prennent la parole pour porter ce combat au plus haut et nous aider à le mener jusqu’au bout. Il sera l’une des fiertés de cette législature et de notre République, parce que la vie d’un jeune travailleur vaut plus que tout l’or du monde.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.

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La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

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Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce que j’ai à vous dire tient en peu de mots. Je suis très fier, au nom de la commission des lois, de voir un tel texte présenté aujourd’hui. Je voudrais saluer tous les parlementaires qui y ont travaillé, tout particulièrement le rapporteur, Dominique Potier, ainsi que Danielle Auroi et Philippe Noguès, qui ont fait preuve d’une opiniâtreté sans commune mesure avec ce que l’on voit d’habitude.

Ils n’ont jamais abandonné ce texte qu’ils ont mené jusqu’au bout. Ils ont su, en plus, trouver les moyens d’un compromis qui satisfait à peu près tout le monde. C’est là l’exemple d’un travail parlementaire remarquable qui doit être remarqué.

Par ailleurs, je trouve que c’est un texte particulièrement satisfaisant, parce qu’il croit en la vertu. La vertu, c’est pour une multinationale de faire en sorte que les coûts non financiers ne soient pas exorbitants ; c’est pour une multinationale qui fabrique des téléphones de se rappeler qu’ils ne doivent pas être fabriqués à des prix insupportables et que, selon le rapport d’Amnesty International, entre septembre 2014 et décembre 2015, près de quatre-vingts enfants ont perdu la vie dans les mines du Congo.

La vertu, c’est pour le pétrolier de ne pas s’adresser à des compagnies maritimes qui font naviguer des bateaux poubelles. Je sais malheureusement de quoi je parle, puisque les côtes de l’Atlantique ont été souillées par l’Erika. La vertu, c’est aussi pour celui qui fait cueillir des fèves de cacao de faire en sorte que la cueillette se fasse à des prix et à des conditions respectables.

Voilà pourquoi ce texte est un bon texte : la vertu a un mérite formidable, elle se transmet au produit qui peut lui-même devenir vertueux. Un produit vertueux est meilleur que les autres, car il n’a pas le goût amer des larmes et, parfois, du sang. C’est en cela qu’il peut être beaucoup plus vendable et que la morale rejoint alors l’économie. Je vous remercie de voter ce très beau texte.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Noël Carpentier.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous voici réunis pour l’examen en deuxième lecture de la proposition de loi visant à demander aux grandes entreprises plus de vigilance relativement au respect des règles élémentaires en matière d’environnement et de pratique sociale dans leur activité, notamment lorsqu’elles ont recours à la sous-traitance.

Cette proposition de loi, déposée à l’origine par l’ensemble des groupes de gauche de cette assemblée, en 2014, faisait suite à l’effondrement de l’immeuble du Rana Plaza, au Bangladesh, en avril 2013, qui a causé plus de 1 000 morts. Il s’en était suivi une émotion internationale considérable. Dans cet immeuble s’entassaient, dans des conditions de travail inacceptables et pour un salaire de misère, plusieurs milliers d’ouvrières et d’ouvriers du textile, recrutés par des sous-traitants pour fabriquer des chemises et des pantalons pour le compte de grandes marques connues en Europe et aux États-Unis.

Depuis de longues années, nous sommes nombreux à réclamer une mondialisation plus solidaire et plus humaine. L’opinion internationale, de grandes ONG de défense des droits de l’homme et de grandes voix humanistes disent que la mondialisation économique doit être régulée. Ce ne sont pas des clivages entre la gauche et la droite. L’argent pour l’argent ne peut être le seul horizon de l’humanité. La recherche du profit doit être encadrée par le respect des règles humaines élémentaires.

Aujourd’hui, on ne peut plus accepter que le manque d’éthique économique enrichisse quelques-uns au détriment de millions de personnes travaillant dans des conditions indignes pour un salaire de misère. Le drame du Rana Plaza est symptomatique, mais il n’est malheureusement pas un fait isolé, car cela continue. On peut penser au naufrage du pétrolier Erika, il y a quelques années, mais il y a tant d’autres pétroliers qui naviguent sous des pavillons de complaisance.

On pense aux révélations concernant le travail forcé pour la construction des stades de football, à l’occasion de la Coupe du monde au Qatar, ou, plus récemment encore, on a lu avec tristesse et consternation l’enquête du journal Le Monde à propos des pratiques des sous-traitants du groupe Lafarge, qui feraient exploiter les mines par des enfants.

Toutes ces révélations renforcent la conviction de nombreux progressistes et humanistes qu’il faut légiférer. De même – et c’est tant mieux –, de plus en plus de grands médias alertent l’opinion du cynisme économique de quelques-uns. Le reportage de France 2, hier soir, sur les travailleurs détachés, est d’ailleurs significatif dans un autre domaine.

Bien sûr, la communauté internationale, les États ou les grandes multinationales se disent sensibles à cette question. On ne compte plus les déclarations d’intention des leaders et des grands groupes. On ne compte plus non plus les rapports internationaux ou nationaux sur ces questions. Il y en a plein les placards.

Ces textes et ces recommandations ne suffisent pas. Il ne faut pas se contenter de renvoyer à la bonne volonté individuelle des acteurs. Il faut des règles claires pour engager la responsabilité des sociétés dominantes dans les agissements des entreprises travaillant pour elles, directement ou indirectement. Les multinationales doivent s’engager à faire respecter les droits humains. Cette proposition de loi nous engage dans cette voie. C’est une avancée, certes timide, mais indéniable.

Monsieur le rapporteur, madame la secrétaire d’État, lors de cette deuxième lecture, il ne s’agit pas de refaire le match de la discussion en première lecture. La version que nous avions adoptée l’an dernier a déjà été édulcorée à la demande du Gouvernement, afin d’être applicable concrètement et immédiatement.

Nous avons su préserver une démarche de consensus pour faire en sorte qu’un texte utile soit adopté. Le texte voté par notre assemblée le 30 mars 2015, il y a déjà un an – que c’est long ! –, est positif. Il est issu d’un accord entre le Gouvernement et sa majorité, au sens le plus large, concret dans son application et ferme dans ses intentions. Notre majorité peut en être fière.

Pourtant, ce texte raisonnable a été sèchement retoqué au Sénat. La majorité de droite sénatoriale a repris l’ensemble de l’argumentaire réactionnaire, ainsi que celui des grands groupes et du MEDEF, d’une manière extrêmement caricaturale. Contrairement à ce que veulent laisser croire les cris d’orfraie poussés par la droite parlementaire, qui succombe décidément à tous les lobbies, cette loi ne mettra pas l’économie française à genoux.

Pour ma part, je considère que, si la France n’est bien entendu pas isolée du reste du monde ni de la concurrence internationale, elle peut aider à éclairer le chemin d’une mondialisation mieux régulée. Aussi, je me félicite principalement que cette loi demande aux grands groupes d’élaborer un plan de vigilance visant à contrôler les agissements de leurs sous-traitants, et ainsi à rendre ceux-ci coresponsables devant la justice en cas de non-respect des règles essentielles des droits humains et environnementaux dans le cadre de leur processus de production.

Comment peut-on s’opposer à cette mesure de bon sens ? Je regrette la position de la droite sur cette question fondamentale. Rien ne peut justifier une négligence menant à la dégradation des droits humains au travail ; rien ne peut justifier le travail forcé ; rien ne peut justifier des salaires de misère ; aucune négligence ne peut justifier des conditions de travail inhumaines. À l’instar des décisions concernant la fraude fiscale, il faut une législation pour préserver les droits humains dans l’économie mondiale.

Au final, même si l’on peut regretter que le texte n’aille pas assez loin sur certains aspects – je pense notamment à l’inversion de la charge de la preuve –, et que je conçois que des collègues de la majorité demandent encore des améliorations, le combat pour de nouvelles conquêtes sociales et environnementales nécessite parfois, pour vaincre, de faire preuve de tactique en avançant étape par étape. C’est pourquoi notre groupe n’a pas déposé d’amendements pour cette deuxième lecture du texte. D’ailleurs lorsqu’on lit les tribunes récentes des ONG, dont je salue les militants, elles sont sans équivoque, évoquant un vote historique des députés en 2015 et le large soutien populaire dont bénéficie le texte. Il nous faut l’adopter conforme si nous voulons avancer vers sa promulgation, par respect des 200 000 citoyens qui ont signé la pétition demandant aux pouvoirs publics de garantir la mise en oeuvre de cette loi.

C’est pourquoi je me tourne désormais vers le Gouvernement qui seul peut garantir la promulgation rapide du texte. Madame la ministre, vous dites soutenir cette proposition de loi ; c’est bien, mais en politique comme en amour, il faut aussi des preuves. Aussi, madame la ministre, avez-vous, oui ou non, l’intention de donner suite à notre vote positif d’aujourd’hui et d’accélérer l’inscription à l’ordre du jour de ce texte en deuxième lecture au Sénat dès ce printemps ? Comptez-vous user ensuite de votre prérogative prévue à l’article 45 alinéa 2 de la Constitution pour convoquer au plus vite une commission mixte paritaire, afin que cette loi voie le jour dans les plus brefs délais, avant la fin de cette législature ? Sachant que de nombreuses grandes entreprises ont déjà commencé à s’y préparer, et que beaucoup de nos concitoyens regardent avec intérêt nos prochaines décisions, rien ne justifie d’attendre encore. Je vous remercie par avance pour votre réponse précise.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe écologiste et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes à nouveau réunis pour débattre de la responsabilisation des multinationales tout au long de la chaîne de production, une mesure indispensable pour prévenir et réparer des dommages graves sur le plan humain ou environnemental.

Comme l’a rappelé le président de la commission des lois, nous avons commencé à travailler concrètement sur ce dossier, avec vous, monsieur le rapporteur, et avec notre collègue Philippe Noguès, dès le début de cette législature. Nous nous y étions engagés, avec de nombreux collègues, avant même notre élection. Le Forum citoyen pour la responsabilité sociétale des entreprises, qui regroupe syndicats et ONG – dont Amnesty international, le Comité catholique contre la faim et pour le développement, CCFD, Sherpa et le collectif de l’Éthique sur l’étiquette –, alerte en effet depuis des années sur les faiblesses d’une législation qui ne prend pas suffisamment en compte l’évolution de la mondialisation dans ce qu’elle a de pire.

L’effondrement du Rana Plaza a médiatisé des situations tragiquement banales. Dans le secteur textile, la production a été délocalisée dans des pays où se conjuguent bas salaires et protection sociale et environnementale inexistante ou inappliquée, tout en créant du chômage ici. Mais ce n’est pas le seul secteur à risque. Hier, on apprenait que des enfants ougandais extrayaient de la pouzzolane pour une filiale de Lafarge qui se vante, dans son rapport développement durable, de respecter les nouvelles directives sur le reporting RSE. C’est bien la preuve que les déclarations la main sur le coeur ne suffisent pas !

En mettant la pression sur les prix – qu’elles souhaitent bas – et les délais – qu’elles exigent courts –, les entreprises donneuses d’ordre favorisent la sous-traitance informelle et les conditions de travail indignes qui en découlent. Et si une catastrophe survient, elles montrent une fâcheuse tendance au déni. Au vingt et unième siècle, il y a malheureusement toujours des damnés de la terre et des gens qui en profitent. Ce n’est pas acceptable. Et nous ne l’acceptons pas.

Dès 2012, nous avons voulu renforcer la loi pour responsabiliser les sociétés mères vis-à-vis de leurs activités directes ou indirectes. Ce « nous » englobe les quatre groupes de la majorité, unis pour ce juste combat. Notre réflexion s’est appuyée sur des expertises juridiques de haut niveau : Olivier de Schutter, Antoine Lyon-Caen, pour ne citer que les spécialistes les plus connus. Nous avons consulté les ONG, les syndicats, les fédérations d’entreprises, la plate-forme pour la RSE. Nos travaux nous ont conduits à proposer la transcription dans le droit français des principes directeurs des Nations unies et de l’OCDE. Ce n’est pas révolutionnaire ! Certains cherchent à faire peur au Gouvernement en invoquant la compétitivité ou le risque d’exode des entreprises. Pourtant, une étude récente montre que notre pays est le premier en Europe pour son attractivité en matière d’investissements. Les installations en France de quartiers généraux « monde » ou « Europe » ont presque doublé entre 2014 et 2015, passant de seize à vingt-sept. Nos collègues de la droite devraient être rassurés !

Cette proposition de loi constitue certes une avancée, mais ce n’est qu’un premier pas, moins ambitieux que le texte que nous avions proposé au départ dans le cadre de la niche écologiste. Elle gagnerait à être renforcée, notamment pour aligner les seuils des entreprises sur les directives européennes en matière de RSE. Cela relève de la simple cohérence et nous proposerons des amendements en ce sens.

Mais faut-il encore attendre, comme le proposent certains de nos collègues à droite ? Attendre quoi ? Un autre Rana Plaza ? Faisons mentir le président de l’Association française des entreprises privées, AFEP, qui dans Libération, ce matin, se vante d’avoir l’assurance du Gouvernement de laisser cette proposition a minima s’égarer dans la navette parlementaire. J’espère, madame la ministre, que vous allez nous rassurer sur ce point ! Au contraire, la France peut rallier ses collègues européens à cette juste cause, comme elle l’a fait dans le passé avec la directive sur le reporting extra-financier, où notre pays a montré l’exemple. Notre Assemblée, à mon initiative, a adopté une résolution qui va en ce sens, de même qu’une résolution sur la traçabilité des « minerais du sang » utilisés dans les téléphones portables. Le 18 mai prochain, la commission des affaires européennes rassemblera des parlementaires de toute l’Union pour travailler à un « carton vert », une initiative législative visant à inscrire le devoir de vigilance des multinationales dans le droit européen. Plusieurs pays ont déjà témoigné de leur soutien à cette démarche. Vous le voyez, chers collègues, les efforts se conjuguent, tant au niveau national qu’européen, pour faire avancer la justice.

Pour conclure, madame la ministre, permettez-moi d’espérer, avec mon collègue et rapporteur Dominique Potier, que cette proposition de loi sera définitivement adoptée d’ici cet été. Ce travail commencé il y a déjà quatre ans doit résolument avancer. « Le réel quelquefois désaltère l’espérance. C’est pourquoi, contre toute attente, l’espérance survit », disait René Char. En l’occurrence, nous voterons certes cette proposition de loi, mais l’espérance dépassera nos frontières et nous serons fidèles aux valeurs humanistes de la France en y répondant sans attendre.

Quelques applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous sommes appelés de nouveau à débattre de la proposition de loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre, près d’un an après la discussion en première lecture. Le Sénat a quant à lui rejeté purement et simplement le texte, refusant tout débat. La présente proposition de loi est pourtant modérée ; elle se borne, au fond, à rendre effectifs les engagements internationaux de la France en matière d’environnement, de droits humains et de droit du travail, notamment les principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme. Il revient en effet aujourd’hui aux États de se doter d’instruments favorisant l’application des principes et des normes existantes, notamment en alignant leurs législations nationales sur les nouveaux textes internationaux.

L’AFEP, qui réunit tous les patrons du CAC 40 et des grandes sociétés françaises, a dit son opposition à ce texte – et l’a répétée ce matin encore, dans un quotidien national. Il n’en fallait pas plus pour convaincre la droite sénatoriale de le rejeter sans l’examiner et de défendre l’impunité des multinationales en invoquant le risque pour la compétitivité et l’attractivité des entreprises françaises à l’échelle européenne et mondiale.

