C'est le premier ! Je suis sûr qu'il sera lu attentivement en Haute-Savoie. Je suis sûr que M. Gallois, qui est un homme prestigieux, saura, parce qu'il est estimé de tous, rassembler à la fois les syndicats et le patronat. Sur la question de la compétitivité, monsieur Tardy, il est plus important d'être rassembleur que diviseur.
Le deuxième sujet que j'aborderai est celui du financement de l'économie et du système financier et bancaire. Je ne reviens pas sur la destruction économique des dernières années. Le Gouvernement a le projet de créer les conditions d'un financement public de l'investissement des entreprises : aujourd'hui, celles-ci n'arrivent pas à se financer en utilisant le secteur bancaire, qui préfère des activités hautement spéculatives à d'autres, moins lucratives, mais plus utiles à un pays industrialisé comme le nôtre.
Nous allons donc voir comment drainer l'épargne des Français vers le financement des entreprises, notamment en privilégiant les circuits courts. Avec le livret d'épargne industrie, nous proposerons aux Français d'aider les PME – ces PME qui embauchent leurs enfants, leurs voisins, ces PME dont ils apprécient et consomment les produits, ces PME dont ils aiment les marques. Nous ouvrirons le chantier de l'assurance-vie, qui représente 1 600 milliards d'euros – dispositif qui bénéficie d'ailleurs d'une défiscalisation. À l'heure de la mondialisation, cet atout extraordinaire n'est-il pas sous-exploité ? Toutes ces questions seront traitées lors du débat sur la Banque publique d'investissement. Ce nouvel outil, que je piloterai avec Pierre Moscovici, sera pour nous le bras armé du redressement. Les territoires et les régions – qui disposent de la compétence économique – seront associés à ce travail ; pour cela, nous nous inspirerons du modèle financier allemand, organisé autour des Länder. Il faut faire évoluer le modèle de la banque universelle, qui a connu quelques déboires au cours de la crise des subprimes.
Le troisième sujet, c'est celui de la ressource énergétique et du prix de l'énergie. Tous les États émergents – ou depuis longtemps émergés – prennent le contrôle des gisements de matières premières. Souvent, les grandes entreprises transnationales sont marginalisées dans cette lutte pour le contrôle de cette richesse. C'est pour la France, comme pour les autres pays, un enjeu de souveraineté. La question des filières industrielles liées à l'énergie doit donc faire l'objet d'une attention particulière. Sur ce point, mon ministère, qui a la charge des mines et des matières premières, travaillera en liaison avec Mme Delphine Batho, ministre de l'énergie.
Le quatrième sujet que j'évoquerai concerne l'innovation. C'est un sujet sur lequel reviendra Mme Pellerin, première ministre officiellement chargée de la question de l'innovation. Il s'agit de l'un des enjeux pour lesquels le Gouvernement entend mobiliser les fonds publics, l'investissement privé, les territoires et les collectivités locales. Si nous n'inventons pas les technologies de demain, nous ne réussirons pas à fabriquer les produits de demain. Nous disposons de véritables atouts en matière scientifique et technologique, c'est même l'une de nos forces, l'un des éléments de notre rayonnement ; mais il nous faut réussir le passage vers la production et l'entreprise industrielle, et c'est l'un de nos points faibles. L'Allemagne, elle, a su créer la Fraunhofer-Gesellschaft. Nous souhaitons donc prendre des initiatives dans de nombreux domaines : crédit impôt recherche ; usage du grand emprunt – lequel est une bonne chose pour notre pays ; investissement technologique dans les territoires, domaine où nous devons rattraper notre retard ; pôles de compétitivité – que Mme Pellerin et moi considérons comme des atouts – pour lesquels les collectivités locales et les entreprises doivent continuer de se mobiliser pour en améliorer les performances. Nous souhaitons enfin débattre de la politique industrielle, de la commande publique.
Le cinquième sujet est celui de l'arbitrage, dans nos préférences collectives, entre le producteur et le consommateur – qui pourtant ne font qu'un. Ce dernier est devenu le roi moderne, mais le roi aveugle : en cherchant sa satisfaction exclusive, le consommateur nuit au producteur qu'il est pourtant aussi. En cette matière, nous devons faire le tri en ce qui résulte de la montée du low cost et ce qui n'en résulte pas, et dresser un bilan : la production de la Logan a été délocalisée dans les pays à bas coût, alors que c'est une voiture Renault ; il y a Easy Jet, et nous voyons où en est Air France ; Free offre certes une économie importante aux consommateurs, mais n'est-ce pas à courte vue dans la mesure où les organisations syndicales du secteur, celles des grands opérateurs téléphoniques comme celles des sous-traitants, nous annoncent des plans sociaux ? Bref, nous devons chercher un meilleur équilibre entre le producteur et le consommateur, et éduquer ce dernier pour qu'il prenne conscience qu'il est aussi acteur, citoyen, et producteur. Une étude du CREDOC parue il y a quelques mois montre que 60 % de nos concitoyens sont prêts à payer un peu plus cher – environ 5 % – si les biens qu'ils achètent sont fabriqués en France : il y a un désir de réconciliation entre le producteur et le consommateur, ces deux parties du cerveau de nos concitoyens.
Enfin, le sixième sujet que j'aborderai est celui de l'Europe. La bataille engagée par le Président de la République pour faire reculer l'austérité et faire émerger la préoccupation de la croissance passe aussi par la réorientation de la politique européenne de la concurrence et de la politique commerciale extérieure. Pouvons-nous continuer à vénérer des traités qui datent de 1957, qui ont été conçus à une époque où l'Europe se construisait et cherchait à s'homogénéiser, mais qui nous empêchent aujourd'hui de nous adapter à la compétition internationale, même déloyale ? Il faut poser la question de la réciprocité. Nombre de champions nationaux n'ont pas pu se constituer parce que les règles de la concurrence européenne sont trop tatillonnes, et des entreprises sont finalement tombées dans les mains d'autres entreprises dont les centres de décision se situent à des dizaines de milliers de kilomètres. Notre choix est évidemment de faire évoluer le bloc juridico-politique du droit de la concurrence européen, de l'assouplir pour permettre aux entreprises européennes de se défendre dans une compétition mondiale déloyale.
Voilà l'esprit dans lequel nous entendons agir pour redresser l'industrie de notre pays, pour nous rassembler autour de nos savoir-faire, de nos salariés, de nos territoires. Le travail que nous engageons est difficile. Jean-Paul Fitoussi, grand économiste, a écrit dans un ouvrage intitulé La règle et le choix : « L'Union européenne, c'est la vénération de règles, pour certaines d'ailleurs obsolètes, et pendant que nous vénérons ces règles, nous ne faisons pas de choix. » Nous préférerions, nous, défendre une souveraineté européenne partagée, plutôt que d'appliquer des règles qui, à l'heure de la mondialisation, nous affaiblissent. Sous notre impulsion, le modèle libéral-financier se transformera en modèle entrepreneurial, innovant, et patriotique.