Nous poursuivons nos travaux avec l'audition de représentants des syndicats de la fonction publique.
Je voudrais d'abord préciser que la notion même de haute fonction publique fait débat tant elle est porteuse d'ambiguïtés. Je m'en tiendrai à la définition qu'en donne le rapport Guillot de juin 2014, à savoir les corps ENA, les corps Polytechnique, ainsi que les corps de débouché afférents, comprenant non seulement les anciens élèves de ces écoles, mais tous les autres agents intégrant ces corps, quelle que soit la voie d'accès, les corps des sous-préfets et les corps des conseillers économiques – inspection générale ministérielle et contrôle général économique et financier.
Ces corps se distinguent par plusieurs caractéristiques communes à partir desquelles peuvent être envisagées des pistes de réflexion pour la gestion des carrières et la formation continue.
D'abord, ils se caractérisent par un faible pourcentage de femmes. L'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes n'a pas gagné la haute fonction publique puisque les femmes y sont représentés en moyenne à hauteur de 25 % – ce pourcentage est un peu supérieur pour les corps ENA mais très inférieur pour les corps Polytechnique. À cet égard, on peut se demander si les formations initiales dispensées ou les lieux de formation continue ne jouent pas en défaveur des femmes.
Deuxième caractéristique, un certain vieillissement de ces corps. De la promotion Voltaire à la promotion Willy Brandt de l'ENA, les recrutements sont passés de 200 à 80 – le même constat vaut pour le corps des Ponts, des Eaux et des Forêts. Le rétrécissement des voies d'accès a abouti à ce que la moitié des agents de ces corps est âgée d'environ cinquante ans – ces chiffres figurent dans le rapport Guillot. Dans une quinzaine d'années, ces personnes partiront en retraite. Il faut donc mener une réflexion sur les recrutements, tant le recrutement direct que dans les corps de débouché, ainsi sur la visibilité à donner à ces carrières et ces métiers de la haute fonction publique.
Troisième caractéristique, l'homogénéité des profils. La question de la diversité sera prochainement sur votre table avec projet de loi « égalité et citoyenneté » mais elle y est appréhendée à travers les catégories B et C alors que, selon nous, elle se pose aussi pour la haute fonction publique.
Dernière caractéristique, ces agents sont soumis à de fortes pressions et à des temps de travail très lourds, avec les risques psychosociaux associés, liés souvent à l'isolement – ce mot revient fréquemment dans la bouche des agents – et à la compétition. La raréfaction des postes rend la compétition de plus en plus dure. Aujourd'hui, dans le cadre de la réforme territoriale des administrations de l'État, des agents de la haute fonction publique peinent à trouver un point de chute lorsque leur poste est supprimé.
Nous pensons qu'il est possible de répondre à ces questions par la formation continue – celle des agents de ces corps mais aussi de ceux qui pourraient prétendre à ces corps. Le renouvellement exige de préparer des agents à occuper ces emplois.
S'agissant de la gestion des carrières, il nous semble important de discuter de la nécessaire transparence de l'accès aux emplois de la haute fonction publique – en améliorant la connaissance des emplois offerts – et des viviers, qui restent d'une grande opacité.
En dépit des caractéristiques communes de ces corps que j'ai rappelées, les échelles de rémunération n'ont, elles, rien de commun. Une harmonisation des carrières est nécessaire, ne serait-ce qu'au titre de la mobilité. Nombre de ces agents peuvent prétendre aux mêmes emplois fonctionnels, mais l'hétérogénéité des niveaux de rémunération rend, de fait, la mobilité difficile.
Autre point important, il convient de distinguer la gestion des carrières et le suivi individuel en ressources humaines de ces agents. Ce dernier pèche souvent, malgré la présence au sein de chaque ministère d'un délégué au suivi de l'encadrement supérieur, à cause d'une articulation et d'une communication entre ces délégués défaillantes.
Dernier point, face à l'allongement des carrières, il faut se préoccuper des fins de carrière. Des agents ont l'impression d'être « placardisés », d'être oubliés et supportent mal de voir passer devant eux pour pourvoir les postes des agents plus jeunes alors qu'on ne leur propose pas grand-chose pour leur fin de carrière.
La CGT rejoint les préoccupations exprimées par la CFDT.
La gestion des carrières pose la question de l'accès aux grands corps mais aussi de la mobilité des hauts fonctionnaires, externe et interne. Le passage de la fonction publique de l'État à la fonction publique territoriale est extrêmement compliqué, et inversement. Les écoles de formation – ENA et Institut national des études territoriales (INET) – sont certes en train d'évoluer, mais cette évolution n'est pas encore assez marquée.