Faut-il rappeler qu’au Bangladesh, aujourd’hui, une ouvrière du textile meurt tous les deux jours pour fournir à bas coût des tee-shirts ou des chemises aux grandes marques occidentales ? Faut-il rappeler que trois ans après l’effondrement du Rana Plaza, les conditions de sécurité au Bangladesh sont toujours aussi précaires ? Un incendie s’est encore déclaré, il y a deux mois, au septième étage de l’usine Matrix Sweater à Gazipur, et il a fallu plus de quatre heures aux pompiers pour l’éteindre. Nous n’avons échappé au drame que parce que la majorité des ouvriers effectuaient à ce moment-là leur changement de poste. Si le feu s’était déclenché une heure plus tard, 6 000 ouvriers auraient été en danger de mort. Faudra-t-il attendre un nouveau scandale social ou environnemental impliquant des entreprises françaises pour que les parlementaires de droite prennent leurs responsabilités ?

L’industrie du textile n’est aujourd’hui pas seule en cause, tant s’en faut. Les entreprises informatiques, par exemple, continuent elles aussi de bafouer les règles sociales et environnementales en Asie, avec des conséquences désastreuses : pollution des eaux, empoisonnement d’ouvriers par des métaux lourds, journées de travail interminables. Nous pouvons également citer l’exemple du terrible phénomène d’accaparement des terres arables par des investisseurs étrangers, qui a pris une proportion gigantesque en Afrique : développement des agrocarburants, spéculations foncières ou expropriations… Ces importantes transactions financières manquent souvent de transparence et constituent une menace réelle.

Nous avons tous à l’esprit les conséquences des acquisitions foncières réalisées par la filiale du groupe Bolloré, Socfin, au Cambodge, en Côte d’Ivoire ou au Cameroun, qui privent les communautés locales de leurs cultures vivrières. En février, une dizaine d’ONG ont manifesté à Bruxelles en soutien aux paysans du Sud, victimes de l’accaparement de terres par le groupe agro-industriel Socfin. Le groupe a déjà été pointé du doigt par l’OCDE pour atteinte à l’espace vital des habitants, privatisation de moyens de subsistance, accaparement de terres et même violence.

Nous pourrions malheureusement multiplier les exemples en rappelant les agissements de certaines multinationales comme Apple, Mattel ou Total. Le fait est que la mondialisation non régulée permet aux multinationales de multiplier leurs filiales et leurs sous-traitants, au mépris des droits fondamentaux et des règles environnementales. La France pourrait s’enorgueillir d’être aujourd’hui le premier pays à se doter de règles contraignantes, propres à mettre les grandes entreprises en face de leurs responsabilités, sans qu’elles puissent se défausser, comme elles le font le plus souvent, sur leurs sous-traitants, voire les sous-traitants de leurs sous-traitants.

D’une portée limitée, voire symbolique, le texte que nous examinons aujourd’hui ne va pas jusque-là. Il se situe très en retrait par rapport aux enjeux de responsabilisation des multinationales ainsi que de leurs sous-traitants et fournisseurs en matière sociale, éthique et environnementale. Il est en tout cas bien moins ambitieux que le texte d’initiative parlementaire initial, fruit de la détermination de nos collègues Danielle Auroi, Philippe Noguès et Dominique Potier. Le texte dont nous débattons ce soir est le résultat d’un compromis et présente les insuffisances de tout compromis. En prévoyant que les entreprises devront désormais établir un plan de vigilance dont le juge appréciera l’effectivité en cas de dommages ou d’atteintes aux droits fondamentaux, il marque néanmoins une avancée. Notre pays rend ainsi effectif le principe juridique de diligence raisonnable, recommandé par les principes directeurs des Nations unies sur les entreprises et les droits de l’homme, qui constituent le texte international de référence en la matière. De même, l’indemnisation ne dépendra plus seulement du bon vouloir des entreprises et de la mobilisation des ONG.

L’ambition initiale du texte déposé en 2014 par les quatre groupes de la gauche de notre Assemblée et salué par les ONG était de sanctionner au pénal et au civil les entreprises qui ne pouvaient pas prouver avoir mis tous les moyens en oeuvre et pris toutes les garanties nécessaires pour s’assurer du respect, par leurs sous-traitants, des droits fondamentaux de leurs salariés ou employés, notamment de leur liberté physique, de leurs droits politiques, de leur sécurité, du droit d’accéder aux soins et à l’éducation, et du droit de grève. En revanche, le principe du renversement de la charge de la preuve, qui obligeait les entreprises à prouver qu’elles ont satisfait à leurs obligations de vigilance, est passé à la trappe.

Par ailleurs les seuils ont été relevés, pour ne plus viser qu’une poignée de grandes entreprises. Les ONG, parmi lesquelles Sherpa, les Amis de la Terre et le Comité catholique contre la faim et pour le développement - Terre solidaire, ont comme nous – et comme quasiment tous les groupes parlementaires, à l’exception de la droite – déploré les failles du mécanisme. Elles ont souligné que « certaines entreprises impliquées dans le drame du Rana Plaza, telles que Camaïeu, échapperaient à cette législation, de même que de nombreuses entreprises de secteurs à risque tels que le secteur extractif. » Elles ont déploré, enfin, que les multinationales importatrices ne soient pas non plus concernées.

Pour notre part, nous, députés du Front de gauche, considérons qu’il faut aller plus loin : il faut relever les seuils, prévoir un régime de sanction dissuasif et rétablir le principe selon lequel il incombe à la société mère d’apporter la preuve qu’elle a mis en oeuvre des procédures spécifiques de contrôle de ses filiales et de ses sous-traitants. C’est pourquoi nous avons déposé à nouveau un certain nombre d’amendements lors de cette seconde lecture.

Nous regrettons que le Gouvernement et sa majorité aient prêté une oreille trop complaisante aux arguments du patronat, au premier rang le MEDEF, et accepté de reculer pour laisser, en définitive, le verre à moitié vide. Nous pensons qu’en l’état, le texte que vous nous proposez ne permettra pas de lutter efficacement contre le fléau du dumping social et environnemental, qui prospère sur la rhétorique de la compétitivité.

Nous ne nions pas que ce texte propose des avancées, mais elles sont, à nos yeux, insuffisantes. Aussi, nous attendons, pour l’approuver, les réponses qui seront apportées à nos amendements, et les explications de M. le rapporteur – que je salue, au passage, pour la grandeur morale de ses engagements, et pour l’opiniâtreté du combat qu’il mène pour faire aboutir nos objectifs partagés.

Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, républicain et citoyen.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, messieurs les rapporteurs, chers collègues, la mobilisation de la société civile et des parlementaires a porté ses fruits.

Nous examinons aujourd’hui, en seconde lecture, la proposition de loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre. Cette seconde étape doit conforter le travail accompli en première lecture sur ce texte présenté par Dominique Potier, et qui représente une avancée indéniable pour les droits et libertés humaines, ici, en France, et ailleurs.

C’est justement la portée universelle de cette loi qui fait sa grandeur et son efficacité. Que ce soit en France, au Niger ou aux États-Unis, toute atteinte aux droits de l’homme, à l’environnement et aux droits sociaux, toute tentative de corruption, doit être prévenue, évitée, ou effectivement réparée.

C’est l’objet du plan de vigilance prévu par cette proposition de loi, qui devra être mis en oeuvre et communiqué au public. S’il n’est pas respecté et que la responsabilité de l’entreprise est reconnue pour un dommage causé sur sa chaîne de production ou d’approvisionnement, une juridiction française pourra prononcer une amende civile et demander la réparation du préjudice subi, avec ou sans astreinte. Pour prendre un exemple, une société d’extraction de minerais qui n’aurait pas tout mis en oeuvre pour empêcher le déversement de substances radioactives par un de ses sous-traitants pourra être condamnée.

Nous voyons encore trop de sociétés parler d’exemplarité dans leur reporting extra-financier, sans que cela se traduise dans les faits. Les victimes de dommages, souvent les plus démunies, ont des difficultés à obtenir une juste réparation.

Nous sommes tous – notamment au sein de la commission des affaires économiques – très attentifs aux intérêts des entreprises françaises. Nous avons de très belles entreprises, des fleurons économiques, et nous en sommes très fiers. Nous ne pensons pas que cette loi les pénalisera.

La politique des multinationales en matière de RSE sera valorisée ; les plus vertueuses d’entre elles, celles dont la stratégie est exemplaire, seront confortées. Plus globalement, cette proposition de loi protégera les plus petites entreprises, celles qui se sont engagées dans le made in France, le commerce équitable et le juste échange, celles qui n’ont pas sacrifié leur responsabilité pour la compétition sans foi ni loi.

Oui, l’Europe doit avancer ; oui l’OCDE et l’ONU doivent donner le ton ; oui les normes volontaires doivent être encouragées. Mais la France, si fière de son héritage, peut elle aussi envoyer un signal et traduire son discours universaliste en actes. Elle doit s’affranchir de la pression permanente des marchés financiers internationaux, qui entraîne la délocalisation de la misère. Aujourd’hui, les parlementaires sont invités à remplir leur rôle de protecteurs des libertés individuelles et collectives, en tout lieu et en toutes circonstances. C’est pourquoi il faut voter cette proposition de loi de gauche et de progrès.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, madame et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, faire contribuer les entreprises françaises au respect des droits de l’homme, des normes sanitaires et environnementales, et à la lutte contre la corruption dans le monde entier, est un objectif vertueux. Le combat mené par un certain nombre d’ONG à ce sujet est estimable.

De nombreuses questions se posent cependant quant à cette proposition de loi, qui soulève davantage de difficultés qu’elle n’en résout. Nous déplorons très fortement qu’elle témoigne d’une vision punitive et autoritaire de la responsabilité sociale des entreprises.

Tout d’abord, ses auteurs omettent singulièrement qu’un arsenal de mesures favorisant la transparence existe déjà : il faudrait le faire vivre, c’est-à-dire l’employer efficacement, avant d’envisager de franchir une nouvelle étape. Ainsi, depuis une quinzaine d’années, la France joue un rôle important en matière de responsabilité sociale des entreprises, grâce à la loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques, puis à la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, dite « Grenelle II ».

Par ailleurs, plusieurs instruments internationaux visent à encourager et à diffuser des bonnes pratiques. Permettez-moi d’en citer quelques-uns. Tout d’abord, les principes directeurs de l’OCDE, que plusieurs orateurs ont évoqués, et qui ont été actualisés en mai 2011. Ces principes sont destinés aux entreprises multinationales ; ils énumèrent un grand nombre de recommandations en matière de responsabilité sociale des entreprises. Ensuite, le Conseil des droits de l’Homme des Nations unies a adopté en juin 2011 des principes directeurs sur les droits de l’homme considérés dans leurs rapports avec le monde de l’entreprise.

Parmi les instruments internationaux, on peut également évoquer la déclaration de principes tripartite sur les entreprises multinationales et la politique sociale de l’Organisation internationale du travail. Enfin, au niveau européen, la récente directive du 22 octobre 2014 concernant la publication d’informations non financières fixe pour la première fois un cadre de transparence concernant la responsabilité sociale des entreprises à l’échelon européen. Elle doit être transposée par les États membres au plus tard le 6 décembre 2016.

En outre, il est très regrettable que la présente proposition dénature l’idée d’engagement volontaire de la responsabilité sociale des entreprises. Les démarches volontaires se sont en effet multipliées ces dernières années, plus particulièrement en France, et ont permis de contribuer à l’amélioration de la situation humaine, sociale et environnementale des pays dans lesquels les entreprises agissent. Or cette proposition de loi est un vrai diktat, qui bureaucratisera la démarche de responsabilité sociale des entreprises, et fera planer la menace d’une sanction sur toutes les entreprises qui voudront externaliser leur production dans un pays émergent. Cela témoigne d’une vision très particulière des relations économiques et des échanges entre les nations.

Le Gouvernement prône à longueur de temps qu’il veut simplifier la vie des entreprises : l’adoption d’un tel texte constituerait, sous ce rapport, un nouveau signal contradictoire ! Il n’est nul besoin, en effet, d’ajouter une énième couche de législation qui enfermerait à nouveau les entreprises dans un cadre intenable. Il a été question il y a quelques instants dans cet hémicycle des déclarations faites par un certain nombre de représentants d’entreprises indiquant ces difficultés.

Ce texte aura également un impact dangereux sur nos entreprises et leurs sous-traitants – j’y reviendrai. C’est un point de désaccord important à nos yeux : la triple sanction prévue par cette proposition de loi illustre parfaitement le fait que ses auteurs privilégient, hélas, la posture. J’en veux pour preuve les dispositions prévues en matière de responsabilité civile pour faute, de publicité sanction et d’amende civile – cette dernière pouvant atteindre 10 millions d’euros.

De plus, ce texte est dépourvu de toute évaluation préalable. Vous me direz que c’est normal, puisqu’il s’agit d’une proposition de loi, et que seuls les textes d’origine gouvernementale doivent être accompagnés d’une étude d’impact. Toutefois, il risque de porter une atteinte disproportionnée à la compétitivité des entreprises françaises, et, par voie de conséquence, à l’attractivité de la France – alors que celle-ci souhaite attirer de nouveaux investisseurs. De plus, les législations des pays étrangers comparables ont une portée et une ampleur bien plus limitées.

En apparence, seules les grandes entreprises sont concernées, mais ce n’est qu’une apparence ! En pratique, ce texte aura des répercussions importantes pour les PME, non seulement étrangères, mais aussi françaises. Tout d’abord, il aura un impact sur les PME sous-traitantes françaises en raison notamment des coûts importants liés à sa mise en oeuvre et au contrôle de l’obligation de vigilance. Il aura aussi un impact sur les PME étrangères : l’effet pervers de ce texte affectera directement le développement du tissu local d’entreprises des pays émergents. Cette proposition de loi pourrait en effet conduire des entreprises françaises à remettre en cause certains contrats et à se retirer, en tout ou partie, de marchés étrangers dans des pays porteurs de risques, en raison de l’incertitude sur la traçabilité internationale des marchandises ou matières premières.

Par ailleurs, les entreprises françaises, contrairement à leurs concurrents étrangers, seront très exposées à l’appréciation du juge et au risque de déstabilisation par les lanceurs d’alerte. Deux éléments soutiennent cette affirmation. En premier lieu, le texte prévoit que des associations françaises – voire étrangères – pourraient saisir le juge français pour demander réparation d’un préjudice causé à l’étranger par un sous-traitant étranger. Cela témoigne d’une certaine naïveté quant à la réalité de l’intelligence économique : certains pays étrangers pourraient très bien chercher à déstabiliser des entreprises françaises ! Que ces pratiques soient ou non justifiées, elles constituent un risque, et ce risque n’est nullement évoqué par votre proposition de loi.

En second lieu, toute association pourrait s’ériger en véritable procureur privé, mettant en cause devant le juge civil tout manquement éventuel d’une société à son obligation de vigilance, en France comme à l’étranger. On voit là que ce texte mettrait en péril nos entreprises : je pense que ce problème est très largement sous-estimé, mais puisque nous n’avons pas d’étude d’impact, nous ne pouvons en débattre plus avant.

En somme, ce texte d’ordre national constitue une mauvaise réponse à un défi d’envergure européenne, pour ne pas dire mondiale. L’Union européenne est en effet le niveau le plus pertinent pour traiter les préoccupations qui ont conduit à l’élaboration de cette proposition de loi, notamment sur le fondement de la directive de 2014, afin d’assurer l’équité de traitement des entreprises européennes. Les entreprises françaises ne peuvent pas être les seules concernées, comme ce serait le cas avec l’adoption de cette proposition de loi. Ce serait suicidaire pour notre économie !

