La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Monsieur le Premier ministre, dès l’instant où il m’a été confié de porter ici la voix d’une part du peuple français, j’ai essayé de m’en montrer digne – comme sans doute la plupart d’entre vous, mes chers collègues – et mes convictions gaullistes n’ont jamais changé.
Aujourd’hui, plus de 6 millions de Français sont au chômage, notre marché du travail est touché par une hyper-rigidité et notre industrie s’éteint à petit feu. Il est urgent que nous libérions la France du joug des conservateurs de tous bords. Pire : après les drames que nous avons connus, nous savons que la menace terroriste est si forte que d’autres attentats peuvent survenir à tout instant. Certains préfèrent continuer à fermer les yeux, mais face à la barbarie et à l’obscurantisme, vous et moi avons dressé le même constat : notre pays est en guerre à l’extérieur comme à l’intérieur.
Face à tous ces maux qui menacent les piliers fondateurs de notre nation, héritière des Lumières, il est des instants où on ne peut pas reculer devant les blocages partisans et surtout l’exigence de réformes immédiates. Monsieur le Premier ministre, je sais que l’acte de gouverner est difficile. Pour cela, êtes-vous prêts à ce que l’action dépasse le verbe ?
Un dernier mot pour vous, mes chers collègues, notamment pour remercier ceux des Républicains et du centre qui ne m’ont jamais fait défaut et pour saluer ceux de tous bords avec lesquels j’ai entretenu des relations constructives.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Face au chômage, nous avons connu et connaissons notre part de responsabilité, État et collectivité, pour assouplir le temps de travail, protéger la production française et simplifier le code du travail.
Enfin, chaque fois que la patrie a été en danger, l’histoire démontre que l’Assemblée a su se rassembler pour la survie de notre pays et de notre modèle de civilisation. Je le dis donc avec force, monsieur le Premier ministre, nous n’avons pas le droit de laisser la barbarie en héritage à nos enfants. On ne fait pas la guerre avec les lois de la paix.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le député, je veux saluer le parcours qui a été le vôtre dans cet hémicycle. Nous nous sommes côtoyés lorsque vous étiez dans la majorité ou au Gouvernement et moi dans l’opposition. Aujourd’hui, vous êtes dans l’opposition mais, au moment où vous quittez cette assemblée, je veux saluer l’engagement qui a été le vôtre, avec vos convictions. Si nous avons eu parfois, souvent même, des points de vue opposés, vous et moi, vous comme maire de Nice, moi comme ministre de l’intérieur, nous avons toujours travaillé, me semble-t-il, au-delà de ces convictions, dans le sens de l’intérêt général. C’est pourquoi je veux saluer votre parcours comme parlementaire de la République.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Monsieur Estrosi, vous nous appelez à l’unité nationale. Bien sûr, l’unité nationale, ce n’est jamais gommer les différences ni la confrontation démocratique. C’est la démocratie que les terroristes ont voulu attaquer, une démocratie dont on conteste souvent, dans certains cercles, les fondements même. Or cette démocratie, nous la faisons vivre et elle bat ici, à l’Assemblée nationale, dans cet hémicycle.
Pourtant, il faut avancer dans la voie de l’unité nationale. Je pense que nous avons deux opportunités possibles, au-delà des pistes que vous-même avez tracées. La première vous concerne directement, comme président de région, et compte tenu des conditions dans lesquelles vous avez été élu. J’ai salué avec d’autres ce rassemblement face à l’extrême droite que vous avez porté entre les deux tours de l’élection régionale. Sur l’emploi, la formation, le développement économique et les transports, je suis convaincu que, dans un dialogue qui ira bien au-delà de ce début de mandature pour vous et tous vos collègues, l’État et les régions doivent bâtir un autre partenariat, une autre étape de la décentralisation et une autre manière de travailler ensemble, compte tenu des compétences des régions.
La seconde opportunité est l’unité nationale dans la lutte contre le terrorisme. Je constate que les deux lois antiterroristes que nous avons présentées avec Bernard Cazeneuve depuis 2012 ont été adoptées, ici, à l’Assemblée nationale, avec une très large majorité, dont vous faisiez partie. Deux lois sur le renseignement ont été adoptées dans les mêmes conditions. Un projet de loi sur la procédure pénale est engagé : vous l’avez également voté. Enfin, des moyens supplémentaires pour nos forces de l’ordre et pour nos forces armées ont été votés. Chacun s’accorde à dire qu’il faudra mettre des moyens considérables pour assurer la sécurité de nos concitoyens et lutter contre le terrorisme. Je pense que, sur ces bases-là, nous pourrons aller plus loin chaque fois que l’unité et le rassemblement s’imposeront. Je ne doute pas que vous serez au rendez-vous.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le Premier ministre, Belgique, Irak, Pakistan : la liste effroyable des pays touchés par les attentats de Daech s’est encore allongée ces derniers jours. Les enfants qui participaient à un match de football en Irak et les chrétiens qui célébraient Pâques au Pakistan sont les nouvelles victimes de la lâcheté et du racisme de cette organisation. Nous pleurons ces morts, et notre groupe veut exprimer toute sa solidarité aux victimes de ces actes atroces. J’imagine que c’est le cas de tous les groupes de notre assemblée.
Chers collègues, la France agit sur trois fronts dans la lutte contre le terrorisme.
La France agit, d’abord, sur le territoire national, sous l’égide de Bernard Cazeneuve, avec d’importantes opérations de police qui ont permis, il y a encore quelques jours à Argenteuil, de déjouer un attentat de grande ampleur, et avec la poursuite de la mobilisation des forces de l’ordre, de nos armées engagées dans l’opération Sentinelle ainsi que de nos services de renseignement.
La France agit également en Europe : nous mobilisons nos partenaires européens dans la lutte contre le terrorisme. Car c’est une évidence, Daech veut frapper l’Europe pour les valeurs qu’elle incarne : la démocratie, l’égalité entre les femmes et les hommes, la mixité culturelle. Dans cette lutte, nous devons nous prémunir de deux pièges jumeaux : le repli, que veulent incarner les forces d’extrême droite, et l’attentisme face à une menace qui veut détruire ce que nous sommes. Aussi, de grandes initiatives communes doivent être engagées pour relever le défi que représente, pour l’Europe, la lutte contre le terrorisme.
La France agit, enfin, sur le front international au sein de la coalition mobilisée contre Daech. Si la reprise de Palmyre est un signal positif, nous savons que ce front est encore loin, très loin d’être refermé.
Monsieur le Premier ministre, plus que jamais…
Madame la députée, vous avez raison de souligner que la bataille contre le terrorisme se mène tant à l’extérieur qu’à l’intérieur de notre pays, et qu’elle doit se mener avec une détermination sans faille et en très étroite relation avec nos partenaires de l’Union européenne.
À l’échelle de l’Union européenne, un conseil « Justice et affaires intérieures » s’est réuni cette semaine. Il a permis de reprendre une par une et de faire avancer les propositions de la France, qu’il s’agisse du contrôle aux frontières extérieures de l’Union européenne, de l’interrogation systématique du système d’information Schengen, de l’alimentation de cette banque de données par l’ensemble des services de renseignement afin de renforcer l’échange d’informations entre les différents pays de l’Union européenne, de la mise en place d’une task force européenne destinée à lutter contre les faux documents, ou de la révision de la directive de 1991 sur le trafic d’armes. Sur tous ces sujets, il reste beaucoup à faire, mais la France prend des initiatives et s’emploie à convaincre l’ensemble de ses partenaires européens de prendre les décisions qui s’imposent dans les délais. Je pense notamment au dispositif PNR, que le Parlement européen devra adopter dans les meilleurs délais.
Sur le plan intérieur, nous avons mené des opérations extrêmement importantes, suite à un travail très méticuleux des services de renseignement intérieur en lien avec leurs partenaires européens. Depuis le début de l’année 2013, treize attentats ont été déjoués, dont sept depuis le printemps dernier. L’opération conduite en région parisienne, qui a abouti à l’arrestation de Reda Kriket, à la perquisition de son appartement, où un véritable arsenal terroriste a été trouvé, et à l’arrestation d’un certain nombre de ses complices en Belgique et aux Pays-Bas, témoigne là aussi de l’efficacité des services de renseignement, auxquels je veux rendre hommage pour la conduite des opérations qu’ils mènent dans un contexte extrêmement difficile.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Cette lutte contre le terrorisme, nous la mènerons sans trêve ni pause.
La parole est à M. Gérard Charasse, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Madame la ministre de la fonction publique, les agents de la fonction publique qui servent la République sont trois fois à notre ordre du jour.
Une première fois parce que les attentats qui viennent de frapper nos amis belges, après ceux que nous avons subis sur notre sol, rappellent à celles et ceux qui font de la fonction publique leur bouc émissaire préféré, qui ont sabré dans les postes quand ils étaient au pouvoir et qui rêvent de le faire encore que oui, nous avons grand besoin, en cette époque troublée, de militaires, de policiers, d’infirmiers, d’instituteurs, de préfets.
La fonction publique est à l’honneur une deuxième fois, car vous avez lancé une négociation salariale dans le seul secteur où les salaires sont bloqués depuis 2010. En effet, certains fonctionnaires, tout en bas de l’échelle, ont désormais un traitement inférieur au SMIC – je veux le rappeler.
La fonction publique est à l’honneur une troisième fois, car nous discutons du projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires.
J’ai trois questions à vous poser, madame la ministre.
La première porte sur le régime des sanctions. Je souhaite appeler votre attention sur la nécessaire collégialité des juridictions statuant en la matière, car les sanctions emportent des conséquences importantes sur la carrière des agents en particulier. C’est une demande unanime non seulement des personnels, mais aussi des élus que nous sommes, parfois aux prises avec des situations causant d’inutiles dégâts humains et résultant de décisions unilatérales d’un encadrement de plus en plus fragile.
Ma deuxième question concerne la mobilité, l’une des clés de l’efficacité de la fonction publique. Je veux parler non seulement de la mobilité géographique, mais aussi de la mobilité des métiers. À cet égard, les concours spécifiques, externes et internes, créent des corps entiers de personnels très performants mais sans la validation universitaire qui permettrait de changer de filière ou d’exercer dans le privé.
Ma troisième question porte sur la laïcité, pilier de la République…
Merci, monsieur le député.
La parole est à Mme la ministre de la fonction publique.
Monsieur le député, avec la hausse du point d’indice, le Gouvernement poursuit son engagement aux côtés de la fonction publique et de tous ses agents. Malgré les contraintes budgétaires, cet engagement s’élève à 2,4 milliards d’euros. Cette mesure vient compléter les hausses déjà octroyées en 2014 et 2015 aux agents de catégorie C.
Je le disais : les fonctionnaires ne sont pas des travailleurs comme les autres, parce qu’ils sont au service de la République.
Vous m’interrogez sur le régime des sanctions. Le projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, sur lequel la commission mixte paritaire vient d’ailleurs de trouver un accord ce matin, maintient bien le principe de collégialité. C’est important.
Par ailleurs, vous me demandez quel est mon cap. Celui que je me suis fixé est clair : moderniser la fonction publique et la préparer aux défis de la France de demain, aux défis énergétiques, écologiques, démographiques et numériques. Pour répondre à ces défis, il faut anticiper. Pour anticiper, il faut innover et savoir se réinventer.
L’innovation passe aussi par la mobilité. C’est une question importante. Si l’on souhaite faire de la mobilité une opportunité, il faut qu’elle soit davantage accompagnée, qu’elle soit non seulement géographique, mais aussi et surtout fonctionnelle. Nous travaillons actuellement à instaurer des passerelles, non seulement entre les différents versants de la fonction publique, mais également entre cette dernière et le secteur privé.
Enfin, la laïcité est un principe fondamental : c’est d’ailleurs l’une des conditions de l’exemplarité de la fonction publique. Nous y veillons. La loi de 1905 doit être respectée partout et par tous les agents de la fonction publique. Nous sommes vigilants sur cette question. Comme vous, je pense que la laïcité se défend au quotidien, en actes, sur le terrain.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
La parole est à M. Nicolas Sansu, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le Premier ministre, alors que s’ouvrent au sein de notre Assemblée les débats sur votre très contesté projet de loi El Khomri, des centaines de milliers de nos concitoyens, et d’abord des jeunes, s’apprêtent jeudi prochain à vous demander de retirer votre copie.
L’immense majorité de celles et ceux qui battront le pavé après-demain sont nos électeurs d’hier – pour vous comme pour moi – et ont permis votre présence, comme la mienne, dans cet hémicycle !
Aussi, c’est un véritable gâchis que de reprendre les vieilles recettes libérales
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains
, qui ont échoué à réduire les inégalités, à permettre le retour de la croissance et à assurer l’avenir par la transition écologique et un nouveau modèle productif.
Personne ne peut croire que c’est en facilitant le licenciement que l’on favorise l’emploi. La droite l’avait fait, il y a trente ans déjà, sans aucun effet sur l’emploi.
Personne ne peut croire que le renversement de la hiérarchie des normes – les accords d’entreprise devenant exécutoires en lieu et place des accords de branche et même de la loi – profitera aux salariés, lesquels sont placés dans un rapport de subordination très favorable aux employeurs.
Personne ne peut croire qu’en payant moins les heures supplémentaires, l’emploi sera favorisé ! Vous parlez de gauche moderne et vous nous servez la droite ringarde !
Vives exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
La modernité, c’est réduire les inégalités, c’est favoriser l’emploi à travers une véritable relance de la demande, le soutien à l’investissement public, générateur d’investissement privé, le relèvement des salaires et des pensions, l’adoption de mécanismes de cotisations et prélèvements des entreprises susceptibles de favoriser la production au détriment de la spéculation, et la sanction des licenciements boursiers. Tel est le chemin qu’il faut emprunter pour combattre le chômage, qui est reparti à la hausse.
Les citoyens qui s’apprêtent à manifester jeudi ont bien compris que votre projet de loi, même en intégrant des mesures comme la lutte contre le détachement illégal ou le compte personnel d’activité, est aux antipodes des exigences de justice, d’égalité et de solidarité qui ont pourtant toujours été portées par la gauche. Retirez ce projet de loi régressif !
Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la formation professionnelle et de l’apprentissage.
Monsieur le député, je vous prie d’excuser l’absence de Myriam El Khomri, qui aurait souhaité pouvoir répondre elle-même à votre question.
Le texte issu des échanges entre le Gouvernement et les partenaires sociaux, et adopté en conseil des ministres la semaine dernière, correspond à un point d’équilibre qui doit permettre à notre pays d’avancer. Il a pour objectif de remettre le dialogue social et la négociation au coeur des relations de travail.
Cette loi est un acte de confiance à l’égard des organisations syndicales et patronales (« Non ! » sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine), à l’échelle interprofessionnelle des branches et des entreprises.
Il ne s’agit pas d’inverser la hiérarchie des normes pour retirer des droits, mais de négocier l’organisation du travail au plus près du terrain, de renforcer la légitimité des accords d’entreprise par le déploiement progressif des accords majoritaires.
Nous avons confiance dans le dialogue social et nous voulons qu’il prenne toute sa place.
Nous voulons aussi garantir une plus grande protection aux salariés en leur donnant, grâce au renforcement de leurs droits que constitue le compte personnel d’activité, la possibilité de rebondir.
C’est un droit universel, un droit individuel, un droit renforcé pour ceux qui en ont le plus besoin, qu’ils soient jeunes, déjà salariés ou manquant des qualifications nécessaires pour trouver un emploi.
Voilà, monsieur le député, ce que nous voulons faire avec ce texte. Je pense que nous pouvons être d’accord sur les principaux points que je viens d’évoquer.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. Franck Reynier, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le Premier ministre, jeudi dernier, le Conseil des ministres examinait le projet de loi travail. Hasard du calendrier, la DARES – direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques – présentait, le même jour, les chiffres mensuels du chômage.
Le groupe UDI vous alerte régulièrement sur votre absence de résultats en ce domaine, sur les drames humains qui en résultent chaque jour, sur le décrochage de notre économie face à nos partenaires européens et sur la perte de confiance des Français envers ceux qui les dirigent.
Une nouvelle fois, les chiffres du chômage se dégradent.
Le chômage touche durement nos jeunes et nos aînés, mais je suis particulièrement inquiet de voir que la catégorie dans laquelle il augmente le plus est celle des vingt-cinq à quarante-neuf ans – autrement dit le coeur de la population active.
Ces tranches d’âge sont en effet celles qui, en principe, résistent le mieux face au chômage, mais ce sont aussi les générations qui soutiennent l’économie de notre pays, celles qui consomment, qui achètent des biens, qui investissent pour acquérir ou équiper un logement. Ce sont les générations-clés de l’économie française.
Nous craignions au groupe UDI que votre politique, une nouvelle fois, ne soit pas à la hauteur des enjeux. Nos entreprises doivent retrouver de la compétitivité. Il faut baisser les charges sans passer par l’usine à gaz du CICE.
Nous devons mieux former les jeunes, les demandeurs d’emploi et les actifs de notre pays. Notre législation et notre réglementation doivent être simplifiées. Notre temps de travail ne doit plus être un sujet tabou.
Notre dialogue social doit être repensé.
Monsieur le Premier ministre, le temps est compté. Quand allez-vous enfin lancer une politique pour l’emploi qui produise des résultats ?
Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et sur quelques bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la formation professionnelle et de l’apprentissage.
Monsieur le député, vous l’avez dit, le nombre de demandeurs d’emploi sans activité a augmenté de 38 400 en février. Je rappelle que cette évolution intervient après la forte baisse du mois de janvier. Elle s’inscrit dans un mouvement de hausses et de baisses incessantes depuis de longs mois.
Vives exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Mes chers collègues, je vous en prie ! Chacun aura compris que vous avez un autre point de vue.
La hausse du mois de février s’explique en grande partie par le passage en catégorie A de personnes qui étaient déjà inscrites à Pôle Emploi les mois précédents, mais qui exerçaient une activité réduite.
Exclamations continues sur les bancs du groupe Les Républicains.
Nous ne pouvons malheureusement pas nier ce résultat qui traduit un certain ralentissement de l’activité observée aux mois de novembre et de décembre 2015.
Ces résultats, même s’ils ne sont pas à la hauteur de ce que nous pouvons tous – et avant tout les demandeurs d’emploi – attendre, nous invitent à l’action. Il nous appartient d’agir et c’est ce que le Gouvernement a fait, je le rappelle, en lançant au début de cette année le plan d’urgence pour l’emploi qui s’appuie sur deux éléments.
Le premier est le plan TPE-PME qui a déjà permis le dépôt de 100 000 intentions d’embauches dans les très petites entreprises.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Il faut prendre ce résultat en considération, d’autant que le chiffre augmente chaque jour.
Mêmes mouvements.
Le deuxième est le plan « 500 000 formations supplémentaires », dans le cadre duquel cinq conventions ont d’ores et déjà été signées avec les régions ; la dynamique est donc engagée.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
C’est en favorisant à la fois les embauches dans nos TPE et la formation des chômeurs, destinée à les faire revenir plus rapidement à l’activité, que nous aboutirons à l’objectif recherché.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen. - Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Monsieur le Premier ministre, triste record : pour le mois de février, le taux de chômage est en forte hausse – la plus forte depuis septembre 2013 !
« Eh oui ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.
Dans le même temps, la quasi-totalité des pays européens ont fait fortement baisser leur chômage. La France est devenue le seul pays d’Europe où l’on a peur d’embaucher. La vision d’un code du travail « perçu comme une forêt trop obscure et hostile pour qu’on s’y aventure » joue contre le recrutement de salariés dans les petites et moyennes entreprises.
Utilisez donc la même fiche pour répondre, madame la secrétaire d’État !
Ces propos pourraient être ceux de tous les chefs d’entreprise de ma circonscription. Et pourtant, ce sont ceux des plus grands juristes de gauche, que vous aviez sollicités pour faire du droit du travail un droit contre le chômage et pour l’emploi.
Alors que le premier projet de la loi travail comportait des avancées significatives pour redonner vie et souffle à ceux qui créent l’emploi, la nouvelle version est un texte contre le travail et contre l’emploi. Vous aviez le choix entre écouter des syndicats qui ne représentent qu’eux-mêmes(Protestations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)…
…ou faire confiance à ceux qui, au plus près du terrain, connaissent mieux que personne la vie et le monde de l’entreprise. Manifestement, vous avez préféré satisfaire à l’urgence politique plutôt qu’à l’urgence économique.
« Bravo ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
Votre texte est aujourd’hui contesté de toutes parts et de tous horizons, même par votre ancien ministre du travail, François Rebsamen.
« Eh oui ! » et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
Alors, monsieur le Premier ministre, que comptez-vous faire de ce texte, qui est devenu au fil des semaines le symbole de tous les renoncements et de tous les espoirs déçus ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la formation professionnelle et de l’apprentissage.
Vives exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Mesdames, messieurs les députés, je ne m’attendais pas à un accueil aussi enthousiaste et je vous en remercie chaleureusement. C’est avec grand plaisir que je répondrai à cette question.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
J’espère toutefois que vous êtes plus intéressés par le fond et par la réponse que je vais apporter à votre question que par le fait de manifester votre enthousiasme.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Madame la députée, je voudrais vous faire reconnaître que le ton que vous avez employé pour poser cette question est pour le moins excessif et que vous ne croyez pas une seconde à ce que vous avez dit.
Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Alors que les députés vont être bientôt réunis en commission et qu’ils ont déjà travaillé sur ce texte, nous expliquer que le texte qui vous est présenté par le Gouvernement et qui a été adopté en Conseil des ministres n’a rien à voir avec celui qui a été discuté avec les organisations syndicales et patronales,
« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains
c’est franchement se moquer du monde.
Rires et exclamations sur les mêmes bancs.
Cela ne correspond pas à la réalité. Il y a toujours dans ce texte, quoi que vous en disiez, des logiques et des objectifs que le Gouvernement recherche
Mêmes mouvements
Tout d’abord, le dialogue social, qui doit être au coeur des relations du travail, comme je l’ai dit tout à l’heure. C’est un objectif qui est maintenu.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Ensuite, la protection et le renforcement des sécurités accordées aux salariés au moyen du compte personnel d’activité – CPA –, qui doit leur permettre de rebondir, sont également un point fort de ce texte.
Je pense vous avoir ainsi convaincus.
« Non ! » et exclamations sur de nombreux bancs du groupe Les Républicains.
Nous reviendrons en commission sur ce sujet et j’espère que vous aurez alors mieux lu le texte qui vous est présenté par le Gouvernement.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen. – Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à M. Dominique Lefebvre, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le secrétaire d’État chargé du budget, nous avons pris en 2012 un engagement simple et clair devant les Français : redresser la France dans la justice.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Les chiffres publiés par l’INSEE vendredi dernier mettent une nouvelle fois en valeur le contraste flagrant entre la gestion calamiteuse des finances publiques par la précédente majorité
Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains
et la politique de sérieux budgétaire menée par le Gouvernement et notre majorité parlementaire depuis 2012.
Mêmes mouvements.
Le déficit de l’ensemble des administrations publiques s’élève à 3,5 points de PIB, soit 0,3 point de mieux que prévu. La dette publique se stabilise, alors qu’elle progressait de cinq points en moyenne par an entre 2007 et 2012. Le rythme d’évolution de la dépense publique a été divisé en moyenne par quatre par rapport au précédent quinquennat.
C’est là le résultat d’une gestion rigoureuse de nos dépenses publiques en 2015.
Protestations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
Chaque dépense nouvelle – je pense notamment aux dépenses de sécurité et de défense – a été financée par des économies du même montant. C’est aussi le résultat des efforts demandés à nos concitoyens et à nos entreprises au début du quinquennat, efforts dont ils peuvent aujourd’hui mesurer les effets – sur le déficit public, certes, mais aussi par la baisse effective des prélèvements obligatoires résultant des allégements d’impôts et de charges pour les ménages et les entreprises décidés en 2014 et 2015.
« Allô ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
Surtout, ces efforts ont favorisé le retour de la croissance, ainsi que le financement de nos priorités politiques et la préservation de notre modèle social. L’économie française crée de nouveau des emplois. Le pouvoir d’achat progresse depuis deux ans et la compétitivité de nos entreprises se restaure, avec des taux de marges qui leur permettent d’investir.
« Tout va bien ! » et rires sur les bancs du groupe Les Républicains.
La France tient donc ses engagements. Elle n’est plus le mauvais élève de l’Europe. Elle est plus forte, plus crédible et pèse donc dans le débat européen.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Nous devons tous nous en réjouir et garder à l’esprit que cette amélioration réelle de nos finances publiques doit être confortée, ne serait-ce que parce que notre dette publique reste supérieure à 2 000 milliards d’euros.
Monsieur le secrétaire d’État, ma question est donc simple : compte tenu de ces bons résultats pour 2015,
Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains
quelles sont, en matière de finances publiques, les perspectives que se fixe le Gouvernement pour les années 2016 et 2017 ?
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le député, ces bons résultats annoncés à la fin de la semaine dernière ne sont pas ceux de Michel Sapin – qui vous prie d’excuser son absence cet après-midi –, ni ceux de Christian Eckert
« On est d’accord ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
Ils sont liés à l’ensemble des efforts des Françaises et des Français et à ceux des administrations publiques. Je tiens à redire que, si nos résultats ont été un peu meilleurs que nos objectifs en 2015,…
…c’est parce que les organismes de sécurité sociale ont diminué leurs déficits, que l’État lui-même a diminué les siens et que les collectivités territoriales ont ralenti l’augmentation régulière de leurs dépenses de fonctionnement.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Il faut donc non pas en tirer un satisfecit, mais dire aux Françaises et aux Français que les déficits se sont réduits de moitié en quatre ans. Les chiffres sont têtus.
Nous n’avons pas négligé pour autant de financer nos priorités : l’éducation, la sécurité de nos concitoyens, la prise en charge des remboursements des soins, les dépenses pour la sécurité, le respect de la loi de programmation militaire et le financement du plan emploi.
Monsieur le député, vous me posez une question précise quant à nos objectifs pour les années 2016 et 2017. Ils sont inchangés : 3,3 % de déficit public à la fin de 2016 et moins de 3 % à la fin de l’année 2017.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Certains parlent de cagnotte, mais nous avons encore aujourd’hui plus de 77 milliards d’euros de déficit et nous allons continuer à répondre à nos priorités, tout en assurant la réduction de nos déficits publics.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le Premier ministre, les 36 741 mairies de France arborent la devise de notre République : Liberté, Égalité, Fraternité. Or, les Français voient la liberté mise à mal par la surveillance généralisée et l’état d’urgence
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe socialiste, républicain et citoyen..
Ils voient la fraternité mise en mal quand sont désignés comme suspects les 5 millions de Français binationaux.
La semaine dernière, onze députés socialistes, en soumettant à l’Assemblée nationale une proposition de loi dite « de modernisation de l’élection présidentielle », se sont attaqués à l’égalité en verrouillant encore un peu plus l’accès à la principale élection de la Ve République.
Depuis 1974, tout candidat à l’élection présidentielle doit récolter 500 parrainages d’élus pour être légitime à se présenter. En 2012, 42 000 parrainages étaient possibles mais moins de 15 000 ont été donnés. Les élus ont peur des représailles s’ils soutiennent d’autres candidats que ceux des actuelles grosses écuries. Je prédis qu’en 2017, les parrainages seront encore moins nombreux. Et vous irez verser des larmes de crocodile sur le taux d’abstention en hausse !
Une décision révolte les Français aujourd’hui, qui concerne l’égalité d’accès aux médias pour tous les candidats. En effet, plus on est vu à la télévision, plus les sondages sont bons.