Il convient également de s'intéresser à la reconversion des hauts fonctionnaires. Quels postes peut-on proposer à ceux qui sont passés par un cabinet, en tenant compte des compétences qu'ils y ont acquises, quelle que soit leur étiquette politique ? De la même manière, les directeurs généraux des établissements publics administratifs, qui sont nommés sur des critères politiques, ont le sentiment d'être placardisés en cas d'alternance. On peut le comprendre, mais ce procédé est regrettable car on se prive de compétences acquises au cours d'expériences souvent réussies.
Autre interrogation de même nature, comment offrir un poste aux hauts fonctionnaires partis dans le secteur privé et capitaliser leurs expériences ? Ce sujet est à rapprocher du suivi individuel qu'évoquait la CFDT. Ce suivi est assez compliqué dès lors que plus on grimpe dans la hiérarchie, plus on fait des choix politiques, mais on demeure un haut fonctionnaire.
Je représente l'UNSA mais je suis également délégué national du syndicat des manageurs publics de santé, qui représente les cadres de direction de la fonction publique hospitalière. Les hauts corps de la fonction publique comprennent aussi la fonction publique hospitalière et territoriale.
Je vous rassure, nos premières auditions nous ont permis de nous entendre sur la définition de la haute fonction publique. Aucune fonction publique, qu'elle soit hospitalière ou territoriale, ne sera oubliée.
Les particularités, les difficultés et les enjeux en matière de gestion de carrières des hauts potentiels de la fonction publique hospitalière me semblent les mêmes que ceux qui viennent d'être évoqués, avec une spécificité s'agissant de la féminisation. Les corps de direction de la fonction publique hospitalière sont proches de la parité. De mémoire, la proportion de femmes doit être de 45 %. Les promotions d'élève-directeur d'hôpital aujourd'hui sont soit paritaires, soit légèrement majoritairement féminines. Nous devrions donc parvenir à la parité dans quelques années.
Je rejoins entièrement les propos de mes collègues sur le vieillissement des corps, l'homogénéité des profils ou la gestion des carrières.
Contrairement à la fonction publique d'État, la fonction publique hospitalière dépend d'un seul centre de gestion : le centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière, plus connu sous l'acronyme de CNG. Cela mérite peut-être d'être étudié.
Enfin, je ne sais pas si c'est une particularité, la prise de décision et le management sont des éléments essentiels des postes de direction dans la fonction publique hospitalière. J'ai sous les yeux le rapport du président du jury lors du dernier concours de directeur d'hôpital dans lequel il est écrit : « celles et ceux qui n'ont pas d'appétence à décider doivent choisir une autre voie ». L'accent est clairement mis sur les capacités de décision. Il me semble qu'il faut dans la formation initiale et la formation continue insister sur les capacités de management. Les directeurs d'hôpitaux sont amenés à gérer plusieurs centaines, voir plusieurs milliers ou dizaine de milliers de personnes. Cela sera de plus en plus le cas dans la fonction publique d'État et c'est déjà évident dans la fonction publique territoriale. C'est un point sur lequel il nous faut travailler.
Le mot d'isolement a été prononcé mais celui qui nous revient le plus est celui de cloisonnement. Dès le recrutement, on observe une spécialisation et des parcours de carrière assez fléchés. Pour bénéficier d'une promotion, il faut suivre un ordre de postes déterminé. Les exemples sont nombreux, j'en cite un : un maître des requêtes au Conseil d'État qui voudrait être conseiller de l'ambassadeur auprès de l'Union européenne devra d'abord prendre le poste de conseiller juridique au secrétariat général des affaires européennes car la filière est ainsi faite. Ce mode de fonctionnement est identique dans tous les corps. Il faut passer par certains postes pour obtenir la promotion suivante. Il en résulte des embouteillages, de la « placardisation » et une certaine aigreur des agents. Quelle que soit la qualité du travail, les débouchés sont limités.
À qualité égale, la quantité fera la différence. Mes collègues l'ont dit, la politique du « rester tard » est la règle : une journée de moins de quinze heures pour un haut fonctionnaire, c'est quasiment inadmissible, le fautif est considéré comme insuffisamment investi dans son travail. Cela porte atteinte à la vie de famille, augmente le stress et explique peut-être la faible féminisation, dans un pays latin où la tradition veut que les femmes restent à la maison pour s'occuper des enfants. Cette politique du « rester tard » ne se retrouve ni en Allemagne, ni au Royaume-Uni, alors que ces pays possèdent une fonction publique de qualité. Cette politique est à l'évidence liée au faible nombre de postes de débouché. Pour se démarquer, il faut occuper le terrain.