La posture idéologique de cette proposition de loi traduit l’incapacité du Gouvernement à organiser une discussion intelligente, c’est-à-dire à prendre en compte tous les paramètres de ce problème crucial. Une discussion aussi bien technique que politique doit être menée pour bâtir une feuille de route qui établirait, par exemple, des mécanismes de suivi, des étapes de travail, et des expérimentations. La faible implication du Gouvernement sur ce texte – notamment par rapport à d’éventuels amendements qu’il aurait pu défendre – laisse songeur. On a beaucoup de mal à comprendre le décalage entre les déclarations de M. Macron sur la nécessité de reconstituer la compétitivité de nos entreprises, et les incidences inévitables que ce texte aura sur cette compétitivité.

Cette proposition de loi comporte aussi – j’en terminerai par là – un risque sérieux d’inconstitutionnalité. Je donnerai trois arguments pour étayer notre opinion quant à l’aspect juridique du problème.

Premièrement, ce texte porte atteinte au principe de clarté de la loi, ainsi qu’à l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi. La rédaction de cette proposition de loi contient en effet de nombreuses imprécisions et ambiguïtés, notamment au regard des normes de référence du plan de vigilance.

Deuxièmement, il porte atteinte au principe de légalité des délits et des peines. Le régime procédural de l’amende civile qui pourrait être prononcée pour sanctionner un manquement à une obligation mal définie par le législateur, s’avère particulièrement peu clair. La proposition de loi n’indique pas, en effet, les cas dans lesquels cette amende serait encourue, ni par qui elle serait prononcée, ni à la demande de qui elle pourrait l’être.

Troisièmement, il porte atteinte au principe de responsabilité. La portée réelle de la responsabilité de la société qui doit établir le plan de vigilance est incertaine, dès lors que ce plan s’étend jusqu’aux sous-traitants étrangers.

On est proche ici de la responsabilité pour faute d’autrui. J’ajoute que c’est une atteinte au principe selon lequel nul ne plaide par procureur : en permettant aux associations d’engager une action en responsabilité, le texte instaure une forme inédite d’action de groupe sans garanties procédurales et sans mandat des victimes, agissant comme des procureurs privés. Chacun comprendra que cela laisse songeur sur le plan du droit.

Pour l’ensemble de ces raisons, nous sommes opposés à la version de ce texte telle qu’issue de la commission des lois et nous voterons contre comme nous l’avons déjà fait en première lecture.

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous avons tous en mémoire les accidents qui ont marqué ces quinze dernières années et qui ont débouché sur la rédaction de ce texte : je pense par exemple au naufrage de l’Erika au large des côtes françaises en 1999 ou encore à l’effondrement du Rana Plaza à Dacca en 2013. Ces drames terribles ont démontré la nécessité d’améliorer le contrôle par les grandes entreprises des comportements de leurs partenaires économiques. On peut donc considérer que l’objectif poursuivi par ce texte, celui de mieux prévenir les atteintes aux droits de l’homme et à l’environnement en responsabilisant les entreprises, est louable.

Avant de développer plus avant, je souhaite replacer cette initiative parlementaire dans son contexte : elle n’est pas inédite et résultant d’une soudaine prise de conscience, la France ayant déjà été l’initiatrice par le passé d’un certain nombre de réformes en matière de responsabilité sociétale des entreprises – la RSE. De plus, des exceptions au principe d’autonomie de la personnalité juridique sont admises en droit du travail, en droit commercial, en matière de pratiques anticoncurrentielles et en matière de fiscalité. Dans le domaine de la protection de l’environnement, la loi Grenelle II, chère au groupe UDI dont je suis membre, a notamment permis de faire financer par la société mère les mesures de remise en état des sites en fin d’activité à la suite d’un défaut de la société dont elle a le contrôle. Il est également possible d’engager des poursuites contre la société mère pour les pollutions générées par l’activité d’une filiale. S’agissant de la protection des droits fondamentaux des travailleurs, la loi dite « Savary » de 2014 a instauré le principe de responsabilité solidaire permettant de poursuivre l’entreprise donneuse d’ordre pour les fraudes commises par l’un de ses sous-traitants. Au niveau international, de nombreuses initiatives ont conclu à la nécessité de responsabiliser les acteurs économiques pour empêcher les violations des droits humains et les atteintes à l’environnement : en 2011, le Conseil des droits de l’homme des Nations unies a adopté des principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme que l’OCDE a renforcés à l’intention des multinationales, et la Commission européenne encourage vivement les États à les transposer dans leur droit interne ; enfin, la très importante norme ISO 26 000 évoque la notion de sphère d’influence, qui dépasse la relation de contrôle ou de domination qu’une entreprise peut entretenir avec ses filiales et avec sous-traitants.

Devant ces constats, devons-nous aller plus loin en obligeant, ainsi que le préconisent les auteurs de ce texte, certaines entreprises à prévoir un plan de vigilance à visée préventive ? Adopter une telle réforme permettrait-il d’empêcher de nouveaux drames en France et à l’étranger ?

Outre en première lecture, je rappelle que le débat sur le fait d’imposer ou non un devoir de vigilance aux sociétés mères et aux entreprises donneuses d’ordre a déjà eu lieu dans cet hémicycle à l’occasion de l’examen, en janvier 2015, d’une proposition de loi du groupe écologiste. Le groupe UDI était foncièrement opposé à ce texte, au renversement de la charge de la preuve et à la législation restrictive et pénalisante pour les entreprises qu’il prescrivait. En adoptant ce texte et donc en faisant reposer sur celles-ci une présomption quasi irréfragable fondée sur un simple manquement à un devoir de vigilance, nous aurions bouleversé le système français de la responsabilité qui exige que le fardeau de la preuve incombe au demandeur. J’ai entendu certains de mes collègues accuser l’opposition de subir des pressions du lobby des employeurs, mais je rappelle qu’entre la proposition de loi du groupe écologiste et celle-ci, cette disposition a disparu… C’est bien la preuve que le débat entre l’opposition et la majorité a porté ses fruits.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Non puisque la disposition en question a été abandonnée, monsieur le rapporteur. Mais, malgré les améliorations apportées, preuve que nos remarques de l’an dernier ont été écoutées, le texte que nous examinons aujourd’hui peut-il être considéré comme acceptable en l’état ? Je ne vous cache que cette question fait encore débat au sein de mon groupe. En effet, autant l’objectif est tout à fait louable et nous sommes les premiers à défendre le type de mesures nécessaires pour l’atteindre, notre groupe étant fondamentalement attaché le droit sur ces sujets, autant nous souhaitons que les moyens proposés soient réalistes et constructifs en permettant à toutes les entreprises d’aller dans le bon sens. Certains d’entre nous pensent que ce texte est encore en décalage avec les réalités économiques, qu’il tombe toujours dans le même travers : celui qui consiste à s’orienter vers une réponse franco-française en pensant que la France, à elle seule, pourra montrer la voie. Ce serait faire preuve d’un irréalisme qui risquerait d’être contre-productif à terme en plaçant nos entreprises dans une situation de concurrence déloyale par rapport aux autres entreprises européennes.

Nous reprochons également à cette proposition de loi son imprécision et son champ trop large. En droit français, les textes qui traitent de tels sujets sont ponctuels, ils visent l’hébergement contraire à la dignité ou encore l’emploi de travailleurs détachés. À l’étranger, ils ciblent la corruption, l’esclavage, la traite des êtres humains. Or cette proposition de loi nous invite à changer de logique en imposant une vision très large qui nous contraindrait, par la suite, à bien préciser les normes en question. Il en est de même de l’appellation « mesures de vigilance raisonnables » : quels types de mesures sont visés par ces termes ? Comme l’a dit M. Hetzel, ce texte soulève encore davantage d’interrogations qu’il n’y répond.

En outre, nous craignons que cette proposition de loi ne trahisse l’esprit de la RSE, fondé sur la prise de responsabilité, l’initiative et la démarche volontaire, lesquelles ont déjà fait leurs preuves, La plupart des entreprises françaises se sont ainsi dotées de chartes éthiques ou adhèrent volontairement à des initiatives publiques ou privées en vertu desquelles elles s’engagent à mettre en oeuvre des principes extra-financiers. Ne contraignons pas les entreprises à mettre en place un plan de vigilance ; encourageons plutôt les démarches volontaires. Ainsi que l’avaient indiqué Arnaud Richard en première lecture, et Bertrand Pancher lors de l’examen de la proposition de loi du groupe écologiste, nous pourrions nous inspirer de la norme ISO 26 000 qui, je le rappelle, vise à limiter le dumping sur la base de critères environnementaux, sociaux et de gouvernance. Nous pourrions également expérimenter l’idée d’un bonus-malus, pour encourager les bonnes pratiques.

Enfin, un autre pont faible de ce texte est qu’il ne vise que des entreprises françaises – où des entreprises d’au moins 10 000 salariés ayant une filiale en France. Nous doutons qu’il soit possible d’améliorer la situation actuelle en tenant compte des seules entreprises françaises. Certes, il enverrait un message positif, mais il faut aussi qu’il satisfasse clairement à ses objectifs. Or, en l’adoptant, nous placerions la France dans une situation inédite en Europe puisque aucun pays ne prévoit aujourd’hui une législation aussi étendue en matière de responsabilité des entreprises. Il faut choisir : devons-nous être leader dans ce domaine en amorçant cette réforme, au risque de faire supporter à nos entreprises une contrainte supplémentaire et de les placer ainsi en position de forte inégalité par rapport à leurs concurrentes sur le marché européen, et ce dans un contexte de crise ?

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Pour toutes ces raisons, la majorité du groupe UDI soutient plutôt une démarche incitative qui permettrait de tirer vers le haut les entreprises concernées, de les engager dans cette réforme, au lieu d’instaurer préalablement une obligation. Par conséquent, conformément à sa position en première lecture à l’Assemblée nationale comme au Sénat, la majorité d’entre nous s’opposera à cette proposition de loi.

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Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, chers collègues, si 80 % des Français estiment que les multinationales doivent être plus vigilantes et tenues responsables juridiquement des catastrophes humaines et environnementales ou des atteintes aux droits de l’homme provoquées par leurs filiales et sous-traitants, et bien qu’il ne soit pas certain que le citoyen qui nous interpelle ainsi soit toujours en accord avec le consommateur, cette sensibilité, cette attente, cette exigence de l’opinion nous obligent.

Mais les entreprises elles-mêmes ont intérêt à la mise en place d’un système de vigilance alors que le risque réputationnel comme les risques juridique, concurrentiel et financier prennent de plus en plus d’importance dans ce domaine comme dans celui de la corruption ou encore de l’évasion fiscale. À trop tarder, nos entreprises seront fragilisées car les législations avancent dans les autres pays. Je vois ainsi que nous sommes aujourd’hui en retard dans la lutte contre la corruption et que ce sont les entreprises elles-mêmes qui nous intiment d’agir pour mettre notre législation en adéquation avec celle d’autres pays. La loi Sapin II – texte que nous examinerons dans quelques semaines – est attendue par elles pour ne pas perdre d’atout concurrentiel par rapport à leurs concurrentes.

Nous attendons des entreprises, nous exigeons de leur part, qu’elles se conduisent de manière responsable. Le dispositif que nous défendons réclame d’elles de mettre en oeuvre un plan de vigilance pour l’ensemble de leur chaîne d’approvisionnement, incluant leurs filiales et sous-traitants en France et dans le monde.

Le groupe écologiste ne souhaite pas que cette loi, et surtout le décret qui suivra, de même que le plan de vigilance, se résument à une simple ribambelle de bonnes résolutions et de bonnes pratiques ou encore à un outil marketing qui ne seraient pas suivis d’effets. Nous avons collectivement une responsabilité en termes d’efficacité. Il pourra s’agir de clauses dans le contrat avec le sous-traitant exigeant des rapports réguliers sur les questions relatives aux droits humains et environnementaux, mais aussi de bien d’autres mesures.

Je souhaite appeler votre attention sur deux grands enjeux : d’une part, il sera important de renforcer les outils dont dispose le juge pour contrôler la réalité du plan de vigilance et l’effectivité des actions qui y seront exposées ; d’autre part, il conviendra de veiller à ce que le dispositif soit sans équivoque pour les entreprises, la loi doit être claire et indiquer précisément les risques qu’elles doivent prévenir pour leurs personnels et ceux qu’elles encourent pour elles-mêmes en cas d’absence de plan de vigilance ou de mauvaise application de la loi. Si j’insiste pour que les exigences requises auprès des entreprises soient le plus clair possible c’est parce qu’il est nécessaire pour réussir d’obtenir leur adhésion à une telle démarche. Et leur adhésion sera acquise si la loi et le décret définissent nettement les exigences et les sanctions. Les entreprises doivent être sécurisées au regard de l’exigence plus que légitime que nous leur imposons. Nous devons notamment fixer les bornes entre lesquelles le juge va exercer son pouvoir d’appréciation.

Je voudrais également soulever quelques questionnements relatifs à des formulations présentes dans le texte et qui mériteraient d’être clarifiées.

L’article 2 permet d’engager la responsabilité civile des sociétés concernées par un dommage qu’elles auraient « raisonnablement » pu éviter. L’adverbe « raisonnablement » est extrêmement flou et contraire à l’objectif de clarté que j’appelle de mes voeux pour répondre à l’objectif de sécurisation des entreprises dans les dispositifs en vertu desquels elles devront répondre au devoir de vigilance pour se mettre en conformité avec la loi. Le décret d’application aura comme objet de définir le contenu du plan de vigilance. Actuellement, nous n’avons pas plus de précision, ce qui ne nous permet pas de savoir clairement à ce stade si ce dispositif sera pertinent, tant pour protéger les salariés que pour apporter un message clair aux entreprises.

Autre élément, la charge de la preuve pèse sur la victime du dommage. Il revient à la victime de prouver premièrement que le plan de vigilance n’a pas été élaboré, deuxièmement que le plan de vigilance n’a pas été mis en oeuvre de façon effective et troisièmement qu’il existe un lien de causalité entre la survenance du dommage et l’inexistence ou la mauvaise mise en oeuvre du plan de vigilance. Ce rapport du faible au fort peut faire douter de l’efficacité du dispositif.

Il reste donc à réaliser un travail important, notamment s’agissant du décret. En attendant, je veux insister sur l’importance de cette proposition de loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre et sur l’avancée majeure qu’elle représente pour l’intérêt général et la protection des personnes et de l’environnement, et saluer la ténacité de nos collègues Dominique Potier, Danielle Auroi et Philippe Noguès.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe écologiste et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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Il y a un an, nous étions réunis dans ce même hémicycle pour adopter cette proposition de loi sur le devoir de vigilance en première lecture. La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire dont je suis membre avait alors été saisie et j’avais eu l’honneur d’être rapporteur pour avis de ce texte.

Avant de commencer à le commenter, je tiens à remercier les députés qui en sont à l’origine, sans lesquels rien n’aurait été possible : Dominique Potier, cheville ouvrière qui, par son incroyable énergie, permet de débloquer des situations et de faire avancer les choses ; Danielle Auroi et Philippe Noguès, qui ont suivi le dossier dès le stade de son élaboration, avant même la catastrophe du Rana Plaza au Bangladesh ; ainsi qu’Annick Le Loch et Anne-Yvonne Le Dain au sein du groupe SRC.

Je tiens également à remercier chaleureusement la société civile car ce texte est le fruit d’un travail de concertation étroit entre le Parlement, la société civile – organisations non gouvernementales et syndicats – et le monde universitaire. Cette méthode devrait d’ailleurs nous inspirer et être reproduite plus souvent : voilà un exemple concret qui prouve que les parlementaires ne sont pas enfermés dans une tour d’ivoire mais au contraire très ancrés dans les forces vives de notre pays.