Le système qui régissait l’élection présidentielle était honnête puisqu’il était fondé sur l’égalité des candidats durant cinq semaines. En partant du constat que le CSA fait mal respecter l’égalité du temps de parole entre les candidats, vous avez choisi de supprimer la règle, là où il aurait fallu renforcer le gendarme ! Ce principe républicain d’égalité vient d’être anéanti, en réduisant de cinq à deux semaines l’égalité de temps de parole. Remplacer l’égalité par l’équité en se basant sur les intentions de vote est parfaitement absurde, puisque ce sont précisément les passages devant les médias qui favorisent ces intentions de vote !
L’objectif semble clair, monsieur le Premier ministre : limiter le choix des Français à trois bulletins, ceux du parti socialiste, du parti Les Républicains et du Front national.
Affronter le Front National au deuxième tour semble être la seule chance d’être au pouvoir en 2017.
Monsieur le Premier ministre, il est encore temps de faire machine arrière et de rétablir l’égalité du temps de parole durant la campagne présidentielle.
Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste, du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur quelques bancs du groupe Les Républicains.
Madame la députée, la réalité est juste un peu plus compliquée que la présentation sommaire que vous venez d’en faire. Un principe régissait l’état du droit avant que cette proposition de loi ne soit discutée à l’Assemblée nationale : l’équité des temps d’antenne et l’égalité des temps de parole.
Vous conviendrez qu’il y a plus simple que cette règle, laquelle ne satisfaisait aucun des organismes ou des hautes instances qui, au lendemain des élections présidentielles de 2007 et 2012, ont été amenés à exprimer un avis sur les conditions dans lesquelles le scrutin s’était déroulé.
Qu’il s’agisse du Conseil constitutionnel, de la Commission nationale des comptes de campagne, de la Commission nationale des sondages, tous ont pointé la complexité et le manque de lisibilité de ce système, de surcroît fort défavorable à toutes les organisations politiques du système.
La raison en est simple, comme le montre le temps dédié par les différentes chaînes de télévision à la campagne électorale. Entre 2007 et 2012, le temps d’antenne consacré aux candidats pendant la période qui s’étend de la déclaration des candidatures à l’ouverture de la campagne électorale, a été réduit de 50 %.
On peut bien sûr considérer qu’un système qui réduit considérablement le temps du débat, le temps de parole et l’expression démocratique sur les chaînes de télévision est favorable à la manifestation des différentes opinions mais Jean-Jacques Urvoas n’était pas de cet avis lorsqu’il présidait la commission des lois. Aussi a-t-il décidé de proposer un texte, voté en seconde lecture, afin d’instaurer un dispositif qui garantisse à chacun des temps d’antenne comparables de façon à réduire les inégalités d’hier. Voilà l’objectif de cette proposition de loi, très éloigné de votre description.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la ministre des affaires sociales et de la santé, nous avons soutenu la création des groupements hospitaliers de territoire pour remplacer les communautés hospitalières. Le groupe Les Républicains a considéré que toute mesure allant dans le sens d’une restructuration en profondeur de la carte hospitalière était nécessaire. Oui à toute mutualisation des moyens, à toute réflexion sur le maillage territorial pour favoriser le parcours du patient. Cependant, votre projet de décret soulève nombre d’oppositions car vous voulez passer en force, en procédant à un découpage qui tourne le dos aux précédentes communautés hospitalières et ne propose pas une solution de proximité.
Madame, vous avez reçu les contestations de l’Association des Maires de France, de la Fédération hospitalière de France, et même de l’Assemblée nationale des communautés hospitalières locales. Les uns et les autres vous demandent que les élus locaux soient associés à la mise en place des groupements hospitaliers, que la proximité soit respectée, que le projet médical soit réellement partagé et non accaparé.
Le rapport de la mission Martineau-Hubert vous met en garde sur la taille réelle et la gouvernance trop lourde de groupements hospitaliers de territoire pléthoriques.
Nous refusons, madame, les dérives technocratiques de ce décret et nous proposons qu’il soit réécrit car, après la loi santé assez décriée, ne ratons pas la refonte de la carte hospitalière.
Ma question est claire : allez-vous assouplir le calendrier pour que les agences régionales de santé ne procèdent pas à cette restructuration à la hussarde ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le député, il ne s’agit absolument pas de réorganiser en force la carte hospitalière dans notre pays.
« Mais si ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.
Je crains que vos informations ne datent un peu puisque, vous devez le savoir, un autre projet de décret a été proposé, qui a fait l’objet de concertations, notamment avec la Fédération hospitalière de France, laquelle a marqué sa satisfaction de voir ses préoccupations prises en compte.
Les groupements hospitaliers de territoire répondent à la volonté de conforter, sur l’ensemble du territoire, le service public hospitalier,…
…afin de garantir la présence, demain comme hier, d’hôpitaux locaux et d’hôpitaux de proximité. Nous n’agissons pas comme certains d’entre vous, sur les bancs de l’opposition, le souhaiteraient, en supprimant des hôpitaux de proximité.
Nous favorisons au contraire le renforcement du service public hospitalier grâce à des mutualisations et une offre de soins bien identifiée.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Les regroupements doivent se mettre en place par la concertation d’ici le 1er juillet prochain. Dans beaucoup de territoires, la concertation avance bien. Vous avez indiqué, monsieur le député, qu’il vous paraissait utile que les élus locaux soient davantage informés.
Je reçois cet après-midi François Baroin et le bureau de l’Association des maires de France. Je pourrai ainsi leur dire mon souhait que les élus locaux, les maires des communes sur lesquelles des établissements sont implantés, participent au comité territorial des élus locaux, même quand ils ne sont pas membres des conseils de surveillance.
Je souhaite que la concertation soit ouverte, transparente, dans l’intérêt du service public hospitalier.
La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, dimanche dernier, le Journal du Dimanche dévoilait l’existence d’un rapport adressé par M. Piquemal, directeur financier d’EDF, aujourd’hui démissionnaire, aux membres du conseil d’administration, où il est fait état de l’ensemble des risques cachés pris par EDF dans le cadre du projet de construction des deux EPR d’Hinkley Point en Grande-Bretagne. La démission de M. Piquemal s’expliquerait d’ailleurs par le contenu de cet accord secret, très défavorable à EDF.
En effet, de nombreuses clauses de cet accord secret sont déséquilibrées au bénéfice du partenaire chinois, la China General Nuclear – CGN. EDF pourrait ainsi prendre en charge 80 % des surcoûts des EPR, qui pourraient s’élever jusqu’à 5 milliards d’euros, alors même que l’entreprise ne participe au projet qu’à hauteur de 66 % ! En cas de retard, ce serait une nouvelle fois à EDF de rembourser une partie de l’investissement initial à la CGN. Pis : si la Commission européenne, suite au recours déposé par l’Autriche, reconnaissait comme une aide d’État l’aide de 1,6 milliard de l’État britannique, EDF pourrait être dans l’obligation d’indemniser son partenaire chinois à hauteur de cette somme.
En résumé, EDF se retrouve à supporter l’essentiel des risques de surcoûts de ce projet. Or les exemples de l’EPR finlandais ou de celui de Flamanville montrent que les risques de réalisation d’une telle hypothèse sont assez élevés.
Lors de votre audition de la semaine dernière, monsieur le ministre, vous avez étrangement omis de faire part de cet accord secret à la commission des affaires économiques. Vous avez d’ailleurs déclaré que la gouvernance devait s’assurer de la rentabilité et de la maîtrise des risques. Or ces clauses secrètes risquent d’affaiblir l’un de nos plus grands groupes français, dont la structure financière est déjà fragile, ce qui a entraîné sa sortie du CAC 40 en décembre dernier.
Monsieur le ministre, ma question est double.
Soit vous étiez au courant des clauses secrètes entre EDF et la CGN, et dans ce cas pourquoi l’avoir dissimulé lors de votre audition devant la représentation nationale la semaine dernière ?
Soit vous n’étiez pas au courant de ce rapport, pourtant adressé aux administrateurs représentant l’État. Cette hypothèse ne constituerait-elle pas un grave dysfonctionnement de vos services ? Plus largement, pourriez-vous éclairer la représentation nationale sur ces clauses secrètes et votre position à leur égard ?
Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.
Monsieur le député, le sujet d’Hinkley Point est en effet de la plus haute importance, puisqu’il s’agit de savoir si nous sommes en capacité de produire et de vendre un EPR sur des marchés développés, ni plus, ni moins.
Ce projet est-il dépourvu de tous risques ? Non. Quelle est notre responsabilité collective ? Les réduire.
Il y a pour cela un cadre : c’est le conseil d’administration de l’entreprise qui, comme vous le savez, est cotée et dont nous sommes actionnaires majoritaires, conseil où nous comptons des représentants, siégeant au côté des représentants des salariés et d’administrateurs indépendants.
Il n’y a pas de rapport secret, monsieur le député. Il y a eu l’activité d’un directeur financier qui, en responsabilité et sous deux PDG successifs, a, dès le début, défendu et instruit ce projet.
En outre, le projet Hinkley Point a fait l’objet dès 2013 de plusieurs rapports indépendants, à la demande de la direction générale, notamment un rapport d’Accuracy en 2015, pour des évaluations, et le rapport de M. d’Escatha.
Tous ces documents ont été discutés par les administrateurs dans le cadre du conseil d’administration. Je ne connais aucun document secret – qui aurait été remis dans quel cadre ? – ; je ne connais que des documents qui ont été remis et discutés dans le cadre du conseil d’administration, ce qui est de bonne politique et la bonne façon de faire.
Dans ce contexte, les risques juridiques ont été soupesés. Il nous apparaît à ce stade qu’ils sont en train d’être purgés et que nos droits, ceux d’EDF, sont bien préservés dans le cadre de l’accord contractuel signé avec le gouvernement britannique. Ils ne seront finalisés qu’en mai prochain, lorsque nous signerons les documents définitifs.
Enfin, des questions financières et opérationnelles sont en train d’être discutées et feront l’objet de prochaines réunions du conseil d’administration, dans le cadre desquelles nous défendrons l’intérêt du contribuable et d’EDF.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
« Il n’est pas là ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.
Monsieur le garde des sceaux, face à la multiplication des attentats en Europe et dans le monde, nous sommes nombreux à nous poser quelques questions simples mais qui appellent des réponses.
Sommes-nous, oui ou non, en guerre avec l’État islamique et les mouvements islamistes ?
Dans le contexte qui est le nôtre, il va bien falloir tirer quelques conséquences, car nous donnons, en tout cas juridiquement, l’impression de ne pas être à la hauteur de la situation depuis la multiplication des attentats.
Notre législation, au travers de notre code pénal et de notre code de justice militaire, permet pourtant, monsieur le Premier ministre, de sanctionner plus sévèrement les auteurs de ces crimes odieux. Ainsi, le livre IV du code pénal, relatif aux crimes et délits contre la nation, précise dans un de ses articles fondamentaux, l’article 411-4, que « le fait d’entretenir des intelligences avec une puissance étrangère, avec une entreprise ou organisation étrangère […] en vue de susciter des hostilités ou des actes d’agression contre la France, est puni de trente ans de détention criminelle ».
Cet article pourrait parfaitement être appliqué aux Français partis faire le djihad et de retour en France.
Mais cet article n’est pas appliqué. Depuis plusieurs mois nous en demandons la raison au garde des sceaux. Le ministère nous répond que vous refusez de reconnaître la réalité juridique de l’état de guerre et le crime de trahison, préférant vous en tenir à des propositions d’ailleurs très controversées de perpétuité réelle, actuellement débattues au Sénat.
Le problème n’est pas la perpétuité réelle, monsieur le Premier ministre : le problème c’est de qualifier de trahison ce qui est une trahison !
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.
Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Vous le savez, monsieur le député, Jean-Jacques Urvoas est au Sénat pour défendre son projet de loi, et c’est pourquoi je me permets de répondre à sa place, d’autant que ce n’est pas la première fois que vous posez cette question.
Votre position, qui s’appuie sur la thématique du fait de guerre, de façon, peut-être un peu rhétorique, à la faire apparaître comme beaucoup plus sévère, ne traduit pas du tout le point de vue du Gouvernement.
Vous le savez, l’incrimination que vous proposez a l’inconvénient de consacrer le caractère étatique de l’État islamique alors que cette caractérisation doit être nuancée.
Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Deuxième élément, comme vous le savez très bien puisque vous êtes juriste, une telle incrimination suppose l’existence d’un acte positif. Or dans les cas précis auxquels nous sommes aujourd’hui confrontés, on ne peut pas démontrer la réalisation d’un acte positif justifiant une telle incrimination.
Troisième élément, qui me paraît tout à fait important, les membres des réseaux auxquels nous avons affaire, s’ils sont parfois effectivement Français, peuvent aussi être de simples résidents sur le territoire français, voire n’être ni l’un ni l’autre, et leurs actes doivent pouvoir être incriminés d’une façon globale.
Enfin, vous le savez aussi, la procédure serait beaucoup plus lourde et ne permettrait pas ce qui est un des points forts de l’approche juridique actuelle, à savoir appréhender dans le même filet des personnes qui ne sont potentiellement que justiciables en matière correctionnelle.
« N’importe quoi ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.
Voilà pourquoi l’incrimination qui est aujourd’hui retenue en matière de terrorisme est sans aucun doute la plus pratique, la plus efficace et la plus globale.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. Jean-Luc Laurent, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ma question s’adresse à M. le ministre des affaires étrangères.
Il y a dix jours, j’étais en Grèce : à Athènes, à l’invitation de Syriza, pour le forum contre l’austérité et pour la démocratie, puis à Lesbos, à la veille de l’application de l’accord intervenu entre l’Union européenne et la Turquie.
J’ai voulu, en effet, visiter plusieurs camps, dans l’ancien aéroport d’Hellinikon et à Lesbos.
L’accord entre l’Union européenne et la Turquie était nécessaire pour reprendre le contrôle de la frontière extérieure de l’espace Schengen. Il était même vital, à l’heure où, dans un mouvement de dominos, tous les pays d’Europe centrale ont fermé leurs frontières, laissant la Grèce seule face à l’afflux de réfugiés et de migrants venus de Turquie et arrivant majoritairement de Syrie.
L’accord était nécessaire ; son application se révèle difficile. La solidarité et la mobilisation européennes ont tardé tout au long de l’année 2015. Je voudrais savoir, monsieur le ministre, quel sera l’apport concret de la France, et sur quel calendrier, concernant la mise en oeuvre de l’accord entre l’Union européenne et la Turquie.
Pays fragile, sacrifié sur l’autel de l’ordolibéralisme européen, la Grèce ne peut pas être laissée seule en première ligne. La solidarité européenne a été très tardive. Sous le mémorandum, l’État est désarmé et c’est la solidarité des Grecs eux-mêmes, des bénévoles, des ONG, qui prend en charge les réfugiés et les migrants.
Pouvez-vous nous préciser quelle est l’action de la France pour permettre la réouverture des frontières balkaniques ?
Monsieur le ministre, vous le savez, à la frontière grecque se joue aussi notre sécurité. Si nous sommes incapables de vouloir le redressement grec par solidarité, peut-être pouvons-nous le vouloir dans notre intérêt et pour notre sécurité.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.
Monsieur le député, il nous faut vouloir le redressement de la Grèce à la fois par solidarité et pour la sécurité de l’Europe. Vous l’avez dit en effet, en pleine crise migratoire, nous ne pouvons pas laisser la Grèce devenir un goulot d’étranglement parce que la route des Balkans est coupée, parce que la Macédoine a fermé sa frontière, parce que les pays des Balkans craignaient d’être déstabilisés par l’arrivée de très nombreux réfugiés, parce que l’Autriche et finalement l’Allemagne ne pouvaient pas continuer à accueillir cette année plus d’un million de réfugiés, comme ce fut le cas l’année dernière.
Il y avait donc une urgence et c’est pourquoi la France a demandé que plusieurs décisions soient prises. La première est qu’un budget d’aide humanitaire spécifique, pour un pays de l’Union européenne confronté à une situation d’urgence humanitaire, puisse être débloqué sur les fonds Echo – European Commission Humanitarian Office – qui d’habitude sont utilisés pour des pays tiers : 700 millions d’euros seront mis à disposition des pays confrontés à cette situation. Aujourd’hui, c’est bien de la Grèce dont il s’agit. Soit 300 millions cette année, puis 200 millions en 2017 et en 2018 si c’est nécessaire.
Deuxièmement, il y a en Grèce des centres d’accueil et d’enregistrement : les fameux hotspots. Encore faut-il que des personnels compétents, en matière de police des frontières et d’asile, soient mis à disposition. Le ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve et son homologue allemand ont décidé que la France et l’Allemagne enverraient 600 personnels spécialisés : 300 par chacun des deux pays, dont 200 au titre de Frontex et 100 pour le Bureau européen d’appui à l’asile, pour aider la Grèce à mettre en oeuvre l’accord avec la Turquie qui comprend un accord de réadmission pour les migrants en situation irrégulière et un accord spécifique concernant les Syriens, afin de vérifier que leur droit à l’asile est respecté. Il n’y aura pas d’expulsions collectives. Toute demande d’asile sera traitée individuellement et pourra faire l’objet d’un recours. Nous sommes aux côtés de la Grèce, aujourd’hui dans la crise migratoire comme nous l’étions hier dans la crise de l’euro.
Ma question s’adresse à M. le ministre des finances et des comptes publics.
Monsieur le ministre, les collectivités territoriales votent en ce moment leur budget. Sous couvert d’économies, et alors que vous alourdissez leurs charges, aujourd’hui avec les nouveaux rythmes scolaires, demain avec l’indice revalorisé des fonctionnaires, vous les ponctionnez pour la troisième année consécutive, à hauteur de quelque 3,7 milliards d’euros, mettant ainsi en péril les services publics dont bénéficie la population et surtout les investissements qui profitent aux entreprises locales et à l’emploi.
Avec une certaine arrogance, vous voulez faire croire qu’elles sont dépensières, alors qu’elles votent, elles, des budgets en équilibre, tandis que vous n’avez eu de cesse de demander des délais de grâce à Bruxelles, faute d’avoir respecté vos engagements sur la réduction des déficits de l’État. Vous n’avez rien trouvé de mieux que de faire les poches des collectivités territoriales pour remplir celles de l’État, qui sont percées.
La semaine dernière, une rumeur a bruit que le Gouvernement pourrait différer ou réduire la ponction supplémentaire prévue en septembre 2017 – là encore, 3,7 milliards –, ponction qui va définitivement rendre bon nombre de communes exsangues.
Avec une grande brutalité, vous avez mis fin à cette rumeur, préférant réserver les quelques pseudo-recettes de poche, dites « imprévues », aux cadeaux électoraux d’un Président déjà en campagne.
L’Association des maires de France, qui rassemble les élus de tout bord, vous demande de surseoir à cette nouvelle ponction qu’elle juge « intenable ».
Allez-vous entendre les élus de France, ou allez-vous continuer obstinément à les mépriser ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le député, dans ma précédente réponse, j’ai indiqué que les dépenses de fonctionnement des collectivités locales avaient fortement diminué.
Il y a une demande assez générale pour réduire la dépense publique et j’ai salué l’effort de l’ensemble des administrations publiques, y compris des collectivités territoriales.
« Rien à voir ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.
Si, mesdames et messieurs les députés : cela a quelque chose à voir !
Vous vous êtes inquiétés, sur l’ensemble de ces bancs, des conséquences qu’aurait la baisse des dotations de l’État aux collectivités territoriales. J’ai eu l’occasion de rappeler, puisque les comptes nous sont parvenus il y a quelques jours, que malgré la baisse de ces dotations aux collectivités territoriales – dont je rappelle qu’elles ne représentent qu’un quart de leurs recettes –, le dynamisme des autres recettes a permis à l’ensemble des ressources des collectivités territoriales de progresser de 1,5 %.
Les recettes des collectivités territoriales continuent de progresser.
Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Pour autant, mesdames et messieurs les députés, il faut reconnaître l’hétérogénéité des situations. Sur ce point, le Gouvernement est prêt à discuter avec l’Association des maires de France, avec l’Assemblée des départements de France, avec l’Association des régions de France, parce que la situation des départements n’est pas la même que celle des communes et des intercommunalités. Nous prendrons les dispositions nécessaires pour que l’ensemble des collectivités territoriales puissent continuer à avoir des budgets en équilibre – vous avez parfaitement raison –, mais cela dans un souci de maîtrise de la dépense publique.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. Sébastien Denaja, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la ministre Ségolène Royal, lors d’un déplacement à l’occasion de la journée mondiale de l’eau et des forêts, à Marseille, vous avez signé le décret prévu par la loi sur la transition énergétique portant interdiction des sacs plastiques à usage unique qui sont, on le sait, une source considérable de pollution des océans et de la mer Méditerranée en particulier.
Berceau et carrefour des civilisations, cette mer est en danger, en danger de mort – j’ose le mot. Sa biodiversité, riche de 17 000 espèces, est en effet gravement menacée par la conjugaison du réchauffement climatique et des pollutions de toute nature, qu’il s’agisse de plastique, de déchets ménagers, de pesticides ou de rejets industriels.
L’amaigrissement du poisson bleu – sardines ou anchois – constaté par les scientifiques est le signe alarmant d’un écosystème au bord de la rupture. Pourtant, la Méditerranée n’est pas le problème : la Méditerranée, c’est la solution.
À Sète, ce week-end, vous avez d’ailleurs pu constater combien pêcheurs, conchyliculteurs, acteurs portuaires, scientifiques, élus locaux et citoyens étaient mobilisés pour protéger cette mer à laquelle nous sommes tant attachés et qui pourrait constituer à l’avenir un gisement d’emplois considérable dans le domaine de la croissance bleue, notamment en matière d’énergies renouvelables.
Alors, ma question est simple : en tant que ministre de la deuxième puissance maritime du monde et présidente de la COP, comment entendez-vous mobiliser ces énergies pour sauver la Méditerranée des périls qui la menacent et en faire un véritable levier de la croissance bleue française ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à Mme la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat.
Vous avez raison, monsieur le député, de souligner à quel point la mer et l’océan sont au coeur des discussions sur le climat et sur la lutte contre toutes les formes de pollutions.
À l’heure où nous parlons s’ouvrent, aux Nations-Unies, des discussions sur la protection de la haute mer, et la France y est très présente.
Vous êtes vous-même très impliqué, monsieur le député, sur les sujets qui touchent à la Méditerranée, de même que la présidente de votre région, Carole Delga, ainsi que le sénateur-maire de Sète avec lesquels nous nous sommes récemment réunis à l’occasion d’une magnifique fête autour du port – nous avons d’ailleurs discuté avec les représentants de toutes les filières maritimes engagées dans la défense de la Méditerranée.
Je souhaite vous dire trois choses.
Premièrement, je réunirai la seconde conférence nationale sur la mer et l’océan le 8 avril prochain et je souhaite que tous les élus du pourtour méditerranéen soient présents pour que nous puissions prendre une initiative sur la protection de la Méditerranée.
Deuxièmement, les sacs plastiques seront interdits par décret au 1er juillet 2016. Il s’agit là d’une décision très importante car les pollutions de ce type dégradent considérablement l’espace maritime.
Enfin, un potentiel immense existe s’agissant des énergies marines. Je suis heureuse de vous annoncer que les annonces d’attribution des marchés relatifs à tous les projets concernant l’éolien flottant – la nouvelle génération d’éoliennes – notamment en Méditerranée seront effectives à la fin du mois d’avril.
J’espère bien évidemment que les élus qui portent ces projets – dont vous êtes – puissent obtenir satisfaction de façon à ce que les emplois liés à la croissance bleue que vous venez d’évoquer soient ainsi créés.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. Jean-Sébastien Vialatte, pour le groupe Les Républicains.
Ma question s’adresse à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé et concerne le décret paru au Journal Officiel le 25 mars modifiant la prise en charge des traitements innovants onéreux dans la liste dite « en sus » – mécanisme selon lequel leur coût est déplacé du budget de l’hôpital vers celui de l’assurance maladie, ce qui permet d’en assurer l’accès à tous les patients.
Dispensés à l’hôpital, ces traitements innovants étaient remboursés à 100 % par l’assurance maladie ; ils ne le seront plus.
C’est de l’accès à l’innovation que les Français sont désormais privés !
Le professeur Philip, directeur de l’Institut Curie, avait appelé votre attention sur la faible pertinence, d’un point de vue éthique, de faire de cette liste une priorité de régulation budgétaire, qui risque de le contraindre à renoncer à ces traitements innovants pourtant indispensables pour améliorer la vie de patients atteints de cancer ; certains établissements seront ainsi contraints de ne pas participer aux essais cliniques faute de pouvoir financer les traitements comparateurs.
Ce décret remet en cause le principe d’égalité d’accès aux soins : désormais, seuls ceux qui pourront répondre financièrement pourront en bénéficier. De plus, il manque de cohérence avec le troisième plan cancer.
L’inquiétude a pris de l’ampleur. Le 14 mars, 110 personnalités réunissant les plus grands noms de la cancérologie dénonçaient dans la presse l’explosion des prix de ces médicaments tout en proposant des solutions concrètes pour leur maintien en milieu hospitalier.
Madame la ministre, quelles initiatives envisagez-vous de prendre à l’échelle nationale pour répondre à la situation des patients qui ont un besoin urgent de ces traitements désormais remis en question dans notre pays ?
Il faut un débat sur l’accès à l’innovation médicale ! C’est la moindre des choses !
Madame la ministre, serez-vous celle qui refusera à de très nombreuses femmes l’accès aux médicaments innovants traitant le cancer du sein ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
Monsieur le député, il ne s’agit en aucun cas de dérembourser.
La France est un pays dans lequel les traitements, même très coûteux, sont accordés à tous les malades qui en ont besoin. C’est la politique que je suis et c’est la politique qui sera poursuivie !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La liste « en sus », cela veut dire que certains traitements très innovants ne peuvent pas être financés sur le budget classique global de l’hôpital, mais doivent l’être « en plus ». C’est cela que nous devons préserver. À cette fin, un décret a été pris, qui définit les critères permettant un financement à partir de cette liste, qui n’a d’ailleurs pas été encore publiée. Si le médicament n’y figure pas, il est financé par le budget global de l’hôpital.
Monsieur le député, je ne vous laisserai donc pas dire, à vous qui avez procédé à des déremboursements de médicaments lorsque vous étiez aux responsabilités
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen
que ce Gouvernement ne veillera pas à ce que toutes les femmes et tous les hommes qui ont besoin d’être soignés le soient.
Quels sont donc les critères de cette liste ? Que le médicament soit très innovant ou innovant, qu’il soit coûteux – c’est-à-dire que l’hôpital ne puisse pas le payer à partir de son budget classique – et qu’il constitue une avancée importante. Si le médicament n’est pas innovant, il peut néanmoins être financé via cette liste dès lors qu’il représente un intérêt de santé publique.
Monsieur le député, tout est fait pour que les Françaises et les Français qui ont besoin de traitements puissent y accéder et être soignés. C’est ce que nous avons fait pour l’hépatite C, c’est ce que nous faisons pour les cancers, c’est ce que nous faisons pour tous les médicaments.
L’innovation, c’est une ligne de force ; l’innovation, c’est pour moi une priorité et c’est le sens de la politique de ce gouvernement !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Marc Le Fur.
La conférence des présidents réunie ce matin a arrêté les propositions d’ordre du jour suivantes pour la semaine de contrôle du 25 avril :
Débat sur le rapport de la commission des finances sur le programme de stabilité 2016-2019 ;
Questions sur l’agriculture biologique ;
Questions sur la politique fiscale du Gouvernement ;
Questions sur la politique gouvernementale en matière d’emploi ;
Questions sur les projets d’accords de libre échange.
La conférence des présidents a également arrêté les propositions d’ordre du jour pour la semaine de l’Assemblée du 2 mai :
Projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs.
Il n’y a pas d’opposition ?
Il en est ainsi décidé.
L’ordre du jour appelle le débat sur le rapport de la délégation aux droits des femmes et sur les violences faites aux femmes.