Deuxième constat, ce cloisonnement empêche la mobilité. En dépit des réformes pour la rendre obligatoire, la mobilité est vécue comme une échappatoire ou un purgatoire. Elle peut être un purgatoire pour celui qui a un bon poste dans l'administration centrale et qui doit aller dans l'administration territoriale : il y restera le moins longtemps possible avant de revenir. Elle peut être une échappatoire pour un magistrat administratif, avec des indicateurs de 80 dossiers par mois, qui essaiera d'obtenir un détachement pour pouvoir intégrer le corps des administrateurs civils ; pour ce dernier, la mobilité vise, dans la mesure du possible, à réorienter sa carrière.
L'évolution passe par l'harmonisation des conditions de rémunération et des statuts – de brillants juristes de la direction des affaires juridiques de Bercy feraient peut-être de très bons magistrats, certains d'entre eux souhaitent s'engager dans cette voie mais ils ne le font parce qu'ils vont perdre un tiers de leur salaire en quittant le ministère des finances. Il faut aussi harmoniser les moyens : il est difficile d'envisager un poste dans l'administration préfectorale quand, depuis 2007, 9 000 postes ont été supprimés dans les préfectures et sous-préfectures.
Le décloisonnement exige également une valorisation de la mobilité. En France, la mobilité est très peu valorisée, à la différence de nos homologues anglais, pour lesquels un poste à l'étranger fait partie d'un parcours de carrière habituel pour obtenir une promotion. En France, cela n'est pas le cas alors même qu'il y aurait des débouchés et de véritables enjeux comme la haute fonction publique au niveau de l'Union européenne par exemple. Le lien, il faut le reconnaître, est assez ténu entre la haute fonction publique française et les institutions européennes : le nombre de postes est réduit et les passerelles sont peu nombreuses.
Enfin, en matière de formation, la polyvalence ainsi que le développement d'une culture et d'un savoir-faire de coordination interministérielle nous paraissent très importants. Deux éléments plaident en faveur de cette évolution : le nombre de postes diminue, les problématiques deviennent interministérielles. Cette polyvalence pourrait être développée par une plus grande mobilité qui elle-même serait favorisée par une harmonisation des conditions d'emploi. Cette question nous paraît au coeur des réformes à conduire pour les carrières de la haute fonction publique.
L'objet de cette mission est aussi de trouver les moyens d'offrir aux agents les carrières les plus riches possible. Comment peut-on favoriser la formation continue ? Quel mode de rémunération peut-on mettre en place pour attirer et conserver des employés de qualité ? Comment peut-on donner envie aux gens d'embrasser cette carrière ?
Les questions que vous posez font écho à celles auxquelles la CFDT essaie de répondre depuis de nombreuses années : comment peut-on rééquilibrer dans les premières années d'accès aux corps la formation initiale et la formation continue ? Il nous semble que la formation initiale est privilégiée.
Pour rétablir l'équilibre, il faudrait instituer dans les premières années des rendez-vous périodiques de formation continue, obligatoires et imperméables à toute nécessité absolue de service. Ces rendez-vous permettraient de répondre à l'isolement, à la difficulté à entrer dans un premier poste ainsi qu'aux attentes parfois très fortes des agents.
Deuxième question : comment organiser tout au long de la carrière des bilans périodiques qui ne se résument pas à une évaluation, parfois vécue comme une sanction, mais qui permettent d'orienter vers des actions de formation, de répondre aux demandes, voire d'ouvrir le champ des possibles – on constate une certaine méconnaissance des opportunités de carrière dans la fonction publique territoriale ou hospitalière et réciproquement.
Il nous semble urgent de mobiliser l'ensemble de l'appareil de formation continue public au service de tous les agents pour assurer les formations qui sont onéreuses – leur coût varie selon les ministères. L'Institut de la gestion publique et du développement économique (IGPDE), qui dépend du ministère des finances, dispense une formation de qualité. Il et gratuit pour les agents de Bercy mais payant pour les autres ministères et à des tarifs qui les découragent. Cette remarque vaut pour l'appareil de formation continue de l'ENA.
Dernière question, comment faciliter l'accès à la formation continue en s'appuyant sur les nouvelles technologies, en particulier au bénéfice des femmes ?
