Intervention de Nicolas Grivel

Réunion du 24 mars 2016 à 9h00
Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Nicolas Grivel, directeur général de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, ANRU :

Sur le premier point, c'est en effet un calcul que l'on peut faire. Avec une enveloppe financière plus importante, nous aurions également pu faire le choix d'augmenter les sommes allouées par projet. Il faut toutefois garder à l'esprit, s'agissant d'innovation, la nécessité de pouvoir concentrer nos efforts sur un noyau dur et de ne pas nous disperser. En l'occurrence, il me semble que nous aurions pu gérer quelques projets supplémentaires.

Néanmoins, en passant de 85 à 71 millions d'euros, on reste dans le même ordre de grandeur : il ne s'agit pas d'une division par deux. De plus, ce programme est arrimé au NPNRU : il permet donc de faire plus avec des sommes relativement limitées. Pour aller plus loin et associer davantage de quartiers, il faudra en effet des fonds plus importants : nous comptons pour cela sur le PIA 3, qui en outre arrivera au bon moment – les projets auront mûri, et notre expérience sera plus importante.

En ce qui concerne l'évaluation du renouvellement urbain, les interventions lancées au titre du premier programme de rénovation urbaine, lancé en 2004, ont été massives : l'ANRU aura investi au total 12 milliards d'euros, et tous financeurs confondus c'est plus de 50 milliards qui auront été investis jusqu'en 2020. Beaucoup de choses sont donc encore en train de se faire.

Les actions menées ont été beaucoup débattues, notamment lorsque le Parlement a discuté du projet de loi Lamy. Le regard est très positif sur les changements intervenus dans les quartiers, sur les modifications tangibles du cadre de vie – démolitions, reconstructions de logements, diversification des formes d'habitat… Il suffit de se rendre dans des villes où un quartier a été travaillé et pas un autre pour constater l'ampleur du contraste. Dans certains quartiers, on a pu faire diminuer la proportion de logements sociaux en proposant des logements en accession à la propriété ou des logements en locatif libre. On a refait des écoles, des équipements culturels et sportifs… Les services rendus aux habitants ont donc été nettement améliorés. Il faut insister aussi sur la modification de la trame des quartiers : on a supprimé des circulations incompréhensibles, des circulations en escargot… pour ouvrir les quartiers et les relier au reste de la ville. Il y a, je crois, un consensus sur l'intérêt bien réel de ces interventions.

Il y a également un consensus sur leurs limites. Tout d'abord, le programme a démarré physiquement à la fin des années 2000 : il s'est donc entièrement déroulé dans une période de crise économique et sociale ; or on sait bien que les habitants de ces quartiers sont toujours les premières victimes des dégradations de la conjoncture et les derniers à bénéficier des reprises économiques. Leur situation économique et sociale est donc restée difficile.

De plus, les mêmes populations sont demeurées dans les mêmes quartiers, certes devenus plus jolis. Le brassage des populations à l'échelle plus large n'a pas eu lieu : dans le cadre du deuxième programme, nous essayons donc de réfléchir à une meilleure répartition des différentes formes d'habitat – logements sociaux, parc de logements locatifs privés, accession à la propriété… – à l'échelle d'une métropole ou d'une intercommunalité. Ce rééquilibrage des territoires, ainsi qu'une meilleure politique de peuplement, doivent permettre d'éviter particulièrement les phénomènes de forte concentration de la pauvreté dans quelques quartiers.

Il faut également porter une attention particulière au volet économique : c'était l'un des points faibles du premier programme, qui n'a pas réussi à faire naître des fonctions économiques dans ces quartiers, ni à rendre ces fonctions économiques de la ville plus accessibles aux habitants. Ces quartiers demeurent presque entièrement résidentiels, avec une dimension économique et commerciale très peu marquée. Je ne dis nullement que les acteurs ont oublié ce sujet, mais c'est une tâche très difficile. Ce sont des problèmes auxquels il faut réfléchir à une échelle plus vaste que celle du quartier, et c'est pourquoi le législateur a souhaité que les nouveaux programmes soient pensés à l'échelle intercommunale, pertinente pour réfléchir à une stratégie de l'habitat, de l'emploi, de la mobilité ; souvent, l'arrivée d'un métro ou d'un tramway est décisive pour changer l'image d'un territoire.

Quant aux projets, plusieurs thèmes sont présents, et pertinents pour une rénovation de tout un quartier : énergie, gestion de l'eau, gestion des déchets, mobilités et transitions douces, mais aussi valorisation de friches, parfois de friches polluées. La question de la santé est, de façon transversale, souvent abordée ; plusieurs projets tournent autour de l'alimentation.

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