La conférence des présidents a décidé d’organiser ce débat en deux parties. Dans un premier temps, nous entendrons les orateurs des groupes, puis le Gouvernement. Nous procéderons ensuite à une séquence de questions-réponses.
Je vous rappelle que la durée des questions, ainsi que celle des réponses, est limitée à deux minutes, sans droit de réplique.
La parole est à Mme Pascale Crozon.
Monsieur le président, madame la ministre des familles, de l’enfance et des droits des femmes, mes chers collègues, le 3 décembre 2015, la cour d’assises de Blois confirmait la condamnation de Jacqueline Sauvage à dix ans de réclusion criminelle pour avoir tué son mari, après avoir subi plusieurs décennies de violences conjugales et familiales. C’est dans le contexte de ce jugement, qui a soulevé une profonde émotion collective, que la délégation aux droits des femmes a jugé utile d’auditionner juristes, associations et acteurs institutionnels pour faire le point sur la protection et l’accompagnement des femmes victimes de violence.
Notre rapport n’est toutefois pas dicté, madame la ministre, par la nécessité de répondre à cette émotion. Il entend, bien au contraire, examiner les différentes propositions qui ont surgi dans le débat public, ainsi que l’opportunité de modifier notre législation pénale, à la lumière des actions et des résultats enregistrés par les pouvoirs publics depuis la loi du 9 juillet 2010 sur les violences faites aux femmes.
L’histoire de Jacqueline Sauvage, c’est l’histoire, tout à la fois tragique et banale, que vivent plus de 200 000 femmes en France, selon l’INSEE ; celle de violences qui interviennent dans le déni, dans le silence, dans l’impunité, alors même que « tout le monde savait » ; celle de femmes qui, confrontées à une société qui ferme encore bien trop souvent les yeux, s’enferment dans une spirale de la peur, où se mêlent la douleur physique et la recherche d’excuses, l’angoisse pour sa vie et celle de ses enfants et l’auto-persuasion que les choses vont changer. C’est l’histoire de l’emprise, qui conduit ces femmes à ne bientôt plus voir d’autre issue que la mort, la leur ou celle de leur conjoint.
Si je veux saluer la décision d’humanité prise par le Président de la République à l’égard de Mme Jacqueline Sauvage, je veux dire également l’inquiétude que m’inspire l’idée de « légitime défense différée », que nous avons particulièrement étudiée dans nos travaux. En réalité, rien ne serait pire que de légitimer cette spirale et cet enfermement destructeur. Rien ne serait pire que d’envoyer le signal que les victimes de violences ne peuvent compter que sur elles-mêmes et doivent se faire justice par elles-mêmes. En effet, lorsque nous en arrivons à devoir mettre en cause la responsabilité individuelle d’une victime, c’est que nous avons failli dans notre responsabilité collective de la mettre en sécurité.
Si nous devons mieux comprendre et prendre en charge les situations d’emprise dans notre réponse pénale, c’est en amont que nous devons protéger et accompagner les victimes de violences, pour prévenir ces drames. Libérer la parole des victimes pour que la honte change de camp et que la société ne tolère plus ces violences, tel est bien l’objectif prioritaire des politiques que nous menons et qui, peu à peu, portent leurs fruits. Je citerai un seul chiffre pour illustrer cette évolution, madame la ministre, celui des 50 780 appels enregistrés en 2014 par le 3919, ce qui représente un doublement en une année – tendance qui devrait se confirmer en 2015.
Mais aujourd’hui encore, seules 16 % de ces victimes portent plainte contre leurs agresseurs. C’est sur ce chiffre que nous devons désormais travailler, qui pose la question de ce que nous faisons de la parole de ces femmes. L’enjeu, pour nous, ce doit être celui de l’accompagnement. Tout acteur susceptible d’identifier une situation d’emprise ou de violence – policier, gendarme, avocat, magistrat, mais aussi médecin, travailleur social, enseignant – doit être formé à leur détection et être en mesure de les comprendre ; il doit être capable d’informer les victimes sur leurs droits, mais aussi de les orienter et de les accompagner dans le processus de maturation qui leur permettra de sortir de cette situation. C’est pourquoi nous vous demandons des actes forts, en prévoyant dans la feuille de route de chaque ministère des objectifs chiffrés de personnels formés à ces situations.
Il demeure tout aussi impératif de mieux suivre le parcours judiciaire de chaque victime ; il importe que les classements sans suite ou les déclassements soient encadrés et strictement motivés ; que l’accès des victimes aux unités médico-judiciaires soit assuré et que les circuits de signalement et de communication entre les différents acteurs judiciaires soient clarifiés.
Il nous faut enfin avoir le courage de nommer ces phénomènes. Les récentes affaires ne doivent pas nous faire perdre de vue que les premières victimes de meurtres conjugaux restent les femmes elles-mêmes : avec 134 décès en 2014, ces meurtres représentent un homicide sur cinq dans notre pays. Et, précisément, le terme universaliste d’homicide tend à noyer cette réalité, à ne pas en prendre la mesure, comme si tous les meurtres commis participaient d’une seule et même logique, ou si tous étaient équivalents. Voilà pourquoi je souhaite que les meurtres commis à l’encontre de femmes, parce qu’elles sont des femmes, soient nommés « féminicide » car, comme le disait Simone de Beauvoir : « Nommer c’est dévoiler. Et dévoiler, c’est déjà agir. »
Applaudissements sur tous les bancs.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui le 29 mars 2016. Il y a un peu plus de dix ans, le 23 mars 2006, nous votions définitivement, dans cet hémicycle, la première des deux grandes lois de ce siècle contre les violences faites aux femmes.
Cette loi faisait suite à un travail engagé par nos collègues sénateurs, et que nous avions poursuivi dans cette assemblée, en particulier au sein de la délégation aux droits des femmes, que présidait à l’époque Marie-Jo Zimmermann.
Nous avions décidé de nous appuyer sur une étude essentielle, l’enquête nationale sur les violences envers les femmes en France – ENVEFF – qui avait révélé à la population de notre pays ce que nous voulions ignorer, collectivement. La violence anonyme que nous avions laissée s’installer et l’hypocrisie collective qui caractérisait alors notre pays nous amenaient en effet à considérer que les violences faites aux femmes dans la sphère familiale relevaient, justement, d’une sphère intouchable, à laquelle la puissance publique ne pouvait et, pire, ne devait pas accéder.
En tant que responsables publics, nous avons décidé tous ensemble – gauche, droite et centre confondus – de mettre sur la place publique la question majeure de la violence conjugale sous toutes ses formes et de la traiter, car elle constitue la principale cause de délinquance dans notre pays : 10 % des femmes d’une génération ont été, sont ou seront victimes, un jour ou l’autre, d’une manière ou d’une autre, d’une violence au sein de leur couple, du fait de la volonté du conjoint violent de diminuer, d’abaisser, de détruire la femme dans ce qu’elle est, dans son identité, dans son authenticité, dans son droit à l’égalité.
La première loi, celle à laquelle j’ai fait référence et dont j’ai eu le grand honneur d’être le rapporteur dans cette assemblée, a permis de franchir des étapes importantes. Reconnaître, comme nous l’avons fait il y a dix ans, la possibilité qu’un viol soit commis au sein d’un couple, ce n’était pas évident – certains parlementaires ne voulaient d’ailleurs pas s’attaquer à ce problème. De même, ce n’était pas rien que de reconnaître, comme nous l’avons fait, que les ex-conjoints pouvaient également avoir à répondre de ces violences conjugales et que tout fait relevant de la même problématique, même commis des années, voire des décennies, après le drame vécu par une femme victime de violence, devait se voir appliquer des circonstances aggravantes.
La seule chose que nous n’ayons pas réussi à faire en 2006, parce que les esprits n’étaient pas mûrs, nous y sommes parvenus quatre ans plus tard en adoptant la loi du 9 juillet 2010, avec les députés ici présents et Danielle Bousquet, dont je salue l’action à nos côtés et à la tête de la mission d’information. Au-delà de la violence physique, des morts ou des paralysies dont souffrent à vie toutes ces femmes victimes de violences et qui sont l’horreur même, cette loi reconnaît le flot incessant des violences psychologiques invisibles mais si brutales, sauvages et injustes qu’elles réduisent à néant les espoirs de si nombreuses femmes dans notre pays. Cette grande et belle loi est venue parfaire le dispositif par la mise en place de l’ordonnance de protection, la reconnaissance de l’existence du délit de violence psychologique et grâce à plusieurs mesures permettant de reconnaître, partout sur le territoire, le besoin impératif de lutter de toutes nos forces contre ce fléau. Il nous reste beaucoup à faire. Non que rien n’ait été fait, mais parce que ces deux lois sont riches de dispositifs si prometteurs qu’il y a toujours une marge de progression.
Pour terminer mon propos, je voudrais évoquer trois sujets en particulier. Premièrement, l’ordonnance de protection. Nous avons constaté avec Danielle Bousquet que ces dispositions étaient entrées en vigueur, mais de manière timide et inégale, et trop souvent imparfaite. Il serait utile de faire le point aujourd’hui et d’améliorer la situation, tant certaines juridictions peinent encore à reconnaître cette avancée considérable qu’est l’ordonnance de protection. Deuxièmement, les violences psychologiques. Malgré le travail formidable fait pour nous et avec nous par la Chancellerie en 2010, beaucoup de juges peinent à reconnaître les éléments permettant de caractériser cette infraction et de la punir. Or nous savons que l’horreur, ce sont les violences psychologiques qui précédent immanquablement les violences physiques et conduisent trop souvent à la mort. Dernier sujet, l’hébergement des femmes victimes de violence avec leurs enfants. Lorsque la femme n’a pas le choix de quitter le domicile conjugal, même si la loi prévoit que c’est au mari violent de le quitter, elles se retrouvent souvent, lorsqu’elles ont des enfants, dans une situation impossible et sont victimes d’une double peine : non seulement elles quittent le domicile, mais elles voient aussi leurs enfants confiés à d’autres, à des familles d’accueil, car aucun dispositif national n’est véritablement appliqué à l’échelle locale.
Je tiens à appeler votre attention, madame la ministre, sur ces quelques sujets sur lesquels nous devons avancer. Je crois que l’unanimité qui a toujours été de mise au sein de cette assemblée nous permettra de progresser autant que nous le souhaitons. Quoi qu’il en soit, seize ans après l’ENVEFF, beaucoup reste à faire et beaucoup a été fait, mais nous n’avons pas à rougir de tout ce que nous avons décidé de mettre en oeuvre, sous différents gouvernements, et qui fait l’honneur de la représentation nationale.
Applaudissements sur tous les bancs.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, mes chers collègues, si la législation a évolué de façon positive ces dernières années, les violences faites aux femmes, ancrées dans une inégalité profonde, persistante, entre les femmes et les hommes, demeurent omniprésentes dans notre société, et les outre-mer ne sont pas épargnés. Les chiffres, sans cesse rappelés, ont toujours la même résonance. Aujourd’hui encore, une femme meurt tous les 2,7 jours, victime de son conjoint. Selon Mme Salmona, spécialiste en mémoire traumatique, cette réalité fait malheureusement encore l’objet d’un déni massif. Pourtant, plus de 200 000 femmes de 18 à 75 ans subissent des violences physiques et sexuelles de la part de leur ancien ou actuel partenaire. Seules 10 % d’entre elles portent plainte.
Ces chiffres sont la preuve que le combat contre les violences faites aux femmes est plus que jamais d’actualité. Drame humain avant tout, ces violences sont aussi, ainsi que l’indique à juste titre notre collègue Pascale Crozon dans son rapport d’information, une « question politique centrale ». En France, comme l’a rappelé à l’instant M. Geoffroy, beaucoup a déjà été accompli pour améliorer la prévention et la répression de telles violences : la loi du 9 juillet 2010, avec notamment l’ordonnance de protection, qui fournit un cadre d’ensemble aux femmes victimes de violences, ou encore la loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, plus récemment débattue dans cet hémicycle.
Au-delà du bilan des dernières années, le rapport mentionne de récentes affaires qui, il est vrai, ont fait naître de nouvelles interrogations. À la fin de l’année dernière, les attaques commises contre des femmes dans plusieurs villes européennes ont attesté d’une forme de violence dépassant la sphère privée et familiale. L’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a souligné lors d’une réunion de janvier 2016 la nécessité d’une réponse globale. Nous devons avoir une réflexion sur les moyens d’agir contre ce nouveau type de violences inacceptables.
L’affaire « Jacqueline Sauvage », femme condamnée à dix ans de réclusion criminelle pour avoir tué son mari après avoir subi des violences pendant plusieurs décennies et qui s’est vue accorder une remise de plein gracieuse en janvier dernier, nous pousse également à nous interroger. Ce jugement, qui a suscité une forte émotion collective, a mis à jour la réalité des violences faites aux femmes, qui font souvent l’objet d’un déni, sont passées sous silence ou laissées impunies.
Doit-on modifier le régime de la légitime défense ou instituer des circonstances aggravantes, lorsque des meurtres sont commis en raison du sexe ? Faut-il reconnaître le féminicide au même titre que le parricide ou l’infanticide ? Ce sont des sujets complexes. Je salue le travail réalisé dans ce rapport. Il est nécessaire de prendre du recul pour traiter de ces sujets. Doit-on assouplir à l’extrême le code pénal, au risque, selon certains, de conduire notre société à accorder une forme de permis de tuer ou un droit de se faire justice soi-même ? Dans ce combat, la sémantique est essentielle. Je tiens également à rappeler que le rapport de 2014 de Mme Pascale Vion, membre du Conseil économique, social et environnemental, aborde ces questions. En tout état de cause, la conclusion du rapport qui nous a été présenté semble raisonnable. Il faudra en débattre pour que ses dispositions soient efficaces et ne soient pas détournées de leurs objectifs. Si les réponses pénales sont importantes, la priorité est, en amont, d’assurer la protection et l’accompagnement des victimes de violences et de veiller à la mise en oeuvre de toutes les mesures susceptibles de prévenir ce type de drame.
En outre, il est important de permettre à toutes les victimes de pouvoir bénéficier de ces recours. Je tiens à rappeler notre proposition de loi visant à rallonger les délais de prescription. Certes, une proposition de loi a permis d’intégrer la jurisprudence dans le droit commun. Mais les agressions sexuelles ne sont pas des crimes comme les autres. Ils sont d’une nature particulière et peuvent entraîner des amnésies post-traumatiques. Les conséquences sont lourdes. Les travaux sur la mémoire traumatique de Mme Salmona montrent que, si les victimes de ne sont pas bien prises en charge, les conséquences peuvent se faire sentir pendant toute la vie et se traduire par des psychotraumatismes graves : dépressions, maladies, voire suicides.
En conclusion – j’y reviendrai au cours du débat –, nous devons mieux former les professionnels qui ont à recevoir et accompagner ces victimes. Ces notions doivent être intégrées dans la formation initiale et continue. En outre, puisque je suis issue des territoires d’outre-mer, je tiens à dire qu’il y a un véritable déficit de connaissance sur ce sujet. Nous devons absolument renforcer le réseau des délégués présents dans ces territoires.
Applaudissements sur tous les bancs.
Je voudrais tout d’abord rendre hommage à Jacques Moignard, suppléant de la ministre Sylvia Pinel, pour le travail qu’il a réalisé dans le cadre du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et dans le sillage duquel mon intervention s’inscrit. L’évolution de notre société, mais aussi les prises de conscience successives sur les conditions de traitement des femmes nous amènent, aujourd’hui, à l’occasion du rapport de Mme Crozon, à poursuivre la marche entreprise.
Au-delà de l’évolution législative et des actions très concrètes issues des plans quinquennaux, les situations de discrimination faites aux femmes et les violences intrafamiliales restent un fléau dont l’ampleur est alarmante – votre rapport en témoigne. Victime d’homicide au sein d’un couple, une femme décède en moyenne tous les 2,7 jours en France – c’est un chiffre qui reviendra en boucle. C’est pourquoi jamais nous ne débattrons suffisamment de la question du droit des femmes et des violences qu’elles subissent.
Pourtant, quand une femme est tuée, on parle toujours d’homicide et souvent, dans les médias, ce crime est qualifié de faits divers ou de drame familial. Dans une société misogyne, où les violences masculines contre les femmes sont répandues et banalisées, la haine des femmes va jusqu’au meurtre. Rappelons également que certaines pratiques culturelles prétendent que les filles valent moins que les garçons et que dans différentes cultures, la haine misogyne tue.
Ces crimes passionnels ne sont pas des homicides ; en France, ils doivent être nommés des féminicides. Les mobiles et circonstances de ces meurtres nous en donnent la réponse. Un meurtre infrafamilial survient toujours après une longue série de violences machistes : harcèlement psychologique, violences physiques, viols, menaces de mort.
Un homme tue sa femme pour deux raisons principales, l’adultère réel ou supposé et la séparation. Il perd contrôle de son corps, elle lui montre qu’elle ne lui appartient plus. Elle veut lui échapper, il la tue. Il est temps de reconnaître que le féminicide est un crime spécifique misogyne qui doit être reconnu et jugé comme tel. Comme le disait Simone de Beauvoir « nommer c’est dévoiler, et dévoiler c’est agir ». Alors n’hésitons plus à dire les choses.
La France a ratifié le 4 juillet 2014 la convention d’Istanbul, qui avait pour objectif de protéger les femmes contre toutes formes de violence. Pourtant, notre droit ignore encore la domination entre hommes et femmes et ne prend pas encore assez en compte la portée misogyne des meurtres de femmes. Il est temps d’appliquer cette convention en reconnaissant et en luttant efficacement contre le féminicide, comme l’ont fait les pays d’Amérique latine, le premier ayant été le Costa Rica. Plus près de chez nous, l’Espagne et l’Italie ont intégré la notion de violence du genre dans leur code pénal.
Oui, il faut reconnaître le féminicide dans la loi. Pour lutter contre ces violences, il faut faciliter le dépôt de plainte. Une fois qu’elle est présentée, elle ne pourra plus être retirée et une suite lui sera donnée. Il faut aussi revoir la question des moyens de lutte contre les violences au sein du couple et de protection des femmes victimes.
Pour prévenir les drames humains, il est nécessaire de mieux assurer la prise en charge rapide et adaptée des femmes victimes de violences, et c’est bien là que le bât blesse, au-delà de l’aspect de la formation des professionnels.
Le lundi matin, dans l’Aisne, dans ma circonscription, nombreuses sont souvent les femmes battues dans ma permanence, à la recherche d’un logement. C’est la double peine pour elles. Comme en Italie, imposons l’expulsion des maris violents du domicile familial et non celle de la femme. Soutenons financièrement les victimes. Souvent, les addictions, alcool, drogue, sont associées aux violences faites aux femmes. Sur ces aspects très concrets, interrogeons-nous sur les moyens mis à disposition des collectivités. J’y reviendrai dans ma question tout à l’heure.
Sur le fond, ayons le courage de rappeler que la violence à l’égard des femmes est une manifestation des rapports de force historiquement inégaux entre les femmes et les hommes, ce qui conduit à la domination et à la discrimination des femmes par les hommes et prive ainsi les femmes de leur pleine émancipation.
La violence structurelle à l’égard des femmes est fondée sur le genre. C’est l’un des mécanismes sociaux, cruciaux, qui contribue à maintenir les femmes dans une position de subordination par rapport aux hommes.
Nos démocraties sont encore loin d’avoir atteint l’idéalement correct en matière d’égalité entre les hommes et les femmes.
La philosophe Geneviève Fraisse montre clairement que, dans l’histoire de la lutte pour l’émancipation et l’égalité des femmes, la société, que ce soit dans sa sphère publique ou dans sa sphère privée, reste fortement marquée par la séparation des genres, et il faut reconnaître qu’au-delà des progrès réalisés et des évolutions, la place dévolue aux hommes reste bien dominante.
Oui, l’égalité homme femme, c’est l’objectif pour faire reculer la violence mais aussi emporter notre société vers une société plus juste. A l’exemple des thèses de Charles Fourier, féministe convaincu, pour qui l’extension des droits des femmes est le principe général de tous progrès sociaux.
Pas de chemin pour l’émancipation des hommes et des femmes si les femmes n’ont pas la même place que les hommes.
Appeler les femmes sexe faible est une diffamation, c’est l’injustice de l’homme envers la femme. Si la non-violence est la loi de l’humanité, l’avenir appartient aux femmes. Comme Gandhi nous y invite, comme Aragon le citait, faisons de notre avenir le choix de non-violence envers la femme, faisons de la femme l’avenir de l’homme, un avenir plus juste, plus humain et plus fraternel.
Applaudissements sur tous les bancs.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous débattons aujourd’hui des avancées et des améliorations à apporter à la politique de lutte contre les violences faites aux femmes.
Vous évoquez, madame Crozon, le cas de Jacqueline Sauvage, et vous rappelez qu’au-delà de ce seul cas, 223 000 femmes sont victimes chaque année de ces violences sous leur forme physique ou sexuelle, sans compter toutes les victimes de violences psychologiques exercées par les hommes. Je voudrais commencer en vous remerciant, chère collègue, pour ce rapport qui apporte, dans ses recommandations, des solutions concrètes pour faire reculer ces violences.
Nous le savons, les violences contre les femmes prennent racine dans un système d’oppression des hommes sur les femmes et concourent à l’assignation et à la domination de ces dernières. Parmi ces violences, je souhaiterais aborder particulièrement la question des assassinats de femmes parce qu’elles sont des femmes. Je parle ici du féminicide, un terme, et, au-delà, une prise de conscience que nous souhaiterions voir se diffuser dans notre société. En effet, il est temps que notre société adopte dès à présent un terme politique pour nommer ce qui est aujourd’hui encore occulté dans le vocabulaire courant et administratif, le meurtre de femmes à raison de leur sexe.
Pour accompagner la reconnaissance de ce phénomène, il est nécessaire que des études voient le jour, comme votre rapport nous le propose, afin que nous ayons un état des lieux précis sur les meurtres et violences commis sur les femmes à raison de leur sexe et qu’une réponse sociétale y soit apportée.
Parmi les priorités que nous devons également mettre en oeuvre à la suite de ce rapport, il y a la reconnaissance de l’emprise des victimes de violences, notamment au sein du couple, et la révision à cette aune de la notion de légitime défense.
Le cas de Jacqueline Sauvage nous amène en effet à réfléchir et à étudier la possibilité de reconnaître en droit le syndrome de la victime de violences conjugales, comme le propose le collectif national pour les droits des femmes, c’est-à-dire l’état d’esprit spécifique d’une femme vivant depuis des années dans la terreur et la souffrance. Cela a été dit, il s’agit non pas d’octroyer un permis de tuer mais de nous inspirer du droit canadien, qui, aujourd’hui, propose une définition de la légitime défense permettant de prendre en compte les relations entre les deux parties, leur historique, notamment l’emploi de la force avant les faits.
Je rappellerai également quelques recommandations de ce rapport très riche qui doivent être mises en oeuvre pour développer et pérenniser la prévention des violences et l’accompagnement des femmes victimes, notamment la formation des professionnels qui rencontrent ces femmes, la prévention des violences par des campagnes d’information auprès de la population, particulièrement des jeunes, et, bien sûr, la pérennisation des moyens alloués aux droits des femmes et à l’égalité.
Je souhaiterais insister sur deux points.
Le premier, c’est la nécessité d’améliorer l’application de l’ordonnance de protection puisque, selon vos estimations, le délai moyen de délivrance de ces ordonnances serait aujourd’hui de trente-sept jours, ce qui, comme vous le soulignez, est trop long pour un dispositif d’urgence.
Le second point, c’est le droit au séjour pour les femmes étrangères victimes de violences, des femmes qui ont fui, parfois au péril de leur vie, leur pays d’origine en conflit ou en guerre et qui, nouées par la peur d’être renvoyées dans ce pays, taisent les violences qu’elles subissent de la part de leur conjoint. Il est de notre devoir de prendre en compte ces situations mêlant violences conjugales et violences administratives afin de sortir de la situation actuelle qui, de fait, condamne au silence les femmes victimes de violences.
Enfin, en tant que députée mais aussi au nom de l’association des élus contre les violences faites aux femmes, il me semble urgent que la législation française évolue sur la question des élus condamnés pour violences sexistes et sexuelles contre des femmes dans le cadre de leur fonction politique ou professionnelle ou à titre personnel. Nous ne pouvons plus accepter que des représentants de la République condamnés pour violences faites aux femmes exercent leur mandat avec une forme d’impunité politique. C’est pourquoi nous demandons une nouvelle fois que ces élus soient destitués de leur fonction politique et rendus inéligibles à compter de leur condamnation.
Je vous invite donc toutes et tous à réfléchir ensemble à ces éléments pour faire reculer concrètement les violences faites aux femmes.
Applaudissements sur tous les bancs.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, 2010 et 2014 sont des années importantes dans la lutte contre les violences faites aux femmes. À moins de faire preuve de mauvaise foi, personne ne conteste que la loi du 9 juillet 2010 et les vingt-sept dispositions de la loi du 4 août 2014 proposent un cadre juridique global et consolidé et ont créé un arsenal varié de dispositifs à la fois pour prévenir les violences, accompagner les victimes et combattre ce fléau qui traverse les époques et les espaces.
Les chiffres sont redoutables. En France, 134 femmes ont perdu la vie en 2014 sous les coups de leur conjoint ou ex-compagnon. Ces chiffres sont d’autant plus redoutables qu’ils ne diminuent pas. À la Réunion, le trimestre qui s’achève aura été traumatisant : quatre femmes sont mortes victimes de violences conjugales. C’est terrible.
Loin d’être un paradoxe, la coexistence de ces avancées juridiques et de ces statistiques montre une fois de plus combien les violences intrafamiliales sont spécifiques et s’inscrivent dans une longue histoire de domination et d’inégalité entre les sexes. Elle nous invite aussi à améliorer les outils existants et à continuer d’innover.
À cet égard, il apparaît important de repérer les moments critiques, ceux où les victimes sont fragilisées et encore plus vulnérables, ceux où la situation peut empirer, voire devenir dramatique.
Il ressort des témoignages des femmes elles-mêmes que déposer une plainte non seulement est une démarche difficile mais peut aussi les exposer à des représailles et n’est pas forcément un gage de protection : 41 % des femmes tuées par leur conjoint avaient déposé plainte.
Pour qu’aucune violence déclarée ne reste sans réponse comme le préconise le quatrième plan triennal en cours, il est indispensable que l’accueil des femmes victimes de violences dans les gendarmeries et commissariats figure parmi les priorités et que les protocoles-plaintes soient systématisés rapidement.
Nous savons que, lorsqu’elle intervient dans un contexte de violences, la phase de séparation est aussi une période sensible. Il existe bien sûr depuis 2010 l’ordonnance de protection, qui prévoit un ensemble complet de mesures pour assurer la sécurité physique des victimes des violences et stabiliser leur situation juridique, mais les délais de délivrance sont encore trop souvent bien trop longs. L’urgence que ces situations exigent est incompatible avec une attente de plusieurs semaines, le délai moyen étant évalué à trente-sept jours. Cet outil doit retrouver la vocation de protection et d’urgence que le législateur lui a confiée. Il ne doit ni se confondre avec un dépôt de plainte ni être obligatoirement précédé par lui.
Une autre difficulté, maintes fois soulignée, réside dans les procédures de médiation. Limitée en 2010, la médiation pénale a été strictement encadrée par la loi de 2014. Elle n’est désormais possible que si et seulement si la victime en fait expressément la demande, mais cette condition stricte ne semble pas toujours être appliquée : la médiation pénale est encore souvent proposée et parfois fortement recommandée.
La médiation familiale, elle, ne fait l’objet d’aucune restriction, d’aucune condition, ce qui n’est pas sans une certaine contradiction avec la logique qui inspire les mesures mises place en matière de violences conjugales. Le constat étant unanime pour demander la suppression de la médiation familiale dans les cas de violences, nous devons modifier au plus vite la législation.
