Monsieur le ministre, ainsi que vous l’avez entendu mille fois dans cet hémicycle et ailleurs, la France traverse une crise agricole majeure, une crise multifactorielle, une crise dont certains aspects relèvent de l’Europe, de l’OMC – l’Organisation mondiale du commerce –, de questions internationales, une crise qui touche plus durement les plus modestes. Pourtant, il y a aussi dans cette crise une part française : nous ne pouvons pas le nier car nous pouvons ici trouver quelques réponses.
Les chiffres sur les surfaces cultivées, sur le nombre d’exploitants et de salariés ou sur la production sont clairs : la « ferme France » recule depuis environ quinze ans, et souvent de manière inversement proportionnelle à la progression de ses voisins comme l’Allemagne, l’Italie ou l’Espagne.
Des pans entiers de notre agriculture s’effondrent, avec des conséquences économiques et sociales sur l’emploi, l’aménagement et la vitalité de nos territoires, l’autonomie et la sécurité alimentaire, ou encore notre commerce extérieur.
Plusieurs lois ont tenté d’apporter des réponses : la LOA – loi d’orientation agricole –, la LMA – loi de modernisation de l’agriculture – ou la récente loi d’avenir pour l’agriculture. Ces lois ont eu leur utilité, mais elles manquaient d’envergure, avec des moyens budgétaires faibles et pas à la hauteur des enjeux.
Sur les négociations commerciales, il y a eu la loi Chatel, la LME – loi de modernisation de l’économie –, la LMA, la loi Lefebvre, la loi Hamon sur la consommation, la loi d’avenir. Des parlementaires, sur tous les bancs, ont prévenu : voyant venir le mur pour nos paysans, ils ont klaxonné – en vain.
Depuis 2012, et sous la législature précédente également à titre individuel, les députés radicaux ont défendu des amendements sur ces textes pour rééquilibrer les relations commerciales entre nos agriculteurs et les puissants acteurs de la distribution.
À part de légers ajustements, on nous opposa systématiquement cette doctrine : « On ne touche pas à l’équilibre fragile de la loi de modernisation de l’économie ». Le rapport d’application de la loi Hamon sur la consommation, présenté il y a quelques mois, reprend aussi l’idée qu’il ne faut pas toucher à la LME.
À la suite des manifestations des paysans, le Gouvernement a annoncé un changement de doctrine avec une révision de la LME dans la loi « Sapin 2 ». Elle vise à intégrer des éléments propres aux producteurs, comme le coût de production ou le prix payé, dans les négociations commerciales entre industriels et distributeurs. Le sujet n’est pas simple car il y a aussi des effets indésirables induits.
Mais si nous sommes heureux de voir nos idées progresser, nous sommes inquiets car nous connaissons les pouvoirs d’influence des grands acteurs. Ma question sera simple, monsieur le ministre : comment comptez-vous garantir l’efficacité de la modification annoncée de la LME ?