Venons-en au fond et aux raisons qui nous poussent aujourd’hui à adopter cette loi. Je ne reviendrai pas sur son contenu. Cette proposition de loi est une première traduction législative de notre préoccupation commune, celle de la responsabilité sociale des entreprises, préoccupation partagée par tous, acteurs publics et privés. Cette année je m’exprime avec un mandat et une responsabilité nouveaux puisque je représente désormais l’Assemblée nationale à la Plateforme nationale d’actions globales pour la responsabilité sociétale des entreprises, qui a réalisé un travail d’auditions très important en amont de la première lecture de ce texte. Bien que la concertation n’efface pas toujours les dissensions, surtout lorsque les antagonismes initiaux sont très forts, on ne peut que se féliciter de l’existence de cette plateforme.

La responsabilité sociale des entreprises consiste à identifier, prévenir et, le cas échéant, réparer les dommages sociaux sanitaires et environnementaux ainsi que les atteintes aux droits de l’homme susceptibles de résulter de leurs activités. La France est pionnière dans le monde sur ces sujets : nous pouvons être fiers de nos entreprises qui, dans l’ensemble, sont souvent en pointe par rapport à leurs homologues d’autres pays. S’agissant des droits humains, qui sont l’une des dimensions de la RSE, un corpus de normes s’est peu à peu constitué au niveau international, notamment autour des principes directeurs de l’OCDE et de l’ONU ainsi que des conventions internationales de l’Organisation internationale du travail.

Il appartient aux États de rendre effectifs ces principes et de leur donner toute leur portée en les adaptant aux règles nationales. C’est précisément ce que nous sommes en train de faire avec cette proposition de loi. Nous pouvons nous permettre de le faire car nos entreprises sont en avance : la grande majorité des entreprises françaises sont mûres et n’auront pas de difficulté à mettre en oeuvre le plan de vigilance que cette proposition de loi les invite à élaborer. Au contraire, il est grand temps de valoriser les nombreuses entreprises qui sont engagées depuis longtemps dans des démarches vertueuses et qui ont déjà largement intégré les droits humains dans leurs modèles économiques. Nous leur donnons là un avantage en termes de compétitivité.

Mais cette première proposition de loi n’est que la première étape d’un chemin encore long. Ce texte permettra-t-il de régler tous les problèmes ? Assurément non, mais il envoie un message positif très clair, qui contribuera à tirer les standards vers le haut dans les pratiques sociales et environnementales des entreprises. C’est une étape importante, dont nous ne devons pas minimiser la portée, malgré la tentation naturelle d’en vouloir plus, dès aujourd’hui.

Avant de vous inviter à adopter ce texte, j’aimerais terminer, chers collègues, par un témoignage. Président du groupe d’amitié France-Équateur à l’Assemblée, je me suis rendu en Amazonie équatorienne dans le cadre d’une visite officielle en 2014. J’ai moi-même constaté les dégâts environnementaux dus à l’exploitation pétrolière de Texaco et Chevron, qui a opéré en Équateur entre 1964 et 1990. Dans la zone concernée, l’eau n’est pas potable. Il suffit de passer sa main à la surface de l’eau pour constater la présence d’une substance huileuse. La justice a-t-elle été rendue ? Non. Vingt-six ans plus tard, les populations locales attendent toujours que des mesures de dépollution soient mises en oeuvre.

Ce que nous sommes en train de faire aujourd’hui est très regardé à l’étranger. Il y a deux semaines, j’étais invité par la diplomatie équatorienne à l’ONU, en marge de la session du Conseil des droits de l’homme de l’ONU. À Genève, un groupe de travail intergouvernemental travaille à l’élaboration d’un traité contraignant sur la responsabilité des entreprises transnationales en matière de droits humains.

N’écoutons pas les sirènes de ceux qui nous enjoignent à ne rien changer. Nous traçons un chemin. Nous jouons un rôle pionnier en faveur d’un meilleur accès à la justice et d’une mondialisation mieux régulée. À cet égard, je ne doute pas que nous serons suivis par nos voisins.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Mes chers collègues, vous nous proposez d’adhérer ici à des principes largement partagés sur tous les bancs de l’hémicycle et dans l’opinion publique : l’amélioration des normes sociales et environnementales, le respect des droits de l’homme, la prévention de la corruption. Cette question de la RSE est déjà prise à bras le corps par les organisations internationales – mon collègue Patrick Hetzel en a d’ailleurs rappelé les avancées.

Dans le même temps, vous reconnaissez que les entreprises françaises visées sont déjà plutôt vertueuses et en constante progression, par morale ou par intérêt bien compris, notamment du point de vue de leur réputation et de leurs actionnaires responsables. Je le pense aussi, mais je n’en tire pas les mêmes conclusions.

Pour vous, parce que vertueuses, ces entreprises n’auront aucune difficulté à respecter le devoir de vigilance, pour elles, pour leurs fournisseurs et pour leurs sous-traitants. Vous pensez aussi qu’elles ne subiront aucune concurrence déloyale. Selon vous, les risques juridiques et financiers induits seront mineurs, puisque la loi ne serait que l’ultime menace théorique pour ces entreprises déjà vertueuses.

En première lecture, chers collègues, j’adhérais spontanément à votre belle idée d’un monde porté par des multinationales garantissant un monde sans travail des enfants, sans atteinte à l’environnement, sans destruction des économies locales, respectant partout droits sociaux, égalité des genres, salaires décents, y compris dans les pays dont les gouvernements ne le permettent pas ou ne l’encouragent pas. Depuis, sans étude d’impact préalable, j’ai essayé d’oublier ma spontanéité pour envisager les conséquences très concrètes de cette loi sur les entreprises, leurs fournisseurs, leurs sous-traitants mais aussi sur les tissus économiques et sociaux, en France comme à l’étranger.

Je veux vous faire part de quelques-unes de mes réflexions. L’avenir des pays en développement dépend de leur capacité à se doter d’un réseau d’entreprises souvent réduites à la sous-traitance actuellement, mais capables de passer progressivement d’une économie grise à un statut d’entreprises modernes, capables d’acquérir progressivement une autonomie de création et de production, respectant les standards internationaux, y compris ceux relevant de la RSE.

C’est d’ailleurs tous le sens de l’aide au développement que de les aider à cette progression. Cette proposition de loi conduira nos entreprises françaises à ne s’adresser qu’à un nombre réduit de fournisseurs ou de sous-traitants, parmi les plus modernes et internationalisés de ces pays, qui leur garantiront le maximum de sécurité juridique. Les autres entreprises seront condamnées à cette économie grise, à devenir sous-traitantes d’entreprises non vigilantes, au lieu d’être aidées progressivement à passer d’un logiciel 3.0 à 4.0.

Pire encore : souvent, nos entreprises changeront de pays, si l’organisation politique et les pratiques ordinaires imposées dans ce pays les mettent en risque. Mais je pense aussi aux entreprises de gestion des services publics, un domaine particulier. Ces grandes entreprises françaises n’ont pas le choix de changer de pays ou de partenaire. Elles sont liées à un territoire, ne choisissent pas leurs partenaires – sociétés étatiques ou collectivités locales. Elles sont liées à des pratiques, des clauses imposées, des reprises des personnels existants. Elles ont conclu des contrats de concession ou de gestion de temps long.

Par cette proposition de loi, chers collègues, vous poserez de sérieux problèmes à l’un des fleurons du savoir-faire français. Votre texte considère implicitement que toutes les chaînes de valeurs et d’approvisionnement fonctionnent de manière unique et linéaire. Cette vision me semble caricaturale. Ainsi, à la différence du textile, l’électronique fonctionne d’une manière multipolaire : les sous-traitants, qui fabriquent leurs propres produits et les brevettent quelquefois, choisissent eux-mêmes les groupes avec lesquels ils travaillent, en leur imposant leurs règles.

Sur notre territoire, cette loi conduira ainsi à une contraction du nombre de fournisseurs et de sous-traitants. Nos PME n’auront pas les moyens humains et financiers de vérifier qu’un composant importé aura échappé au devoir de vigilance. Et que dire de la concurrence déloyale, notamment dans la grande distribution où seules certaines enseignes seront soumises à ce devoir de vigilance ? Tel produit vendu en France sera un produit vigilant alors qu’un autre, commercialisé par un concurrent étranger, ne le sera pas…

Je crains aussi que cette loi ne soit instrumentalisée afin de nuire aux concurrents. Quoi de plus facile que d’aider à la mobilisation active d’une ONG ou d’un groupe de consommateurs ! Ne verra-t-on pas des ONG de conseil se mettre à vendre des démarches de certification ou à les attaquer en justice ?

Comme vous l’avez reconnu, monsieur le rapporteur, la communauté internationale travaille sérieusement à la RSE. Les entreprises françaises concernées sont déjà vertueuses, alors pourquoi leur imposer des risques juridiques et concurrentiels disproportionnés ?

Madame la secrétaire d’État, tolérez au moins de leur laisser un délai pour se mettre en ordre de marche, pour ne pas être immédiatement livrées aux tribunaux dès la promulgation de la loi et la parution des décrets. Pourquoi ne pas les accompagner pour être encore plus vertueuses, en s’inspirant des pratiques des pays scandinaves qui mettent en place des pôles d’accompagnement des entreprises ? Pourquoi ne pas s’allier à l’OIT, qui traitera ce sujet dans sa convention de juin ? Pourquoi ne pas appuyer le gouvernement des Pays-Bas, qui souhaite avancer sur ce sujet lorsqu’il présidera l’Union européenne ? Pourquoi ne pas s’inspirer de Stéphane Le Foll, qui, il y a quelques jours, demandait aux députés de prendre le temps de la réflexion pour une initiative commune européenne sur les néonicotinoïdes ?

Alors, cher monsieur le rapporteur, si je suis solidaire de votre humanisme et de votre générosité sincères, que je salue, je ne peux malheureusement pas vous suivre dans leur traduction législative.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous examinons aujourd’hui en seconde lecture la proposition de loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et entreprises donneuses d’ordre.

En vue de la Coupe du monde de football 2022 au Qatar, l’entreprise française Vinci a remporté des contrats de plusieurs millions d’euros pour la construction d’infrastructures sportives. Sa filiale qatarie QDVC, dont les dirigeants sont français, est accusée par l’ONG Sherpa de contraindre ses salariés à travailler dans des conditions indignes et à vivre dans des logements insalubres pour des salaires dérisoires, sous la menace de représailles s’ils tentent de s’y opposer.

Nous avons tous été frappés par le drame du Rana Plaza sur lequel je ne reviendrai pas, sauf en rappelant les noms des marques françaises figurant sur les étiquettes retrouvées parmi les décombres : Carrefour, Auchan ou encore Camaïeu. Pouvons-nous accepter, au XXIe siècle, en France, de bâtir nos loisirs, nos plaisirs, sur l’esclavage, sur des atteintes aux droits humains qui n’ont rien à envier à ce que nous avons tous condamné dans nos livres d’histoire ?

Chacun doit se déterminer. Certains préfèrent sans doute se voiler les yeux pour évacuer toute culpabilité. Je crois pour ma part qu’il est temps que l’humain reprenne le dessus sur la recherche perpétuelle de la baisse des coûts de production. Mais je veux aussi rappeler, car cela explique l’intérêt et l’importance de légiférer sur la responsabilité sociale des maisons mères et leur devoir de vigilance, que la question n’est pas simplement morale. Elle est aussi politique et économique.

Outre son coût humain et environnemental inacceptable dans les pays où il est pratiqué, le moins-disant social généralisé pénalise en effet notre économie. Tout comme il existe un dumping social, il existe un dumping sur les droits de l’homme et sur les normes environnementales avec, toujours en filigrane, une dilution organisée de la responsabilité.

En choisissant des chaînes de production de plus en plus complexes et de moins en moins lisibles, pour le consommateur comme pour les autorités, les entreprises ont parfois l’illusion de contourner à leur avantage des contraintes qu’elles jugent trop rigides, alors qu’en fait elles s’exposent à de nouveaux risques extra-financiers, tels que la sous-traitance sauvage, le risque réputationnel et celui, évidemment, de devoir indemniser des victimes. Or c’est le rôle du pouvoir politique de fixer les règles qui régissent les échanges économiques mondialisés. Vu l’ampleur des conséquences humaines, environnementales et économiques de la situation actuelle, je suis convaincu que l’État a la responsabilité d’agir.

Si nous, représentants de la nation, ne prenions pas à bras-le-corps la question de la régulation de la mondialisation, pour que les échanges économiques soient plus justes et plus respectueux des hommes, des territoires et de l’environnement, nous laisserions ce sujet aux mains des populistes de tous bords, défenseurs de frontières fermées et d’un retour en arrière au profit d’un monde prétendument meilleur autrefois.

Il appartient à la France de montrer l’exemple. Il n’est plus acceptable que des entreprises françaises se trouvent à nouveau impliquées directement ou indirectement dans des drames comme ceux que nous venons d’évoquer.

Dès 2012, Dominique Potier, Danielle Auroi et moi nous sommes retrouvés pour échanger et construire cette proposition de loi, en liaison avec la société civile, notamment des syndicats et des ONG – sans lesquels nous ne serions peut-être pas là aujourd’hui. Il y eut d’abord une première version ; mais, confrontés à des lobbies discrets mais terriblement efficaces, nous avons dû nous rabattre sur le texte que nous examinons aujourd’hui, et que je considère comme un premier pas.

Bien sûr, on aurait pu aller beaucoup plus loin sur un certain nombre de sujets importants. D’ailleurs, cela a fait l’objet de plusieurs amendements qu’avec Danielle Auroi, Sergio Coronado et Paul Molac nous avons déposés en commission et que, pour certains, nous déposerons de nouveau dans l’hémicycle.

S’agissant des seuils notamment, il faut bien se rendre compte qu’avec ce que prévoit actuellement la proposition de loi, la catastrophe du Rana Plaza n’aurait pas été évitée ! Et concernant l’accès à la justice, je regrette que la charge de la preuve continue à peser sur les victimes, dans un rapport de force pour le moins déséquilibré avec les entreprises multinationales.

Mais, je le disais l’année dernière, lors de l’examen en première lecture : ce texte est une sorte de « pied dans la porte » – encore faudra-t-il que ce pied ne soit pas écrasé, mais qu’il permette au contraire d’ouvrir cette porte beaucoup plus franchement.

La majorité sénatoriale a visiblement fait le choix de la claquer, cette porte, au nez de la société civile en France, mais aussi et surtout au nez des milliers de travailleurs exploités sur la planète. En reprenant le texte que nous avions adopté en première lecture, nous posons un jalon sur un chemin encore très long. Nous pouvons en être satisfaits, et je n’ai aucun doute sur le fait que nous agissons dans le sens du progrès économique et humain. Je compte néanmoins sur le débat parlementaire pour renforcer et clarifier le texte, afin de le rendre plus efficace.

Il nous appartient aujourd’hui, ainsi que dans les débats qui vont suivre, de faire en sorte que ce « pied dans la porte » aboutisse à de réelles avancées sociales et environnementales. Le Gouvernement aura une vraie responsabilité en la matière.

Mes chers collègues, la prise de conscience est là, dans la société civile. À nous de faire en sorte qu’elle se traduise dans la loi.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.

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La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain, dernière oratrice inscrite dans la discussion générale.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur cher Dominique Potier, c’est avec beaucoup de plaisir que je reviens en deuxième lecture parler de ce texte.