Je suis administrateur territorial. Il me semble que des parallèles peuvent être établis avec cette administration sur les questions que vous vous posez.
Dans la fonction publique territoriale, la diversité d'accès aux cadres d'emploi A+ a été récemment accrue par la mise en place d'examens professionnels qui sont plus axés que les concours sur l'expérience professionnelle, les compétences et les responsabilités exercées. Cela peut être une piste intéressante pour diversifier l'accès à la haute fonction publique.
La loi de 2007 relative à la formation des agents de la fonction publique territoriale établit un lien entre formation d'intégration et formation de professionnalisation tout au long de la vie – on n'utilise plus le terme de formation continue. C'est un droit, je dirai même une obligation, qui conditionne l'avancement de grade des agents que de réaliser ces formations de professionnalisation tout au long de la carrière. La formation permet de maintenir ses compétences, de les diversifier et d'exercer plusieurs métiers ou fonctions. Cette formation répond également aux besoins de mobilité. Elle pourrait être une piste à explorer pour établir des passerelles entre les différents corps et les différents ministères.
Une fois n'est pas coutume, on peut envisager de transposer des dispositifs de la fonction publique territoriale à celle de l'État.
Les hauts fonctionnaires sortis de l'école relativement jeunes ont moins tendance à se tourner vers la formation, parce qu'ils viennent de la terminer mais aussi parce qu'ils veulent faire leurs preuves, en particulier en accumulant les heures, ce qui devient ensuite une habitude.
Pour les autres, le volume horaire de travail représente aussi un obstacle à la formation, faute de droit reconnu à la formation et de décharge d'activité. On peut envisager que la formation continue devienne une obligation dans certains parcours.
La formation lors de la prise de poste est aussi un sujet qui préoccupe les agents. Prendre un poste au ministère de la défense en venant du ministère de l'éducation nationale, est sensiblement différent. Un fonctionnaire arrivant dans un ministère avec une culture totalement différente a sans doute besoin de se former à cette nouvelle culture. Une forte attente s'exprime en ce sens. Or, cette formation n'est pas vraiment prise en compte, voire pas du tout. Au mieux, on peut espérer un tuilage entre la personne qui s'en va et celle qui arrive, insuffisant car il se résume à de la transmission de dossiers. On ne peut pas considérer cela comme une formation à la culture du ministère.
Je partage l'avis exprimé sur la formation lors de la prise de poste.
S'agissant de la formation initiale, quelles que soient les écoles, il est d'usage d'en critiquer les modalités. Si j'en crois la littérature sur ce point, c'est une constante depuis de nombreuses années. Pour les élèves issus du concours externe, certaines matières enseignées restent très théoriques puisqu'ils n'ont pas encore été confrontés à la réalité du travail sur le terrain. On pourrait imaginer un système dans lequel le temps de formation initiale à l'école serait raccourci – passant par exemple de deux ans à dix-huit mois –, le temps dégagé étant consacré à la formation continue obligatoire dans les deux ou trois ans suivant la sortie de l'école. Les élèves auraient ainsi le temps de se confronter aux premières difficultés et seraient peut-être plus à même de faire part de leurs besoins.
Quant à la mobilité, les difficultés tiennent aussi à un manque d'information respectif. Les directeurs d'hôpitaux ne connaissent pas forcément les filières et les passerelles avec les deux autres fonctions publiques, et inversement, dans ces fonctions publiques, le travail des directeurs d'hôpitaux reste assez flou, ce qui fait qu'on ne fait pas appel à eux.
Il me semble donc utile de renforcer l'information et de favoriser l'harmonisation des conditions statutaires et indemnitaires entre les trois fonctions publiques.
Le rapport Guillot souligne le manque d'interministérialité dans la gestion des carrières des cadres dirigeants de la fonction publique d'État. Partagez-vous cette analyse ?
Chantal Labat-Gest. Le corps des administrateurs civils est par nature interministériel. Rien n'empêche les fonctionnaires issus de ce corps d'aller d'un ministère à l'autre et grâce à des récentes harmonisations, il n'y a plus d'obstacle indemnitaire. Le problème se pose pour la mobilité entre les corps d'administration générale et les corps techniques. Les rémunérations très hétérogènes ne facilitent pas le passage d'un endroit à un autre, ni même d'un poste à un autre.