Applaudissements.
En outre, pour limiter les situations à risques, il est important, en présence de jeunes enfants, de généraliser rapidement les dispositifs d’intermédiation entre les parents, comme la mesure dite d’accompagnement protégé actuellement expérimentée en Seine-Saint-Denis, qui se révèle fort efficace.
Depuis le drame de Jacqueline Sauvage, nous ne pouvons plus ignorer les mécanismes d’emprise à l’oeuvre dans les violences conjugales. Dans ces situations, le rôle des professionnels de la santé, comme celui de tous ceux qui interviennent aux avant-postes, est encore plus capital.
À cet égard, on n’insistera jamais assez sur l’obligation d’offrir à l’ensemble de ces professionnels une formation initiale et continue sur les multiples facettes de cette réalité. La prévention et la lutte contre les violences envers les femmes sont l’affaire de tous. La société doit protéger et informer les victimes. Lorsque celles-ci décident d’agir pour mettre fin à ces violences, elles doivent être accompagnées et ne plus avoir le sentiment d’affronter une course d’obstacles. L’accès aux différents dispositifs, notamment le téléphone « grand danger », doit être facilité.
Nous savons, chers collègues, combien ces situations de violence qui touchent à la sphère privée et à l’intime demandent une approche appropriée et des réponses adaptées. Mais nous sommes persuadés que la honte et la culpabilité, le silence et le déni doivent changer de camp !
Applaudissements sur tous les bancs.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, chers collègues, avec les lois de 2005 et de 2010, avec la loi sur le harcèlement sexuel, avec la loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, dans la loi sur la réforme de l’asile, dans celle sur le dialogue social ou celle relative à la lutte contre les atteintes graves à la sécurité dans les transports, et bientôt avec la proposition de loi sur le système prostitutionnel, que ce soit dans des textes spécifiquement dédiés ou de façon transversale, nous avons fait clairement progresser dans notre droit la lutte contre les violences faites aux femmes.
Mais force est de constater qu’elles sont toujours d’une cruelle et inacceptable réalité. Que ce soit dans les transports en commun, au travail, au domicile ou dans l’espace public, les violences physiques, économiques, psychiques et sexuelles sont le quotidien d’un très grand nombre de femmes.
J’ai en tête le dramatique témoignage d’une femme qui cherche aujourd’hui des explications au triple assassinat qui a frappé sa famille. Sa soeur, qui avait porté plainte contre son mari violent et qui avait obtenu une ordonnance de protection, a été tuée par balles, en pleine rue, ainsi que ses deux parents, par son conjoint qui avait été laissé en liberté – et ce, malgré les signalements de la victime quant aux menaces dont elle faisait l’objet.
Aujourd’hui, en France, parmi les 130 femmes qui meurent chaque année sous les coups d’un conjoint violent, 40 % ont porté plainte. Pourtant, on sait combien cette démarche du dépôt de plainte est difficile pour les victimes de violences conjugales. L’emprise des agresseurs enferme les victimes dans le silence, la honte, la peur et la culpabilité.
Quand une société – amis, voisins, école ou encore services sociaux – est aveugle aux violences exercées par un homme sur sa femme et ses enfants pendant plusieurs années, c’est qu’elle est malade. Quand notre société laisse une victime face à son bourreau pendant plusieurs dizaines d’années, il se peut que le coup de trop, celui qui rend tous les autres insupportables, amène à se défendre, parce qu’on ne tient plus, parce que ce jour-là on craint plus que les autres jours pour sa vie.
Le terrible verdict rendu dans le procès de Jacqueline Sauvage a profondément touché. Cette femme, victime de violences pendant quarante-sept ans, de la part d’un homme que tout son entourage a décrit au procès comme très violent, a été condamnée à dix ans de prison. Au-delà de son cas personnel, la délégation aux droits des femmes a choisi d’interroger et d’approfondir le débat ouvert dans la société française autour de la légitime défense des femmes victimes de violences et de leur nécessaire protection.
Dans notre code pénal, est présumé avoir agi en état de légitime défense celui qui accomplit l’acte pour repousser, de nuit, l’entrée d’un agresseur par effraction, violence ou ruse dans un lieu habité, ou celui qui accomplit l’acte pour se défendre contre les auteurs de vols ou de pillages exécutés avec violence ; mais pas un individu mis en état de danger de mort permanent par une personne qu’il côtoie au quotidien. Ne pouvons-nous pas modifier le code pénal pour que l’antériorité et la nature des relations entre les personnes concernées, l’emploi ou la menace d’emploi de la force soient pris en compte dans l’évaluation de la gravité de l’acte commandé par la nécessité de se défendre ?
Malgré les lois et les plans ambitieux mis en oeuvre par le Gouvernement, malgré l’action formidable des associations qui travaillent à la prévention des violences et à l’accompagnement des victimes, la dure réalité, c’est que 10 % des femmes dans notre pays sont en danger. Nous devons sans cesse nous demander comment les protéger réellement.
La violence contre les femmes résulte d’une discrimination à leur égard, tant dans le droit que dans les faits, ainsi que de la persistance d’inégalités entre elles et les hommes. Elles perdurent, parce qu’elles ne sont pas comprises comme des violences spécifiques, s’intégrant dans un continuum faisant système, mais comme des drames individuels. On le voit dans le traitement qu’en fait la presse, arguant par exemple que c’est un drame de la jalousie, ou dans les discussions, mais aussi dans notre code pénal aveugle au fait que notre société est toujours construite sur les inégalités entre les femmes et les hommes.
La délégation s’est également interrogée sur la pertinence d’aggraver dans le code pénal les violences aux personnes quand elles ont un caractère sexiste. Ne faut-il pas reconnaître dans le droit, comme pour le racisme ou l’homophobie, la spécificité des violences faites aux femmes et la gravité avec laquelle la société française les considère ? Je le répète, des femmes sont insultées, frappées ou tuées, parce qu’elles sont des femmes dans une société inégalitaire.
Je crois que, pour que la société évolue franchement sur ce sujet, il faut mobiliser l’ensemble de ses membres, mettre plus de moyens encore dans les formations des professionnels et des agents des services publics, mais aussi modifier notre code pénal en ce sens. À l’avenir, aucune violence sexiste ne doit rester sans réponse.
Applaudissements sur tous les bancs.
La parole est à Mme la ministre des familles, de l’enfance et des droits des femmes.
Monsieur le président, madame la rapporteure, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, mesdames, messieurs les députés, le rapport d’information de Pascale Crozon sur les violences faites aux femmes, publié le 17 février 2016 au nom de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes de l’Assemblée nationale, était attendu et a été salué. Je me félicite également du travail réalisé.
Ce rapport nous rappelle que les femmes subissent des violences de manière massive, des violences protéiformes, mais constituant un véritable continuum, partant des représentations dégradantes jusqu’aux crimes sexuels et aux meurtres conjugaux. Les violences conjugales sont certainement la forme la plus connue des violences faites aux femmes. Chaque année, 223 000 femmes en sont victimes, et 134 en sont mortes l’année dernière.
Il y a d’autres formes de violences que subissent les femmes dans le cercle proche, les violences sexuelles notamment, puisque 84 000 femmes majeures sont chaque année victimes de viols ou de tentatives de viol et que, dans 90 % des cas, la victime connaît son agresseur. Il y a les violences dans la rue : 100 % des femmes disent avoir été victimes de harcèlement sexiste ou de violences sexuelles, selon un rapport du Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes.
Il y a les violences au travail : 80 % des femmes salariées considèrent que, dans le monde du travail, elles sont régulièrement confrontées à des attitudes ou à des décisions sexistes. Il y a les violences économiques, comme le non-paiement des pensions alimentaires.
Toutes ces violences, diverses en apparence, sont cependant sous-tendues par la même idéologie qui structure, encore trop souvent, les relations entre les femmes et les hommes. Cette idéologie, c’est le sexisme, qui érige la différence sexuelle, biologique, en différence fondamentale entraînant un jugement sur l’intelligence, les comportements et les aptitudes de la personne qui en est victime.
Les manifestations du sexisme, ce sont les violences que j’ai décrites, mais ce peuvent être également des pratiques qui semblent anodines : des « blagues » sexistes, auxquelles on doit trop souvent rire, quitte à se forcer parce qu’elles ne sont pas toujours drôles ; une publicité ou un clip vidéo, qui représentent une femme dénudée et sexualisée pour vendre davantage de voitures ou susciter de l’audience ; une série qui laisse aux femmes des rôles plus que secondaires, voire de demeurées.
Quelles que soient leurs formes, qu’elles soient visibles ou insidieuses, conscientes ou non, ces violences ont en commun un objectif : rappeler à l’ordre, blesser, humilier, exclure, remettre les femmes « à leur place », comme l’a si bien dit Annie Ernaux. Si la situation vécue par chaque femme est singulière, il y a là un phénomène partagé par toutes les femmes, un phénomène collectif. Nous devons être sûrs de cela : il n’y aura pas d’égalité entre les femmes et les hommes, sans une lutte implacable contre toutes les formes de violences faites aux femmes. La lutte contre les violences est constitutive du combat pour l’égalité entre les femmes et les hommes.
Pour cela, il faut prévenir les violences, protéger les victimes et sanctionner les auteurs. Ceci est valable en France, et partout sur la planète. Je me réjouis du jugement rendu la semaine dernière par la Cour pénale internationale à l’encontre de Jean-Pierre Bemba, reconnu coupable de crime contre l’humanité, de crime de guerre, notamment pour les viols commis par ses troupes entre 2002 et 2003 en Centrafrique. Bien sûr, beaucoup reste à faire face à l’ampleur et à la persistance des violences sexuelles dans les conflits. Mais ce jugement, c’est une étape décisive, qui marque la fin du temps de l’impunité.
L’engagement du Gouvernement est total pour faire reculer les violences faites aux femmes. De nouvelles dispositions législatives ont été votées. Dès août 2012, nous avons rétabli le délit de harcèlement sexuel. La loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes de 2014 a renforcé les dispositifs de lutte contre les violences : généralisation du téléphone « grand danger » ; éviction du domicile du conjoint violent ; stages de responsabilisation pour les auteurs de violences ; et renforcement de l’ordonnance de protection.
La proposition de loi de lutte contre le système prostitutionnel est un texte historique et de progrès, qui sera adopté définitivement, ici même, la semaine prochaine, et je l’inscris parmi les textes relatifs à la lutte contre les violences faites aux femmes. Jamais le droit n’a été aussi complet. Faut-il aller plus loin ? C’est un vrai débat auquel il faudra associer le garde des sceaux.
Je crois aussi que la loi ne peut pas tout et que la formation de l’ensemble des professionnels, comme vous avez été nombreux à l’évoquer, est aussi une clé. Avec la MIPROF – mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences et la lutte contre la traite des êtres humains –, que nous avons créée en 2013, plus de 250 000 professionnels ont déjà été formés.
Pour faire de la loi une réalité, nous avons impulsé et mettons en oeuvre trois plans d’action : le quatrième plan interministériel de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes 2014-2016 ; le premier plan de lutte contre la traite des êtres humains 2014-2016 ; ainsi que le plan contre le harcèlement sexuel et les violences sexistes dans les transports. Le travail fourni porte ses fruits et nous pouvons observer des avancées tangibles.
Les moyens spécifiques consacrés aux violences faites aux femmes ont été doublés et s’élèvent à 66 millions d’euros sur une période de trois ans. C’est une priorité de notre action : la lutte contre les violences faites aux femmes représente près de 75 % du budget « droits des femmes » de mon ministère. Des dispositifs ont été créés pour favoriser la dénonciation des violences. Le 3919, numéro unique pour orienter les femmes victimes de toutes violences, gratuit et ouvert sept jours sur sept, a été renforcé. En 2014, plus de 50 000 appels ont été traités.
Un protocole a été établi pour réaffirmer le principe du dépôt de plainte et améliorer la réponse apportée sur le plan judiciaire et social à toute femme qui révèle une situation de violence auprès de la police ou de la gendarmerie ; 81 protocoles départementaux sont désormais signés – leur nombre a été doublé en 2015 ; 241 intervenants sociaux sont désormais présents en commissariats et dans les brigades de gendarmerie – ils seront 350 d’ici à un an – pour que la victime puisse trouver, dès sa première visite en commissariat ou dans une brigade, les réponses utiles à la rassurer sur l’hébergement, la prise en charge de ses enfants ou l’accompagnement judiciaire, social et sanitaire.
Des dispositifs ont été créés pour protéger les femmes victimes : 1 650 nouvelles solutions d’hébergement d’urgence auront été créées d’ici à 2017 – 1 147 l’ayant déjà été, 70 % de l’objectif est atteint. Le téléphone « grand danger » a été généralisé et 400 téléphones sont aujourd’hui actifs. Il y en aura 500 d’ici à la fin 2016. Je rappelle que ce téléphone portable dispose d’une touche « raccourci » préprogrammée, pour joindre en cas de grand danger un service de téléassistance accessible sept jours sur sept et permettre l’intervention la plus rapide des forces de l’ordre. Désormais, ce sont 160 espaces de rencontre qui existent et permettent la continuité des relations entre l’enfant et son père, sans nouvelle mise en danger des enfants ou du parent victime.
Comme je vous l’ai déjà dit, 250 000 professionnels pouvant être au contact de femmes victimes de violences ont été formés, dans la police, la gendarmerie et la justice, des magistrats et des avocats, mais aussi des médecins et des sages-femmes, ainsi que des travailleurs sociaux. La formation est essentielle pour améliorer la connaissance des mécanismes de la violence, notamment l’emprise, pour améliorer le repérage, l’accompagnement et la protection des victimes, et pour faciliter la création d’une culture commune et de partenariats chez l’ensemble des travailleurs en contact avec des publics susceptibles d’être soumis à des violences.
Le Gouvernement agit également contre les violences économiques. Cela est important, car souvent les violences se conjuguent. Les situations de précarité que subissent notamment les femmes cheffes de familles monoparentales sont un sujet connexe aux violences intrafamiliales. Pour cela, les crèches à vocation d’insertion professionnelle sont développées. Nous travaillons actuellement à la création d’une agence de recouvrement des pensions alimentaires, ainsi qu’à des solutions de répit en faveur des familles monoparentales, que nous expérimenterons dans plusieurs territoires.
Enfin, le Gouvernement agit pour faire reculer les stéréotypes, ces représentations qui légitiment les inégalités ou les violences, qui les banalisent et leur donnent l’apparence de normalité. Ce sont des mots, des images, des propos qui n’ont l’air de rien alors qu’ils contribuent à rendre les violences invisibles. En écho à la campagne contre le racisme lancée la semaine dernière par le Gouvernement, dont vous avez probablement vu les spots, nous pouvons dire aussi que le sexisme commence par des mots, continue par des mains aux fesses et finit par des coups, du sang et des bleus. Les mots sont importants, c’est pourquoi, à l’occasion de la soixantième session de la commission des Nations unies sur la condition de la femme, qui s’est réunie il y a deux semaines à New York, j’ai demandé que le féminicide – terme qu’a évoqué Eva Sas – entre dans le vocabulaire diplomatique, et j’ai appelé à la reconnaissance du féminicide des femmes yézidies par Daech.
Je poursuivrai le travail de fond mené depuis maintenant dix ans pour faire reculer les violences faites aux femmes en me donnant trois priorités. Je souhaite que la lutte s’enracine en pratique dans l’ensemble des territoires : tous les acteurs doivent être mobilisés pour faire reculer ces violences, notamment dans les territoires ruraux où nous identifions des zones « blanches » trop importantes en matière d’accès aux associations. En territoire rural, il est parfois plus difficile pour une femme de trouver un interlocuteur. Les associations spécialisées dans la lutte contre les violences faites aux femmes ne pouvant couvrir la totalité du territoire, il est nécessaire que l’ensemble des travailleurs sociaux – la maison de famille rurale, le centre social rural, ainsi que tous les services publics en contact avec les enfants, les parents et les familles – soient formés au repérage et à l’accompagnement des femmes victimes de violences intrafamiliales, notamment dans les territoires d’outre-mer.
Les violences à l’encontre des enfants représentent un autre sujet auquel je suis particulièrement sensible. Le périmètre de mon ministère me donne en effet une vue globale des violences intrafamiliales et de leurs victimes : les femmes et les enfants. Comme le note avec raison le juge Édouard Durand, protéger la mère, c’est protéger l’enfant. Des questions méritent encore d’être soulevées, par exemple sur l’exercice de la parentalité dans les situations de violence. Parfois, on pense qu’un un mari ou un compagnon violent peut rester un bon père ; peut-être, mais l’on ne saurait le présupposer et il ne faut avoir aucun a priori sur cette question.
Guy Geoffroy évoquait tout à l’heure à juste titre le silence et le tabou qui, pendant des siècles, ont entouré et isolé les femmes victimes de violences dans les familles. J’ai parfois l’impression que, s’agissant des enfants, nous en sommes encore à cette situation.
Pour avoir plusieurs fois dû évoquer l’éducation sans violence et l’absence d’utilité éducative des punitions corporelles pour les enfants, et avoir eu à répondre à des interpellations sur la question de savoir s’il faut ou non une loi pour bannir ces punitions, j’ai été très étonnée par la violence du débat public sur ces sujets. Aujourd’hui, les enfants sont, dans le cercle familial, les dernières personnes qu’on peut frapper sans subir l’opprobre collectif. En fin de compte, on a le droit de frapper les enfants pourvu que ce soient les siens et que les coups soient mesurés. Je pense pour ma part que les violences forment un ensemble. Par ailleurs, les enfants témoins de violences à l’encontre de leur mère en sont également victimes.
Enfin, nous devons améliorer la prise en charge sociale, sanitaire et judiciaire des victimes d’agressions sexuelles et de viols. Dans ces combats, notre ennemi, c’est le tabou ; je n’en ai aucun quand il s’agit de protéger les femmes et les enfants victimes de violences.
Applaudissements sur tous les bancs.
Nous en venons aux questions, en commençant par celles du groupe SRC.
La parole est à Mme Catherine Coutelle.
La semaine de contrôle est le moment de demander au Gouvernement comment sont menées les politiques publiques. Nous partageons l’avis de Guy Geoffroy : depuis le début du vingt et unième siècle, la France s’est dotée de lois contre les violences, sous tous les gouvernements. Deux grandes lois concernent les violences intraconjugales : celle de 2010 et celle de 2014. Depuis 2012, votre Gouvernement a beaucoup insisté sur la mise en place de politiques dans ce domaine. Mais la délégation aux droits des femmes a souvent relevé, dans bien des domaines, le manque de données chiffrées sexuées, qui empêche le législateur d’évaluer efficacement les politiques publiques et le chemin restant à parcourir.
Ce débat prend tout son sens aujourd’hui. Lors de la discussion générale, Pascale Crozon a soulevé les questionnements auxquels nos travaux se sont confrontés : faut-il encore modifier notre droit pour aller plus loin ? Quelle est l’efficacité réelle de nos politiques publiques ? Comment la loi est-elle concrètement appliquée dans les différents territoires, y compris dans les outre-mer ? Mais l’absence de données sexuées bloque souvent notre capacité d’analyse. À l’heure où 200 000 femmes déclarent chaque année être victimes de violences sexuelles de la part de leur conjoint, et où seulement 10 % des 80 000 femmes victimes de viol ou de tentative de viol par an portent plainte, comment faire appliquer la loi partout et en tout temps, pour mieux prévenir, mieux former et condamner le plus efficacement possible ?
Dans son rapport d’information, la délégation aux droits des femmes recommande la remise, par la chancellerie et par votre ministère, dans les meilleurs délais, d’une étude approfondie, chiffrée et sexuée sur l’état de la jurisprudence en matière de légitime défense – nombre de cas concernant les femmes et les hommes, éléments de droit comparé –, et sur les peines prononcées à l’encontre des femmes et des hommes auteurs de violences, et leur exécution. Madame la ministre, pouvez-vous nous apporter des réponses sur ces différents points ?
Enfin, sur un autre aspect, la délégation a révélé les dysfonctionnements de l’ordonnance de protection : délais de délivrance trop longs, hétérogénéité d’accès au dispositif dans les territoires… Madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer le nombre d’ordonnances de protection délivrées sur l’ensemble du territoire ? Quels sont les délais moyens et les freins encore à lever ? Nous souhaiterions, dans la mesure du possible, profiter du projet de loi relatif à la justice du XXIème siècle pour faire adopter des amendements sur cette question.
Madame la présidente, je partage votre logique. Plus le diagnostic est précis, plus l’action est efficace. C’est la raison pour laquelle, en 2013, l’on a créé la mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains, dont le but est de rassembler, d’analyser et de diffuser les informations et les données relatives aux violences faites aux femmes et de contribuer à la réalisation d’études et de travaux de recherche et d’évaluation.
Vous pouvez imaginer combien peut être long le travail d’harmonisation des méthodologies de recueil des données et des définitions utilisées par les différents partenaires de la lutte contre les violences ; mais nous progressons significativement. Ainsi, la lettre de l’Observatoire national des violences faites aux femmes, publiée le 25 novembre, présente chaque année de nouvelles statistiques. Depuis 2014, le nombre de condamnations pour violences au sein du couple et violences sexuelles, ou encore celui d’ordonnances de protection sont publics. Je demanderai aux hauts fonctionnaires à l’égalité de chaque ministère, que je rencontrerai prochainement, qu’un effort supplémentaire soit fourni pour la production de statistiques sexuées.
L’ordonnance de protection, créée par la loi de 2010 et consolidée par celle de 2014, représente un dispositif exceptionnel et révolutionnaire dans le droit français, qui protège les femmes avant la commission de nouveaux faits. Pour en bénéficier, seuls sont nécessaires des éléments de preuve attestant de la vraisemblance du danger et des violences ; 1 303 ordonnances ont été prononcées en 2014, soit une augmentation de 10 % par rapport à 2013. Je suis consciente que ce dispositif pourrait être davantage mobilisé, mais il faut aussi veiller à la diversité des solutions. Certaines femmes ne veulent pas rester ; en Seine-Saint-Denis, 60 % d’entre elles choisissent de bénéficier de l’ordonnance de protection.
Pour accompagner la montée en puissance de la nouvelle procédure, la MIPROF a créé un outil de formation des professionnels. Celui-ci est par exemple mobilisé pour former l’ensemble des avocats et des avocates à l’occasion du 25 novembre. Nous devons continuer à progresser. Il faut notamment mener une discussion avec le garde des sceaux ; en effet, une partie des réponses se trouve dans le code pénal.
Ingrid Gonfo, vingt-deux ans, décédée le 9 janvier 2016, Géraldine Nauche, trente-huit ans, décédée le 21 janvier 2016, Jocelyne Bègue, cinquante-six ans, décédée le 26 février 2016, Marie-Andrée Corée, cinquante ans, décédée le 8 mars 2016 : ces quatre femmes sont Réunionnaises et ont comme autre point commun d’avoir été assassinées froidement par leurs compagnons. Ces actes ne sont pas que des faits divers. Ils sont également le reflet des statistiques effrayantes que nous constatons à la Réunion. Ils ne doivent pas être vécus comme une fatalité, mais combattus grâce à des politiques publiques. Madame la ministre, je salue les initiatives du Gouvernement pour améliorer nos dispositifs de lutte contre les violences faites aux femmes, mais les faits survenus en ce début d’année à la Réunion peuvent faire douter de l’efficacité des politiques publiques et décourager les femmes de briser le silence.
Nous avons besoin d’organiser une importante campagne de communication pour sensibiliser la population à cette problématique et changer son regard sur les femmes. Aucune tolérance ne doit être permise face au sexisme et aux agressions. Cette campagne de communication doit toucher tous les publics : les établissements scolaires, le milieu du sport, les médias, l’éducation populaire, la publicité… Il faut communiquer davantage sur la possibilité de recourir au numéro vert 3919 ou au « téléphone grave danger » qui permet aux femmes de demander de l’aide en cas de violences. Il faut que les mains courantes et les plaintes déposées au commissariat soient mieux prises en compte et saisies par la justice, pour que les femmes aient le sentiment que l’État les protège lorsque leur intégrité physique et leur dignité sont atteintes. Je milite enfin pour que l’enfant ait un statut de victime et pour la remise en cause de l’autorité parentale du parent auteur de violences. Madame la ministre, pouvez-vous nous aider à mettre en place cette campagne de communication dans nos territoires ?
Madame la députée, les chiffres terribles relatifs au nombre de meurtres de femmes déjà commis dans votre département depuis le 1erjanvier ne doivent pas nous faire douter des politiques publiques. Au contraire ! Malheureusement – les Espagnols en ont fait la cruelle expérience –, en matière de lutte contre les violences faites aux femmes, les résultats ne sont pas aussi rapides que la mise en oeuvre des politiques publiques. Il faut au contraire soutenir et renforcer celles-ci en cas de chiffres aussi dramatiques.
Le numéro 3919 et les dispositifs de proximité et de prise en charge des victimes ont été renforcés. Tous les départements d’outre-mer, ainsi que Saint-Pierre-et-Miquelon disposent, depuis 2015, d’accueils de jour qui complètent l’action des lieux d’accueil, d’écoute et d’orientation. La réponse pénale a également été systématisée : des protocoles de plainte, qui organisent la réponse apportée à toute femme qui révèle une situation de violence auprès de la police ou de la gendarmerie, ont été signés à la Réunion, en Martinique et en Polynésie. Le « téléphone grave danger » est actuellement expérimenté à la Réunion ; quinze y sont d’ores et déjà actifs, et huit en Guadeloupe. L’expérimentation sera prochainement lancée en Martinique.
Nous observons des avancées notables, notamment dans votre circonscription de la Réunion, madame Orphé. L’augmentation des dépôts de plaintes de 35 % depuis 2007 représente un chiffre encourageant. Plus les femmes portent plainte, plus elles parlent, et mieux on peut les accompagner. Parmi les autres faits positifs, citons l’augmentation de 25 % du nombre de femmes hébergées entre 2013 et 2014 et le nombre de femmes accueillies dans les deux accueils de jour en 2014 : près de 500. Enfin, le nombre de procédures civiles de protection lancées pour protéger les femmes victimes de violences a été multiplié par trois depuis 2011.
En matière de statistiques, les enquêtes sont indispensables. J’attache une attention particulière à la future enquête « Violences et rapports de genre », VIRAGE, qui me semble représenter la seule source fiable de statistiques et qui nous fournira des indicateurs utiles.
C’est pourquoi le ministère des droits des femmes a très largement contribué à son financement, à hauteur d’un million d’euros entre 2014 et 2015, ce qui représente une somme substantielle. Dès 2015, avec le ministère des outre-mer, nous avons apporté notre soutien financier à l’Institut national des études territoriales, l’INET, pour engager une phase exploratoire et préparatoire de l’enquête « Violences et rapports de genre » dans les départements de La Réunion et de la Guadeloupe. Là aussi, des financements supplémentaires seront mobilisés pour que l’enquête soit menée dans votre département. Cette phase préliminaire permettra de réaliser un état des lieux des connaissances et d’adapter le questionnaire métropolitain au contexte ultramarin. Elle est en cours et se poursuivra au cours de l’année 2016. Vous le voyez, le Gouvernement est attentif à ce que les territoires ultramarins soient mobilisés et que la politique publique que nous menons soit déclinée et, s’il le faut, adaptée aux territoires ultramarins et aux femmes qui y subissent des violences.
Nous en venons aux questions du groupe Les Républicains.
La parole est à Mme Marie-Jo Zimmermann.
Madame la ministre, je voudrais vous interpeller sur les politiques publiques menées à l’égard du conjoint violent. Il me semble, en effet, que c’est un point que nous n’évoquons pas suffisamment. Nous parlons des violences faites aux femmes, des dispositions votées et des dispositifs mis en place en leur faveur, mais que fait-on s’agissant de l’éviction du conjoint violent ?
