Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la coopération décentralisée constitue une chance de valoriser l’image de nos territoires ultramarins, de renforcer leur vitalité économique et de favoriser les échanges humains, universitaires, sociaux et culturels entre pays. Née dans les années 1960 puis renforcée par les lois de décentralisation de 1982 et 1992, la coopération internationale décentralisée a longtemps souffert d’une absence d’encadrement juridique puis de son caractère incertain. En dépit de ces incertitudes, les collectivités territoriales mènent une politique volontariste. Comme vous l’avez indiqué dans votre rapport, monsieur le rapporteur, près de 5 000 collectivités et groupements sont actifs dans près de 145 pays. On ne peut qu’encourager ces initiatives.
La loi d’orientation pour l’outre-mer du 13 décembre 2000 a reconnu aux collectivités la capacité d’intervenir dans des négociations et de signer sous certaines conditions des accords avec des États souverains. Cette proposition de loi s’inscrit dans le prolongement des évolutions amorcées au cours des dernières années, qui ont consacré une compréhension plus large de l’action extérieure des collectivités territoriales. Nous mesurons l’importance de ce texte pour les départements, régions et collectivités d’outre-mer et pour l’ensemble des collectivités françaises et saluons le travail effectué depuis près de deux ans par notre collègue Serge Letchimy qui en est le rapporteur.
Le premier chapitre de la proposition de loi concerne l’ensemble des collectivités. Il précise utilement le champ des dérogations à l’interdiction de conclure une convention avec un État étranger applicable à toute collectivité territoriale. Il faut en effet rappeler que le texte ne concerne pas uniquement les collectivités d’outre-mer mais toutes les collectivités territoriales. Depuis la loi du 27 janvier 2014, le code général des collectivités territoriales se borne à indiquer que ces conventions peuvent être conclues dans les cas prévus par la loi. Le texte que nous examinons aujourd’hui remédie à cette imprécision en mentionnant explicitement les trois cas pouvant donner lieu à des dérogations avec autorisation de l’État : la mise en oeuvre d’un accord international antérieur conclu par l’État, l’exécution d’un programme de coopération régionale établi sous l’égide d’une organisation internationale et approuvé par la France et la création d’un groupement de coopération territoriale.
Le texte vise ensuite à étendre le champ géographique de la coopération régionale outre-mer. Il introduit en outre un nouveau dispositif afin que les régions et départements d’outre-mer ainsi que les collectivités de Guyane et de Martinique puissent négocier plus facilement avec un ou plusieurs États étrangers des accords dont l’objet relève de leur compétence propre. Outre-mer, la coopération régionale menée depuis une dizaine d’années favorise la création d’un espace d’échange. Elle contribue à améliorer la diversification et l’internationalisation des économies ultramarines en créant des emplois stables et de qualité. Rappelons à ce propos que l’efficacité de la coopération régionale suppose de disposer d’outils adaptés, financiers en particulier. L’Agence France Locale, qui lève des financements sur les marchés obligataires et les redistribue aux collectivités locales partenaires sous forme de prêts bancaires afin de financer leurs investissements, fait partie des organismes qui y pourvoient.
Je me réjouis donc du dépôt par le Gouvernement d’un amendement permettant à la Polynésie française d’y adhérer, conformément à nos voeux. En matière d’outils de financement, je tiens aussi à saluer les efforts déployés par l’État pour faire bénéficier les collectivités d’outre-mer, dont la Polynésie française, de mécanismes de financement internationaux. Nous nous battons, dans les collectivités comme les départements d’outre-mer, pour accéder à des financements tels que le Fonds vert pour le climat ou, à défaut, un fonds spécifique européen. Il faut prendre conscience que les actions que nous menons en matière de coopération régionale nécessitent des outils financiers adaptés. Ces fonds spécifiques offrent des moyens adaptés au financement des programmes régionaux.
