Intervention de Maud Olivier

Séance en hémicycle du 29 mars 2016 à 15h00
Débat sur les violences faites aux femmes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMaud Olivier :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, chers collègues, avec les lois de 2005 et de 2010, avec la loi sur le harcèlement sexuel, avec la loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, dans la loi sur la réforme de l’asile, dans celle sur le dialogue social ou celle relative à la lutte contre les atteintes graves à la sécurité dans les transports, et bientôt avec la proposition de loi sur le système prostitutionnel, que ce soit dans des textes spécifiquement dédiés ou de façon transversale, nous avons fait clairement progresser dans notre droit la lutte contre les violences faites aux femmes.

Mais force est de constater qu’elles sont toujours d’une cruelle et inacceptable réalité. Que ce soit dans les transports en commun, au travail, au domicile ou dans l’espace public, les violences physiques, économiques, psychiques et sexuelles sont le quotidien d’un très grand nombre de femmes.

J’ai en tête le dramatique témoignage d’une femme qui cherche aujourd’hui des explications au triple assassinat qui a frappé sa famille. Sa soeur, qui avait porté plainte contre son mari violent et qui avait obtenu une ordonnance de protection, a été tuée par balles, en pleine rue, ainsi que ses deux parents, par son conjoint qui avait été laissé en liberté – et ce, malgré les signalements de la victime quant aux menaces dont elle faisait l’objet.

Aujourd’hui, en France, parmi les 130 femmes qui meurent chaque année sous les coups d’un conjoint violent, 40 % ont porté plainte. Pourtant, on sait combien cette démarche du dépôt de plainte est difficile pour les victimes de violences conjugales. L’emprise des agresseurs enferme les victimes dans le silence, la honte, la peur et la culpabilité.

Quand une société – amis, voisins, école ou encore services sociaux – est aveugle aux violences exercées par un homme sur sa femme et ses enfants pendant plusieurs années, c’est qu’elle est malade. Quand notre société laisse une victime face à son bourreau pendant plusieurs dizaines d’années, il se peut que le coup de trop, celui qui rend tous les autres insupportables, amène à se défendre, parce qu’on ne tient plus, parce que ce jour-là on craint plus que les autres jours pour sa vie.

Le terrible verdict rendu dans le procès de Jacqueline Sauvage a profondément touché. Cette femme, victime de violences pendant quarante-sept ans, de la part d’un homme que tout son entourage a décrit au procès comme très violent, a été condamnée à dix ans de prison. Au-delà de son cas personnel, la délégation aux droits des femmes a choisi d’interroger et d’approfondir le débat ouvert dans la société française autour de la légitime défense des femmes victimes de violences et de leur nécessaire protection.

Dans notre code pénal, est présumé avoir agi en état de légitime défense celui qui accomplit l’acte pour repousser, de nuit, l’entrée d’un agresseur par effraction, violence ou ruse dans un lieu habité, ou celui qui accomplit l’acte pour se défendre contre les auteurs de vols ou de pillages exécutés avec violence ; mais pas un individu mis en état de danger de mort permanent par une personne qu’il côtoie au quotidien. Ne pouvons-nous pas modifier le code pénal pour que l’antériorité et la nature des relations entre les personnes concernées, l’emploi ou la menace d’emploi de la force soient pris en compte dans l’évaluation de la gravité de l’acte commandé par la nécessité de se défendre ?

Malgré les lois et les plans ambitieux mis en oeuvre par le Gouvernement, malgré l’action formidable des associations qui travaillent à la prévention des violences et à l’accompagnement des victimes, la dure réalité, c’est que 10 % des femmes dans notre pays sont en danger. Nous devons sans cesse nous demander comment les protéger réellement.

La violence contre les femmes résulte d’une discrimination à leur égard, tant dans le droit que dans les faits, ainsi que de la persistance d’inégalités entre elles et les hommes. Elles perdurent, parce qu’elles ne sont pas comprises comme des violences spécifiques, s’intégrant dans un continuum faisant système, mais comme des drames individuels. On le voit dans le traitement qu’en fait la presse, arguant par exemple que c’est un drame de la jalousie, ou dans les discussions, mais aussi dans notre code pénal aveugle au fait que notre société est toujours construite sur les inégalités entre les femmes et les hommes.

La délégation s’est également interrogée sur la pertinence d’aggraver dans le code pénal les violences aux personnes quand elles ont un caractère sexiste. Ne faut-il pas reconnaître dans le droit, comme pour le racisme ou l’homophobie, la spécificité des violences faites aux femmes et la gravité avec laquelle la société française les considère ? Je le répète, des femmes sont insultées, frappées ou tuées, parce qu’elles sont des femmes dans une société inégalitaire.

Je crois que, pour que la société évolue franchement sur ce sujet, il faut mobiliser l’ensemble de ses membres, mettre plus de moyens encore dans les formations des professionnels et des agents des services publics, mais aussi modifier notre code pénal en ce sens. À l’avenir, aucune violence sexiste ne doit rester sans réponse.

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