Les orateurs précédents ont déjà dit beaucoup de choses. Je crois quant à moi que la France n’a pas d’exemple à donner, que ce texte n’a pas vocation à servir d’exemple à qui que ce soit. Il s’inscrit simplement dans un temps de l’histoire, notamment dans un temps de l’histoire de la modernité occidentale – le temps où il faut dire : ça suffit ! D’autres le font, notamment les pays d’obédience anglo-saxonne, les pays de common law, en adoptant des guides de bonne pratique. Mais en France, on n’est pas très à l’aise avec ces choses-là : il faut que nous passions par la loi, sinon nous n’irions pas assez vite.

Cher Dominique Potier, qui êtes à l’initiative de ce texte, nous sommes, je crois, dans le bon timing pour faire avancer les choses, et pour que la « vigilance raisonnable », qui est le concept central de ce texte, s’applique. Je crois d’ailleurs que la plupart des grandes entreprises le savent, et qu’elles y veilleront, dans leur intérêt même.

Car c’est bien le problème : il faut que ce texte s’applique le plus vite possible. Il faut que le parcours législatif soit achevé avant l’été, pour que soit pris ensuite, comme le prévoit le texte, le décret en Conseil d’État qui précisera les modalités de présentation et d’application du plan de vigilance que chaque entreprise devra établir et rendre public. Cela signifie d’ailleurs que l’entreprise aura négocié avec son personnel : on est bien là dans une démarche de coconstruction – on sait que c’est la seule qui soit réellement efficace.

Je veux rappeler que les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, ces CHSCT qui ont tant fait parler d’eux quand ils ont été institués, avaient juste été conçus pour faire appliquer les règles dans l’entreprise. Ils ont ensuite évolué, devenant des lieux où l’on anticipait les risques susceptibles de peser sur les employés, et maintenant c’est un endroit où l’on conçoit la manière dont tout le monde pourra être plus performant, au bénéfice de l’entreprise et sans risque pour le salarié.

Nous engageons aujourd’hui une démarche similaire. Il s’agit d’un premier pas – Philippe Noguès vient de parler de « pied dans la porte », c’est une bonne formule. Nous n’imposons rien, nous disons seulement aux entreprises qu’elles devront tout mettre en oeuvre pour s’assurer que leurs filiales et les sous-traitants auxquels elles font appel respectent certaines règles. Il s’agit pour elles d’adopter un code de bonne conduite, un guide de bonnes pratiques ; sauf que la loi leur impose de le faire, et prévoit de vérifier qu’elles l’auront bien fait.

Tel est le sens de l’article 1er : toute personne justifiant d’un intérêt à agir pourra demander à la juridiction compétente d’enjoindre à la société d’établir le plan de vigilance et d’en assurer la communication au public. C’est une manière de dire aux entreprises qu’elles ont tout intérêt à le faire, pour ne pas se retrouver dans cette situation. Nous nous adressons en priorité aux grandes entreprises, celles qui emploient plus de cinq mille salariés sur le territoire national ou plus de dix mille à l’échelle mondiale : c’est que les grandes entreprises françaises doivent donner l’exemple, car beaucoup de leurs filiales et de leurs sous-traitants sont des PME, implantées en France ou à l’étranger.

Nous avons tous, collectivement, intérêt à cela, nous qui sommes des êtres humains, comme tous les ouvriers et, surtout, toutes les ouvrières – car ce sont principalement les ouvrières qui meurent. Au Rana Plaza, il y eut, comme vous l’avez rappelé, cher Dominique Potier, plus de 1 100 morts, pour la plupart des femmes. Elles sont mortes pour une chose fondamentale, un produit de base : le textile – car tout le monde s’habille. Et puis voilà : un immeuble qui s’effondre, des morts.

La semaine dernière, nous avons travaillé sur la biodiversité et avons consacré le principe du préjudice écologique. Pourrions-nous ne pas consacrer le principe du préjudice humain ? Ignorer la mort d’hommes et de femmes, les blessures, les mauvais comportements, les empoisonnements ? Notre collègue parlait à l’instant des secteurs chimiques et miniers, et de la manière dont on envoyait des gens travailler dans des conditions non pas insatisfaisantes, mais inacceptables !

Nous sommes là en présence d’un texte de loi qui affirme des choses simples, des choses fortes, et qui pose une pierre, celle de la France. Il se fonde sur la réalité et les entreprises devront s’y soumettre. Je crois que toutes savent qu’au fond, c’est dans leur intérêt : non seulement cela va dans le sens de l’histoire, mais cela répond au mouvement actuel, car on voit bien que de nombreux pays dans le monde y viennent, que ce soit des pays nordiques, des pays anglo-saxons ou même d’autres grands pays comme le Brésil, la Chine ou l’Inde. Tel est aussi notre intérêt : que nous ayons l’honneur pour nous et que, d’une certaine manière, nous introduisions de la morale en politique.

« Bravo ! » sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.– Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.

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La discussion générale est close.

La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Debut de section - Permalien
Ericka Bareigts, secrétaire d’état chargée de l’égalité réelle

Le texte que nous examinons ce soir n’est pas un texte édulcoré : c’est un texte ambitieux, raisonnable et consensuel, qui, comme je l’ai dit dans ma présentation, a fait l’objet d’un travail technique approfondi de la part du Gouvernement et du rapporteur.

Dans ce domaine, la France est leader, et je crois que c’est important qu’elle le soit. Nous promouvons une approche moderne de l’économie, qui n’aura plus à opposer les droits humains et les performances économiques : ce débat est derrière nous.

Deux mots à propos du calendrier. D’abord, la position exprimée par le Gouvernement doit vous assurer de son engagement et de sa détermination sur ce sujet ; j’espère que personne n’en doutera. Le calendrier d’examen se détermine avec les groupes parlementaires, mais j’insiste sur l’importance de le lier à la transposition de la directive européenne sur le reporting extra-financier, qui doit intervenir avant le 6 décembre. C’est une date qui s’impose à nous. Nous serons attentifs à ce que ces deux textes, qui réalisent des avancées importantes dans ce domaine, s’appliquent dans les délais, c’est-à-dire avant le 6 décembre.

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J’appelle maintenant dans le texte de la commission les articles de la proposition de loi sur lesquels les deux assemblées n’ont pu parvenir à un texte identique.

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Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 1er.

La parole est à M. Thierry Mariani, premier inscrit.

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L’objectif de la présente proposition de loi est de faire contribuer les grandes entreprises au respect des droits de l’homme et à l’amélioration des normes sociales et environnementales dans le monde, en établissant et en mettant en oeuvre un plan de vigilance. Cette posture idéologique reflète l’incapacité du Gouvernement à organiser une discussion intelligente, prenant en considération tous les paramètres sur un sujet aussi sérieux. Il n’y a pas d’étude d’impact, et aucune évaluation des conséquences économiques du texte n’a été menée. Surtout, il serait aberrant que les entreprises françaises soient les seules concernées, d’autant que depuis une quinzaine d’années, la France a accompli des progrès considérables en matière de responsabilité sociale des entreprises.

Le présent article étend tacitement le plan de vigilance aux filiales et sous-traitants à l’étranger, ce qui donne à la proposition de loi une portée extraterritoriale. Au-delà du manque de précision dont il fait preuve, le renvoi à un décret en Conseil d’État provoque des incertitudes quant au contenu exact du plan et aux normes de référence. Il existe un risque d’ingérence dans les filiales et chez les sous-traitants pour la mise en application du plan.

En outre, l’inégalité de traitement entre une société française et une société étrangère – puisqu’il n’existe pas de dispositif aussi ambitieux dans les législations étrangères équivalentes – nous ferait prendre un risque démesuré pour l’attractivité de notre pays et la compétitivité de nos entreprises. L’Union européenne serait l’échelon pertinent pour traiter de ces sujets, de manière à garantir une équité de traitement entre les entreprises.

Pire, une telle loi porterait atteinte à l’égalité des conditions de concurrence entre entreprises françaises et entreprises étrangères. Elle risquerait d’obliger les entreprises françaises à se retirer de certains marchés étrangers, pour ne pas avoir à garder des fournisseurs impossibles à contrôler. Elle engendrerait des contraintes importantes pour les PME françaises qui fournissent de grands groupes, et perturberait les relations commerciales entre donneurs d’ordre et sous-traitants.

L’adoption de ce texte ne ferait qu’aggraver notre capacité de compétitivité et le déficit de notre commerce extérieur. Ce n’est pas le moment !

Mme Le Dain a conclu son intervention en affirmant que la proposition de loi allait dans le sens de l’honneur et de la morale. Pour moi qui suis en permanence à l’étranger pour les raisons que vous savez, l’honneur et la morale, c’est bien, mais je préférerais que nous ayons aussi des marchés, des contrats et des emplois !

Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

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Et quand je vois le contenu de cette proposition de loi, je me pose des questions.

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Un mot pour me féliciter de l’opportunité de cette proposition de loi, qui porte sur un sujet essentiel. Il se trouve que je suis moi aussi un élu des Français de l’étranger, mais je ne fais pas du tout la même analyse que M. Mariani.

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Forcément : vous êtes élu en Europe, l’enjeu n’est pas le même !

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Nous en reparlerons ultérieurement, voulez-vous, monsieur Mariani ?

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Seul M. Premat a la parole. Merci de débattre dans le calme comme vous l’avez fait jusqu’à maintenant, mes chers collègues.

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Pourquoi étendre le plan de vigilance aux filiales ? L’idée est de garantir un juste échange, mais aussi d’aller vers ce qu’a évoqué Anne-Yvonne Le Dain, à savoir un code de bonne conduite pour le recrutement des travailleurs. C’est essentiel.

Prenons un exemple : celui d’employés qui, détachés d’une société mère vers une filiale, basculent en contrat local. Il se trouve que dans mes permanences, je croise de nombreuses personnes qui se trouvent dans des situations très difficiles et ne savent pas vers quelle juridiction se tourner, puisque les filiales sont autonomes : ils sont licenciés par elle, alors que leur contrat initial avait été conclu avec la société mère.

C’est exactement à ce genre de problématique qu’entend répondre le texte : il s’agit d’insuffler de la lisibilité et d’instaurer une déontologie, de manière dynamique – dans la même logique, d’ailleurs, que le projet de loi sur la déontologie des fonctionnaires : il y a une grande cohérence entre les deux textes.

Je suis heureux que l’on réintroduise de la valeur éthique – valeur ajoutée certes, mais non marchande – dans le lien entre les entreprises. Je pense donc que cette proposition de loi fera date et j’espère que cette deuxième lecture aboutira.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Je veux avant tout saluer le travail inlassable, depuis près de deux ans, de mon collègue et ami Dominique Potier, de Philippe Noguès et de Danielle Auroi, en lien avec de nombreux ONG et syndicats. Avec cette proposition de loi, ils posent la première étape de la reconnaissance des droits des travailleurs à travers le monde.

La responsabilité sociale des entreprises n’est pas une question nouvelle, et elle se pose souvent à nous de manière cruelle. Comment oublier le drame du Rana Plaza, survenu en 2013, qui a coûté la vie à plus de 1 100 travailleurs au Bangladesh ? Le Bangladesh compte près de 4 millions d’ouvriers dans le secteur textile : 80 % sont des femmes, pour qui c’est le seul métier accessible et offrant un minimum d’indépendance financière.

Dans ce combat pour le respect de la dignité des salariés et de la sécurité des travailleurs, la gauche, l’ensemble des parlementaires et la France doivent tenir une place essentielle. Oui, la promotion de l’activité économique de nos entreprises doit se concilier avec les droits fondamentaux des travailleurs à l’échelle mondiale : elles ne peuvent s’en exonérer.

C’est pourquoi je salue la mise en place d’un plan de vigilance obligatoire visant à assurer, de manière préventive, la protection et la dignité des travailleurs embauchés dans des filiales directes et indirectes ou par les sous-traitants et fournisseurs de sociétés françaises. Cette vigilance doit s’entendre au regard des droits humains, de la santé, de l’environnement ou de la justice.

Pour moi, il est donc primordial d’acter cette première avancée vers la responsabilisation de nos grandes entreprises. Oui, il s’agit bien d’une première étape et d’un dispositif inédit, porteur de progrès social.

Je souhaite également faire part de mon effarement à la lecture des déclarations, ce matin dans la presse, de Pierre Pringuet, président de l’AFEP – l’Association française des entreprises privées, qui rassemble les plus grandes d’entre elles – qui dit avoir obtenu de nombreuses assurances que le texte ne franchirait pas les différentes étapes parlementaires. Quel manque de respect pour la représentation nationale ! Merci, madame la secrétaire d’État, d’avoir démenti ces propos et validé un calendrier de mise en oeuvre de la future loi.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Je sais d’où je viens, et je ne ferai pas de mes enfants les receleurs béats de lointaines souffrances dont j’aurais eu, moi, connaissance et que je ne puis accepter. Parce que nous sommes idéalistes, nous avons bâti, grâce à l’énergie de certains de nos collègues, un projet très réaliste : un projet modeste, pourrait-on dire, mais un projet efficace. Efficace, il l’est par son caractère incitatif. Il est également transparent, en ce qu’il est compréhensible. Et enfin, parce que nous sommes pragmatiques, il sera applicable.

Je forme le voeu que notre voix soit entendue au loin par ces gens auxquels nous nous adressons et dont nous connaissons les difficultés : ce sera, je crois, une belle façon de renforcer la voix internationale de notre pays, qui ne parle certes pas seulement d’économie – même si celle-ci est importante, cher monsieur Mariani.

Après avoir écouté quelques critiques, je citerai Vauban, tant il est vrai que les citations sont un substitut égal au manque de talent. Vauban, disais-je, écrivait au roi pour présenter sa réforme juste et universelle de l’impôt : « Votre Majesté n’écoutera pas les criailleries de ceux qui protestent contre la réforme, tant il est vrai que ceux qui s’opposent au changement sont les mêmes qui profitaient des désordres anciens. »

Mes chers collègues, le souverain d’aujourd’hui, c’est le peuple, et nous en sommes les modestes représentants. À trois siècles de distance, nous écouterons le conseil de Vauban et voterons ce texte.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Je me félicite également de ce texte, qui a une portée non seulement juridique, mais aussi symbolique. Avec des chaînes de production de plus en plus mondialisées et complexes, les sociétés transnationales jouent un rôle majeur dans la gouvernance économique mondiale et dans le jeu des échanges internationaux. Si le développement de ces échanges contribue au rayonnement et au développement économique des pays qui y participent, nous constatons qu’il s’accompagne trop souvent de pratiques aux incidences négatives sur les droits humains et l’environnement.

On a évoqué l’accident du Rana Plaza. Les étiquettes de grandes marques de vêtements européennes et françaises avaient été trouvées dans les décombres : cela avait provoqué l’indignation, mais également une prise de conscience collective.

Notre pays ne peut plus accepter que nos modes de consommation riment avec atteintes aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales. Aussi, l’obligation faite aux sociétés visées à l’article 1er d’établir et de mettre en oeuvre, de manière effective, un plan de vigilance contribuera à les responsabiliser. Le fait de rendre public ce plan est d’ailleurs un élément fondamental de cet article. Syndicats, ONG et associations pourront désormais jouer pleinement leur rôle en ce domaine. Le texte s’inscrit dans la continuité des principes directeurs relatifs aux droits humains et aux entreprises adoptés par les Nations Unies.

La traçabilité de nos produits de consommation doit s’enrichir de références solides quant à la prévention et à la protection de ceux qui, au bout de la chaîne, ne sont pas en capacité de se protéger, même si les avancées, en matière de droits humains, sont toujours synonymes d’inquiétudes pour les entreprises.

Au regard de cette mondialisation très active, nous devons ériger les garde-fous nécessaires. Avec le présent texte, compétitivité et responsabilité seront désormais liées.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Les doutes que j’avais exprimés en janvier 2015 sur cette proposition de loi dans sa version écologiste restent les mêmes. Le vrai problème est celui de la compétitivité de nos entreprises et le fait que, une fois encore, vous leur imposez des obligations franco-françaises qui ne s’appliqueront qu’à elles. Pourquoi leur mettre un boulet aux pieds ? Je ne comprendrai décidément jamais.

