Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous débattons aujourd’hui des avancées et des améliorations à apporter à la politique de lutte contre les violences faites aux femmes.
Vous évoquez, madame Crozon, le cas de Jacqueline Sauvage, et vous rappelez qu’au-delà de ce seul cas, 223 000 femmes sont victimes chaque année de ces violences sous leur forme physique ou sexuelle, sans compter toutes les victimes de violences psychologiques exercées par les hommes. Je voudrais commencer en vous remerciant, chère collègue, pour ce rapport qui apporte, dans ses recommandations, des solutions concrètes pour faire reculer ces violences.
Nous le savons, les violences contre les femmes prennent racine dans un système d’oppression des hommes sur les femmes et concourent à l’assignation et à la domination de ces dernières. Parmi ces violences, je souhaiterais aborder particulièrement la question des assassinats de femmes parce qu’elles sont des femmes. Je parle ici du féminicide, un terme, et, au-delà, une prise de conscience que nous souhaiterions voir se diffuser dans notre société. En effet, il est temps que notre société adopte dès à présent un terme politique pour nommer ce qui est aujourd’hui encore occulté dans le vocabulaire courant et administratif, le meurtre de femmes à raison de leur sexe.
Pour accompagner la reconnaissance de ce phénomène, il est nécessaire que des études voient le jour, comme votre rapport nous le propose, afin que nous ayons un état des lieux précis sur les meurtres et violences commis sur les femmes à raison de leur sexe et qu’une réponse sociétale y soit apportée.
Parmi les priorités que nous devons également mettre en oeuvre à la suite de ce rapport, il y a la reconnaissance de l’emprise des victimes de violences, notamment au sein du couple, et la révision à cette aune de la notion de légitime défense.
Le cas de Jacqueline Sauvage nous amène en effet à réfléchir et à étudier la possibilité de reconnaître en droit le syndrome de la victime de violences conjugales, comme le propose le collectif national pour les droits des femmes, c’est-à-dire l’état d’esprit spécifique d’une femme vivant depuis des années dans la terreur et la souffrance. Cela a été dit, il s’agit non pas d’octroyer un permis de tuer mais de nous inspirer du droit canadien, qui, aujourd’hui, propose une définition de la légitime défense permettant de prendre en compte les relations entre les deux parties, leur historique, notamment l’emploi de la force avant les faits.
Je rappellerai également quelques recommandations de ce rapport très riche qui doivent être mises en oeuvre pour développer et pérenniser la prévention des violences et l’accompagnement des femmes victimes, notamment la formation des professionnels qui rencontrent ces femmes, la prévention des violences par des campagnes d’information auprès de la population, particulièrement des jeunes, et, bien sûr, la pérennisation des moyens alloués aux droits des femmes et à l’égalité.
Je souhaiterais insister sur deux points.
Le premier, c’est la nécessité d’améliorer l’application de l’ordonnance de protection puisque, selon vos estimations, le délai moyen de délivrance de ces ordonnances serait aujourd’hui de trente-sept jours, ce qui, comme vous le soulignez, est trop long pour un dispositif d’urgence.
Le second point, c’est le droit au séjour pour les femmes étrangères victimes de violences, des femmes qui ont fui, parfois au péril de leur vie, leur pays d’origine en conflit ou en guerre et qui, nouées par la peur d’être renvoyées dans ce pays, taisent les violences qu’elles subissent de la part de leur conjoint. Il est de notre devoir de prendre en compte ces situations mêlant violences conjugales et violences administratives afin de sortir de la situation actuelle qui, de fait, condamne au silence les femmes victimes de violences.
Enfin, en tant que députée mais aussi au nom de l’association des élus contre les violences faites aux femmes, il me semble urgent que la législation française évolue sur la question des élus condamnés pour violences sexistes et sexuelles contre des femmes dans le cadre de leur fonction politique ou professionnelle ou à titre personnel. Nous ne pouvons plus accepter que des représentants de la République condamnés pour violences faites aux femmes exercent leur mandat avec une forme d’impunité politique. C’est pourquoi nous demandons une nouvelle fois que ces élus soient destitués de leur fonction politique et rendus inéligibles à compter de leur condamnation.