En effet, dans la loi du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs, qui vise à améliorer la réponse pénale à ces violences, nous avions voté une généralisation de la circonstance aggravante, comme l’a très justement rappelé Guy Geoffroy, ainsi qu’une mesure d’éloignement du conjoint violent. Je tiens d’ailleurs à rendre hommage à Guy Geoffroy et à Danielle Bousquet, qui, par-delà leurs divergences politiques, ont jeté les bases des lois du 4 avril 2006 et du 9 juillet 2010, votées à l’unanimité.
On est progressivement monté en puissance, en mettant en place des mesures d’urgence, telles que l’éviction du conjoint violent. Mais cela ne suffit pas. En 2014, nous espérions une mesure supplémentaire : la responsabilisation du conjoint violent. Le procureur de Douai, que nous avions auditionné au sein de la délégation aux droits des femmes et de la commission des lois, mettait en évidence le travail accompli à l’égard des conjoints violents.
Madame la ministre, un certain nombre de mesures ont été votées en faveur des victimes, dont il faut améliorer l’application. Mais que fait-on réellement, dans le cadre des politiques publiques, concernant la responsabilisation du conjoint violent ?
Madame la députée, vous avez évoqué l’ensemble des lois qui posent le principe de l’éviction du conjoint et du maintien de la victime dans le logement du couple, lorsque celle-ci le souhaite, ce qui n’est pas toujours le cas. Cela constitue un progrès.
Oui, depuis 2004, en présence d’un danger, le procureur doit systématiquement évoquer la possibilité de l’éviction du conjoint et peut même lui demander de payer tout ou partie du loyer, ce qui est aussi important.
Toutefois, l’application de ce dispositif dans les territoires est freinée par les difficultés que nous éprouvons à obtenir des statistiques fiables.
Je ne cherche pas, en employant cet argument, une quelconque échappatoire : nous ressentons réellement des difficultés en la matière.
Nous n’avons pas de culture totalement mature, en France, de la statistique et de l’évaluation. Une étude spécifique a été demandée à la sous-direction de la statistique et des études du ministère de la justice, qui possède les données pertinentes, afin d’effectuer une collecte et une analyse poussées des ordonnances de protection prononcées par les juges civils, sur un trimestre. Cela nous permettra probablement d’améliorer les statistiques disponibles. Comme je l’ai évoqué précédemment, en Seine-Saint-Denis, 60 % des femmes victimes ont demandé l’éviction du conjoint et ont fait le choix de rester dans leur logement. De ce point de vue, le dispositif fonctionne bien et répond à l’attente de 60 % des victimes. Le dispositif est par ailleurs bien mobilisé, car les professionnels sont formés, en particulier les magistrats et les avocats. De surcroît, une convention locale permet une prise en charge des conjoints violents, que ce soit sur le plan thérapeutique ou en matière d’hébergement.
J’en viens à l’autre volet de la question : il existe des stages de responsabilisation pour les auteurs de violences conjugales pour prévenir la récidive. Dix services pénitentiaires d’insertion et de probation ont été mobilisés, à la fin de l’année 2014, pour expérimenter la mise en place de stages de responsabilisation d’une durée de trois jours. De manière complémentaire, quatre-vingt-quatre dispositifs ont été dénombrés dans cinquante-huit départements sous forme de stages, de groupes de parole, d’entretiens individuels ; ils ont permis la prise en charge de 1 546 auteurs en 2014. Tels sont les éléments statistiques que je peux vous fournir sur ces dispositifs. Je ne dispose pas d’enquête qualitative ; je serais intéressée par la lecture des verbatim de ces stages, surtout s’ils s’apparentent à ceux permettant de récupérer des points sur le permis de conduire.
Sourires.
Je voudrais d’abord féliciter notre collègue Pascale Crozon pour la qualité de son rapport et lui dire combien je partage ses conclusions sur l’inopportunité de modifier le code pénal, sur l’importance de ne pas donner de permis de tuer, de ne pas créer de légitime défense différée. Les dispositions actuelles du code pénal, notamment celles qui définissent les circonstances atténuantes, les excuses de provocation ou la contrainte morale sont suffisantes pour apprécier in concreto ces douloureuses affaires. Le sujet central est bien celui de la protection des victimes et de leur accompagnement.
Ma question, madame la ministre, concerne l’exécution du quatrième plan triennal de lutte contre la violence faite aux femmes, dont l’objectif affiché en 2014 était de ne laisser aucune violence déclarée sans réponse pénale, sanitaire et sociale. Ce plan, présenté comme le plus ambitieux financièrement, au budget doublé – 66 contre 31,6 millions d’euros – a pour objet de contribuer à faire de ces violences une « priorité de santé publique » et de « sortir les victimes de ce cycle infernal le plus rapidement possible ».
Les principales mesures de ce plan ont été largement évoquées : le numéro d’urgence 3919, gratuit sept jours sur sept, la limitation des recours aux mains courantes au profit des dépôts de plainte, la formation de tous les personnels susceptibles de recueillir la parole des victimes, la mise à disposition d’un tiers des 5 000 nouveaux logements aux femmes victimes de violence et, autre mesure phare, l’accompagnement des victimes dans leurs démarches dès leur première visite aux forces de l’ordre. Citons également l’innovation que constitue la mise en place d’un kit de constatation d’urgence des viols pour effectuer immédiatement des prélèvements, sur le modèle de celui utilisé aux États-Unis, kit présenté sous la forme d’une petite boîte en carton contenant le matériel nécessaire aux premières constatations après une agression sexuelle.
Aujourd’hui, madame la ministre, ce plan triennal arrive à échéance. Selon l’association qui gère le 3919, la ligne d’information téléphonique a reçu, en 2014, deux fois plus d’appels que l’année précédente, ce qui est un point positif. Une étude a dévoilé récemment que 40 % des victimes ont déclaré avoir contacté les services de police ou de gendarmerie et que, sur ce nombre, plus d’une victime sur deux a porté plainte. Mais qu’en est-il du kit de constatation d’urgence des viols, censé assurer une réponse judiciaire et un meilleur suivi des victimes de viol, dont peu encore portent plainte, comme l’étude récente le révèle ? Qu’en est-il des intervenants sociaux dans les commissariats et les gendarmeries, dont le coût est déjà estimé à 10 millions d’euros ? La création de 550 hébergements d’urgence par an d’ici à 2017 au bénéfice des femmes violentées est-elle en cours d’application ? Lors de l’adoption de ce plan en 2014, la ministre de tutelle reconnaissait que l’on pouvait toujours faire mieux, mais plaidait la patience. Madame la ministre, lors de votre intervention vous avez déjà répondu en grande partie aux questions que nous nous posions, ce dont nous vous savons gré, mais pouvez-vous affirmer qu’à la fin de l’année, tous ces engagements seront respectés ?
Monsieur le député, j’ai déjà répondu à certaines de vos questions dans mon intervention liminaire, s’agissant notamment des moyens engagés et du numéro 3919. Vous avez vous-même fourni des éléments statistiques importants. J’ai évoqué les 81 protocoles départementaux qui ont été signés et les 350 intervenants sociaux qui seront bientôt présents dans les brigades ou les commissariats. J’ai également dit un mot du téléphone grand danger – 400 d’entre eux sont aujourd’hui actifs ; il y en aura 500 d’ici la fin 2016 – et des 1 650 nouvelles solutions d’hébergement qui seront créées d’ici à 2017, 70 % de l’objectif étant d’ores et déjà atteint.
Vous avez plus particulièrement évoqué la nécessité de faciliter l’accès des personnes aux unités médico-judiciaires. Les professionnels de santé ont un rôle à jouer, qui est identifié dans le quatrième plan interministériel de prévention. Les établissements autorisés en médecine d’urgence ont reçu instruction de désigner un référent – ou une référente – « violences faites aux femmes » chargé de sensibiliser ses collègues et d’identifier les partenaires locaux. Les référents seront réunis prochainement et outillés pour prendre en charge les femmes victimes de violences.
La prise en charge de ces femmes a été intégrée à la formation initiale des médecins et des sages-femmes. Pour la formation continue, deux kits, dénommés « Anna » et « Elisa », ont été produits par la MIPROF. Ils sont accessibles sur le site stop-violences-femmes.gouv.fr. Nous travaillons avec le Conseil national de l’ordre des médecins et des sages-femmes pour que ces professionnels, lorsqu’ils rencontrent des femmes victimes de violences, puissent renseigner un certificat médical ou une attestation le plus complètement possible. Sans ces documents, elles ne pourront pas demander à la justice de prononcer des mesures de protection.
S’agissant du niveau de détail attendu de la motivation de la décision de classement sans suite prononcée par les procureurs de la République, je vous suggère que nous y associons le garde des sceaux, avec qui nous menons un travail important.
Plus globalement, j’ai indiqué dans mon intervention que la lutte contre les violences faites aux femmes était une priorité. La mise en oeuvre du plan se prolongera à travers de nouvelles actions en 2016. Je suis particulièrement vigilante sur les unités médico-judiciaires, pour les avoir moi-même portées au sujet de la protection de l’enfance. Elles sont indispensables pour assurer un bon accueil des victimes et un suivi satisfaisant des plaintes. Pour les femmes et les enfants victimes de violences, ces structures constituent une condition nécessaire pour que justice leur soit rendue.
La parole est à Mme Maina Sage, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Comme cela a été dit pendant la discussion générale, trop peu de femmes, encore, osent porter plainte. De surcroît, sur les 10 % de femmes qui le font, seuls 1 % obtiennent réparation, ce qui est évidemment insuffisant. Madame la ministre, je souhaite revenir à ces chiffres clés qui démontrent que la démarche consistant, pour les victimes, à porter plainte, paraît insurmontable aux yeux de la grande majorité d’entre elles. De fait, 99 % n’osent pas porter plainte pour des agressions ou des tentatives de harcèlement en milieu professionnel. Ce n’est pas, contrairement à ce que l’on pourrait penser, lié à une subordination hiérarchique : cela survient entre collègues de même niveau. S’agissant des violences intraconjugales, intrafamiliales, près de 90 % de femmes ne portent pas plainte.
Ce sont bien évidemment des femmes qui sont principalement concernées par ces agressions et qui n’accèdent pas aussi facilement à ces dispositifs qui ont vocation à les accompagner et à faire reconnaître leurs droits. Je tenais à le souligner et à vous dire que ce qui est essentiel, à nos yeux, est d’identifier les raisons pour lesquelles ces femmes ne le font pas. Il faut tenir compte du contexte, du fait que les agresseurs sont, dans 99 % des cas, connus par les victimes, ce qui rend très difficile d’engager une démarche et exige de leur part énormément de courage. Surtout, l’accueil n’est pas favorable, et cela se sait. Les femmes savent qu’il n’est pas si aisé de porter plainte. La présomption est souvent inversée ; il n’est pas rare que l’on mette en question le bien-fondé de leur plainte. Aussi je sollicite votre concours sur la formation initiale à l’accueil, à l’accompagnement de ces victimes, ainsi que sur la formation continue du personnel.
Comment, très concrètement, comptez-vous améliorer les choses sur ce point ? Trop d’exemples nous sont fournis, dans chacune de nos circonscriptions, de femmes encore mal accueillies, que l’on soupçonne d’affabuler, alors que nous savons que statistiquement, ces cas ne concernent que 5 % des femmes. C’est l’une des principales raisons pour lesquelles elles ne parviennent pas à franchir ce pas.
J’espère que dans quelques années, on pourra sortir du seul débat entre femmes sur ces questions. Il faut que les hommes y soient encore plus sensibilisés. J’en profite pour remercier ceux qui sont présents aujourd’hui, y compris vous, monsieur le président.
Si l’on veut progresser, il me semble essentiel aussi que l’éducation à l’inégalité soit considérée comme un défi permanent à la fois en milieu scolaire et dans le milieu professionnel.
La parole est à Mme la ministre des familles, de l’enfance et des droits des femmes.
Madame la députée, vous m’interrogez sur les raisons pour lesquelles les femmes ne déposent pas toujours plainte contre les auteurs des violences dont elles ont été victimes. Les raisons ont été identifiées, et elles sont nombreuses. Mais il est intéressant de constater que leur connaissance progresse également. Ainsi, la notion d’emprise n’a été identifiée et est entrée dans le débat public plutôt récemment. Nous avons tout à l’heure évoqué à plusieurs reprises le cas de Jacqueline Sauvage, mais parmi les bonnes nouvelles, il est apparu que ce n’était pas un débat de femmes. Je vois bon nombre de députés masculins présents cet après-midi, et c’est une bonne chose.
Notons aussi que la pétition en faveur d’une révision de sa condamnation a rencontré un écho qui n’aurait probablement pas été aussi grand il y a quelques années…
…et qu’il est avant tout significatif d’une nouvelle prise de conscience dans la société française qui rejette de plus en plus les violences à l’encontre des femmes. Par conséquent, la société évolue, il faut accompagner cette évolution. Cela passe par identifier la question des violences faites aux femmes à travers un travail de recherche, un véritable travail scientifique. Ce travail n’a pas toujours été fait. Il n’y a pas tant de laboratoire de recherche que cela dont l’objet est d’étudier les violences faites aux femmes. Pourtant, ils auraient au moins le mérite de contribuer à répondre à la question que vous posez en substance : pourquoi les femmes ne portent-elles pas plainte ?
Et puis il faut former, encore et encore ; je pense en premier lieu bien sûr aux personnels qui recueillent les plaintes. Je sais qu’on peut me citer des cas, même récents, de dépôts de plainte classées sans suite ou de mauvais accueils à la gendarmerie, mais les enquêtes révèlent globalement que la qualité de l’accueil des femmes victimes de violence a progressé dans les postes de police et de gendarmerie grâce à une formation adéquate des personnels concernés. Bien sûr il y a le week-end où celui qui a reçu une formation n’est pas de permanence, ou les périodes d’absence… Il peut toujours y avoir des dysfonctionnements, c’est pourquoi il faut aussi former l’ensemble des personnels. Je pense aussi aux médecins de famille : ils ne sont à l’origine que de moins de 5 % des signalements. Nous pourrions en tirer les mêmes conclusions et les mêmes leçons. De plus, je rappelle qu’une nouvelle loi va offrir aux médecins encore davantage de protection contre d’éventuelles diffamations.
La parole est à M. Jacques Krabal, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, dans la continuité du rapport pour lequel nous ne remercierons peut-être jamais assez Pascal Crozon, et de celle de l’intervention que j’ai faite tout à l’heure sur l’éducation à l’égalité et à l’émancipation de tous les êtres humains pour faire progresser la société, et au-delà du problème des modifications éventuelles de notre droit et de la banalisation du féminicide, il apparaît nécessaire de consolider les avancées déjà majeures en matière de lutte contre les violences familiales car nous ne pouvons pas répondre à la mise en sécurité et à l’accompagnement des victimes par des demi-réponses, souvent sources d’injustice et d’inégalité d’un point de vue territorial, vous l’avez dit, madame la secrétaire d’État.
La prise en charge du traumatisme des violences intrafamiliales est conditionnée à la réactivité et à la proximité ! Lorsque la femme violentée, qui plus est souvent la mère des enfants, doit dans la majorité des cas quitter avec eux le domicile, cela s’apparente à une double peine. Il lui est insoutenable également de devoir déraciner ses enfants – changement d’école, rupture du réseau primaire… –, les récits de vie en attestent. Les refus de propositions d’hébergement forcément éloignées conduise donc au retour au domicile de la victime.
Vous avez raison de parler de la nécessité de renforcer l’accompagnement et la formation spécifique, mais je tiens à dire que le recentrage des fonds publics sur les opérateurs privés amène à une gestion départementalisée, et les propositions d’hébergement et d’accompagnement délocalisés couvrent parfois une distance de plus de cinquante kilomètres du domicile alors que les structures publiques de proximité – la ville via son centre communal d’action sociale et d’autres collectivités par leur socle de compétences – pourraient, elles aussi, apporter des solutions d’hébergement et d’accompagnement.
Aussi, madame la secrétaire d’État, même si les moyens ont augmenté, dans quelles mesures le Gouvernement peut-il renforcer les compétences et les moyens donnés aux échelons publics locaux pour que des réponses locales soient garanties aux victimes de violences intrafamiliales directes et indirectes ?
La parole est à Mme la ministre des familles, de l’enfance et des droits des femmes.
Vous vous souvenez probablement, monsieur le député, que le 25 novembre 2012, le Président de la République avait souhaité que 1 650 places d’hébergement soient créées d’ici 2017 pour les femmes victimes de violence. J’ai indiqué tout à l’heure que nous étions aujourd’hui à 70 % de l’objectif.
Par ailleurs, la loi ALUR prévoit que le plan départemental évaluant les besoins en termes de logement doit prendre en compte les besoins des personnes victimes de violences au sein du couple ou de leur famille, ainsi que celles menacée de mariage forcé ou contraintes de quitter leur logement après des violences ou des menaces de tels actes. La loi ALUR facilite donc le fait de concéder en location des logements conventionnés en vue de proposer des places d’hébergement d’urgence et d’hébergement-relais pour les personnes victimes de violences au sein du couple. J’ajoute que la prochaine loi « Égalité et citoyenneté » permettra de faire entrer les victimes de mariage forcée dans le public prioritaire dans l’attribution des logements sociaux.
Afin d’identifier précisément les besoins locaux et l’adéquation des réponses proposées, une démarche de diagnostic a été lancée avec l’objectif d’associer sur chaque territoire l’ensemble des acteurs concernés, en particulier les représentants des associations de lutte contre les violences faites aux femmes. Cette démarche a été complétée par une enquête menée pendant l’été 2015 par les équipes territoriales aux droits des femmes, en lien avec les associations concernées, pour disposer d’une vision plus détaillée des réponses à apporter en termes d’hébergement et de relogement des femmes victimes de violences. Sur le terrain, il y a 1 147 nouvelles places depuis 2012, mais nous allons travailler pour atteindre 100 % de l’objectif : le chiffre de 70 % demeure insuffisant.
Monsieur le président, même la rapporteur, madame le présidente de la délégation aux droits des femmes, je note au préalable que Mme la secrétaire a déjà plus ou moins répondu à ma question à l’occasion de plusieurs excellentes interventions de mes collègues, mais je vais tout de même la poser.
Sourires.
Le 8 mars 2016, comme tous les 8 mars depuis maintenant plusieurs années, nous avons regardé le monde à travers les yeux des femmes. Lors de cette journée, encore plus que lors de toutes les autres, il est impossible de ne pas voir en face les violences faites quotidiennement aux femmes. Les chiffres sont alarmants et malheureusement toujours d’actualité. Je n’y reviendrai pas, nous les connaissons toutes et tous, ils ont déjà été évoqués dans ce débat. Ils justifient pleinement le rapport rendu au nom de la délégation aux droits des femmes, et je profite de mon intervention pour saluer le travail accompli par ma collègue Pascal Crozon ainsi que par l’ensemble de la délégation et sa présidente.
Les avancées en matière de protection des femmes sont indiscutables : la volonté de faire entrer dans le vocabulaire courant et administratif le mot féminicide est à souligner ; le droit pénal est aujourd’hui en pleine progression pour faire reconnaître et condamner les violences faites aux femmes. Mais beaucoup de professions sont confrontées à cette question. Ainsi, les médecins, les avocats, les magistrats, les assistantes sociales, les fonctionnaires de polices… autant de corps de métiers qui seront confrontés au cours de leur carrière à des femmes victimes de violences. Le 30 novembre 2012, la MIPROF s’est vu confier le soin de définir un cahier des charges d’un plan de formation transversal et interministériel afin d’assurer une formation optimale à tous les professionnels confrontés aux violences faites aux femmes. Parmi les efforts accomplis depuis 2012, je citerai notamment la mise en place de kits de formation. Cependant, l’effort de formation de ces professionnels doit être encore plus poussé. Si l’on prend l’exemple des magistrats, leur formation se fait sur la base du volontariat… Or quand on sait l’importance de l’accueil et des premiers mots échangés avec les victimes de violences, quand on sait que l’ensemble de ces professions joue un rôle majeur dans l’accompagnement de ces femmes victimes de violences, quand on sait à quel point il est difficile pour une femme de se tourner vers ces professionnels pour se confier et ainsi s’extirper d’une situation de violences quotidiennes, ma question est la suivante : que comptez- vous faire, madame la secrétaire d’État, pour qu’une formation dédiée devienne la règle et pour que chaque corps de métiers soit doté des clés pour accompagner les femmes victimes de violences qu’il sera susceptible de rencontrer au cours de sa carrière ?
La parole est à Mme la ministre des familles, de l’enfance et des droits des femmes.
Madame la députée, ayant déjà en effet répondu sur ce qui concerne la formation, votre question me permettra de préciser l’action que nous menons auprès des magistrats.
Dans le cadre de la formation initiale dispensée par l’École nationale de la magistrature, quatre des huit pôles d’enseignement traitent du thème des violences conjugales et une journée annuelle est consacrée aux violences faites aux femmes, avec un focus sur celles au sein du couple, journée à laquelle est associée la MIPROF, son personnel venant assurer lui-même la formation. Les auditeurs de l’École nationale de la magistrature peuvent effectuer un stage pratique en immersion dans une association d’aide aux femmes victimes de violences. En formation initiale, les modules d’enseignement à ce sujet ne sont donc pas optionnels.
En ce qui concerne la formation continue au niveau national, différents stages nationaux ont été mis en place, avec une session annuelle d’une durée de trois jours qui porte exclusivement sur les violences conjugales. Une autre session annuelle est consacrée à la traite des êtres humains, et une autre, de trois jours également, sera, à partir de cette année, dédiée aux violences sexuelles. Elle sera copilotée par Ernestine Ronai, coordinatrice de la lutte contre les violences faites aux femmes au sein de la MIPROF. Enfin, je précise que le stage de spécialisation en vue de devenir juge des affaires familiales ou juge des enfants inclut une séquence sur les violences faites aux femmes et sur l’ordonnance de protection.
Dans le cadre de la formation continue déconcentrée, des actions portant sur les violences conjugales sont également organisées. Ces sessions sont aussi ouvertes aux autres professionnels. En 2016, des sessions dédiées au dispositif «téléphone grave danger » vont être ouvertes.
Mais, comme vous m’y invitez, je vais regarder précisément et avec plus d’attention encore ce qui est obligatoire et ce qui est optionnel.
Un mot sur la notion de féminicide, évoquée également par Eva Sas : j’ai demandé à l’ONU que le mot entre dans le vocabulaire diplomatique, en particulier au vu de ce que subissent les femmes yézidies. On peut également utiliser ce terme pour le sort des jeunes filles enlevées par Boko Haram. Je crois que ce qui se passe actuellement au Soudan du Sud relève incontestablement du féminicide. Et puis on a tous en tête le meurtre de jeunes étudiantes, en 1989, à l’École Polytechnique de Montréal où un individu était entré en criant : « Je hais les féministes ! », et avait assassiné seize jeunes filles et en avait blessé au moins autant. Au moins ici c’était clair : le féminicide était clairement exprimé. Pour le moment, j’avance pour que ce terme soit admis pour désigner des phénomènes collectifs. Installons le déjà dans le vocabulaire diplomatique, désignons comme tels les persécutions et les meurtres collectifs à l’encontre des femmes. Je conclurai en rappelant que féminicide et génocide sont souvent liés car c’est par le premier qu’on aboutit au second en éteignant la transmission d’un groupe.
La parole est à M. Gaby Charroux, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine et pour l’ultime question de notre débat.
Madame la secrétaire d’État, il est vrai que cette question étant la dernière, je crois qu’elle arrive après quelques répétitions, mais cela permet, comme l’a dit ma collègue Véronique Massonneau, d’exprimer les choses dans toute leur ampleur. Venant d’un homme, c’est un moment qui compte tout particulièrement.
Peut-être que cela ne compte pas pour vous, mon cher collègue, mais pour moi cela compte beaucoup. Je remercie d’ailleurs nos collègues du groupe SRC d’avoir pris l’initiative de ce débat.
Le 19 mars, dans ma circonscription des Bouches-du-Rhône, j’ai moi-même inauguré un centre d’accueil et d’hébergement pour les femmes victimes de violences conjugales. Le conseil départemental des Bouches-du-Rhône a parallèlement voté la création de vingt logements d’accueil dans le département. Il faut reconnaître que ce type d’initiative relève en priorité des collectivités territoriales, accompagnées par l’État, notamment les services de la justice, et du travail exemplaire des associations d’aide aux victimes de violences. Mais cela ne peut pas suffire.
On estime qu’il manque, dans mon département, 160 places d’hébergement d’urgence : c’est dire si le problème est majeur. Face à la souffrance des victimes, il est urgent de le résoudre. Les femmes victimes de violences ne sont pas des femmes à la rue, mais des victimes en danger chez elles, au sein de leur foyer : elles ont des besoins spécifiques, auxquels nous devons répondre.
Je ne reviendrai pas sur les chiffres de la violence conjugale, qui font froid dans le dos. Il nous faut agir au-delà de ce qui est fait aujourd’hui, par exemple pour faciliter l’aide aux victimes, en rehaussant à 1 300 euros le plafond de l’aide juridictionnelle, en accordant systématiquement cette même aide aux associations qui se portent parties civiles et en proposant, plutôt qu’une simple rétribution, une juste rémunération aux avocats, comme le demandent la majorité des associations qui agissent dans ce domaine.
Enfin, un plan ambitieux de création de places d’hébergement d’urgence et d’insertion est nécessaire, tant la carence est aujourd’hui criante. Madame la ministre, quelles dispositions compte prendre le Gouvernement pour mettre en oeuvre un plan d’envergure, à la hauteur des enjeux et de cette réalité insoutenable ?
Monsieur le député, je ne reviendrai pas non plus sur les chiffres, déjà évoqués. Vous avez par ailleurs indiqué l’ambition et la volonté du Gouvernement d’atteindre les objectifs du Plan pour l’hébergement des femmes victimes de violences.
Je saisis cette occasion de saluer non seulement le travail réalisé dans les Bouches-du-Rhône, avec l’inauguration d’un centre d’accueil et la création de nombreuses places d’hébergement, mais aussi les actions menées par les associations de lutte contre les violences faites aux femmes. En assurant un maillage du territoire, ces structures de proximité représentent un premier recours pour les victimes et facilitent le dépôt des plaintes. En effet, le sentiment de honte est le lot commun des femmes battues ; et si elles n’ont personne à qui s’adresser avant de se rendre au commissariat ou à la gendarmerie, il est fréquent qu’elles renoncent à porter plainte.
À cet égard, les associations réalisent un travail remarquable. En tant que ministre des droits des femmes, j’ai souvent l’occasion de présenter le tissu associatif, davantage encore que les fonctionnaires, comme « mes services extérieurs ». Notre budget témoigne d’ailleurs de cette réalité.
Comme je l’expliquais dans mon propos liminaire, les associations réfléchissent à la manière dont elles peuvent former d’autres travailleurs sociaux à repérer et accompagner des femmes victimes de violences. Cet accompagnement est parfois nécessaire pour aboutir à une plainte car la démarche n’est pas si facile à accomplir. En outre, ne désespérons pas, les associations réalisent un important travail de prévention, pour éviter que ces violences ne se répètent.
Voilà, monsieur le député, l’ensemble des actions que nous menons.
La séance, suspendue à dix-huit heures cinq, est reprise à dix-huit heures dix.
L’ordre du jour appelle les questions sur le financement des infrastructures de transports.
Je vous rappelle que la Conférence des présidents a fixé à deux minutes la durée maximale de chaque question et de chaque réponse.
Nous commençons par des questions du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
La parole est à M. Yannick Favennec.
Monsieur le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche, je voudrais vous interroger sur le projet de suppression d’un passage à niveau situé sur la voie ferrée Paris-Brest à la hauteur de la commune de Brée, en Mayenne.