Mais puisque vous n’entendez pas ces arguments, peut-être entendrez-vous les arguments constitutionnels sur lesquels je veux insister, comme l’ont très bien fait plusieurs collègues lors de la discussion générale. Le Sénat, je le rappelle, a rejeté cette proposition de loi sur la base d’une motion préjudicielle. Le rapporteur avait alors avancé pas moins de trois arguments mettant en doute la constitutionnalité du texte : ils regardent, respectivement, le principe d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi, le principe de responsabilité et le principe du « nul ne plaide par procureur » ; il faut y ajouter une atteinte possible au principe de légalité des délits et des peines.

Je m’étonne fort que toutes ces remarques ne vous mettent pas la puce à l’oreille, et ne provoquent aucune remise en question, de votre part, sur cette proposition de loi.

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Je veux à mon tour rendre hommage au travail inlassable de Dominique Potier, Philippe Noguès et Danielle Auroi, ainsi que de l’ensemble des ONG et syndicats qui ont porté ce combat, lequel trouve aujourd’hui sa concrétisation.

Je remercie aussi Mme la secrétaire d’État d’avoir rappelé la détermination du Gouvernement et noté le caractère suranné de l’opposition entre compétitivité et respect des droits sociaux et humains : une telle opposition traduit une vision très datée, qui était sans doute celle de vos prédécesseurs dans cet hémicycle, chers collègues de droite, il y a quatre-vingts ans, à l’époque du Front populaire.

C’est dans cette lignée que nous nous inscrivons, car les arguments que l’on nous oppose aujourd’hui sont exactement les mêmes que ceux des maîtres de forge face aux congés payés et à la possibilité donnée aux travailleurs de reconstituer leur force de travail. Quatre-vingts ans plus tard, ce sont ces mêmes arguments qui reviennent dans votre bouche.

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Rien à voir ! Nous sommes dans une économie mondialisée !

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Il ne s’agit pas d’isoler la France mais, peut-être, de renouer avec une tradition, celle d’une France combative qui éclaire l’humanité par certaines avancées. C’est dans cette lignée disais-je que s’est inscrit Dominique Potier et que nous nous sommes nous-mêmes inscrits à ses côtés.

Je regrette donc que, au XXIe siècle, on donne encore des arguments comme ceux que j’évoquais au lieu de donner des armes à nos grandes entreprises pour imposer des règles du jeu correctes à l’échelle internationale, dans la compétition qu’elles ont à affronter. C’est peut-être de cette dernière façon que vous devriez raisonner, chers collègues de l’opposition, plutôt que d’enfourcher les vieilles montures de la réaction.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Je salue tout d’abord la qualité des interventions générales, très argumentées et qui témoignaient de beaucoup de foi, de chaleur et de soutien. Je remercie bien entendu les groupes de la majorité, le groupe RRDP et celui des écologistes. Bien que ce dernier ait déposé des amendements, il a apporté d’emblée son soutien à la transition ici proposée.

J’ai bien compris le défi lancé André Chassaigne. Ce défi est pour moi redoutable : il me faut vous convaincre, cher collègue, que ce texte représente une transition et qu’il n’est pas un leurre. J’espère vraiment y parvenir. Vous m’avez dit que votre vote dépendrait de la qualité des réponses, j’y suis très sensible.

Je veux dire à l’opposition, dont j’ai du reste bien perçu la diversité sur le sujet, que certaines prises positions m’étonnent. Je pense en particulier à celles de M. Tétart et de M. Lurton qui, en première lecture, s’en étaient tenus à une abstention bienveillante.

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Les arguments développés par M. Tétart ne sont pas à la hauteur des enjeux, enjeux qu’il connaît peut-être, mais sur lesquels se sont penchés de meilleurs spécialistes. Dans les pays en voie de développement, notamment les moins avancés, pour 1 euro d’argent public, il y a 8 euros d’argent privé. Mettre un peu d’éthique, un minimum de limites – empêcher le travail des enfants ou la pollution sur trois générations des nappes phréatiques, éviter la corruption des individus comme des institutions – serait assurément bienvenu.

Vous sillonnez l’Afrique, monsieur Tétart, dans le cadre du suivi de l’aide publique au développement. Vous savez donc combien l’éthique, dans l’usage de l’argent privé – dont le montant, je le répète, représente huit fois celui de l’argent public – est précieuse pour faire avancer l’État de droit et les droits humains et pour constituer un socle de développement solide dans ces pays. Je m’étonne donc que certains arguments vous aient fait changer d’avis.

J’ai bien noté, madame Sage, votre idée d’un bonus-malus et l’expression, au nom de l’UDI, d’une bonne volonté que je salue. Mais un bonus-malus aurait des implications redoutables : il suppose par exemple de calculer, en termes de malus, la valeur du travail d’un enfant de dix ans dans une mine en Ouganda, au profit d’un géant de la construction.

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Nous pouvons, ce me semble, éviter ce débat et nous contenter de dire que, si certaines choses ont un prix, d’autres n’en ont pas lorsqu’il est question de droits humains. François Perroux le disait déjà au début du XXe siècle : certaines choses n’ont pas de prix en économie, car elles relèvent de l’éthique et des droits universels. Bref, nous pourrions nous épargner cette comptabilité somme toute sordide, même si j’entends, madame Sage, votre bienveillance et votre volonté de trouver des compromis.

Je suis plus étonné, en revanche, par la ligne dure de M. Mariani, qui, arrivé dans ce débat à la suite de M. Hetzel, exprime une opposition frontale. Permettez-moi de vous le dire, cher collègue, vous représentez le monde d’avant, où l’on opposait le marché au développement humain. Nous sommes aujourd’hui dans un monde nouveau et j’ai pleinement confiance dans nos TPE, PME, ETI et grands groupes, dont j’ai rencontré les représentants, en tête-à-tête et collectivement, pour relever le défi de ce monde d’après, ce monde où l’on n’oppose plus les profits, la créativité, l’effort, la justice et le respect des droits de l’homme. Si la France n’est pas leader dans ce monde-là, avec sa politique internationale, son aide au développement, ses politiques de sécurité et ses grands groupes, alors nous devrons nous préparer à la barbarie ailleurs, et, ici, à l’impuissance publique, source de toutes les humiliations, comme l’a si bien dit Philippe Noguès, et donc du vote de désespoir et de repli – du vote Front national.

Nous devons affirmer, ici, que la puissance publique est encore capable de faire la loi, contre toutes les pressions et contre tous les lobbies, qu’elle est la plus forte et que le peuple est souverain.

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Et ce même peuple peut tendre la main à d’autres peuples puisque, évidemment, cette initiative française a vocation à devenir une directive européenne.

M. Tétart a évoqué la présidence néerlandaise : sachez, chez collègue, que celle-ci m’a invité à venir témoigner à Amsterdam, mi-mai, devant les parlementaires, des progrès de la loi française. Avant même d’être appliquée – et elle le sera bientôt, aux dires de Mme la secrétaire d’État – celle-ci fait donc déjà école en Europe. Nous pouvons en être fiers.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Nous en venons aux amendements.

La parole est à Mme Sophie Rohfritsch, pour soutenir l’amendement no 1 , tendant à la suppression de l’article.

« Retiré ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Nous sommes tout à fait d’accord avec vous, monsieur le rapporteur : vous êtes, je dois le dire, terriblement sincère et convaincant.

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Nous ne saurions nous élever contre quoi que ce soit de ce que vous avez dit : vous seriez un excellent ambassadeur… si vous acceptiez, vous aussi, de comprendre que le monde a changé. L’heure n’est plus à l’opposition entre les entreprises et le modèle de société que nous voulons tous.

Bien évidemment, personne ne souhaite que des enfants travaillent dans des cimenteries ou décèdent dans l’effondrement d’usines en feu ! Personne ! Mais nous devons travailler de concert et certains des orateurs précédents ont reconnu qu’aujourd’hui – nous soutenons, comme eux, cette évolution – les entreprises ont entamé cette démarche vertueuse. L’OCDE est, en outre, capable de les y conduire.

Nous devons donc travailler ensemble et cesser de considérer que nous ne serions, de ce côté-ci de l’hémicycle, que des conservateurs au service d’entreprises rétrogrades.

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Madame la présidente Auroi, je vous ai écoutée et je vous remercie de faire de même à mon endroit.

Il faut donc cesser, disais-je, de considérer que nous défendons des entreprises rétrogrades qui n’auraient pour objectif que de faire des bénéfices, au mépris des intérêts des enfants. Sur ce sujet, nous devons pouvoir avancer ensemble.

L’amendement no 1 a donc pour objet de supprimer l’article 1er, au bénéfice d’un travail en commun au niveau européen, voire international, et sous l’égide de l’OCDE et de toutes les organisations qui se sont déjà engagées dans cette voie.

Donc pas de coercition ni de texte punitif : travaillons ensemble, selon les indications que vous avez vous-même données, monsieur le rapporteur.

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Quel est l’avis de la commission sur cet amendement de suppression ?

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Il est défavorable. Beaucoup d’arguments ont été évoqués : je rappellerai simplement que les ONG comme presque tous les syndicats français soutiennent cette proposition de loi. Ils en feront état, notamment lors des négociations portant sur la loi El Khomri. Et tout un panel d’intellectuels et de chercheurs qui s’intéressent à l’entreprise au XXIe siècle, comme certains penseurs des universités françaises, belges ou d’autres pays, leur ont emboîté le pas.

Une des plus belles contributions que nous ayons reçues est celle d’Armand Hatchuel. Elle répond, madame Rohfritsch, à vos questions. « Il est constant que la puissance publique n’a cessé, au cours de l’histoire, d’imposer les règles de bonne gestion, non parce que celle-ci sait mieux que les acteurs économiques où est leur intérêt, mais parce qu’elle doit empêcher que la recherche exclusive de cet intérêt ne conduise, précisément, à mettre en danger l’ordre marchand lui-même ou les droits fondamentaux de tous ».

La meilleure illustration de ce constat, et c’est Éric Alauzet qui nous a mis sur cette voie, c’est la corruption. Celle-ci ne figurait pas dans la rédaction initiale que nous portions, Danielle Auroi et moi-même. C’est Emmanuel Macron et le ministère des finances qui ont souhaité, afin de protéger les entreprises françaises des tribunaux arbitraux anglo-saxons, que nous nous dotions, en la matière, d’un devoir de vigilance.

Quelles dispositions le décret pourrait-il contenir ? Il pourrait tout simplement reprendre les propositions du Service central de prévention de la corruption. En effet, le document de six pages qu’il a produit pourrait constituer une sorte de guide servant à définir nos finalités. Il a d’ores et déjà été signé, de manière totalement consensuelle, par le patronat, les syndicats ainsi que les ONG.

Dédiabolisons donc cette proposition de loi et reconnaissons que le dialogue que nous avons établi depuis deux ans avec toutes les parties prenantes ne doit pas se heurter, aujourd’hui, au lobbying de quelques uns. Il doit nous permettre de nous rassembler autour d’un consensus dont nous devons, encore une fois, être fiers.

La commission est donc défavorable à l’amendement no 1 .

Debut de section - Permalien
Ericka Bareigts, secrétaire d’état chargée de l’égalité réelle

Défavorable.

L’amendement no 1 n’est pas adopté.

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Je suis saisie de trois amendements, nos 11 , 21 et 22 , pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement no 11 .

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Cet amendement revient sur la question des seuils qui continue, à nos yeux, de faire débat. En effet, le seuil retenu dans la proposition de loi est le fruit d’un compromis qui ne nous paraît pas satisfaisant car il ne soumet que cent cinquante à deux cent sociétés, représentant à peu près 50 % des exportations commerciales, à l’obligation d’établir un plan de vigilance.

Les mailles du filet sont donc trop larges et laisseront passer beaucoup d’entreprises qui iront s’implanter dans les pays à bas coûts, sans plan de vigilance et au risque de nouvelles catastrophes.

L’idée qu’un seuil inférieur, comme nous le proposons, fragiliserait notre tissu économique, composé notamment de PME, ne tient pas. En effet, depuis la loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques, les entreprises de taille moyenne ont fait la démonstration qu’elles pouvaient, dès lors qu’il existe une volonté politique, remplir leurs obligations en termes de données sociales ou de sous-traitance.

C’est pourquoi nous maintenons la proposition d’un seuil s’approchant de celui de inscrit à la directive sur le reporting extra-financier, adoptée par le Parlement européen le 15 avril 2014. Ce texte oblige les entreprises d’une certaine taille à inclure dans leur rapport de gestion une déclaration non financière comprenant des informations relatives aux questions environnementales, sociales et de personnel, au respect des droits de l’homme et à la lutte contre la corruption. Avec cet amendement, nous nous situons dans la même logique.

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Je suis saisie de deux amendements, nos 21 et 22 , qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à Mme Danielle Auroi, pour les soutenir.

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L’amendement no 22 est effectivement un amendement de repli. Ces deux amendements sont très proches de celui qu’André Chassaigne vient de présenter.

Je rappelle que l’immense majorité des entreprises des secteurs à risque, c’est-à-dire à forte intensité de main d’oeuvre, qui sont à l’origine de nombreuses violations des droits humains, ne sont pas concernées par le seuil de cinq mille salariés en France ou dix mille dans le monde que prévoit la rédaction actuelle.

Ces seuils paraissent exagérément élevés et permettent à de nombreuses entreprises de s’affranchir de la nouvelle obligation prévue par cette proposition de loi. Le drame du Rana Plaza, par exemple, n’aurait pu être empêché avec ces seuils. Mais je sais bien que, pour certains de mes collègues, la mort de 1 100 personnes n’est pas grave…

Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.

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À titre d’exemple, d’autres entreprises ont été mises en cause, et pas seulement dans le secteur du textile, montré du doigt par le collectif Éthique sur l’étiquette. L’a notamment été, dans le secteur pétrolier, le groupe Perenco : en effet, ses activités en République démocratique du Congo ont fait l’objet d’une étude alarmante réalisée par le Comité catholique contre la faim et pour le développement-Terre Solidaire.

C’est pourquoi nous proposons de prendre pour référence les seuils définis par la directive européenne sur le reporting extra-financier : cela paraît plus cohérent. Très franchement, l’Union européenne n’est pas la zone la plus dirigiste du monde.

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Ces seuils partagés par tous et respectés par tous les États membres de l’Union européenne auraient du sens. Avec eux, la loi française ferait avancer la directive européenne, comme cela été le cas pour le reporting extra-financier. Tel est le sens de ces deux amendements.

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Mes chers collègues, le débat a jusqu’à présent été de bonne tenue. Nous pouvons je pense continuer dans cette voie en évitant les invectives qui dénaturent le caractère de nos travaux.

Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements ?

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Sur la question des seuils, j’avancerais deux arguments. Madame Auroi, vous avez cité le décret du 24 avril 2012 portant sur le reporting extra-financier : il nous sert précisément d’exemple et nous montre la voie. Ce reporting, qui a été une initiative nationale, a été repris par une directive européenne et il a connu une évolution programmée de façon pluri-annuelle.

De mémoire, le seuil est ainsi passé de 2 000 salariés en 2013 à 500 salariés en 2014. Dès que la proposition de loi sera adoptée, elle inspirera une directive européenne et connaîtra – sans qu’un drame de portée mondiale soit nécessaire afin de bousculer l’opinion et de légiférer en urgence – une évolution naturelle qui lui permettra de toucher les ETI, puis les PME. Il s’agit d’un mouvement naturel.