Les régions et départements d’outre-mer ont déjà démontré leur volonté et leur capacité d’être présents et actifs dans leur environnement régional. Nous devons encourager cette coopération en permettant à ces territoires d’être pleinement associés aux négociations et initiatives internationales au lieu d’en demeurer simples spectateurs. J’ai beaucoup apprécié les propos tenus tout à l’heure par notre collègue de la Réunion, illustrant par un cas très concret ce que nous vivons quotidiennement et ne voulons plus vivre. Nous souhaitons être pleinement acteurs des accords négociés. Nous ne voulons pas subir ce qui se négocie entre États au-dessus de nos têtes, si je puis dire, ni en être spectateurs. Il relève de l’intérêt de la France, du bon sens et même de l’évidence que nos territoires soient intégrés aux discussions de ces accords en amont, pendant les négociations et à leur signature ainsi qu’à leur suivi et leur application.
L’outre-mer est bien une véritable richesse pour la France. Comme il est écrit dans un avis du Conseil économique, social et environnemental publié en 2012, la coopération régionale des outre-mer devrait en faire « des catalyseurs de développement dans leurs zones géographiques respectives et des frontières actives de l’Europe ». Les territoires ultramarins peuvent être de formidables ambassadeurs de la France dans le monde, si toutefois nous nous en donnons les moyens. Les dispositions de ce texte nous semblent donc indispensables. Pour autant, nous devrons veiller à éviter que la définition stricte d’une aire géographique de la coopération régionale outre-mer prévue au chapitre II n’entraîne des confusions, comme je l’ai rappelé en commission. L’inscription dans notre droit d’une liste de régions et de bassins ne doit pas empêcher de mener des actions de coopération avec d’autres territoires.
En dépit de cette légère réserve, j’admets que le texte parvient à trouver un équilibre entre le respect des prérogatives de l’État qui dispose de la compétence pour négocier et ratifier les traités selon l’article 52 de la Constitution et l’élargissement de la marge de manoeuvre accordée à nos territoires d’outre-mer en matière de coopération régionale. En outre, les dispositions relatives aux représentants diplomatiques ultramarins constituent une avancée. Les régions d’outre-mer et les collectivités de Guyane et Martinique peuvent en effet charger des agents publics de la collectivité de les représenter au sein des missions diplomatiques de la France. Le texte propose de fixer les principes du régime applicable aux représentants diplomatiques ultramarins dans le cadre de ces missions à l’étranger.
Il s’agit d’assurer à ces représentants un régime indemnitaire, des facilités de résidence et des remboursements de frais. Les services accomplis dans les services internationaux des collectivités ultramarines ou dans les représentations diplomatiques pourront être valorisés comme années de pratique diplomatique, ce qui constitue aussi un progrès. Permettre aux agents en poste dans les ambassades de bénéficier d’une plus forte reconnaissance et leur conférer un statut proche de celui de diplomate constitue indiscutablement une avancée pour les collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution.
Les collectivités du Pacifique qui relèvent de l’article 74 de la Constitution, pourront, je l’espère, bénéficier de ce dispositif. Il ne faudrait pas créer, en cette matière, une nouvelle situation d’inégalité entre nos territoires. L’examen de cette proposition de loi doit être l’occasion de réfléchir à l’application de ces nouvelles avancées à l’ensemble des territoires, notamment aux collectivités autonomes relevant de l’article 74 et à la Nouvelle-Calédonie.
Ce texte renforcera la position de nos territoires dans leur environnement régional, prolongera efficacement l’action de l’État au plus près de ces territoires et concourra au rayonnement de la France dans ces zones géographiques.
Ce texte promeut aussi une nouvelle vision de la France, que je m’efforce de rappeler autant que possible : la France n’est pas qu’hexagonale et européenne, elle est aussi mondiale et maritime. Elle est le seul pays au monde qui compte des territoires dans les trois océans. C’est cette diversité, de territoires, d’espaces, de statuts juridiques différents, qui enrichit notre nation.
Le groupe de l’Union des démocrates et indépendants votera ce texte, qui relève d’une évidence. Celui-ci permettra à nos territoires de renforcer leur position de territoire français et européen et de démontrer que nous sommes en mesure de nous impliquer efficacement dans les stratégies régionales, ainsi qu’à l’international.