Ce projet, initié il y a une dizaine d’années par les acteurs économiques et politiques de l’époque, devrait faire l’objet d’une enquête publique dans le courant de cette année. Son coût, si l’on y inclut la suppression du passage à niveau de la commune de Neau, avoisinerait 30 millions d’euros, pris en charge à 83 % par la SNCF et la région Pays de la Loire.
En mai 2017, lorsque la ligne à grande vitesse sera mise en service, cette voie ne sera plus empruntée par les trains à grande vitesse. Seuls les trains express régionaux – TER – et les trains de marchandises continueront d’y circuler. Personne ne peut, néanmoins, contester la nécessité de sécuriser ces passages à niveau, puisque de nombreux accidents et incidents s’y produisent régulièrement.
Si la suppression du passage à niveau de Neau ne souffre d’aucune contestation, la suppression de celui de Brée pose question, en raison des travaux envisagés et de leur coût. C’est pourquoi une partie de la population lui préférerait des aménagements de sécurité moins coûteux, sous la forme, par exemple, de doubles barrières, de doubles feux rouges, de radars ou encore de ralentisseurs. De tels aménagements ont fait la preuve de leur efficacité sur la ligne Paris-Lille.
Monsieur le secrétaire d’État, alors que les collectivités locales – départements, régions –, comme la SNCF, sont confrontées à de réelles difficultés budgétaires, j’aimerais connaître votre point de vue sur ce dossier ainsi que les intentions de la SNCF. Quand celle-ci se prononcera-t-elle définitivement ? Une autre option, telle que celle à laquelle je viens de faire référence, est-elle envisagée ? En bref, monsieur le secrétaire d’État, quand et comment les passages à niveau des communes de Neau et de Brée seront-ils enfin sécurisés ?
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche.
Monsieur le député, la question de la sécurité ferroviaire est naturellement une priorité pour nous. Aussi, j’ai réuni à Nantes, le 3 juin 2015, le premier comité ministériel sur la sécurité aux passages à niveau, qui visait à constater l’avancée des actions menées dans le cadre du Plan interministériel pour la sécurisation des passages à niveau, à analyser les résultats obtenus et à identifier les progrès à réaliser.
Le premier volet de ce plan avait pour objectif de faire évoluer les comportements lors du franchissement des passages à niveau. En effet, 98 % des accidents sont dus à des comportements à risque des usagers de la route. J’ai notamment demandé le renforcement des mesures de sensibilisation à destination des conducteurs de poids lourds et d’autocars, les transports exceptionnels bénéficiant à ce titre de mesures spécifiques.
J’ai également demandé à la Délégation interministérielle à la sécurité routière et à SNCF Réseau de préparer un bilan sur l’efficacité des quarante-deux radars de vitesse et des soixante-quinze radars de franchissement qui se trouvent à proximité des passages à niveau, avant d’envisager une nouvelle phase de déploiement. La campagne de sensibilisation réalisée par SNCF Réseau, en partenariat avec la Sécurité routière, s’est inscrite dans cette démarche.
Le second volet du plan vise à sécuriser les passages à niveau. À cet égard, j’ai salué l’expérimentation de détecteurs d’obstacles engagée par SNCF Réseau. La réalisation d’aménagements ou la suppression de passages à niveau inscrits au Programme de sécurisation national se poursuit en parallèle.
C’est ainsi que la suppression des passages à niveau de Neau et de Brée, situés sur la ligne reliant Le Mans à Laval, est prévue pour sécuriser les déplacements. Elle s’inscrit dans un aménagement d’ensemble des voiries dans ce secteur. Son coût prévisionnel s’élève à environ 50 millions d’euros, avec un plan de financement déjà finalisé, auquel l’État est partie prenante.
Le dossier de déclaration d’utilité publique a été déposé en préfecture à la fin de 2015. L’enquête publique est en cours, alors que les travaux devraient être finalisés à l’horizon 2020. Il ne paraît pas souhaitable de renoncer à ce projet, étant donné ses enjeux en matière de sécurité : rappelons qu’au cours des trente dernières années, dix-huit accidents ou incidents impliquant une circulation ferroviaire ont eu lieu sur ces passages à niveau. Pour autant, tous les enseignements seront tirés de l’enquête publique en cours pour améliorer le projet. A l’issue de l’enquête publique, nous prendrons les décisions qui s’imposent.
Monsieur le secrétaire d’État, je souhaitais appeler votre attention sur le financement des politiques de transport en milieu rural, notamment sur le relèvement du seuil d’assujettissement au versement transport à la charge des employeurs, décidé à l’article 15 du projet de loi de finances pour 2016.
Avant cette évolution législative, les employeurs de plus de neuf salariés contribuaient au financement des transports urbains. Depuis le 1er janvier 2016, seuls les employeurs de dix salariés et plus sont assujettis au versement transport. Si la loi de finances pour 2016 prévoit un mécanisme de compensation à hauteur de 78,75 millions d’euros par versement trimestriel, sur la base d’une perte de recettes évaluée, celui-ci ne concerne que les trois premiers trimestres de l’année 2016, le quatrième devant faire l’objet d’une compensation sur l’exercice 2017. La disposition relève assurément d’un cavalier budgétaire !
Une telle politique n’est pas cohérente avec la dynamique de décentralisation des territoires. En effet, grâce au versement transport, des intercommunalités rurales, telle que la communauté d’agglomération Meuse Grand Sud, autour de Bar-le-Duc, que je préside, ont pu développer des réseaux de transport adapté, permettant d’améliorer la mobilité des personnes, donc de désenclaver la ruralité.
Avec le relèvement du seuil, le manque à gagner risque de mettre à mal le financement de ce service public, d’autant plus que le taux de versement, plafonné à 0,55 % de la masse salariale pour les structures de moins de 100 000 habitants – avec une majoration possible portant le taux à 0,6 % –, apparaissait déjà insuffisant.
C’est pourquoi, monsieur le secrétaire d’État, je souhaiterais connaître les dispositions qui garantiront aux autorités organisatrices de la mobilité que le mécanisme de compensation sera pérenne. Plus largement, quelles pourraient être les initiatives nouvelles pour de nouveaux financements en faveur de la mobilité en milieu rural ?
Monsieur le député, avec près de 7 milliards d’euros par an, le versement transport constitue la principale source de financement de l’investissement et du fonctionnement pour les transports collectifs dans les zones urbaines et en Île-de-France. Son taux est décidé par la collectivité compétente pour l’organisation des transports urbains dans le respect des plafonds fixés par la loi. Ces plafonds ont été relevés à plusieurs reprises par le passé et s’échelonnent, selon les zones, en province, de 0,55 à 2 % et, en Île-de-France, de 1,5 à 2,85 % de la masse salariale des employeurs publics et privés assujettis au versement.
Vous l’avez rappelé : les entreprises assujetties sont depuis le 11 janvier 2016 celles qui comptent plus de onze salariés, contre neuf salariés auparavant. C’est une mesure en faveur de la compétitivité qui a été prise. Dès lors, se pose tout naturellement la question de la compensation.
La loi de finances pour 2016 prévoit l’instauration d’un prélèvement sur recettes qui permettra le versement de cette compensation. Je précise, à ce titre, que le manque à gagner avant compensation pour les autorités organisatrices devrait s’élever, selon la direction de la Sécurité sociale, à une centaine de millions d’euros, et non à 500 millions, comme cela a pu être indiqué hâtivement ; l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale a fait la même évaluation.
Pour assurer cette juste compensation et en définir les modalités, une mission d’accompagnement a été confiée conjointement à l’Inspection générale des affaires sociales et au Conseil général de l’environnement et du développement durable. Cette mission remettra ses conclusions dans les prochaines semaines, conclusions qu’elle partagera avec le Groupement des autorités responsables des transports et le Syndicat des transports d’Île-de-France.
Quant aux actions qui pourraient être lancées pour financer la mobilité, notamment en milieu rural, je vous rappelle que les transferts de compétences en matière de transports entre départements et régions prévus par la loi dite « NOTRE » portant nouvelle organisation territoriale de la République seront compensés via un transfert de fiscalité à hauteur de 25 % de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. En outre, le Gouvernement a annoncé, lors du comité interministériel aux ruralités du 14 septembre dernier, qu’il cofinancerait avec les collectivités qui le souhaiteraient la création de cent plateformes de mobilité. L’objectif est d’apporter des réponses aux besoins spécifiques de ces territoires en mutualisant les offres de déplacement terrestre pour les voitures, les deux roues et les transports collectifs.
Nous en venons aux questions du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
La parole est à M. Joël Giraud.
Monsieur le secrétaire d’État, je voudrais appeler votre attention sur une conséquence de la réalisation de la ligne à grande vitesse Lyon-Turin qui va priver de desserte par train à grande vitesse une partie importante du massif alpin : la haute vallée de la Maurienne, en Savoie, le Briançonnais, dans les Hautes-Alpes, la région de Sestrières, en Italie.
Cet ensemble représente un nombre de lits touristiques très supérieur à la Tarentaise et dispose à l’heure actuelle de trois allers-retours quotidiens par le TGV Paris-Milan, qui dessert ces vallées à partir des gares de Modane, en France, et Oulx, en Italie.
La réalisation du tunnel de base va priver ce secteur de desserte directe par le TGV, alors même que la liaison entre la gare TGV d’Oulx et Serre Chevalier amène plus de voyageurs dans cette station des Hautes-Alpes que les navettes depuis la gare de Briançon.
Il est donc indispensable de prévoir dès à présent un plan de desserte qui inclue, non seulement des TGV neige transfrontaliers Paris-Modane-Oulx pour les week-ends et les vacances, mais aussi des TGV quotidiens quittant la ligne à grande vitesse pour desservir les gares intermédiaires de Saint-Jean-de-Maurienne à Turin et des TER transfrontaliers entre Chambéry et l’Italie, permettant l’accès au Briançonnais.
Cela demande la mise en place dès à présent d’un plan transport incluant l’achat de rames bi-courant, puisque la France et l’Italie n’utilisent pas les mêmes puissances électriques.
Au-delà de cette requête, il est clair que si, à la suite du rapport de nos collègues Michel Bouvard et Michel Destot, vous choisissiez de financer la liaison Lyon-Turin par un surpéage autoroutier pour les poids lourds dans les régions Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte-d’azur, cette mesure ne serait acceptable que s’il était réalisé le raccordement ferroviaire de vingt kilomètres entre Briançon et la gare italienne d’Oulx, dont le coût est de l’ordre des aléas de chantier du Lyon-Turin. En tout état de cause, monsieur le secrétaire d’État, j’aimerais être rassuré sur le fait que les Alpes du Sud ne seront pas demain le « dindon de la farce » du Lyon-Turin.
Exclamations, rires et applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le député, concernant la liaison ferroviaire transalpine entre Lyon et Turin, je veux en préambule vous dire qu’il s’agit, non plus d’un projet, mais d’un chantier. J’étais au sommet franco-italien de Venise qui s’est tenu le 8 mars dernier pour signer avec mon homologue italien le protocole additionnel sur le partage et l’indexation du coût du projet, ainsi que sur la lutte contre les infiltrations mafieuses dans les contrats.
Il faut en outre prendre en considération les temporalités en jeu. S’il s’agit d’un dossier entré dans sa phase opérationnelle, une dizaine d’années de travaux seront nécessaires avant que le tunnel n’entre en service. J’entends vos légitimes préoccupations concernant les conséquences pour votre région de l’arrivée de cette nouvelle infrastructure, mais il s’agit de définir des dessertes à l’horizon 2030 – au minimum ! Vous comprendrez que si chacun peut s’associer à votre demande de réflexion, le temps des réponses n’est pas encore venu, aussi bien en ce qui concerne les TGV qu’en ce qui concerne les TER, pour lesquels ces réponses appartiendront aux régions.
Votre interpellation m’apparaît d’une autre nature lorsqu’elle traite du financement de la liaison Lyon-Turin. Comme vous l’avez indiqué, le Gouvernement étudie actuellement la possibilité d’utiliser la directive Eurovignette pour mettre en place un surpéage. Le maître d’ouvrage binational du tunnel, l’entreprise TELT – Tunnel Euralpin Lyon-Turin – met actuellement à jour son étude sur le montage financier et juridique de l’opération en examinant les modalités de mise en oeuvre des recommandations formulées dans le rapport de Michel Destot et de Michel Bouvard. C’est un choix qui ne se mesurera pas en termes de compensations sur d’autres projets. L’eurovignette puise son principe dans le fait que la liaison Lyon-Turin profitera aux vallées comme aux grands corridors, comme l’autoroute A7 dans la vallée du Rhône ou l’autoroute A8 sur la Côte-d’Azur, qui seront délestées de milliers de poids lourds qui y circulent quotidiennement. Les autres vallées que vous évoquez, moins exposées mais tout aussi dépendantes des grands axes européens de transit – y compris dans les Hautes-Alpes –, doivent elles aussi en retirer des bénéfices.
Vous soulignez ainsi l’un des aspects fondamentaux de l’acceptabilité du schéma financier Destot-Bouvard, sur lequel le Gouvernement rendra prochainement ses arbitrages en matière d’aménagement et d’équilibre territorial. Sur ce point, je vous ai entendu, monsieur le député, et je vous remercie de votre question.
Monsieur le secrétaire d’État, je ne ferai pas preuve d’originalité en évoquant une fois de plus les difficultés du transport ferroviaire dans le sud de l’Aisne, mais comme je sais l’attention que vous portez à cette question, je me permets de revenir dessus.
Outre les difficultés de fond évoquées depuis de nombreuses années – trains en retard ou annulés, galères persistantes pour les 6 000 usagers –, le transport quotidien n’est pas à la hauteur du service public que nous devons à nos habitants, qu’ils soient ruraux ou urbains. Certes, des lueurs d’espoir apparaissent : à la suite des nombreuses rencontres et réunions organisées ces derniers jours, on note une prise de conscience des responsables en région de la SNCF, notamment de ceux des transports express régionaux de la Vallée de la Marne, pour aboutir à une gestion commune globale des lignes et arrêter le tronçonnage entre différentes régions et différents responsables. Il faut continuer dans cette voie.
Toutefois, l’application de décisions concrètes risque de prendre du temps, et c’est pourquoi je reviens vers vous. Vous nous aviez en effet proposé de participer à l’organisation d’une table ronde réunissant l’ensemble des acteurs : l’État, SNCF Réseau, SNCF Mobilités, les autorités organisatrices de transports, le STIF, sans oublier les élus locaux et les associations. Pouvez-vous me dire où l’on en est ?
D’autre part, la renégociation du contrat de plan État-région engagé par le Gouvernement doit inscrire le projet de rénovation de la ligne Fismes-La Ferté-Milon pour bénéficier du soutien financier de l’État. Où en est-on de cette renégociation du contrat de plan pour la région des Hauts-de-France ?
Enfin, la suspension de la ligne Fismes-La Ferté-Milon à partir du 3 avril a été annoncée brutalement, sans concertation. Pris au dépourvu, les usagers ont demandé, lors d’une réunion publique que j’ai organisée à la La Ferté-Milon le vendredi 25 mars, de repousser au 30 juin cette suspension. En effet, cette décision précipitée va mettre en difficulté surtout les étudiants, qui fréquentent quotidiennement cette ligne et pour qui la période des examens approche. En outre, le système de substitution proposé paraît totalement inadapté. Si les problèmes de sécurité évoqués doivent bien évidemment être considérés avec beaucoup de sérieux, il ne faut pas oublier que la ligne était placée sous haute surveillance depuis plusieurs années. Dans la mesure où le trafic de fret est maintenu, ne serait-il pas possible de prolonger de trois mois le fonctionnement de la ligne pour les usagers ?
Monsieur le député, vous abordez de nouveau un sujet à propos duquel vous m’avez déjà interpellé à plusieurs reprises, en partant cette fois d’un exemple qui vous concerne directement : la ligne ferroviaire La Ferté-Milon-Fismes, située dans la région des Hauts-de-France.
Deux questions se posent. La première est celle de la vétusté du réseau, puisque le trafic sera interrompu sur cette ligne à partir du 3 avril pour les voyageurs, l’exploitation continuant pour le fret. Si le trafic est interrompu, c’est à cause de la vétusté du réseau, c’est-à-dire pour des raisons de sécurité. J’entends bien votre interpellation, mais lorsqu’il s’agit de motifs de sécurité, vous conviendrez que la décision est d’ordre non pas politique, mais technique. Et je crois que nous pouvons convenir entre nous que, même si cela devait provoquer une gêne considérable pour les usagers, il nous appartiendrait d’avoir d’abord la garantie des techniciens qu’il n’y a pas de risques pour les usagers avant toute remise en service. J’ajoute qu’un transport de substitution a été prévu ; il se fait aujourd’hui par bus.
À travers cette première question, vous soulevez celle de la mise en cohérence et de la coordination des réseaux, notamment lorsque plusieurs régions sont concernées. De ce point de vue, nous avons probablement des efforts à faire. La répartition des compétences entre l’État, avec ses réseaux d’équilibre du territoire, et les régions, fait que l’on peut parfois déplorer une absence de cohérence ou de coordination entre les réseaux. Il est, je crois, de la responsabilité de l’État d’y remédier, en associant les élus locaux. Telle est la démarche que nous allons engager à partir du constat précédent, et qui va trouver une application sur le terrain. J’y serai personnellement très attentif et j’espère que de cette rencontre entre l’État et les élus ressortira, d’abord un diagnostic partagé, ensuite des solutions pour l’avenir, même si elles seront probablement difficiles à élaborer. En tout cas, je souhaite que la discussion qui n’avait pas eu lieu auparavant puisse voir le jour.
Nous en venons aux questions du groupe écologiste.
La parole est à Mme Michèle Bonneton.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, alors que la loi relative à la transition énergétique est entrée en vigueur et que la COP21 a débouché sur des objectifs importants, les projets d’autoroutes urbaines se poursuivent. Des décrets allongent la durée des concessions et contractualisent la réalisation du plan de relance autoroutier.
En Rhône-Alpes, en particulier dans « l’Y grenoblois », connu pour son niveau élevé de pollution de l’air, l’avenant concernant la société des autoroutes Rhône-Alpes – AREA – prévoit l’élargissement de l’autoroute A480 de deux à trois voies pour un montant de 300 millions d’euros, et ce à proximité immédiate de la ville. La ville de Grenoble et la métropole se sont prononcées contre ce projet et ont fait des contre-propositions. La Commission « Mobilité 21 » n’a pas fait de ce projet une priorité, mais l’État a décidé unilatéralement d’engager les procédures.
De plus, ce tronçon de quinze kilomètres exploité par l’État est laissé en concession à la société AREA. Sans régler les problèmes de congestion, cet élargissement va encourager un peu plus les déplacements routiers au détriment des transports collectifs. Le niveau de pollution ne pourra qu’augmenter, alors même que l’agglomération grenobloise a reçu du ministère le label « Ville respirable en cinq ans ».
Voilà qui pose à la fois la question de l’opportunité de l’élargissement des autoroutes urbaines et celle de la prolongation des concessions des sociétés d’autoroute, qui entraîne un manque à gagner pour les finances de l’État.
Monsieur le secrétaire d’État, ne pensez-vous pas qu’il serait temps d’instaurer un moratoire sur les dossiers d’autoroutes urbaines et d’engager des négociations avec les collectivités intéressées et les associations ? Ne pensez-vous pas que la décision de prolonger les concessions en contrepartie de travaux à réaliser alimente un peu plus les critiques du Conseil d’État et de l’Autorité de la concurrence, qui dénoncent régulièrement un partage des bénéfices en faveur des sociétés privées d’autoroute, donc au détriment de l’État ?
En décembre 2015, Grenoble-Alpes Métropole a fait part à l’État de ses inquiétudes vis-à-vis de l’élargissement autoroutier programmé sur l’A480, dont la réalisation a été confiée à la société AREA, concessionnaire de cette autoroute, dans le cadre du plan de relance autoroutier conclu en 2015.
J’ai bien noté la difficulté que représente la conception d’un projet d’élargissement de l’A480 qui ne tiendrait pas suffisamment compte des attentes locales en matière d’aménagement des espaces et de politique de déplacement. À ce titre j’ai indiqué, par un courrier adressé le 15 février dernier au président de la métropole, que je serai attentif à ce que ce projet d’aménagement soit le plus proche possible des attentes de l’agglomération en matière de conception, d’exploitation et d’insertion urbaine.
J’ai notamment indiqué que, s’il est nécessaire que les exigences minimales imposées par les normes et les règles s’imposant au concessionnaire, les règles de droit national et européen des concessions ainsi que les engagements issus du contrat de concession soient respectés, toutes les marges et souplesses que comportent ces textes doivent être explorées afin d’atteindre l’objectif d’un aménagement autoroutier intégré et compatible avec un contexte urbain.
Enfin, ce projet étant indissociable de celui du réaménagement de l’échangeur du Rondeau, entre l’A480 et la RN87, dont la maîtrise d’ouvrage est assurée par l’État, sa gouvernance lui a été jointe sous l’égide du préfet de région Auvergne-Rhônes-Alpes, afin que les deux projets s’inscrivent dans un même programme de travaux.
Il s’agit, par cet aménagement, de concilier deux objectifs : d’une part, résorber la congestion dont tous les Grenoblois connaissent l’acuité sur ce secteur, et, d’autre part, développer les mobilités douces dont la ville a besoin. Nous ne choisissons pas l’un ou l’autre de ces deux objectifs ; nous devons atteindre l’un et l’autre. Je suis convaincu que le travail partenarial engagé à Grenoble autour de l’aménagement de l’A480 fera émerger les meilleures solutions possibles.
Le libellé de ce projet d’élargissement est probablement réducteur dans le contrat conclu avec AREA, mais la sémantique ne doit pas nourrir un débat factice dès lors que ce projet peut au contraire s’inscrire dans une démarche d’aménagement concerté et bénéfique à l’ensemble des habitants de Grenoble et de ses environs.
Ma question porte sur la ligne ferroviaire Nantes-Bordeaux, malheureusement très dégradée depuis de nombreuses années ; à telle enseigne que la vitesse de circulation des trains y a été réduite à 60 kilomètres-heure – au lieu de 120 kilomètres-heure – sur une portion de plus de 100 kilomètres entre La Roche-sur-Yon et La Rochelle. On a déjà du mal à imaginer qu’en 2016 – ou en 2015, puisque cela fut décidé à la fin de l’année dernière –, un train grande ligne reliant deux métropole de 600 000 habitants ne roule qu’à 120 kilomètres-heure, mais l’on est encore obligé de réduire cette vitesse à cause d’un sous-investissement chronique, depuis des années, sur un axe important. Celui-ci, je le répète, relie non seulement deux grandes villes, mais aussi plusieurs villes intermédiaires, dont La Rochelle, La Roche-sur-Yon et, au-delà, des régions entières – puisque la Bretagne, les Pays de la Loire, le Poitou-Charentes et l’Aquitaine sont concernés.
Le temps de parcours entre Nantes et Bordeaux atteint donc désormais cinq heures, pour à peine 400 kilomètres, au lieu de quatre heures auparavant. L’État et les collectivités locales, conscients du problème depuis longtemps, ont réuni à plusieurs reprises un comité de pilotage. Plusieurs annonces ont été faites, non suivies d’effets jusqu’à présent ; le 18 mars dernier, un communiqué a évoqué une première phase de travaux, laquelle ne porterait que sur l’une des deux voies – et après tout, pourquoi pas envisager une démarche pragmatique comme celle-ci –, mais ces travaux ne débuteraient qu’en 2019, pour une mise en service en 2020.
Quelles garanties pouvez-vous donner aux usagers de la ligne, monsieur le secrétaire d’État, que ces travaux seront bel et bien engagés sans tarder ? L’échéance de 2019-2020 suppose d’attendre plus de quatre ans encore, alors que la situation est connue depuis très longtemps.
Vous m’avez interrogé, monsieur le député de Rugy, sur la modernisation de la ligne ferroviaire Nantes-Bordeaux. Soyons clairs, cette ligne revêt un caractère national en ce qu’elle relie deux pôles urbains d’importance majeure de la façade atlantique ; vous l’avez dit, elle est toutefois fortement dégradée. En l’absence de rénovation d’envergure, la section pourrait même être menacée de fermeture. Ses performances sont telles qu’il est aujourd’hui plus rapide d’effectuer le trajet Nantes-Bordeaux en car qu’en train.
La remise à niveau de cette ligne nécessite notamment d’importants travaux de modernisation sur la section La Roche-sur-Yon-La Rochelle. Cette section est en effet la plus dégradée ; cela a conduit SNCF Réseau à imposer, depuis décembre dernier, des ralentissements qui allongent le temps de parcours de près de cinquante minutes.
Dans ce contexte, l’État s’est engagé au côté des collectivités en réservant 120 millions d’euros dans le CPER – contrat de plan État-région – 2015-2020 ; cette enveloppe permettra de réaliser une première phase de travaux, dans le respect de l’engagement du Premier ministre de moderniser les deux voies de cet axe.
Le comité de pilotage, réuni le 18 mars dernier, a été l’occasion pour l’ensemble des financeurs du projet de s’accorder sur la consistance des premiers travaux. Il s’agira de rénover une voie sur l’ensemble du parcours, de créer un évitement à Luçon et de mettre en place une signalisation automatique. Ces investissements permettront de maintenir le niveau de desserte actuel avec un temps de parcours amélioré et fiabilisé par rapport à ce que les usagers connaissent aujourd’hui.
Les études d’avant-projet concerneront toutefois la remise en état des deux voies – pour préparer l’avenir –, c’est-à-dire l’ensemble du projet ; elles vont désormais s’engager, l’objectif étant de débuter les travaux en 2019, pour une mise en service de la première phase à la fin de 2020. Comme vous le voyez, monsieur le député, le Gouvernement est pleinement engagé au côté des collectivités locales pour la modernisation de la ligne Bordeaux-Nantes.
Nous en venons aux questions du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
La parole est à M. Gabriel Serville.
Vous avez annoncé, monsieur le secrétaire d’État, la mise en place d’un plan d’investissement exceptionnel en 2016 pour l’entretien du réseau routier national et des voies navigables à hauteur de 150 millions d’euros. Cette enveloppe, débloquée dans le cadre des grands travaux, devrait participer au financement de plus de 400 opérations. Pourriez-vous m’indiquer le montant qui sera réservé à la Guyane ? Voyez-vous, ce territoire de 83 000 kilomètres carrés ne dispose actuellement que de deux routes dites « nationales », qui le parcourent d’ouest en est sur les quelque 400 kilomètres de côtes.
La nationale 1 est complètement saturée, ce qui provoque d’innombrables embouteillages, et la nationale 2 est dans un tel état de délabrement qu’elle est indigne d’un pays qui se dit développé et soucieux de l’aménagement de son territoire. Le reste de la région, qui abrite tout de même 20 % de la population, ne dispose d’aucun réseau routier, qu’il soit national ou non. À l’heure où l’on parle d’égalité territoriale, d’égalité réelle ou encore de liberté de circulation, comment envisager qu’une partie des citoyens de notre pays soient maintenus dans une telle précarité en matière d’infrastructures routières, et plus généralement de transport ? Comment envisager que ce réseau embryonnaire, saturé et mal entretenu, soit en mesure de supporter une croissance démographique de plus de 3 % par an, ou encore de répondre à l’accroissement de la circulation lorsque sera mis en service le pont sur l’Oyapock, qui nous sépare du Brésil ?
Permettez-moi d’espérer que la Guyane bénéficiera de ces fonds, à la hauteur d’enjeux qui ne vous auront certainement pas échappé.
Le 8 février dernier, le Gouvernement a lancé un plan d’investissement exceptionnel pour l’entretien du réseau routier national et des voies navigables. Les moyens sont portés cette année à un niveau sans précédent, notamment grâce à la mobilisation d’une enveloppe supplémentaire de 150 millions d’euros.
