Intervention de Arnaud Montebourg

Réunion du 18 juillet 2012 à 16h15
Commission des affaires économiques

Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif :

Monsieur Fasquelle, il n'y a pas de chevauchement dans les intitulés des ministères. Je veux souligner que, pour la première fois dans l'histoire du ministère de l'industrie, nous disposons de l'autorité conjointe sur l'Agence des participations de l'État : cela nous permet d'être présents dans les conseils d'administration, sachant que nous attachons un grand prix à ce que les décisions prises soient en conformité avec les intérêts industriels de la nation. L'État devient une autorité active en matière industrielle, et nous comptons bien mettre notre nez dans les affaires des entreprises publiques comme des entreprises privées à participation publique, majoritaire ou minoritaire. Ainsi, j'ai interrogé Thales.

S'agissant du crédit impôt recherche, nous souhaitons le sanctuariser, car il est efficace, quitte à l'ajuster à la marge. Cela ne passe pas forcément par une évolution législative ou réglementaire, mais cela passe plutôt par une évolution de la pratique. Ainsi, nous voulons exclure les banques et les assurances : les contribuables n'ont pas à payer pour le laboratoire d'ingénierie financière de BNP-Paribas, ce que j'ai d'ailleurs dit aux dirigeants de ce groupe. Nous préférons utiliser cet argent pour les PME, pour l'innovation industrielle et technologique. Chacun ici, je crois, en sera d'accord.

Nous souhaitons renégocier les pôles de compétitivité. Je l'ai indiqué aux présidents de région : là où cela va bien, nous voulons nous engager plus avant ; là où cela ne va pas, il ne faut pas décourager les territoires mais les stimuler. Nous allons travailler en ce sens.

Je me suis exprimé sur la question du nucléaire devant la Conférence nationale de l'industrie : c'est une industrie importante, à laquelle la nation a renouvelé sa confiance. Elle doit donc perdurer, et elle a vocation à exporter. Nous devons faire évoluer notre mix énergétique, en investissant dans les énergies renouvelables car nous sommes en retard dans ce domaine, en trouvant de nouvelles sources d'énergie ; mais nous n'abandonnons pas notre industrie nucléaire, à laquelle nous croyons.

Beaucoup d'entre vous m'interrogent sur les outils dont nous disposons dans la mondialisation. L'Union européenne a beaucoup à faire pour apprendre ce que tous les autres continents, toutes les grandes nations industrielles pratiquent : ils utilisent tous les procédés que l'Europe nous interdit : les aides d'État, les manipulations monétaires, les concentrations excessives, les fonds souverains… La réciprocité, qui figurait il y a quelques jours pour la première fois dans le relevé de conclusions du Conseil européen, doit maintenant être transposée dans le droit. Je viens d'ailleurs d'écrire au Conseil de compétitivité, conseil des ministres de l'industrie de l'Union, pour proposer d'inscrire la réorientation de la politique de la concurrence et de la politique commerciale extérieure à l'ordre du jour de nos débats.

Nous sommes, à vingt-sept, la première puissance économique mondiale, avant les États-Unis, avant la Chine, et nous devrions nous soumettre aux règles imposées par les autres ? C'est absurde ! Défendons mieux nos intérêts. Les Chinois font pression pour que nous renoncions à la taxe carbone aéronautique ; sur ce point, nous ne devons pas faire preuve de la moindre faiblesse. Il s'agit d'une régulation environnementale, et nous posons nos propres règles face au reste du monde

Le Gouvernement prendra, de plus en plus souvent, des mesures de protection dans certains secteurs de l'industrie où nous sommes particulièrement déstabilisés par la mondialisation déloyale – je n'en dis pas plus car les arbitrages ne sont pas rendus. J'indique que M. Serge Guillon, auteur – avec M. Yvon Jacob, que j'ai renouvelé dans ses fonctions d'ambassadeur de l'industrie – d'un rapport intitulé « Pour lutter contre la mondialisation déloyale », est devenu secrétaire général des affaires européennes. Nous voulons construire une stratégie de réciprocité : ce que d'autres s'autorisent, nous voulons pouvoir le faire aussi, et nous demanderons pour cela à Bruxelles de modifier ses normes tatillonnes. C'est, si j'ose dire, la démondialisation en acte.

Monsieur Chassaigne, vous avez raison de poser la question de la maîtrise publique des ressources énergétiques. Nous en débattrons lorsque, avec Mme Batho, nous réformerons le code minier. Les États doivent bien sûr conserver la maîtrise des technologies d'extraction, ne serait-ce que pour garantir la transparence, la démocratie et le partage de la richesse.

Monsieur le président, le Gouvernement prévoit effectivement de déposer un texte qui permette de faire reprendre, par voie de justice, un site industriel rentable qu'un industriel voudrait fermer, stériliser, dès lors qu'un repreneur se manifeste. Ces situations sont très fréquentes sur notre territoire : finalement, ce sont des délocalisations déguisées ; l'industriel va produire ailleurs pendant que l'État paye la destruction de l'emploi, en finançant des plans sociaux, l'accompagnement, et que les sites industriels sont abandonnés. Nous n'acceptons pas cette logique, qui est celle d'intérêts financiers privés et non celle de l'intérêt général, et nous voulons donc un rééquilibrage. Certains industriels ont argué de la pression des agences de notation ; eh bien, maintenant, ils subiront aussi la pression des pouvoirs publics, et cela fera un équilibre ! Ils devront choisir, et ils choisiront, je crois, l'intérêt national.

Nous défendons l'esprit patriotique, et c'est comme cela que nous redresserons ce pays.

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