Les corps d'ingénieurs peuvent aller jusqu'à l'échelle G ou H, sans qu'ils soient tenus d'occuper un poste de direction. Leur mobilité est très importante. En revanche, pour les corps d'administration générale, le fait d'occuper un poste de direction apporte une rémunération supérieure à celle qui correspondrait au simple déroulement de carrière dans le corps. Pour ces derniers, il est très compliqué de prendre un poste auquel la rémunération n'est pas liée. Les systèmes de rémunération ne sont pas cohérents : dans certains corps, un poste de direction donne lieu à une rémunération supplémentaire, pour d'autres, ce n'est pas le cas. Il y a aussi une différence d'échelons qui est substantielle et qui là encore fait obstacle à la mobilité.
Le déficit d'interministérialité tient aussi à un problème de culture. Au ministère des finances par exemple, les emplois dans les grandes institutions financières internationales ou les organismes internationaux sont considérés comme valorisants. Dans d'autres ministères, ce sont d'autres types de postes qui seront valorisés, tandis que les emplois territoriaux, eux, le seront peu. Chaque ministère est dans son monde. Pour la mobilité, notamment vers la fonction publique territoriale, les freins sont plutôt culturels. Les agents ne sont pas habitués à se projeter dans un monde qui n'est pas celui où se déroulent les carrières qu'ils connaissent.
Avancer sur ce sujet implique d'abord de mettre en place des formations fortes et de développer l'information sur les postes. Tous les ministères ne font pas ce travail. Il faut aussi favoriser une plus grande ouverture d'esprit pour lever les obstacles culturels.
Deux difficultés doivent être prises en compte : la première tient à la nature des postes proposés – on sait qu'il y a un déficit de hauts fonctionnaires souhaitant s'orienter vers l'Éducation nationale, y compris à la sortie de l'ENA, car les postes proposés ne sont pas assez attractifs. Autre difficulté, quand ils souhaitent changer de ministère, certains se refusent à poser leur candidature de peur que le poste soit déjà officieusement pourvu.
S'il s'agit d'accompagner dans leur carrière des agents, on ne peut qu'approuver le principe même du vivier. S'il est une manière d'organiser la formation et le parcours, on ne peut qu'être d'accord. Mais ce n'est pas du tout cela, nous semble-t-il, aujourd'hui.
Le vivier reste une nasse un peu opaque dans laquelle certains rentrent parfois sans le savoir – nous avons des exemples d'agents qui ont appris qu'ils étaient dans le vivier lorsqu'ils en sont sortis, ce qui est pour le moins gênant. Je le regrette car j'ai beaucoup de respect pour Florence Méaux. Dans les viviers, on trouve des gens qui stagnent faute d'accompagnement. Personne ne leur dit ce qu'on attend d'eux.
Il faut sortir de l'opacité, qui est pour nous flagrante, dans la gestion des viviers et fixer des objectifs clairs en termes de transparence.
En outre, si les moyens ne sont pas en adéquation avec les besoins, cela ne peut pas fonctionner. Malgré la raréfaction des emplois de direction auxquels peuvent prétendre ceux qui sont dans le vivier, on continue pourtant de l'alimenter. Or, faute de postes susceptibles d'accueillir les personnes qui en sortent, il sera difficile de faire quelque chose des viviers.
Il existe des viviers ministériels et des viviers interministériels. La règle voulait que les emplois de direction soient occupés pour au moins 70 % par des administrateurs civils. Ce pourcentage a été abaissé à 50 % en 2009. Aujourd'hui, aucun ministère ne respecte cette règle. Avec la raréfaction des emplois, les viviers ministériels, qui sont peut-être encore plus opaques que les viviers interministériels, viennent concurrencer les administrateurs civils pour ces postes.
Le syndicat que je représente a mené un travail sur les viviers et la gestion des talents. Nous ne pouvons qu'être favorables à la gestion des talents à condition, bien sûr, que la sélection repose sur des critères objectifs, connus et acceptés par tous. Trois critères doivent déterminer l'intégration dans un vivier, me semble-t-il : la performance, qui doit être supérieure à la moyenne, le potentiel reconnu par des évaluations, ainsi que la motivation du candidat.
Un vivier ne peut vivre, se développer et avoir un intérêt que si ceux qui y sont y trouvent leur intérêt aussi. À ce titre, une reconnaissance statutaire me semble indispensable. Il faut permettre une revalorisation statutaire pour encourager les talents à s'investir. Au risque d'être un peu provocateur, il me semble qu'il faut faire en sorte que les grilles salariales qui sont aujourd'hui surtout fondées sur l'ancienneté prennent mieux en compte le niveau de responsabilité, la réalisation des objectifs ou encore la charge de travail.