Intervention de Brigitte Jumel

Réunion du 16 mars 2016 à 17h00
Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Brigitte Jumel, secrétaire générale de l'Union fédérale des fonctionnaires et assimilés, UFFA-CFDT fonction publique :

Je voudrais d'abord préciser que la notion même de haute fonction publique fait débat tant elle est porteuse d'ambiguïtés. Je m'en tiendrai à la définition qu'en donne le rapport Guillot de juin 2014, à savoir les corps ENA, les corps Polytechnique, ainsi que les corps de débouché afférents, comprenant non seulement les anciens élèves de ces écoles, mais tous les autres agents intégrant ces corps, quelle que soit la voie d'accès, les corps des sous-préfets et les corps des conseillers économiques – inspection générale ministérielle et contrôle général économique et financier.

Ces corps se distinguent par plusieurs caractéristiques communes à partir desquelles peuvent être envisagées des pistes de réflexion pour la gestion des carrières et la formation continue.

D'abord, ils se caractérisent par un faible pourcentage de femmes. L'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes n'a pas gagné la haute fonction publique puisque les femmes y sont représentés en moyenne à hauteur de 25 % – ce pourcentage est un peu supérieur pour les corps ENA mais très inférieur pour les corps Polytechnique. À cet égard, on peut se demander si les formations initiales dispensées ou les lieux de formation continue ne jouent pas en défaveur des femmes.

Deuxième caractéristique, un certain vieillissement de ces corps. De la promotion Voltaire à la promotion Willy Brandt de l'ENA, les recrutements sont passés de 200 à 80 – le même constat vaut pour le corps des Ponts, des Eaux et des Forêts. Le rétrécissement des voies d'accès a abouti à ce que la moitié des agents de ces corps est âgée d'environ cinquante ans – ces chiffres figurent dans le rapport Guillot. Dans une quinzaine d'années, ces personnes partiront en retraite. Il faut donc mener une réflexion sur les recrutements, tant le recrutement direct que dans les corps de débouché, ainsi sur la visibilité à donner à ces carrières et ces métiers de la haute fonction publique.

Troisième caractéristique, l'homogénéité des profils. La question de la diversité sera prochainement sur votre table avec projet de loi « égalité et citoyenneté » mais elle y est appréhendée à travers les catégories B et C alors que, selon nous, elle se pose aussi pour la haute fonction publique.

Dernière caractéristique, ces agents sont soumis à de fortes pressions et à des temps de travail très lourds, avec les risques psychosociaux associés, liés souvent à l'isolement – ce mot revient fréquemment dans la bouche des agents – et à la compétition. La raréfaction des postes rend la compétition de plus en plus dure. Aujourd'hui, dans le cadre de la réforme territoriale des administrations de l'État, des agents de la haute fonction publique peinent à trouver un point de chute lorsque leur poste est supprimé.

Nous pensons qu'il est possible de répondre à ces questions par la formation continue – celle des agents de ces corps mais aussi de ceux qui pourraient prétendre à ces corps. Le renouvellement exige de préparer des agents à occuper ces emplois.

S'agissant de la gestion des carrières, il nous semble important de discuter de la nécessaire transparence de l'accès aux emplois de la haute fonction publique – en améliorant la connaissance des emplois offerts – et des viviers, qui restent d'une grande opacité.

En dépit des caractéristiques communes de ces corps que j'ai rappelées, les échelles de rémunération n'ont, elles, rien de commun. Une harmonisation des carrières est nécessaire, ne serait-ce qu'au titre de la mobilité. Nombre de ces agents peuvent prétendre aux mêmes emplois fonctionnels, mais l'hétérogénéité des niveaux de rémunération rend, de fait, la mobilité difficile.

Autre point important, il convient de distinguer la gestion des carrières et le suivi individuel en ressources humaines de ces agents. Ce dernier pèche souvent, malgré la présence au sein de chaque ministère d'un délégué au suivi de l'encadrement supérieur, à cause d'une articulation et d'une communication entre ces délégués défaillantes.

Dernier point, face à l'allongement des carrières, il faut se préoccuper des fins de carrière. Des agents ont l'impression d'être « placardisés », d'être oubliés et supportent mal de voir passer devant eux pour pourvoir les postes des agents plus jeunes alors qu'on ne leur propose pas grand-chose pour leur fin de carrière.

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