Second argument, qui est extrêmement important : sur le terrain, dans la pratique, les accords ne seront pas conclus entreprise par entreprise. Chaque entreprise ne peut disposer d’un radar, d’une vigie lui permettant de couvrir le monde entier : un tel dispositif serait coûteux et largement inutile. Ce sont des accords de filière ou de branche, à l’échelle régionale ou continentale, qui seront conclus : ils entraîneront tout naturellement les entreprises de plus petite taille dans leur sillage. Nous n’imaginons pas, en effet, les grands groupes se fixer des règles de bonne conduite en matière d’esclavage des enfants ou de non-pollution des nappes phréatiques sans qu’elles ne s’appliquent également à des PME ou à des ETI de la même filière, implantées sur le même continent ou dans la même région.

Le mouvement naturel inter-entreprises de fonds de garantie – celui-là même qui a entraîné les maîtres de forge évoqués tout à l’heure par Sandrine Mazetier à créer des caisses de solidarité afin de prévenir la faillite d’entreprises lors de la survenue de dommages – entraînera les uns et les autres. Les mêmes précautions collectives seront prises. Le monde de l’entreprise s’adaptera : faites-lui confiance ! Par conséquent, la commission est défavorable aux trois amendements.

Debut de section - Permalien
Ericka Bareigts, secrétaire d’état chargée de l’égalité réelle

Sur ce sujet important, j’ajouterai juste, pour répondre à l’argument de l’isolement de la France que j’ai entendu tout à l’heure, que le Gouvernement est déterminé à porter ce sujet au niveau européen, et plus largement au niveau du G7 et du G20, sur la base du texte examiné aujourd’hui, afin d’enclencher une dynamique vertueuse au sein de l’Union européenne en matière de vigilance des entreprises.

Les amendements nos 11 , 21 et 22 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

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La parole est à Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes, pour soutenir l’amendement no 20 .

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Madame la secrétaire d’État, je souhaite modifier la première phrase de l’alinéa 3 en substituant aux mots « atteintes aux droits de l’homme » les mots « atteintes aux droits humains ». Il ne s’agit pas d’un amendement anecdotique. D’ailleurs, Danielle Auroi le soutient et il est co-signé par les membres du groupe socialiste, républicain et citoyen.

La raison en est que la France alterne entre « droits de l’homme » et « droits humains ». Je note que ce soir, Madame la secrétaire d’État, et vous, monsieur le rapporteur, vous avez employé le terme de droits humains. Il s’agit d’un terme beaucoup plus général qui est d’ailleurs utilisé dans toutes les instances internationales. Je précise qu’il ne s’agit pas d’importer une notion anglo-saxonne – human rights – mais d’adopter un terme plus englobant, comme de nombreux pays francophones, comme le Canada, la Suisse ou Haïti, l’ont déjà fait.

Je rappelle également qu’il n’est pas question de mettre en cause l’héritage de la Révolution française : nous ne débaptiserons pas la Déclaration des droits de l’homme, pas plus que la Déclaration universelle des droits de l’homme ! Il ne s’agit que des textes à venir : ce terme est, en effet, plus inclusif et plus progressif.

On le sait, lors du drame du Raza Plana, qui est l’objet de ce texte, les victimes ont été très majoritairement des femmes. Nous souhaitons qu’elles soient considérées comme des membres à part entière de l’humanité : or le neutre, l’universel les représentent moins bien.

Je vous demande aussi de fixer par décret la liste des textes et conventions relatifs à cette notion de droits humains. Ce sera de la responsabilité du Gouvernement. Je rappelle que la loi du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire de M. Hamon avait déjà inscrit dans le code de la consommation le terme de droits humains fondamentaux.

Cet amendement est un premier pas. Je souhaite qu’il soit adopté. Cela représenterait une avancée sur laquelle nombre d’associations nous attendent.

Sourires.

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Albert Camus disait : « Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde. » Ceci étant dit, en l’occurrence, le terme de droits humains ne permettrait pas de sécuriser juridiquement, en l’état, la proposition de loi. Le renvoi à un décret ferait perdre de vue l’objectif initial et fondamental du texte : la protection des plus fragiles.

Votre cause est noble, mais juridiquement, elle ne cadre pas avec ce texte puisqu’elle se réfère au droit international qui, lui, fait en permanence référence aux droits de l’homme.

Je vous propose donc, si vous acceptez de retirer cet amendement, que nous essayions, dans le cadre de la navette, de trouver un terrain d’entente autour de la rédaction définitive, qui sera inéluctablement établie par l’Assemblée nationale. Nous ne pouvons pas, pour une divergence d’ordre sémantique – car sur le fond rien ne nous oppose – fragiliser juridiquement le présent texte qui s’attache aux droits des plus fragiles.

Droits de l’homme ou droits humains : il s’agit d’un débat important, mais nous ne pouvons pas tout faire aujourd’hui. Je vous demande donc de retirer cet amendement no 20 et vous promets un examen attentif de votre demande au cours de la navette parlementaire. À défaut, je me verrais dans l’obligation de donner un avis défavorable.

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Madame Coutelle, j’ai bien compris que vous mainteniez votre amendement.

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Oui. Les droits humains ne constituent pas une fantaisie : il s’agit de la traduction d’une définition utilisée par la plupart des grandes instances. D’ailleurs, vous-mêmes, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, avez usé de cette expression ici aujourd’hui. Vous l’avez tous deux fait pour une raison simple : dans notre pays, on a pris l’habitude de traduire human rights par droits de l’homme – avec un petit « h » qui plus est dans cet article 1er, monsieur le rapporteur, comme je vous l’avais déjà fait remarquer.

Debut de section - Permalien
Ericka Bareigts, secrétaire d’état chargée de l’égalité réelle

Défavorable, pour les mêmes raisons que le rapporteur.

L’amendement no 20 est adopté.

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La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement no 12 .

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Puisque nous avons adopté un amendement, la porte est désormais ouverte à d’autres…

Lors de la première lecture, monsieur le rapporteur, vous avez indiqué devant la commission des lois qu’il allait de soi que l’obligation de vigilance ne s’arrête pas aux sous-traitants de rang un et couvre évidemment les sous-traitants en cascade. Vous avez souligné la volonté que ce point figure très clairement au compte rendu afin que les entreprises connaissent l’étendue exacte de leurs obligations et afin que le juge en tienne compte le jour où il devra faire appliquer la loi. Les entreprises, ajoutiez-vous, devront prendre toutes les précautions utiles avec les sous-traitants de rang un et exiger qu’ils se comportent correctement avec leurs propres partenaires.

Je suis toujours sensible aux actes de foi, bien sûr, mais ne serait-il pas nécessaire d’indiquer clairement dans le texte que sont visés tous les sous-traitants, quel que soit leur rang ?

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Je voudrais d’abord vous dire, madame Coutelle, ainsi qu’à tous ceux qui ont soutenu votre amendement, que nous n’avons évidemment pas de divergence de fond, mais que renvoyer à un décret risque de fragiliser le texte en soi-même, en cas d’alternance gouvernementale, puisque ses principes ne seraient plus assis durablement dans la loi mais transférés dans le champ réglementaire. Nous allons regarder tout cela sur le plan juridique, peut-être au cours de la navette, et voir si cela peut être sécurisé, car je sais que votre intention n’est pas de contrevenir à l’esprit même du texte.

Monsieur Chassaigne, il n’existe pas de lien commercial établi direct ou indirect, sur le plan juridique. Il y a des relations commerciales établies – c’est ce qui figure dans la loi. Nous avons repris en commission une formulation permettant de préciser le champ de la sous-traitance, qui était trop étendu et qui, de façon ponctuelle, pouvait couvrir des catastrophes non maîtrisables par le donneur d’ordre. Nous en sommes restés à ce qui est important, les relations contractuelles solides, et choisi un terme juridique précis. « Directe ou indirecte », cela ne veut rien dire.

Cela dit, soyez rassuré si ce qui vous intéresse, ce sont les sous-traitants de rang deux ou trois : l’obligation faite au sous-traitant de rang un, avec qui il y a une relation commerciale établie, lui donnera l’obligation de surveiller ses sous-traitants en cascade. Votre amendement est donc largement satisfait dans l’esprit et dans la lettre.

Debut de section - Permalien
Ericka Bareigts, secrétaire d’état chargée de l’égalité réelle

Défavorable, pour les mêmes raisons.

L’amendement no 12 est retiré.

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Vous gardez la parole, monsieur Chassaigne, pour soutenir l’amendement no 13 .

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Défavorable. Je sais que ce n’était pas votre intention, monsieur Chassaigne, mais votre amendement restreint le champ des personnes ayant intérêt à agir. Vous voulez donner à toutes les victimes potentielles la possibilité de se défendre, de faire valoir les droits humains et la protection de l’environnement. Nous n’avons pas intérêt à être aussi précis. Dans le dialogue que nous avons eu avec les ONG et toutes les parties prenantes, nous sommes convenus qu’il valait mieux laisser un spectre plus large et ne pas préciser la qualité des personnes ayant intérêt à agir et à ester en justice.

Nous avons en l’occurrence le même objectif et j’espère que vous accepterez de retirer votre amendement. Sinon, j’y serai défavorable.

Debut de section - Permalien
Ericka Bareigts, secrétaire d’état chargée de l’égalité réelle

Défavorable.

L’amendement no 13 est retiré.

Debut de section - Permalien
Ericka Bareigts, secrétaire d’état chargée de l’égalité réelle

Défavorable.

L’amendement no 14 est retiré.

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La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement no 15 .

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La proposition de loi telle qu’elle est rédigée prévoit une amende civile plafonnée à 10 millions d’euros. Or un tel plafond pourrait, en fonction des circonstances appréciées par le juge, se révéler inadapté. C’est le cas pour les grandes entreprises de plus de cinq mille salariés, pour lesquelles ce montant n’est pas suffisamment dissuasif à nos yeux.

C’est la raison pour laquelle nous proposons de supprimer le plafond et de laisser toute latitude au juge pour tenir compte de la capacité financière des entreprises, en corrélant l’amende civile au chiffre d’affaires du groupe concerné.

Cette histoire de plafond nous rappelle un autre débat d’ailleurs…

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Je fais attention à mes réponses parce que je sais que de leur qualité dépendra votre vote final, monsieur Chassaigne, et celui de sensibilités politiques que nous voulons absolument rassembler, dans ce combat humaniste aujourd’hui et dans d’autres combats demain.

Vous faites peut-être une confusion, même si je sais la noblesse de votre requête. Dans l’article 1er, nous n’évoquons pas de dommages et de catastrophes. Nous y faisons référence dans l’article 2. Ce qui est sanctionné dans l’article 1er, c’est l’absence d’un plan de vigilance ou un défaut de mise en oeuvre effective, qui peuvent être condamnés par un juge.

Si cela peut vous rassurer, si vous souhaitez des sanctions plus lourdes, sachez que le juge disposera d’un arsenal législatif plus important que ces 10 millions. Certes, c’est déjà spectaculaire, mais il y aura également une astreinte, qui n’est pas limitée et qui peut être très élevée, et le juge pourra par ailleurs publier le jugement.

Je peux vous dire, pour avoir discuté avec plusieurs responsables de grands groupes, notamment dans la grande distribution, qu’ils considèrent le risque réputationnel, vis-à-vis des consommateurs mais aussi de leurs salariés en France et dans le monde entier, comme extrêmement important. Ce qui est positif dans la mondialisation, c’est que la prise de conscience du bien commun, d’une planète commune, des droits de l’homme progresse sur la terre. C’est une bonne nouvelle. Aucun patron de grand groupe, aucun actionnaire n’a envie que son groupe soit décrédibilisé, que ses salariés soient démotivés. Cela lui coûtera aussi cher que ces 10 millions d’euros, qui, je le rappelle, sont un plafond et qui, avec l’astreinte et la publication, sont un arsenal suffisant.

Il ne doit pas y avoir de proportionnalité au dommage, puisque le dommage est visé par les articles 1382 et 1383 du code civil : c’est la loi commune qui s’applique en l’occurrence. L’article 2, lui, renforce la chaîne de causalité, avec l’absence d’un plan de vigilance. Autrement dit, si vous avez un accident sur la route, l’absence de permis de conduire ou de contrôle technique du véhicule est un fait aggravant, mais même sans cela, il y a une responsabilité, couverte par les articles 1382 et 1383.

Votre requête est donc satisfaite, et j’émets un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Ericka Bareigts, secrétaire d’état chargée de l’égalité réelle

Défavorable.

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Je fais confiance au rapporteur, je retire mon amendement.

L’amendement no 15 est retiré.

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La parole est à M. Jean-Marie Tétart, pour soutenir l’amendement no 8 .

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Vous avez compris, je pense, monsieur le rapporteur, que mon intervention dans la discussion générale n’était pas polémique. Elle soulignait, grâce à la connaissance que j’ai des pays en développement, les répercussions très pratiques des dispositions du texte pour différents types de sociétés. J’ai terminé en souhaitant que l’on puisse différer leur application de quelques mois, quelques années. Cela veut dire que je n’y suis pas totalement opposé : simplement, il faut du temps pour que les entreprises puissent se mettre à niveau.

Selon vous, elles sont déjà vertueuses et attachées à leur réputation, la multitude des employés à travers le monde formant une chaîne de solidarité. Mais oui, il faut leur laisser le temps. Il faut laisser aux PME françaises le temps de s’adapter. Il faut leur laisser le temps de procéder à des audits complémentaires coûteux.

Laissons aussi du temps au Gouvernement, sous votre impulsion, pour faire le travail nécessaire au niveau des autres pays européens, au niveau de l’Union, pour utiliser les propositions que j’ai faites auprès de la présidence des Pays-Bas, bref pour que l’impulsion donnée par cette proposition de loi ne se traduise pas par une concurrence déloyale si la France va plus vite que ses partenaires européens.

J’espère que cela me réconciliera avec vous sur ce qui est fondamental mais je ne voterai pas ce texte dans les conditions actuelles, à savoir une application immédiate.

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En découvrant votre amendement qui tend à reporter à 2019 l’entrée en vigueur de l’article 1er, je me suis dit que nous avions fait l’essentiel du chemin. Si vous reconnaissez le principe d’un devoir de vigilance minimum comme une première étape et demandez simplement un report dans le temps, c’est que, sur le principe, vous n’y êtes pas opposé catégoriquement.

Dans la discussion générale, vous avez fait valoir essentiellement les intérêts des entreprises, la complexité de la mise en oeuvre du dispositif. Je ne crois pas que ce soit hors de portée des entreprises, je ne crois pas que ce soit si complexe. Nous n’avons pas la même analyse. Mais je sais par ailleurs, pour bien vous connaître et, dans d’autres cercles, militer avec vous pour l’aide publique au développement et le renforcement de l’Agence française de développement, que nous poursuivons sans aucun doute le même objectif.

Un report en 2019, je vous le dis sincèrement, n’est pas justifié. L’Europe et les pays qui regardent ce que nous faisons avec cette proposition de loi ne seront convaincus d’enclencher une directive européenne ou des législations nationales qu’au moment où nous l’aurons adoptée. Quel crédit, quelle force d’entraînement aurait une France annonçant des mesures pour protéger les enfants de l’esclavage et éviter un nouveau Rana Plaza… et se donnant trois ans pour y réfléchir ? Et je ne souhaiterais à personne, et surtout pas à vous, chers collègues et amis, que dans cette période intermédiaire un drame survienne, que nous aurions pu, par cette loi, contribuer à éviter. Avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Ericka Bareigts, secrétaire d’état chargée de l’égalité réelle

Défavorable.

