Intervention de Nathalie Loiseau

Réunion du 16 mars 2016 à 16h00
Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Nathalie Loiseau, directrice de l'ENA :

Cette question est au coeur du travail de l'ENA, dont les missions, fixées dans l'ordonnance de 1945, avaient été alors définies pour assurer le recrutement démocratisé et la formation professionnalisée de hauts fonctionnaires. Si leur philosophie n'a pas changé depuis plus de soixante-dix ans, ces missions ont été revues et étendues au fil de l'histoire de l'École : au-delà de la formation initiale de hauts fonctionnaires français, l'ENA est également chargée de la formation continue de fonctionnaires français et étrangers, ainsi que d'actions de coopération européenne et internationale et d'actions dans le domaine de la recherche et des publications.

Votre question, monsieur le président, m'a été posée lorsque j'ai pris mes fonctions en 2012 : la feuille de route qui m'a alors été confiée, et qui s'est traduite dans le contrat d'objectifs et de performance de l'École pour la période 2013-2015, prévoyait notamment la refonte des concours d'entrée et la rénovation de la scolarité en formation initiale. Pour poursuivre ces deux objectifs désormais atteints, nous avons tâché de recruter au mieux et de la manière la plus diversifiée qui soit les hauts fonctionnaires de demain pour qu'ils correspondent aux besoins des employeurs publics.

Se poser cette question à ce moment précis de notre histoire a ceci de particulier que les métiers de l'action publique sont en pleine transformation, comme l'ensemble des métiers de nos sociétés. Nous devons relever le défi consistant à former nos élèves à des métiers que nous ne connaissons pas encore vraiment. Loin d'être un obstacle, c'est plutôt une incitation à l'innovation tant dans les contenus de nos programmes que dans les méthodes pédagogiques de nos écoles – je crois en effet de ce point de vue pouvoir parler au nom de nombreuses écoles de management public et privé qui, en France comme à l'étranger, sont toutes confrontées au même défi. Je précise à cet égard que l'ENA a noué des partenariats avec 126 écoles et instituts d'administration publique dans le monde entier. Nous utilisons ces partenariats pour faire rayonner l'influence de la France, mais aussi pour nourrir notre propre réflexion sur ce que doivent être le recrutement et la formation des hauts fonctionnaires.

À la question que vous posez, monsieur le président, j'espère que l'ENA répond au mieux. Les réformes que nous avons conçues et que nous déployons après leur adoption par le Gouvernement visent à mettre à jour le recrutement et la formation des hauts fonctionnaires en fonction des besoins connus et prévisibles des employeurs publics. La réforme de la scolarité, par exemple, est la quinzième réforme mise en oeuvre depuis la création de l'École – ce qui, selon moi, est un signe de bonne santé pour une institution de formation. Il convient en effet d'adapter à chaque fois que c'est nécessaire et possible nos méthodes et nos contenus aux attentes de nos employeurs.

C'est précisément ce que nous avons voulu faire avec la réforme des concours et celle de la scolarité. Par la réforme des concours, nous avons voulu nous assurer que les hauts fonctionnaires possèdent des connaissances suffisantes pour que nous puissions les approfondir pendant les deux années de formation à l'École, et qu'ils possèdent les compétences et les aptitudes propres aux carrières auxquelles ils aspirent. Nous avons cherché – et réussi, je l'espère – à introduire une dimension de recrutement plus assumée qu'auparavant dans les concours d'entrée de l'ENA, en particulier lors des épreuves orales d'admission où le parcours, la motivation et le potentiel des candidats constituent les éléments centraux de l'évaluation que font nos jurys.

Par la réforme de la scolarité, nous avons là encore fait le choix assumé, à la demande du Gouvernement, d'être en priorité une école supérieure de management public - tous les mots de cette expression ayant leur importance. En effet, l'ENA n'est pas une business school et n'a pas vocation à faire ce que d'autres font déjà très bien ; un certain nombre de nos élèves nous rejoignent d'ailleurs en ayant déjà étudié dans une école de commerce. D'autre part, l'ENA forme au management public, c'est-à-dire à la conduite d'équipes, de projets et de réformes dans l'action publique, en tenant compte de ses spécificités et de ses objectifs, et de la nature même de ses missions et de ses contraintes. Le management public est donc le fil rouge de la scolarité telle qu'elle a été revue. L'éthique et la déontologie de l'action publique en constituent une dimension importante, de même que la conduite d'équipes, de projets et du changement, mais aussi la transmission de savoir-faire. En effet, préparer un budget, rédiger un texte normatif et passer un marché public ne s'improvisent pas. Ajoutons-y une ouverture volontariste en direction de l'innovation en matière de conception, de mise en oeuvre et d'évaluation des politiques publiques, ainsi qu'une vision de l'action publique à tous les niveaux – national, local, européen et international – et un important volet relatif à l'administration comparée.

Voici, à grands traits, comment a évolué la scolarité à l'ENA. Je rappelle qu'elle dure vingt-quatre mois, dont une année entière consacrée à des stages sur le terrain, que ce soit à l'étranger, en entreprise ou dans les territoires ; la deuxième année est consacrée aux enseignements dont j'ai tracé les grandes lignes. De plus, tous les élèves ont désormais – c'est une nouveauté – l'obligation de souscrire un engagement associatif de leur choix et à leur initiative pendant la durée de leur scolarité, la seule consigne étant qu'ils se mettent au service des populations les plus vulnérables.

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