Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, 2010 et 2014 sont des années importantes dans la lutte contre les violences faites aux femmes. À moins de faire preuve de mauvaise foi, personne ne conteste que la loi du 9 juillet 2010 et les vingt-sept dispositions de la loi du 4 août 2014 proposent un cadre juridique global et consolidé et ont créé un arsenal varié de dispositifs à la fois pour prévenir les violences, accompagner les victimes et combattre ce fléau qui traverse les époques et les espaces.
Les chiffres sont redoutables. En France, 134 femmes ont perdu la vie en 2014 sous les coups de leur conjoint ou ex-compagnon. Ces chiffres sont d’autant plus redoutables qu’ils ne diminuent pas. À la Réunion, le trimestre qui s’achève aura été traumatisant : quatre femmes sont mortes victimes de violences conjugales. C’est terrible.
Loin d’être un paradoxe, la coexistence de ces avancées juridiques et de ces statistiques montre une fois de plus combien les violences intrafamiliales sont spécifiques et s’inscrivent dans une longue histoire de domination et d’inégalité entre les sexes. Elle nous invite aussi à améliorer les outils existants et à continuer d’innover.
À cet égard, il apparaît important de repérer les moments critiques, ceux où les victimes sont fragilisées et encore plus vulnérables, ceux où la situation peut empirer, voire devenir dramatique.
Il ressort des témoignages des femmes elles-mêmes que déposer une plainte non seulement est une démarche difficile mais peut aussi les exposer à des représailles et n’est pas forcément un gage de protection : 41 % des femmes tuées par leur conjoint avaient déposé plainte.
Pour qu’aucune violence déclarée ne reste sans réponse comme le préconise le quatrième plan triennal en cours, il est indispensable que l’accueil des femmes victimes de violences dans les gendarmeries et commissariats figure parmi les priorités et que les protocoles-plaintes soient systématisés rapidement.
Nous savons que, lorsqu’elle intervient dans un contexte de violences, la phase de séparation est aussi une période sensible. Il existe bien sûr depuis 2010 l’ordonnance de protection, qui prévoit un ensemble complet de mesures pour assurer la sécurité physique des victimes des violences et stabiliser leur situation juridique, mais les délais de délivrance sont encore trop souvent bien trop longs. L’urgence que ces situations exigent est incompatible avec une attente de plusieurs semaines, le délai moyen étant évalué à trente-sept jours. Cet outil doit retrouver la vocation de protection et d’urgence que le législateur lui a confiée. Il ne doit ni se confondre avec un dépôt de plainte ni être obligatoirement précédé par lui.
Une autre difficulté, maintes fois soulignée, réside dans les procédures de médiation. Limitée en 2010, la médiation pénale a été strictement encadrée par la loi de 2014. Elle n’est désormais possible que si et seulement si la victime en fait expressément la demande, mais cette condition stricte ne semble pas toujours être appliquée : la médiation pénale est encore souvent proposée et parfois fortement recommandée.
La médiation familiale, elle, ne fait l’objet d’aucune restriction, d’aucune condition, ce qui n’est pas sans une certaine contradiction avec la logique qui inspire les mesures mises place en matière de violences conjugales. Le constat étant unanime pour demander la suppression de la médiation familiale dans les cas de violences, nous devons modifier au plus vite la législation.