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Je partage les arguments développés par Jean-Marie Tétard il y a quelques instants, et j’insiste sur le fait que c’est le seul amendement que j’aie cosigné, avec son pendant à l’article 2.

Puisque vous m’avez interpellé, monsieur le rapporteur, je voudrais rappeler la position que j’avais très clairement exprimée lors de la première lecture de cette proposition de loi, le lundi 30 mars 2015. J’ai là mon intervention d’alors – et j’en profite pour féliciter les personnes qui travaillent au compte rendu pour la façon dont ils retranscrivent nos propos.

Je vous avais interrogé sur un certain nombre de points au cours de la discussion générale. Jean-Marie Tétard avait conclu son intervention en disant que le groupe Les Républicains voterait contre le texte mais qu’à titre personnel, il aurait voté pour. Le présent amendement aurait pu faciliter les choses à cet égard. Pour ce qui me concerne, après vos différentes explications sur les articles et vu l’esprit avec lequel vous avez défendu cette proposition de loi, qui correspond à une certaine idée que je me fais de la politique au sens noble du terme, je vous avais dit que je l’aurais votée.

Je ne renie rien de cette position. J’aurais simplement souhaité que, sur cet amendement, nous puissions avancer un petit peu. Le 1er janvier 2019 ne me paraît pas si éloigné que cela, vu le temps nécessaire pour que la loi soit définitivement votée. Il faut laisser aux entreprises le temps de s’adapter à cette nouvelle situation.

L’amendement no 8 n’est pas adopté.

L’article 1er, amendé, est adopté.

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La parole est à M. le président de la commission des lois.

La séance, suspendue à dix-huit heures quarante, est reprise à dix-huit heures quarante-cinq.

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Je suis saisie d’un amendement, no 2 , de suppression de l’article.

La parole est à Mme Sophie Rohfritsch, pour le soutenir.

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Je défends cet amendement au nom du groupe Les Républicains. L’article 2 comporte un risque indéniable de dérive, au fur et à mesure des interprétations jurisprudentielles, vers une responsabilité pour fait d’autrui. En effet, cet article étend très largement la responsabilité de nos entreprises, bien au-delà des dispositions actuelles du code civil. Ce risque de dérive, relevé par le Sénat à juste titre et de façon très documentée, est vraiment démontré.

La deuxième raison pour laquelle nous demandons la suppression de l’article 2 a également été relevée, à juste titre, par le Sénat : les dispositions de la proposition de loi risquent d’inciter les entreprises ayant établi un plan de vigilance valide à une certaine ingérence dans la gestion de leurs cocontractants et de leurs fournisseurs. Cette possible ingérence sera évidemment sanctionnée par les tribunaux. Aussi, une interprétation trop stricte du plan de vigilance comporte un risque de dérive clairement établi.

Le principe de responsabilité des entreprises est donc totalement incohérent : c’est pourquoi nous demandons la suppression de l’article 2.

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Je suis en désaccord total avec votre position, madame Rohfritsch. En effet, la responsabilité pour fait d’autrui n’est pas prévue dans le présent texte. Toute l’astuce est de faire peser sur la puissance économique non pas la responsabilité pour fait d’autrui, mais celle de la prévention des dommages et des atteintes aux droits humains ou à l’environnement. Il s’agit d’un devoir de vigilance, d’un système de prévention. C’est un logiciel de transition et de prévention que nous avons élaboré.

Permettez-moi de reprendre cette image un peu triviale, mais très explicite : ce qui est sanctionné, c’est le défaut de permis de conduire ou de contrôle technique, et non l’accident en tant que tel. Ce dernier est sanctionné au titre des articles 1382 et 1383 du code civil : il ne peut y avoir aucune confusion en la matière. C’est bien le fait de ne pas remplir un devoir de vigilance que nous sanctionnons.

Sommes-nous ou non responsables de notre carnet de commandes ?

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Y a-t-il un lien entre les actionnaires, les donneurs d’ordre et les fabriques au bout du monde ? Nous répondons par l’affirmative. Vous me direz sans doute que les entreprises ne peuvent pas voir aussi loin. Pourtant, je vous propose une expérience très simple. Fermez les yeux : vous ne verrez plus rien. Ouvrez-les : vous découvrirez le monde autrement, vous serez attentifs aux plus fragiles, vous mettrez en place un plan de vigilance, et le monde sera meilleur. Avis défavorable.

L’amendement no 2 , repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.

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Je suis saisie de deux amendements, nos 16 et 17 , qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à M. André Chassaigne, pour les soutenir.

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Avec ces deux amendements, nous abordons l’une des insuffisances les plus manifestes de ce texte. Dans sa rédaction actuelle, les victimes seront maintenues dans l’obligation de prouver non seulement le manquement de la multinationale à son obligation de vigilance, mais aussi le lien de causalité avec le dommage.

Par ailleurs, les articles 1382 et 1383 du code civil obligent toute personne à réparer les dommages causés par son seul fait. Dès lors, les sociétés mères pourront facilement tenter de démontrer que le dommage n’est pas dû au non-respect de leur obligation de vigilance, mais à une faute des sous-traitants. Ces derniers disposant de moyens moins importants que les entreprises donneuses d’ordre, ils ne pourront pas réparer intégralement les dégâts causés.

Dans l’intérêt des victimes, l’amendement no 16 vise donc à combler l’une des failles du dispositif que nous nous apprêtons à adopter en tenant les sociétés mères pour solidairement responsables des dommages commis lorsqu’elles n’ont pas respecté leur engagement, comme dans le cas du Rana Plaza.

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Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 16 et 17  ?

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Monsieur Chassaigne, ces amendements soulèvent deux questions. S’agissant de l’inversion de la charge de la preuve, nous avons clairement renoncé à exercer cette voie juridique, au profit d’un système de prévention. Un jour viendra, peut-être, où la victime sera au centre du dispositif et où la puissance économique devra se justifier. Aujourd’hui, il n’y a pas de majorité politique ni de perspective d’accord au niveau européen pour aller aussi loin : nous y avons donc renoncé. Quant au dédommagement des victimes, il est prévu par le code civil.

Notre proposition de loi repose sur la capacité des États à exercer une vigilance commune. Le renforcement des États de droit et des accords régionaux contribuera à assurer cette vigilance sur le monde et à rendre plus effective la chaîne de responsabilité, afin de réparer les préjudices subis, à l’autre bout de la planète, par les victimes de cette mondialisation sans foi ni loi que nous voulons condamner.

Je vous demande de retirer vos amendements, monsieur Chassaigne. À défaut, je leur donnerai un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Ericka Bareigts, secrétaire d’état chargée de l’égalité réelle

Défavorable.

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Monsieur Chassaigne, maintenez-vous vos deux amendements ?

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Bien sûr. M. le rapporteur se laisse aller au péché de gourmandise !

Sourires.

Les amendements nos 16 et 17 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

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Je vous redonne la parole, monsieur Chassaigne, pour soutenir l’amendement no 18 .

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Nous venons d’évoquer le sujet. Nous poursuivons le même but, monsieur Chassaigne. Permettez-moi de vous adresser, comme vous l’avez fait vous-même lors de l’examen de la loi d’avenir pour l’agriculture, cette formidable citation qui vous incitera à nous rejoindre et à ne pas chercher d’arguties juridiques pour ne pas participer à ce grand mouvement.

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Non, d’Aragon : « Quand les blés sont sous la grêle, Fou qui fait le délicat, Fou qui songe à ses querelles Au coeur du commun combat. »

Sourires.

L’amendement no 18 , repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.

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La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement no 9 .

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Cet amendement est le pendant de celui de l’article 1er : il s’agit de reporter l’entrée en vigueur de l’article 2 au 1er janvier 2019. Nous le maintenons, car nous pensons qu’une entrée en vigueur du texte dès sa promulgation mettra les entreprises dans une très grande difficulté.

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Je connais bien M. Lurton : faisant fi des clivages politiques, je ferai presque preuve de la même gourmandise à le convaincre qu’à convaincre M. Chassaigne.

Sourires.

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Monsieur Lurton, ce que nous pouvons faire pour 2019, nous pouvons le faire pour 2016 ou 2017. Le MEDEF et l’AFEP tiennent un discours tout à fait paradoxal : ils ne cessent de nous dire qu’ils mettent déjà en oeuvre ces principes, qu’ils sont déjà extrêmement vertueux sur la terre entière,

Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains

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mais dès que nous évoquons la possibilité de sanctionner un manque de vigilance, ils nous répondent que c’est impossible ou qu’il leur faut encore quelques années ! Il y a là un paradoxe que je trouve insoluble.

Nous savons très bien que l’élaboration du décret associera toutes les parties prenantes : le patronat – y compris le grand patronat français, qui est présent partout dans le monde, qui exporte et qui fait souvent notre fierté – les syndicats et quelques députés. Je suggérerai à M. Macron et à M. le garde des sceaux d’associer des personnalités comme Jean-Marie Tétart ou vous-même, monsieur Lurton, à la rédaction de ce décret. L’organisation d’une réflexion en amont, dans le cadre d’un groupe de travail, sur le périmètre de ce décret me paraîtrait une excellente idée.

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À chaque fois qu’on se met au travail, on trouve des solutions communes. Ne désespérez pas de cette possibilité de concorde, monsieur Lurton ! Je vous invite à soutenir notre proposition de loi.

Et puisque c’est l’une des dernières fois que je prends la parole, permettez-moi de développer un dernier argument. Chers collègues de l’opposition, ne vous mettez pas dans la situation de vos aînés, de ceux dont vous êtes les héritiers,

« Oh ! » sur les bancs du groupe Les Républicains

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qui ont raté les moments historiques qu’ont été le vote des lois sur l’abolition de la traite négrière, sur les accidents du travail, sur la comptabilité moderne, et sur d’autres sujets encore.

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Soyez au rendez-vous, à nos côtés, pour faire ce petit pas pour une mondialisation plus juste. Vous en serez fiers ! Nous espérons que vous serez capables de faire preuve de cette liberté et de cette humanité.

Debut de section - Permalien
Ericka Bareigts, secrétaire d’état chargée de l’égalité réelle

Défavorable. Le Gouvernement a entendu la belle proposition de M. le rapporteur. Messieurs les députés, je vous invite à travailler avec nous ! Le Gouvernement est tout à fait disponible pour faire avancer ensemble ce beau sujet.

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Monsieur le rapporteur, le temps que la loi soit définitivement adoptée et que le décret soit publié, vous verrez que nous en arriverons très rapidement au 1er janvier 2019.

L’amendement no 9 n’est pas adopté.

L’article 2 est adopté.

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La parole est à Mme Sophie Rohfritsch, pour soutenir l’amendement no 3 tendant à la suppression de l’article 3.

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C’est un amendement de conséquence : il est défendu.

L’amendement no 3 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.

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La parole est à M. Jean-Marie Tétart, pour soutenir l’amendement no 10 .

L’amendement no 10 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.

L’article 3 est adopté.

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La parole est à M. le président de la commission des lois.

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Sans vouloir empiéter sur les prérogatives du Gouvernement, je vous informe qu’il y aura une demande de seconde délibération. L’amendement est en cours d’impression. Je sollicite une courte suspension de séance, madame la présidente.

La séance, suspendue quelques instants, est reprise.

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En application de l’article 101 du règlement, le Gouvernement demande qu’il soit procédé à une seconde délibération de l’article 1er de la proposition de loi.

La parole est à Mme la secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 1 .

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Ericka Bareigts, secrétaire d’état chargée de l’égalité réelle

Le Gouvernement demande la suppression de l’alinéa 9 de l’article 1er.

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Sur l’ensemble de la proposition de loi, je suis saisie par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement no 1 du Gouvernement ?

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Je souhaite remercier Mme la secrétaire d’État : lorsque le Gouvernement renonce à un décret pour s’en remettre au pouvoir législatif, cela mérite d’être salué.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.

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Je tiens également à remercier Catherine Coutelle de retirer d’elle-même, pour le bien commun, sa proposition, alors qu’il s’agit de son combat féministe. Elle a compris que le renvoi à un décret serait contre-productif et fragiliserait la loi. C’était faire preuve d’une grande humilité.

Nous allons donc conserver les droits humains et nous dispenser d’un décret qui aurait fragilisé la loi sur le fond. Avis très favorable donc à l’amendement du Gouvernement.

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Je souhaite simplement faire remarquer à Mme la secrétaire d’État que mon amendement ne visait pas l’alinéa 9, mais l’alinéa 3. J’espère que cela a été vérifié.

Pour le reste, j’entends que vous souhaitiez qu’il n’y ait pas de décret, car cela fragiliserait le texte. Nous souhaitions qu’un décret fixe la liste des textes fondamentaux et des conventions internationales relatifs aux droits humains, afin que cette notion ne se trouve pas uniquement dans le présent texte. Mais je me plie à votre amendement, madame la secrétaire d’État, en espérant que cela ne fragilise pas notre action.

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Madame Coutelle, pour vous répondre sur l’aspect technique des choses, l’alinéa en question sera bien le no 9 dans la version consolidée du texte. Ces précisions viennent de m’être données par le service de la séance, pour vous rassurer.

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Ericka Bareigts, secrétaire d’état chargée de l’égalité réelle

Madame Coutelle, avec cet amendement, nous sécurisons le texte, en faisant disparaître le décret, mais nous incorporons aussi cette belle notion des droits humains. La démarche est équilibrée.

L’amendement no 1 est adopté.

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Nous avons achevé l’examen des articles de la proposition de loi.

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Je souhaiterais, avant le vote final, vous remercier de votre présence nombreuse, chaleureuse, vivante dans l’hémicycle, en ce mercredi après-midi.

Cette loi sera une loi de fierté.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.

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Mais tel ne sera le cas que si elle est adoptée durant cette session, et que si le décret, qui pourra faire l’objet d’un large consensus, d’une concorde, d’une co-fabrication avec toutes les parties prenantes, est adopté et livré pour la fin de l’année 2016.

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Sinon, nous en resterons à une illusion et nous donnerons crédit aux prophètes de malheur qui ont pensé que la puissance économique était plus importante que les parlements.

Le défi politique de notre génération est de sortir de l’individualisme et de bâtir un nouvel âge de la mondialisation. Aujourd’hui, nous franchissons un pas. D’un côté, il y a les partisans d’un libéralisme sans foi ni loi, de la démesure qui nourrit le vote extrême, le repli. Mais il existe un chemin pour la République, qui doit passer par le champ européen, par le champ national. Cela parle au peuple. Il n’y a pas un endroit, un village, une ville de France où ne s’expriment à la fois l’indignation pour les victimes de la mondialisation sans foi ni loi et le souci de retrouver une économie réelle, une économie humaine.

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Ce texte est un texte populaire, un texte qui peut marquer cette législature. Il faut aller jusqu’au bout et le porter avec fierté. Merci pour la qualité du débat et des échanges que nous avons eus aujourd’hui. Vous le savez, ce texte qui nous tient à coeur est une initiative parlementaire. J’espère donc qu’il nous rassemblera très, très largement.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.

Il est procédé au scrutin.

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Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants: 35 Nombre de suffrages exprimés: 33 Majorité absolue: 17 Pour l’adoption: 32 contre: 1 (La proposition de loi est adoptée.)

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.

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Prochaine séance, demain, à neuf heures trente :

Discussion de la proposition de loi relative à l’action extérieure des collectivités territoriales et à la coopération de l’outre-mer dans son environnement régional ;

Discussion en nouvelle lecture de la proposition de loi organique de modernisation des règles applicables à l’élection présidentielle ;

Discussion en nouvelle lecture de la proposition de loi de modernisation de diverses règles applicables aux élections.

La séance est levée.

La séance est levée à dix-neuf heures cinq.

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly