Intervention de Nathalie Loiseau

Réunion du 16 mars 2016 à 16h00
Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Nathalie Loiseau, directrice de l'ENA :

L'ENA offre, sous différentes formes, des actions de formation continue à la demande d'employeurs publics et intervient à diverses étapes de la carrière des hauts fonctionnaires – qu'il s'agisse de la prise de poste d'un chef de service, d'un sous-directeur ou d'un directeur d'administration centrale, ou des formations proposées aux membres du vivier des hauts potentiels susceptibles de devenir cadres dirigeants. Nous pilotons notamment le cycle interministériel de management de l'État.

L'École n'effectue pas de statistiques concernant la carrière de ses anciens élèves, puisque cette mission incombe tout à la fois à la DGAFP et à l'association des anciens élèves de l'ENA. Les cohortes du cycle interministériel de management de l'État – soixante élèves par an ces dernières années et même une centaine d'élèves pour la dernière cohorte, fin 2015 – sont d'origines variées : anciens élèves de l'ENA, recrutement spécialisé de certaines administrations, corps techniques et, le cas échéant, contractuels de haut niveau recrutés dans la haute fonction publique. Ce vivier est divers tant en termes de parcours qu'en termes d'âge – une situation qui témoigne du fait que chaque corps possède sa propre définition des hauts potentiels.

La parité entre les sexes dans la fonction publique n'est ni pire ni meilleure que dans le secteur privé. La concordance des chiffres est frappante, en effet : dans le secteur privé comme dans le secteur public, les femmes représentent 12 % des cadres dirigeants. Pourtant, 60 % des diplômés de l'enseignement supérieur au niveau du master sont des femmes ; une telle sous-représentation des femmes parmi les cadres dirigeants signifie que nous laissons filer entre nos doigts des personnes de talent. L'administration ne saurait se satisfaire d'un tel gâchis.

La parité n'est pas non plus respectée au stade du recrutement à l'ENA, même si nous avons atteint un nouveau record lors d'une promotion récente, il y a deux ans, avec 45 % de femmes. C'est un taux supérieur à la part des femmes parmi les candidats, qui ne dépasse jamais 40 %. Il est vrai que l'ENA constitue une étape tardive dans un système scolaire et universitaire qui, manifestement, discrimine lui-même entre hommes et femmes, mais aussi entre origines sociales. La quasi-totalité de nos élèves ont un niveau bac + 5 ; or, ce vivier n'est pas représentatif de la société française. Cela étant, avec 40 % de candidates, l'ENA a atteint ce qui n'est encore qu'un objectif dans d'autres écoles… Nous veillons en outre à ce que le concours lui-même ne soit pas discriminant. De plus, nous sommes certains que la scolarité ne l'est pas : les résultats des femmes sont au moins aussi bons que ceux des hommes et leurs scolarités identiques. La moitié des vingt premiers élèves au classement de sortie sont des femmes, et les majors des deux dernières promotions sont des femmes, la première issue du troisième concours et la seconde du concours interne – et j'ajoute, pour couper court à tout cliché, que l'une et l'autre sont mères de famille. Autrement dit, lorsque le talent existe, il est valorisé.

En revanche, le déroulement des carrières dans la fonction publique demeure problématique puisque le recrutement est plus diversifié que l'accès aux plus hautes fonctions. De ce point de vue, la loi Sauvadet de 2012 nous a permis de franchir un certain nombre d'étapes : l'obligation de nommer 30 % de femmes cette année parmi les primo-nominations à des emplois de cadres dirigeants a été respectée ; l'an prochain, cette part sera portée à 40 %, un objectif qui suscite une certaine inquiétude. C'est à tous les échelons de la chaîne qu'il nous faut travailler, notamment à celui de l'encadrement intermédiaire et à celui de la création, de l'accompagnement et de la formation d'un vivier. L'ENA a pris l'initiative de proposer parmi ses formations sur catalogue des formations spécifiques pour les femmes qui souhaitent progresser dans leur carrière, afin de contribuer à briser le plafond de verre qui existe encore aujourd'hui.

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