Le réseau routier national de Guyane bénéficiera de ce plan, avec la réalisation, en 2016, de neuf opérations, pour un montant de 12 millions d’euros environ. Ces opérations concernent plus précisément la RN1 et toutes les aires de repos de la déviation de Kourou, qui seront remises en état. Nous entreprendrons aussi la remise au niveau des chaussées d’une section de la RN1 entre Cayenne et Kourou.
Les services de l’État réaliseront la réparation du pont de Kourou et des fondations du pont de Counamama. Sur la RN2 aussi, la structure de chaussée sera renforcée sur un peu plus de 6 kilomètres dans trois sections distinctes.
Parmi les réalisations qui seront effectuées cette année, je veux aussi citer l’aménagement d’accotements pour la mise en sécurité des usagers vulnérables, l’aménagement de points d’arrêt pour les poids lourds, le remplacement de buses métalliques et la construction du nouveau parc routier de la direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement.
J’entends et je partage votre constat sur la diffusion de la mobilité et l’exclusion d’une partie de la population guyanaise. On ne peut tolérer que 20 % de la population locale n’aient pas accès à la mobilité, laquelle, je le dis souvent, est le premier facteur d’exclusion sociale. Nous devons donc mobiliser toutes nos forces pour répondre au problème.
L’amélioration de la desserte des territoires figure parmi les objectifs du CPER 2015-2020 signé le 30 septembre 2015. L’État intervient sur le réseau structurant que sont, sur ce territoire, les routes nationales. Plus de 100 millions d’euros de crédits sont dédiés à la modernisation des RN1 et 2 – je ne rappelle pas les opérations en détail, car vous les connaissez : elles consistent en des aménagements de capacité pour faire sauter les bouchons, des reconstructions de ponts pour fiabiliser les liaisons et des créations de deux doubles voies sur les axes économiques les plus structurants.
La diffusion de la mobilité sur les territoires passe avant tout par un réseau national de qualité, l’État en est parfaitement conscient : c’est là sa mission première pour permettre aux politiques de mobilité locales, notamment celle mise en oeuvre par la nouvelle collectivité territoriale de Guyane, de trouver les solutions spécifiques aux territoires et pour permettre à chacun de se sentir en situation d’accessibilité.
Lors de la réforme ferroviaire de 2014, le Gouvernement a réaffirmé le rôle de l’État stratège. Deux ans plus tard, beaucoup reste à faire. Nous constatons l’affaiblissement généralisé de l’offre ferroviaire et une aggravation particulièrement préoccupante de sa situation financière. En effet, la dette du système ferroviaire continue de filer et pourrait atteindre 50 milliards d’euros dès 2020.
Aux termes de la loi portant réforme ferroviaire, le Gouvernement doit remettre au Parlement, dans un délai de deux ans, un rapport sur les solutions qui pourraient être mises en oeuvre afin de traiter l’évolution de la dette. La solution ne peut, semble-t-il, passer par la mise en place de règles d’équilibre financier intenables qui imposeraient une logique d’autogestion, par la SNCF, de cette dette. Cela engendrerait en effet une compression des investissements et un recul préoccupant de la qualité du service public, situation que tous les élus locaux dénoncent.
Malgré l’augmentation sensible des subventions pour la maintenance et la régénération, notre système ferroviaire ne semble pas disposer de tous les moyens financiers et humains pour faire face, tant au vieillissement du réseau qu’aux besoins de relance de l’offre ferroviaire.
Nous avions proposé, il y a deux ans, avec d’autres parlementaires, la création d’un organisme qui, à l’instar de la Caisse d’amortissement de la dette sociale – CADES –, se verrait transférer le montant de la dette de SNCF Réseau, avec pour mission de la rembourser d’ici à une échéance fixée par ordonnance. S’agissant du financement, nous avions suggéré que cette caisse de défaisance soit abondée par la réaffectation de taxes sur les autoroutes ou la mise à l’ordre du jour d’une taxe à l’essieu sur les grandes entreprises du transport routier. Le rôle majeur que peut jouer le rail dans la transition énergétique justifierait de telles orientations.
Ma question est simple : où en est aujourd’hui la réflexion du Gouvernement sur cette proposition de requalification de la dette du système ferroviaire, condition sine qua non d’une relance des capacités d’investissement ?
L’ampleur de la dette de SNCF Réseau est une problématique d’importance pour le nouveau groupe public ferroviaire, et le Gouvernement est conscient de la nécessité de fournir d’importants efforts pour la stabiliser.
L’un des principaux enjeux de la réforme ferroviaire est de mettre en place les conditions permettant de traiter cette question. La loi portant réforme ferroviaire a ainsi avalisé l’objectif de stabiliser la dette dans un délai de dix ans. La création du gestionnaire d’infrastructure unifié permettra de dégager d’importants gains de productivité en éliminant les interfaces entre l’ex-RFF – Réseau ferré de France – et son gestionnaire d’infrastructure délégué, ce qui était une source évidente d’inefficacité.
Par ailleurs, les règles de financement, d’investissement et de développement du réseau ferré national seront mieux encadrées en vue de limiter l’accroissement de la dette de SNCF Réseau à travers la mise en place de la règle d’or. C’est là, je crois, une saine mesure de limitation, même si elle ne pourra à elle seule assurer le désendettement du groupe ferroviaire.
C’est aussi un appel à la responsabilité de l’État et des collectivités locales, renforcées dans leur force de frappe par la fusion des régions depuis le 1erjanvier 2016 pour financer les projets d’une ligne nouvelle que nous connaissons tous et dont l’utilité publique serait confirmée. Un décret, en cours d’examen au Conseil d’État, précisera les modalités d’application de la règle d’or.
S’agissant des moyens, l’article 11 de la loi ferroviaire prévoit que le Gouvernement remettra au Parlement, dans un délai de deux ans, un rapport relatif à la trajectoire de la dette de SNCF Réseau et aux solutions susceptibles de traiter l’évolution de la dette historique du système ferroviaire. Toutes les solutions mériteront une expertise et un débat, sur la base de ce rapport.
Nous en venons aux questions du groupe socialiste, républicain et citoyen. La parole est à M. Christophe Bouillon.
Monsieur le secrétaire d’État, les réseaux d’infrastructures de transport ferroviaire, routier et fluvial ont été développés au cours du temps par un effort continu de la nation. Ils constituent un patrimoine essentiel, dont l’entretien et la modernisation assurent la pérennité et la sécurité de la mobilité de nos concitoyens.
C’est d’ailleurs un facteur d’attractivité pour la France. Lorsqu’un investisseur fait le choix de s’implanter sur notre territoire, il avance souvent la qualité des infrastructures comme facteur de son choix.
Au cours des dernières décennies, ce patrimoine n’a pas été entretenu comme il aurait dû l’être, que ce soit en raison de contraintes budgétaires, de la poursuite du développement d’infrastructures nouvelles, notamment de LGV, ou tout simplement de son vieillissement. L’âge moyen des infrastructures ferroviaires est ainsi de 33 ans en France, contre 17 en Allemagne. L’insuffisance de l’entretien conduit également à des coûts de régénération plus importants. Dans le domaine routier, le vieillissement du réseau routier national non concédé se poursuit.
Monsieur le secrétaire d’État, à plusieurs reprises depuis votre arrivée aux responsabilités, vous avez indiqué que vous faisiez votre priorité de la maintenance des infrastructures. Pouvez-vous nous dire ce qu’il est en concrètement ? Quelle est la situation de ce patrimoine, qu’avez-vous engagé et quelles perspectives peut-on attendre dans le contexte budgétaire contraint que nous connaissons ? Nous savons que votre engagement, dans ce domaine, est sans relâche.
Monsieur le député, vous avez raison de soulever cette question centrale. La qualité des infrastructures conditionne la sécurité et la qualité des services offerts à nos concitoyens et à nos entreprises en matière de transport de voyageurs et de marchandises. Dès ma prise de fonctions, j’ai décidé de faire de la sécurité et de la maintenance des infrastructures de transports ma toute première priorité. J’ai d’ailleurs pris la responsabilité de reporter certains projets de développement au profit de chantiers de maintenance.
Dans le domaine ferroviaire, après trente ans de sous-investissement, le vieillissement du réseau ferroviaire influe directement sur la qualité des transports. Il est parfois devenu nécessaire de réduire la vitesse de circulation afin de maintenir le niveau de sécurité – nous venons d’en citer un exemple –, ce qui peut provoquer la désaffection des passagers à l’égard de lignes trop lentes par rapport à la concurrence.
Dans le cadre de la priorité donnée à l’entretien, SNCF Réseau consacrera 2,6 milliards d’euros à la régénération du réseau ferré national en 2016, ce qui est un effort sans précédent. L’objectif est de poursuivre et d’accentuer cet effort dans le cadre du futur contrat de performance entre l’État et SNCF Réseau pour permettre de retrouver, d’ici dix ans, un réseau structurant remis à niveau.
Pour les réseaux routier et fluvial, j’ai décidé deux plans exceptionnels d’investissement, respectivement de 100 et 150 millions d’euros. Ils permettront de réaliser partout en France des chantiers utiles à la fois à la pérennité des réseaux et au soutien de l’emploi dans le secteur des travaux publics, durement touché par la crise. Cet effort devra être poursuivi à l’avenir pour ne pas retrouver dans les domaines routier et fluvial la situation que nous observons aujourd’hui dans le ferroviaire.
Monsieur le secrétaire d’État, parlons du fluvial, qui avait tant besoin de retrouver des perspectives ! Vous avez décidé d’engager une politique d’investissements importante en matière d’infrastructures, avec les deux plans de 100 et 150 millions d’euros, qui concernent aussi le fluvial.
Vous comprendrez que je souligne l’importance d’un grand projet qui, au-delà de son existence même, sera un levier très important de cette activité pour l’ensemble de notre pays. En effet, le canal Seine-Nord Europe, pour lequel le budget est arrêté, les partenaires définis et la société de projet en cours de création, est un véritable projet d’aménagement du territoire. Outre les bénéfices environnementaux que constitue le transport fluvial – désengorgement de l’autoroute A1, diminution des émissions des gaz à effet de serre –, des conséquences économiques positives sont à prévoir, notamment en matière de création d’emplois, dans une région particulièrement meurtrie par le chômage.
La portée du canal Seine-Nord sera plus large que ce seul axe de navigation et les axes secondaires, tels la Sambre et l’Oise, bénéficieront de cette attractivité – 5 000 kilomètres de canaux étaient ainsi laissés pour compte dans notre pays.
La construction du canal entre la Sambre et l’Oise a été décidée au début du XIXe siècle afin d’alimenter Paris en charbon belge, extrait dans le bassin minier de Charleroi. La voie a perdu peu à peu son trafic commercial au profit de la plaisance. Depuis mars 2006, la navigation est interrompue du point kilométrique 30 au point kilométrique 37,5, à la suite de la fermeture des ponts-canaux de Vadencourt et de Macquigny.
Le développement du tourisme fluvial dans les pays nordiques rend indispensable d’accueillir les plaisanciers dans les meilleures conditions. Je souhaite savoir, monsieur le ministre, à quel point nous en sommes de ce dossier exemplaire, qui a fait l’objet d’une grande concertation avec les intercommunalités concernées et qui permettra sans aucun doute de relancer une activité économique déterminante sur ce réseau secondaire.
Comme vous l’avez souligné, monsieur le député, le canal de la Sambre à l’Oise a été fermé à la navigation en 2006 en raison de l’état de dégradation avancé de certains ouvrages, en particulier des ponts-canaux de Vadencourt et de Macquigny.
Compte tenu de l’intérêt de cette infrastructure pour les territoires traversés, Voies navigables de France – VNF – et les collectivités locales, sous votre impulsion, ont instauré un dialogue pour créer les conditions de sa réouverture. Je tiens à saluer cette démarche coopérative qui a permis de définir des solutions concrètes, au bénéfice de tous. Ainsi, les 12 millions d’euros de dépenses d’investissement nécessaires à la réouverture du canal et à la remise en état des ouvrages ont été inscrits au contrat de plan 2015-2020. Ces dépenses seront partagées à parts égales entre VNF et les collectivités territoriales. La première convention de financement devra concerner les études de maîtrise d’oeuvre. Par ailleurs, les dépenses d’entretien et d’exploitation du canal, estimées à 2,3 millions d’euros par an, font depuis le 17 décembre l’objet d’une convention de financement entre les huit intercommunalités concernées et VNF.
Puisque nous parlons aujourd’hui du financement des infrastructures, je crois que cette opération a valeur d’exemple. Un tel accord sur les dépenses de fonctionnement est inédit. Il confirme l’évolution de la politique d’intégration des offres de service du réseau fluvial dans des politiques de développement local. C’est le même mouvement que je retrouve autour du canal Seine-Nord Europe. Il participe de l’idée selon laquelle ce sont les territoires qui font les projets de transport, et non l’inverse. Ce sont les territoires qui apportent l’expertise, convainquent les investisseurs, promeuvent le développement économique et fédèrent les populations.
Je suis convaincu que nous devrions tous être inspirés par cette initiative locale, qui, grâce aussi à VNF et à ses dirigeants dont je salue la clairvoyance, permet d’envisager la réouverture prochaine du canal de la Sambre à l’Oise.
Nous en venons aux questions du groupe Les Républicains. La parole est à M. Michel Heinrich.
Monsieur le secrétaire d’État, l’amélioration des échanges économiques, universitaires, touristiques entre la Bourgogne-Franche-Comté et le Sillon lorrain par une liaison ferrée efficiente, relève aujourd’hui d’enjeux essentiels pour les populations de nos bassins de vie et d’emplois. Nous ne pouvons continuer à priver nos populations d’infrastructures ferroviaires efficaces et rapides. Or les villes et agglomérations du Sillon lorrain disposent actuellement de liaisons ferroviaires vers le bassin Lyon-Méditerranée inefficaces ou coûteuses pour l’usager.
Ainsi, pour aller à Lyon, les habitants de Thionville et de Metz doivent passer par Strasbourg ! Quant à ceux de Nancy ou d’Épinal, ils doivent emprunter une ligne désuète, dans un TGV limité à 80 kilomètres heure sur une grande partie du parcours, entre Toul et Dijon ! Les Spinaliens n’ont d’autre choix que de prendre ce TGV à Nancy, à une heure de train, ou à Neufchâteau, à une heure vingt en autocar, ce qui porte la durée du voyage à cinq heures trente, contre trois heures trente en voiture.
Non seulement ces liaisons ne sont pas dignes d’un réseau moderne, mais elles obèrent les relations entre le Sillon lorrain et le bassin Lyon-Méditerranée, au détriment de l’expansion économique de cet important secteur géographique.
Inscrit dans le projet de schéma national des infrastructures de transport, et soutenu par l’ensemble des élus du pôle métropolitain européen du Sillon lorrain, le projet d’électrification de la ligne Nancy-Épinal-Belfort, qui permettait enfin une liaison efficace et rapide entre le TER et la gare d’interconnexion TGV de Belfort-Meroux à partir de fin 2017, a été renvoyé aux calendes grecques par le rapport Mobilité 21.
Il faut bien admettre, dans le contexte de la COP21, que le rejet de ce projet est un très mauvais signal en direction des habitants, dont la majorité sont contraints d’utiliser des véhicules personnels sur ces parcours, alors que le Gouvernement s’est engagé dans le développement des transports en commun, avec l’objectif de baisser les émissions de CO2.
Une étude de RFF avait montré la possibilité d’interconnexion du réseau, permettant une liaison nord-sud efficace, via Belfort. Je demande que cette question soit reconsidérée à l’aune des nouveaux enjeux environnementaux portés par le Gouvernement. D’autant plus que vous venez, monsieur le secrétaire d’État, par un courrier du 21 mars, de nous annoncer des crédits supplémentaires de plusieurs centaines de millions d’euros à destination du réseau routier. Je ne doute pas que vous trouverez également des moyens pour le réseau ferroviaire !
Monsieur le député, il me semble juste de commencer par rappeler l’évolution que la desserte du Sillon lorrain a connue ces dix dernières années. À titre d’exemple, la ligne Paris-Épinal-Remiremont se parcourt en TGV depuis la mise en service de la première phase de la LGV est-européenne en juin 2007. Depuis cette date, deux TGV circulent quotidiennement dans les deux sens, avec un temps de parcours d’environ deux heures quarante-cinq minutes. L’un de ces allers-retours permet de passer la journée à Paris, avec un départ de Remiremont à 6 h 00 et un retour vers 21 h 00. Cette possibilité d’effectuer un déplacement dans la capitale sur une journée contribue très certainement au développement des entreprises locales.
Je vous confirme que ces dessertes seront maintenues à l’identique après l’ouverture de la seconde phase de la LGV est-européenne prévue début juillet 2016. Cette infrastructure nouvelle permettra par ailleurs d’accroître l’attractivité du Sillon lorrain en reliant par exemple Metz et Strasbourg en quarante-sept minutes, contre une heure quinze minutes aujourd’hui.
Vous avez raison de souligner que les liaisons entre la Lorraine et la vallée du Rhône jouent un grand rôle dans l’aménagement du territoire. Toutefois, je suis attaché à la logique de responsabilité qui vise à concilier le rythme d’avancement des opérations et leur soutenabilité budgétaire. Il importera donc d’examiner ce projet lorsque le financement sera soutenable. Examiner les possibilités à l’aune de données nouvelles est précisément l’objet de la commission Mobilité 21, dont le travail sera à nouveau réalisé dans cinq ans.
Monsieur le secrétaire d’État, ma question porte sur le financement des infrastructures de transport ferroviaire. La situation financière du secteur ferroviaire est connue de tous. Son endettement dépasse aujourd’hui 50 milliards d’euros sur le périmètre de l’ensemble du nouveau groupe SNCF !
Les résultats publiés récemment pour l’exercice 2015 sont davantage source d’inquiétudes pour l’avenir qu’ils ne traduisent le début d’amélioration annoncé par le Gouvernement lors de la présentation de la réforme ferroviaire. Dans ce contexte, il est impératif d’arrêter des choix stratégiques pour orienter les moyens sur les priorités.
La remise en état du réseau ferroviaire en est une, à l’évidence, mais il faut bien constater que le contrat de performance entre l’État et SNCF Réseau se fait attendre depuis bientôt deux ans et que son absence prive SNCF Réseau de la visibilité nécessaire pour engager la programmation des investissements sur la durée.
De la même façon, il manque toujours le mode d’emploi de cette fameuse règle d’or, qui était présentée comme un instrument important de la maîtrise de l’endettement. Là aussi, le décret d’application de la loi Macron tarde à sortir et l’on croit comprendre de vos propos tenus lors de votre audition du 26 janvier que l’on cherche à jouer avec toutes les interprétations possibles pour contourner la règle votée par le législateur et continuer à financer, comme auparavant, le développement du réseau sur la dette de SNCF Réseau.
Le Gouvernement entend-il passer des annonces aux actes ? Quand compte-t-il mettre en oeuvre effectivement la réforme ferroviaire, ce qui permettra à SNCF Réseau d’investir en priorité sur la rénovation du réseau dans un cadre financier enfin clarifié ?
Monsieur le député, vous avez raison de revenir sur cette question qui est majeure puisqu’elle concerne l’ampleur de la dette de SNCF Réseau : si vous avez compris de mon audition que nous allions nous exonérer de la loi, je vais vous dire exactement le contraire aujourd’hui. J’espère que nous nous retrouverons surtout pour parler des conséquences des nouvelles règles qui s’appliqueront, en matière de projet, à l’ensemble des élus et aux collectivités locales.
La loi portant réforme ferroviaire a acté l’objectif de stabilisation de la dette dans un délai de dix ans. La création du gestionnaire d’infrastructure unifié permettra de dégager d’importants gains de productivité en éliminant les interfaces entre l’ex-RFF et son gestionnaire d’infrastructure. Par ailleurs, les règles de financement des investissements de développement du réseau ferré national seront mieux encadrées en vue de limiter l’accroissement de la dette de SNCF Réseau à travers la mise en place de la règle d’or. C’est là je crois une saine mesure de limitation même si elle ne permettra pas à elle seule de désendetter le groupe ferroviaire.
Un décret viendra préciser – je vous le confirme – les modalités d’application de la règle d’or : il est actuellement examiné par le Conseil d’État. L’activation des leviers nécessaires au redressement de la situation financière de SNCF Réseau sera concrétisée dans le contrat de performance de l’établissement prévu par la loi portant réforme ferroviaire avant la définition d’une trajectoire financière sur dix ans. Je dois rappeler que l’État s’est déjà engagé à renoncer aux dividendes de SNCF Mobilités pour les affecter à SNCF Réseau. Dans ce cadre, l’ambition nationale pour l’usage du transport ferroviaire et la transition écologique et énergétique doit passer par un véritable effort de remise à niveau sur l’état du réseau actuel, celui du train du quotidien, tant pour maintenir la sécurité que pour améliorer la fiabilité, après des décennies de sous-investissement. Cela a permis à SNCF Réseau de réaliser en 2015 plus de 1 500 opérations.
Cet effort indispensable sera poursuivi et même amplifié en 2016 avec plus de 4,9 milliards d’euros qui seront consacrés à la maintenance, soit une augmentation de 5 %. Il s’accompagne pour SNCF Réseau de la création cette année de 350 postes supplémentaires après 500 l’année précédente, qui viendront renforcer les équipes opérationnelles de maintenance. Quelles que soient les contraintes budgétaires, le contrat entre l’État et SNCF Réseau devra donc maintenir les investissements à un haut niveau pour arriver au renouvellement du réseau.
Nous en revenons aux questions du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
La parole est à M. François Rochebloine.
Monsieur le secrétaire d’État, le groupe de l’UDI se réjouit de l’organisation de cette séance de questions orales consacrée au financement des infrastructures de notre pays, dans le contexte budgétaire présent, dont on sait qu’il va entraîner, pour l’État et les collectivités territoriales, des arbitrages pour le moins compliqués.
Comme mon collègue Paul Salen, député de la Loire, qui vous interrogera dans quelques instants, je voudrais, monsieur le secrétaire d’État, vous interroger sur le dossier relatif au projet d’autoroute A45 destiné à relier Lyon à Saint-Étienne – un projet attendu de très longue date. En effet la liaison actuelle n’est plus aux normes ni adaptée, tant aux besoins de structuration d’un territoire qui a vocation à devenir une aire urbaine de premier plan autour de la métropole lyonnaise, qu’à des trafics de transit importants pour le désenclavement d’une partie importante du Massif central.
Le décret du 16 juillet 2008 a déclaré d’utilité publique les travaux de construction de cette autoroute. Depuis, il y a eu le lancement de l’appel d’offres de concession de travaux publics. Nous sommes aujourd’hui dans la phase de définition de la clé de financement, puisque les collectivités territoriales, la région, le département de la Loire et Saint-Étienne Métropole sont appelés à contribuer à cet investissement important.
Loin des polémiques et dans un souci de parfaite information de nos concitoyens, je souhaiterais, monsieur le secrétaire d’État, connaître la volonté du Gouvernement sur ce projet. Les engagements pris par l’État à plusieurs reprises seront-ils tenus ? Vous aviez reçu une délégation composée de parlementaires de la Loire, du président du département ainsi que du maire de Saint-Étienne. Des engagements avaient alors été pris. Qu’en est-il aujourd’hui ? Ce dossier doit avancer très rapidement. Il n’a en effet que trop duré, puisque voilà bientôt quarante ans que nous attendons cette autoroute.
Aussi espérons-nous une réponse précise et claire de votre part – je n’en doute pas, monsieur le secrétaire d’État.
Monsieur le député, je m’efforcerai de ne pas m’inscrire dans la suite des espoirs déçus depuis quarante ans en vous confirmant que le Gouvernement s’est résolument engagé sur le dossier du projet d’autoroute A45 entre Lyon et Saint-Étienne.
Ce projet a été déclaré d’utilité publique en 2008. Il a fallu attendre 2012 pour qu’un protocole soit signé, précisant le plan de financement de l’opération avec une répartition à égalité entre l’État et les collectivités locales ligériennes.
Après la remise et l’analyse des offres, les délibérations du conseil départemental de la Loire et de Saint-Étienne Métropole sont intervenues respectivement le 18 décembre 2015 et le 10 mars 2016. Elles ont permis de confirmer la participation financière des collectivités au niveau requis pour supporter la subvention d’équilibre, très importante, puisqu’elle s’élève à 845 millions d’euros, à partager pour moitié entre l’État et les collectivités locales.
Dès lors qu’il s’y était engagé, l’État a désigné, je vous le confirme, comme concessionnaire pressenti le groupement mené par Vinci – cette désignation est intervenue le 14 mars dernier. Depuis, les négociations sont en cours pour la mise en point du contrat de concession. Les collectivités qui le souhaitent sont pleinement associées à cette étape. Postérieurement à cette date, j’ai reçu un courrier de M. Wauquiez, président de la région, qui m’a également confirmé le principe d’un financement de l’A45 par la région à hauteur « d’au minimum 100 millions d’euros ». J’ai dès lors accepté que la région soit représentée au groupe de travail de négociations auquel le département et la métropole avaient déjà été associés. L’engagement de la région devra naturellement faire l’objet, comme celui des autres collectivités, d’une délibération.
Ces discussions avec le concessionnaire devraient se poursuivre jusqu’au 21 avril. Nous aurons d’ici là un rendez-vous avec les collectivités pour finaliser ensemble le dossier.
Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite vous interroger sur un projet de gare TGV à la bifurcation de la ligne Atlantique, au lieu-dit Courtalain, entre la branche qui conduit en Bretagne et celle qui va vers Bordeaux – chacun sait que la section entre Tours et Bordeaux sera mise en service très prochainement.
Lors de la création de cette ligne, cette gare de bifurcation était prévue, avant d’être oubliée. Il s’agit donc de réparer l’histoire. Dans le schéma régional d’aménagement et de développement durable du territoire, cette gare paraît comme la seule possibilité de développer le nord-ouest de la région Centre-Val de Loire. En effet, la zone de Courtalain est à cheval sur deux départements, le Loir-et-Cher et l’Eure-et-Loir.
À l’initiative des collectivités territoriales, des études ont été réalisées par Systra depuis 2008 en vue de relancer ce dossier. Le conseil général des Ponts et chaussées a demandé une contre-expertise, tout comme la SNCF et, tout récemment, dans le contrat de plan État-région, 1 million d’euros ont été inscrits pour finaliser ces études.
Monsieur le secrétaire d’État, au-delà de l’attention particulière que l’État apportera au désenclavement de toute une partie de cette région – en effet, on a eu beau injecter plus de 50 millions ces dernières années dans les lignes classiques TER, le temps de parcours ne s’est pas amélioré –, le Gouvernement compte-t-il accompagner cette démarche, qui est fortement soutenue par les élus locaux et dans le schéma régional d’aménagement et de développement durable du territoire, et qui, de plus, fait l’objet dans le contrat de plan de crédits de l’État ?
Quand le préfet de région mandera-t-il la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement – DREAL – et, naturellement, SNCF Réseau pour finaliser ces études ? Selon quel calendrier cette gare attendue, qui est susceptible de recevoir 340 000 passagers par an – presque autant que la gare de Vendôme –, verra-t-elle le jour ? Compte tenu de son taux de retour sur investissement, ce projet peut apporter une vraie réponse au développement du nord du Loir-et-Cher et du sud de l’Eure-et-Loir.
Monsieur le député, je sais que le projet de création d’une gare à Courtalain sur la branche ligérienne de la LGV atlantique, dont vous avez obtenu l’inscription au CPER 2015-2020 de la région Centre-Val de Loire, vous tient particulièrement à coeur. Les études menées par SNCF Réseau entre 2011 et 2013 ont mis en évidence les incertitudes concernant sa fréquentation et la difficulté d’insertion dans le graphique des circulations de la LGV Bretagne-Pays de la Loire. Les conditions de desserte de cette gare par les réseaux terrestres restent par ailleurs à préciser.
