Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le contexte économique mondial dans lequel s’inscrivent les grands énergéticiens français est contraint. Toutes les entreprises du secteur ont souffert des suites de Fukushima, de la baisse du prix du pétrole, du développement massif du gaz de schiste aux États-Unis puis de sa stagnation, et de toutes les autres circonstances géopolitiques et macroéconomiques qui, ces dernières années, ont profondément perturbé toutes les composantes de notre mix énergétique.
Face à cette situation, le Gouvernement et la majorité parlementaire ont appuyé le développement des énergies renouvelables. On ne peut que s’en féliciter et je tiens, à ce titre, à saluer le soutien apporté à la filière éolienne lors de l’examen du projet de loi relatif à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine.
Il n’en demeure pas moins que le nucléaire reste le coeur de l’indépendance énergétique de la France ; il constitue l’essentiel de nos ressources et cela continuera à l’avenir. Or cette filière a été victime de difficultés conjoncturelles mais aussi d’erreurs de gestion commises sur de grands projets et de la déficience de l’État actionnaire.
Sous la pression des événements, il a fallu réorganiser les relations entre deux acteurs : EDF, qui maîtrisera l’ensemble de l’ingénierie des services nucléaires, et AREVA NP –AREVA Nuclear Power –, qui sera chargé de produire les réacteurs. Ce dernier sera majoritairement détenu par EDF, avec une participation minoritaire d’AREVA et des investisseurs tiers – des actionnaires japonais et chinois.
Nous avons longuement milité aux côtés du Gouvernement pour que les intérêts d’EDF soient réorientés vers AREVA, sans quoi ces deux entreprises auraient pu entrer en concurrence frontale sur le marché des réacteurs. Du point de vue du marché mondial, cette alliance est cohérente. De nombreuses questions sont cependant soulevées dans le cadre de la fusion avec EDF, qui investit déjà dans deux autres EPR au Royaume-Uni et dans le grand carénage en France. Avec sa situation financière problématique, EDF est-il le meilleur allié d’Areva ? Concernant les partenariats financiers, existe-t-il des pistes françaises ? Peut-on penser, par exemple, à la Caisse des dépôts, voire à de grandes collectivités, celles qui avaient participé à la recapitalisation de la Compagnie nationale du Rhône ?
Si la fusion est heureuse pour le développement futur de cette filière française, on peut s’inquiéter du devenir d’AREVA historique. En effet, le troisième acteur d’AREVA NP est l’AREVA historique du cycle du combustible et des mines, hors production de réacteurs.
Les salariés et les sous-traitants expriment de vives inquiétudes à propos de l’avenir de cette filière d’excellence qu’est le nucléaire ; cela doit évidemment retenir notre vigilante attention. Les suppressions d’emploi envisagées dans le cadre du plan de compétitivité peuvent interroger, notamment quant à la préservation des savoir-faire dans plusieurs métiers de pointe. Le problème s’est malheureusement déjà posé, ces dernières années, avec des départs à la retraite anticipés – les successeurs n’avaient pas tous été formés de manière efficiente. Pour préserver les compétences qui existent dans la filière et les emplois qui leur correspondent, pour éviter des déperditions trop importantes et pour que ce secteur coexiste avec le développement des énergies renouvelables, quelles stratégies de formation le Gouvernement entend-il mettre en oeuvre ?
Par ailleurs, des investissements doivent être réalisés pour assurer la sûreté du parc, d’autant que la loi relative à la transition énergétique vient de renforcer le rôle de l’ASN et le contrôle sur cette question. Dans le rapport parlementaire relatif aux coûts de la filière nucléaire, il était préconisé, par souci de sécurité, d’harmoniser la protection des sous-traitants avec celle des entreprises-mères. Ces recommandations ont-elles été suivies d’effets ? En outre, Mme la ministre de l’environnement a demandé un audit sur l’état d’avancement du démantèlement. Pourrait-on en connaître les résultats, monsieur le secrétaire d’État ?