L’enveloppe d’1 million d’euros inscrite au CPER et financée en intégralité par l’État aura pour objectif d’affiner les études, qui pourront être l’occasion d’examiner, d’une part, les adaptations qui pourront être apportées au projet, estimé aujourd’hui à 70 millions d’euros, afin d’en améliorer la soutenabilité financière, et, d’autre part, les conditions de sa desserte dans la future trame horaire des LGV Sud Europe Atlantique et Bretagne-Pays de la Loire en lien avec le transporteur.
En tout état de cause et pour être clair, un tel investissement, si son opportunité est confirmée, ne peut s’envisager qu’à très long terme, compte tenu des objectifs assignés actuellement au secteur ferroviaire, à savoir la priorité absolue donnée à la remise à niveau du réseau existant.
Nous en revenons aux questions du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. Jean-Louis Bricout.
J’associe à ma question mon collègue et ami Rémi Pauvros, car nous avons des dossiers communs. Il vient de vous interroger sur le projet de remise en navigation du canal de la Sambre à l’Oise ; ma question concerne un autre sujet commun : le maintien de certaines lignes de trains d’équilibre du territoire – TET –, plus connus sous le nom de trains Intercités, dans la grande région Nord-Pas-de-Calais-Picardie désormais dénommée Hauts-de-France.
L’Aisne souffre d’un déficit économique et d’un déficit d’emploi, en un mot d’un déficit de compétitivité qui montre combien la question des transports et des liaisons multimodales constitue un véritable enjeu en matière d’aménagement du territoire et de désenclavement. L’année dernière, le président de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France – AFITF –, notre collègue Philippe Duron, a présenté un rapport relatif à l’avenir des trains d’équilibre du territoire. Ce rapport préconise de réduire les passages quotidiens des lignes Saint-Quentin-Cambrai et Saint-Quentin-Maubeuge et peut-être de supprimer la ligne Hirson-Metz. Or si la ligne Herson-Charleville-Mézières-Metz est certes peu compétitive, elle trouve toute sa pertinence du fait notamment de l’absence d’une offre autoroutière performante. De plus, l’offre universitaire est quasiment inexistante dans l’Aisne, ce qui rend le transport par le train incontournable pour les étudiants.
Il y a donc, une fois de plus, un véritable enjeu en matière d’aménagement du territoire, qui me semble aujourd’hui totalement occulté par les moyens toujours plus importants consacrés aux lignes à grande vitesse. À ce constat s’ajoute l’annonce récente d’un possible détachement de conducteurs normalement affectés à la ligne Hirson-Charleville pour renforcer les moyens humains consacrés à Paris. Si cette annonce était confirmée, quatre trains seraient supprimés en heure de pointe, le soir et le matin.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de bien vouloir nous indiquer la part de véracité dans ces rumeurs persistantes. Dans le cas où elles se confirmeraient, quels moyens de substitution seront mis en place pour des territoires trop souvent oubliés ?
Monsieur le député, les TET constituent une composante essentielle de la desserte de nombreux territoires. Toutefois, en termes de desserte comme de qualité des services, ces trains ne répondent plus aujourd’hui de manière satisfaisante aux attentes des voyageurs.
Depuis 2011 seulement, la fréquentation des trains d’équilibre du territoire a chuté de 20 %, ce qui rend leur exploitation financièrement insoutenable. De 210 millions d’euros en 2011, leur déficit d’exploitation a atteint 330 millions en 2014 et plus de 400 millions en 2016.
Face à cette situation, j’ai lancé le chantier de la renaissance de ces trains, afin qu’ils retrouvent leur pertinence et leurs clients. La feuille de route présentée le 7 juillet 2015, suite au rapport de la commission présidée par Philippe Duron, a permis d’engager une nouvelle dynamique pour faire renaître l’offre TET. Elle repose sur le droit à la mobilité, la solidarité nationale, l’aménagement du territoire et la maîtrise de l’équilibre économique.
Le 19 février dernier, lors d’un point d’avancement, j’ai notamment annoncé que le Gouvernement engageait le renouvellement du matériel roulant – ce qui correspond à un investissement sans précédent depuis l’arrivée des Corail –, le lancement d’un appel d’offres pour les lignes structurantes et la concertation avec la région Normandie pour la ligne Paris-Caen-Cherbourg. S’agissant de l’appel d’offres pour les lignes structurantes, les acquisitions s’élèvent à 1,5 milliard d’euros. Le Gouvernement a également décidé l’achat « sur étagère », comme on dit, de trente rames supplémentaires, en plus des trente-quatre rames en cours d’acquisition chez Alstom et qui vont être livrées en fin d’année.
Par ailleurs, le préfet François Philizot poursuit sa mission de concertation avec les régions pour faire évoluer l’offre TET. Une articulation optimale de chaque activité, notamment avec les TER, et de chaque mode de transport est recherchée avec les élus régionaux. Les discussions sont engagées avec toutes les régions, notamment – pour ce qui vous intéresse directement, monsieur Bricout – avec les Hauts-de-France pour ce qui concerne les lignes Paris-Amiens-Boulogne et Paris-Saint-Quentin-Maubeuge-Cambrai, intégrées au périmètre de la nouvelle grande région. Nous discutons aussi avec la région Alsace-Lorraine-Champagne-Ardenne au sujet de la ligne Hirson-Metz. Le Gouvernement tient à examiner toutes les propositions d’évolution formulées. Des décisions seront prises, au fur et à mesure de l’avancement des discussions avec les régions, et annoncées au fil de l’eau, au plus tard le 1er juillet 2016.
Monsieur le secrétaire d’État, la route constitue pour la majorité de nos concitoyens l’infrastructure de transport la plus utilisée. L’activité économique est elle aussi encore très largement tributaire de la route, non seulement pour les échanges de biens et de marchandises, mais aussi pour la bonne santé du secteur des travaux publics dont les difficultés sont connues de nous tous – les entreprises de ce secteur dépendent aux deux tiers de la commande publique, et aujourd’hui, l’enjeu est le maintien de nombreux emplois.
Sans remettre en cause, bien évidemment, les orientations d’une politique de transport durable intégrant pleinement des modes de déplacements plus économes en ressources, l’entretien, la modernisation, la sécurisation et l’aménagement du réseau routier restent indispensables.
Or, de fortes inquiétudes s’expriment sur le devenir d’un grand nombre de nos axes routiers nationaux. Dans mon département, la Haute-Vienne, les nationales sont des axes autant utilisés par les poids lourds nationaux, et surtout internationaux, que par les voitures. Je pense particulièrement à la RN147 reliant Limoges à Poitiers via Bellac, très congestionnée, peu voire pas sécurisée sur plusieurs kilomètres, et dont la mise à deux fois deux voies tarde à se concrétiser. Je pourrais aussi évoquer la RN145.
En 2013, j’étais rapporteure du projet de loi portant diverses dispositions en matière d’infrastructures et de services de transports. Je reste persuadée que, malgré les contraintes budgétaires que nous connaissons, le financement du réseau routier et, plus largement, des infrastructures doit rester une priorité du Gouvernement.
Monsieur le secrétaire d’État, comment l’État entend-il trouver des recettes nouvelles et pérennes pour l’AFIFT ? Ici, nous sommes encore un certain nombre à regretter l’abandon de l’écotaxe.
Sourires et exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Je ne savais pas que vous présideriez cette séance, monsieur Le Fur, mais j’en suis ravie !
Sourires.
Ceci dit, je salue la décision d’abonder de 120 millions d’euros, cette année encore, le budget national dédié à l’entretien des routes dans le cadre d’un plan d’investissement exceptionnel.
Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous préciser comment l’État va oeuvrer pour que son réseau routier national réponde aux attentes fortes et légitimes de nos concitoyens ? Comment l’État peut-il accélérer la mise en chantier des projets mûris de longue date comme celui de la RN147 ?
Sourires.
Je ne peux malheureusement pas vous céder une partie de mon temps de parole, monsieur le président !
Sourires.
Madame la députée, je partage totalement votre appréciation. Je vous confirme que l’État entend exercer pleinement ses responsabilités en matière d’entretien du patrimoine commun que constituent notamment nos routes et nos canaux.
Trop longtemps, en effet, nous avons vécu sur un déni. Les infrastructures essentielles, celles qui font notre quotidien, vieillissent. Elles arrivent toutes à saturation, et l’entretien périodique ne suffit plus à maintenir un niveau de service acceptable.
C’est pourquoi le Gouvernement a lancé, le 8 février, un plan d’investissement exceptionnel pour l’entretien du réseau routier national et des voies navigables en 2016. Les moyens sont portés cette année à un niveau sans précédent, notamment grâce à la mobilisation d’une enveloppe supplémentaire de 150 millions d’euros. Concrètement, ce seront près de 300 millions d’euros qui seront investis en 2016 dans plus de 400 opérations de régénération des routes nationales. Cela représente une hausse de 5,45 % en un an des moyens consacrés à l’entretien de ces équipements, et un triplement depuis 2012. Le niveau d’investissement dans les routes sera cette année le plus élevé depuis dix ans.
Une enveloppe de 70 millions d’euros sera également consacrée à une centaine d’opérations d’entretien des équipements fluviaux, soit une hausse moyenne de 40 % en un an et un doublement des crédits depuis 2012.
Madame la députée, les infrastructures routières et fluviales sont des artères vitales des territoires et de notre économie. Mais je veux également souligner que leur entretien est aussi une activité fortement génératrice d’emplois pour les entreprises de travaux publics sur tous les territoires, notamment ruraux.
Vous avez cité la RN147, qui relie Poitiers à Limoges. Vous le savez, ce sont 167 millions d’euros qui sont prévus pour l’aménagement de cette route, dont plus de 80 millions apportés par l’État. Mais au-delà, je veux vous dire, madame la députée, que cet axe doit être modernisé parce qu’il relie deux pôles majeurs de la nouvelle grande région Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes. Les conditions de circulation ne sont aujourd’hui pas à la hauteur des enjeux d’aménagement du territoire. Je veux donc vous assurer à nouveau de toute l’attention du Gouvernement, de toute mon attention à ce que les procédures d’aménagement de la RN147 avancent à un rythme soutenu.
Nous poursuivons avec d’autres questions du groupe Les Républicains.
La parole est à M. Paul Salen.
Monsieur le secrétaire d’État, ma question sera proche de celle qu’a posée tout à l’heure mon collègue et ami François Rochebloine. C’est vous dire l’inquiétude que nous avons concernant les infrastructures du département de la Loire ! Je souhaite en effet vous interroger sur la précarité dont souffre ce département en matière de mobilité.
Actuellement, Saint-Étienne est la seule grande ville de la région Rhône-Alpes-Auvergne à ne pas être reliée à Lyon par une autoroute moderne. Il est prévu que l’A45 relie Lyon à Saint-Étienne en une demi-heure. Cela permettra de désengorger l’A47, une autoroute vétuste fréquentée par plus de 100 000 voitures par jour et saturée en permanence. Pour les industriels, cette saturation a pour conséquence des pertes évaluées à 500 millions d’euros par an.
Vous l’avez dit tout à l’heure, monsieur le secrétaire d’État : le décret de déclaration d’utilité publique, qui correspond à la décision formelle de l’État, a été signé il y a désormais plus de sept ans. Ce chantier représentera un investissement de 1,2 milliard d’euros. Il durera cinq ans et mobilisera 1 700 emplois.
Comme vous l’avez dit également, les collectivités locales se sont impliquées. Le conseil départemental et Saint-Étienne Métropole ont déjà délibéré ; quant à la région, elle s’est engagée à le faire.
Permettez-moi de vous rappeler, monsieur le secrétaire d’État, que l’autoroute A45 n’est pas uniquement un axe routier local. Elle permettra de relier Genève à Bordeaux : elle revêt donc un intérêt national. Elle devrait même être considérée comme un axe de mobilité européen ! Elle permettra aussi de dynamiser le département de la Loire et l’agglomération de Saint-Étienne et d’en accroître le potentiel au niveau européen.
Dans votre réponse, tout à l’heure, vous avez indiqué les dates des prochaines réunions. Mais quels sont les objectifs précis concernant les délais de réalisation de l’autoroute ? François Rochebloine vous le disait tout à l’heure, cela fait quarante ans qu’on en entend parler, et cela fait maintenant plusieurs années que le projet a été déclaré d’utilité publique. Nous attendons des éléments très précis !
Monsieur le député, vous revenez sur cette question importante de l’A45. Les raisons qui justifient la mobilisation locale sont partagées par le Gouvernement, et elles sont fortes !
Chacun aura compris que nous parlons d’un projet qui coûte 1,2 milliard d’euros mais auquel il faut apporter, malgré la mise en concession, 845 millions d’euros de subventions publiques pour que le budget soit équilibré. C’est donc l’un des projets les plus subventionnés en France que nous allons mettre en oeuvre, avec des financements publics très importants. S’était justement posée la question de l’équilibre et de la nécessité de cette mobilisation de financements publics, dont vous avez rappelé l’importance. Il faut souligner l’engagement des collectivités locales, qu’elles aient été présentes dès le départ ou qu’elles viennent de se manifester, mais aussi des professionnels qui veulent participer et accompagner les collectivités dans ce projet.
Tout ceci montre que le projet est porté par un territoire, ce qui constitue déjà, de mon point de vue, une garantie importante. Mais l’enjeu financier est assez considérable. Je l’ai dit : l’État respectera ses engagements.
Nous sommes dans une phase décisive. Le concessionnaire pressenti a été désigné. Nous travaillons à la fois avec Saint-Étienne Métropole, avec le département et avec la région, laquelle participe à la discrète négociation du contrat de concession, qui se déroule évidemment sous le sceau de la confidentialité. Après le 21 avril, le contrat financier sera défini. Aujourd’hui, tout le monde souhaite respecter ses engagements – c’est, en tout cas, le souhait de l’État.
Quel est le délai de réalisation du projet, au regard de la procédure administrative ? Aujourd’hui, si les choses se déroulent comme je le souhaite, les travaux devraient commencer en 2018 pour se terminer, à quelques mois près, autour de 2022. C’est à peu près l’objectif. Je réponds spontanément à votre question, monsieur Salen : environ quatre années de travaux seront nécessaires.
Nous y sommes. J’espère que ce projet pourra effectivement devenir une réalité. Les collectivités ont confirmé leur engagement, l’État aussi. Ce qui est attendu depuis longtemps, comme le rappelait M. Rochebloine,…
…va maintenant pouvoir se réaliser. Au nom du Gouvernement, je suis heureux d’être porteur de cette bonne nouvelle.
Monsieur le secrétaire d’État, la loi du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire avait appelé de la part de l’opposition plusieurs observations. Nous étions favorables à la séparation des activités du rail et de la roue, nous avons soutenu l’ambition affichée d’une action forte pour l’entretien du réseau, et nous avons adhéré au principe d’une limitation stricte de l’endettement de l’entreprise. En revanche, nous nous sommes opposés à la création d’un EPIC de tête, au fait que la convention sociale devait s’imposer au secteur privé, et au rattachement des gares à SNCF Mobilité.
Il y avait dans la présentation de la réforme une certaine condescendance à l’égard de la période qui précédait, et on allait voir ce qu’on allait voir…
Que voit-on ? Le patron de SNCF Réseau vient de démissionner. Les cheminots sont en grève. La dette explose. Les objectifs d’économies annoncés ne sont pas tenus.
J’aimerais revenir sur SNCF Réseau. En 2015, sa dette est passée de 39 à 42 milliards d’euros. Son besoin de trésorerie lié aux investissements est de 4 milliards d’euros, alors que l’entreprise ne dégage que 1 milliard d’euros de trésorerie, une fois ses frais financiers payés. Clairement, la réforme ne change rien à la situation plus que difficile que connaît l’entreprise. Rappelons juste que l’État s’est largement déchargé sur l’ex-RFF : sa subvention d’exploitation est passée de 2,34 milliards d’euros en 2009 à 31 millions d’euros en 2015. Le Gouvernement aime le rail mais ne le montre guère.
Parallèlement, je voudrais dire ici notre surprise : le décret d’application de la règle d’or n’a pas été publié, alors que M. Cuvillier en avait fait un point essentiel de sa réforme.
Monsieur le secrétaire d’État, j’ai deux questions à vous poser. Dans le cadre des nouveaux projets, allez-vous limiter les engagements et donc la dérive financière de SNCF Réseau ? Comment comptez-vous améliorer la performance opérationnelle de cette société ; ?
Je vous remercie, monsieur le député, de revenir sur cette question majeure. L’opposition peut, et c’est bien normal, se limiter, dans le cadre de cet exercice, à poser des questions et à émettre des critiques. Je les ai entendues, mais je n’ai pas noté beaucoup de propositions de votre part.
Mais nous aurons le débat dans les mois à venir.
Quoi qu’il en soit, un certain nombre de vos inquiétudes ont dû être levées au cours de cette séance et vous devriez donc déjà vous sentir apaisé. Je vous ai senti très angoissé quant à l’éventuelle absence de publication du décret relatif à « la règle d’or » – laquelle est évidemment essentielle. Je vous confirme que le texte a été soumis au Conseil d’État et sera publié aussitôt que ce dernier aura donné son avis.
Vous avez raison : ce décret est la clé de voûte de la réforme. Or comme je l’ai expliqué récemment dans un grand journal du soir l’application de la règle d’or entraîne pour conséquence que les projets nouveaux ne pourront plus être financés par l’endettement de SNCF Réseau, mais par les crédits budgétaires de l’État, ceux des collectivités locales ainsi que de l’Europe – qu’il ne faut pas oublier lorsque l’on réfléchit à cette organisation. Il faut donc trouver de nouvelles ressources.
En revanche, cette règle ne signifie pas que nous devons, à l’avenir, renoncer à élaborer de grands projets structurants. La France a besoin de tels projets ; mais leur réalisation devra s’étaler dans le temps et sera conditionnée à leur soutenabilité financière. C’est donc bien une nouvelle époque qui s’ouvre aujourd’hui, parce qu’il faut savoir tirer les leçons du passé. L’ampleur de la dette montre que c’est elle qui a longtemps servi à financer les projets. Et lorsque l’on a voulu éviter d’y recourir, comme dans le cas de la LGV entre Tours et Bordeaux, le résultat n’a pas été entièrement convaincant. En effet, il est difficile de créer une concession quand il y a un seul utilisateur : c’est difficile pour tout le monde, pour l’utilisateur comme pour le concessionnaire, d’oùles difficultés auxquelles nous sommes aujourd’hui confrontés. Je suis toutefois persuadé que la raison va finir par l’emporter et que cette infrastructure, si importante pour le territoire qu’elle doit irriguer, sera bientôt fonctionnelle.
Je vous répond donc très clairement, monsieur le député : la question du financement de la dette est devant nous. De nouvelles règles ont été posées dans le cadre de la réforme du système ferroviaire, mais cela n’implique pas de renoncer aux investissements.
Par ailleurs, nous devons mettre l’accent sur la maintenance, et c’est à cette priorité que SNCF Réseau doit se consacrer. Au passage, le président de SNCF Réseau n’a pas démissionné pour des raisons liées au fonctionnement de l’établissement, mais pour des raisons personnelles que vous me permettrez de ne pas évoquer ici. En tout état de cause, la maintenance et la réhabilitation du réseau sont les priorités du Gouvernement, même s’il nous faudra probablement entre huit et dix ans pour parvenir à nos objectifs en ce domaine.
Nous en revenons aux questions du groupe SRC.
La parole est à M. Florent Boudié.
Monsieur le secrétaire d’État, en cédant en 2006 ses participations dans les sociétés autoroutières, le Gouvernement de l’époque a profondément déstabilisé le modèle économique du financement des transports publics. Résultat : depuis dix ans, l’État cherche désespérément, et dans des conditions de plus en plus acrobatiques, un équilibre économiquement soutenable. L’AFITF doit aujourd’hui financer 12,8 milliards d’euros au titre des concessions et des partenariats public-privé, soit 30 % des engagements et 58 % des restes à financer.
L’ajournement sine die de l’écotaxe…
…– dont le décret d’application, je tiens à le rappeler, avait courageusement été signé par la précédente majorité le dimanche 6 mai 2012 – a ouvert une nouvelle crise. S’y ajoute le tassement, structurel, des recettes affectées.
Le versement transport, assis sur la masse salariale des entreprises, ne peut progresser davantage dans le contexte économique que nous connaissons. Quant aux recettes issues de la vente des titres aux voyageurs, elles ne représentent que 30 % en moyenne des dépenses de fonctionnement d’un réseau, contre 40 % il y a dix ans.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez pris des décisions courageuses, stratégiques pour pallier la disparition de l’écotaxe et du péage de transit et sécuriser les ressources de l’AFITF, en augmentant la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques sur le gazole ou en passant avec les sociétés d’autoroutes un accord à hauteur de 1 milliard d’euros. Mais depuis le schéma des infrastructures de transport de 2008, les termes du débat n’ont guère changé : l’État s’est engagé sur une liste de projets qui excède ses capacités de financement. Et que dire, dans le domaine ferroviaire, du sacro-saint modèle des lignes à grande vitesse, dont on voit bien, avec la construction de la ligne Tours-Bordeaux, qu’il représente un véritable casse-tête économique et financier ?
Compte tenu du contexte financier dégradé, n’est-il pas temps, monsieur le secrétaire d’État, de remettre à plat la programmation des lignes à grande vitesse au profit du transport ferroviaire de proximité – les TER pour les régions, les TET à l’échelle nationale – afin de sortir de l’impasse budgétaire et de concentrer les réponses de la puissance publique sur les lignes territoriales ?
Votre question est double : elle porte autant sur les moyens de l’Agence de financement des infrastructures de transport que sur nos priorités en ce domaine. Si l’on s’en tient à un examen ponctuel de la situation – une photographie prise à un instant donné, en quelque sorte –, on en arrive assez logiquement à la conclusion suivante : la seule solution est de choisir entre grands projets structurants et transport du quotidien. Je voudrais pourtant vous convaincre que nous ne sommes pas obligés, en réalité, de nous enfermer dans une alternative de cette nature. Ce n’est qu’une question de programmation.
Quelle est la situation ? Notre réseau ferré est vieillissant et nécessite d’être restructuré – cela prendra, je l’ai dit, entre sept et dix ans. Pour y parvenir, il faudra y consacrer des moyens. Devrons-nous pour autant renoncer, sur le long terme, à des réseaux structurants ? Personne ne peut l’affirmer d’emblée. Peut-être que le moment venu, nous n’aurons pas les moyens de les réaliser, mais dans l’immédiat, il s’agit d’un faux débat, et un tel raisonnement nous conduit dans une impasse.
Au fond, la situation est claire. Nous devons assurer le financement de quatre lignes à grande vitesse dont la construction a été décidée au même moment. Nous en voyons les conséquences ; il faut maintenant « digérer » cet effort. Dès lors, s’il faut reporter la réalisation de projets, elle le sera, mais pour ma part, je ne veux pas renoncer à de nouveaux axes structurants, en particulier en matière de grande vitesse.
À propos de la grande vitesse, d’ailleurs, il convient d’adopter une vision économique plus globale avant de parler d’échec. Il suffit de mesurer son impact sur les territoires concernés – je pense à ceux qui, au sud de Bordeaux, sont en lien l’Espagne, du côté de Montpellier et de Perpignan. Nous devons penser en termes d’aménagement du territoire et éviter de prendre, du jour au lendemain, la décision de laisser de côté des questions aussi importantes.
Cela étant, la priorité actuelle est bien le transport du quotidien. Avec quels financements ? À ce sujet, vous avez pratiquement tout dit, monsieur le député. À moins de renoncer à certaines dépenses, nous aurons besoin de moyens supplémentaires. Pour commencer, l’AFITF pourrait dépenser l’ensemble des recettes qui lui sont destinées – aujourd’hui, vous le savez, une partie est réaffectée au budget général. Mais peut-être faudrait-il aller plus loin et envisager la création d’une recette spécifique supplémentaire. En tous les cas, il n’y a pas de solution miracle : si l’on veut poursuivre une politique d’investissement, il faudra trouver des recettes pour la financer. C’est en ce sens que je milite.
Nous en revenons au groupe Les Républicains. L’ultime question sera posée M. Gilles Lurton.
Monsieur le secrétaire d’État, la route nationale 176 traverse le nord de l’Ille-et-Vilaine entre Avranches et Dinan.
À la suite de nombreux accidents mortels, la décision, tant attendue, a été prise de mettre à deux fois deux voies le tronçon de route situé entre la route départementale 137 et le pont sur la Rance. Déclarés d’utilité publique, ces travaux font actuellement l’objet d’études financées au contrat de plan État-Région 2015-2020. À cet effet, 1,25 million d’euros ont été inscrits pour ces études et pour les acquisitions foncières. L’objectif des services de l’État est de parvenir à un dépôt du dossier de déclaration d’utilité publique au début 2017. Je salue d’ailleurs l’efficacité avec laquelle travaillent vos services sur ce dossier.
Une fois ces formalités accomplies, les travaux pourront commencer. Ils se décomposeront en trois phases : la poursuite de l’aménagement de l’échangeur de La Chesnaie au croisement de routes 137 et 176 ; la mise en deux fois deux voies de la route entre l’échangeur de la Chesnaie et le pont sur La Rance et la mise en deux fois deux voies du pont sur la Rance avec doublement du tablier existant et mise en place de protections acoustiques adaptées à un environnement exceptionnel. L’estimation du coût de ces travaux avoisine les 40 millions d’euros.
Monsieur le secrétaire d’État, devant des sommes de cette importance, je m’interroge sur la capacité de l’État à prévoir dans le prochain contrat de plan État-Région les inscriptions financières nécessaires. Nous savons aussi que les collectivités locales n’ont plus les moyens de compléter des financements de cette importance.
Qui pourrait comprendre que, après avoir engagé plus de 1,25 million d’euros dans des études préalables, les financements ne soient pas ensuite inscrits pour la réalisation des travaux ? Aussi, monsieur le secrétaire d’État, je souhaiterais que vous puissiez me rassurer sur la volonté de l’État d’aller au terme de cette réalisation dans le cadre du prochain contrat de plan État-Région.
Monsieur le député, vous m’interrogez sur la mise à deux fois deux voies de la RN176 entre l’échangeur de La Chesnaie et l’estuaire de la Rance. Cette section est la dernière section de la RN176 qui n’a pas encore été mise à deux fois deux voies en Bretagne. Elle supporte un trafic élevé avec un flux d’environ 2 000 poids lourds par jour et connaît de forts pics de fréquentation en période estivale.
À la suite des concertations conduites fin 2014, j’ai commandé à l’été 2015 au préfet de la région Bretagne la préparation de la procédure d’utilité publique. Conformément aux annonces faites par le préfet lors du comité de suivi de l’opération tenue le 11 mars dernier, les services de l’État diligentent les études préalables à la déclaration d’utilité publique avec pour objectif l’ouverture de l’enquête en septembre 2017 et l’obtention de l’arrêté d’utilité publique au premier semestre 2018.
Pour gagner du temps, les procédures ont été rendues parallèles : l’enquête publique portera ainsi à la fois sur l’utilité publique du projet, le respect de la loi sur l’eau, des espaces naturels et espaces protégés et sur le parcellaire. Les études de conception détaillée seront menées en 2018 et 2019, permettant d’engager la réalisation des acquisitions foncières dont le financement, vous l’avez rappelé, est inscrit au volet routier du contrat de plan État-Région 2015-2020.
L’objectif est bien évidemment que le chantier de cette opération soit inscrit dans l’exercice de programmation pluriannuelle qui prendra le relais du contrat de plan État-Région 2015-2020. J’espère, monsieur le député, que ces éléments apportent une réponse à vos interrogations.
Nous avons terminé les questions sur le financement des infrastructures de transport.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Questions sur la politique agricole du Gouvernement.
La séance est levée.
La séance est levée à dix-neuf heures quarante-cinq.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly