Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Réunion du 24 mars 2016 à 9h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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Je vous remercie d'avoir répondu à notre sollicitation. Une convention liant l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) à l'État a mis en place les modalités de financement de l'action Ville durable et solidaire, excellence environnementale du renouvellement urbain du deuxième programme d'investissements d'avenir (PIA 2). Pourriez-vous commencer par en dire quelques mots ?

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Nicolas Grivel, directeur général de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, ANRU

Nous vous remercions de nous offrir l'occasion de vous donner un aperçu de nos contributions à la transition écologique en tant qu'opérateur pour le compte de l'État – l'ANRU faisant aussi beaucoup de choses par ailleurs, nous évoquerons ici qu'une petite partie de son action, mais une partie fondamentale.

L'ANRU était déjà impliquée dans la première génération du programme d'investissements d'avenir, notamment dans le cadre des internats d'excellence et de projets visant à développer la culture scientifique, technologique, industrielle. Dans le cadre du PIA 2, l'ANRU s'est vu confier la prolongation du programme qui concerne les internats, ainsi qu'un nouveau programme consacré à la jeunesse.

Les financements du PIA 2 liés à la transition écologique sont répartis en deux axes qui, faisant appel aux compétences propres de l'ANRU, doivent permettre d'approfondir nos interventions dans les quartiers et de promouvoir – de façon complémentaire avec le reste de notre action – la transition énergétique, et au-delà la ville durable et solidaire au sens le plus large du terme, en particulier par la diversification des fonctions présentes dans ces quartiers qui sont souvent très résidentiels.

Ces deux axes diffèrent tant dans leurs ambitions que dans leurs modalités.

Le premier, « Viser la très haute performance et l'innovation environnementale pour le renouvellement urbain », porte notamment sur l'environnement et la transition écologique. Il nous permet d'intervenir par des subventions, en complément d'actions qui entrent dans le cadre du Nouveau Plan national de rénovation urbaine (NPNRU). Les quartiers visés sont déjà, par ailleurs, sélectionnés par l'ANRU pour des interventions massives de renouvellement urbain. Il est doté de 71 millions d'euros.

Le second, « Diversification des fonctions dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville », est un programme de co-investissement : l'agence investira en fonds propres, aux côtés d'investisseurs privés, dans des opérations de développement économique notamment. Nous visons à créer de l'activité économique là où il y en a relativement peu, ou à encourager la perpétuation d'activités déjà existantes. Nous attendrons un rendement de ces interventions en fonds propres, et il nous faudra gérer ces actifs. Cet axe est doté de 250 millions d'euros.

Le premier axe est sans doute celui qui vous intéresse le plus. Il vise à accompagner nos interventions dans les 200 quartiers d'intérêt national qui bénéficient du NPNRU. La loi Lamy a redéfini la géographie d'intervention de la politique de la ville et a défini un indicateur unique : la concentration de la pauvreté en milieu urbain. Dans ce cadre, 1 500 quartiers prioritaires ont été désignés ; en leur sein, nous avons sélectionné 200 quartiers qui présentent les dysfonctionnements les plus forts – dégradation du bâti, enclavement, manque de tranquillité publique… Ce sont des quartiers qui n'ont pas, ou peu, bénéficié des investissements du premier programme de rénovation urbaine, lancé en 2004. Je précise que 250 quartiers d'intérêt régional ont également été identifiés.

Sur ces 200 quartiers d'intérêt national éligibles au PIA 2, nous en avons sélectionné vingt pour approfondir les thématiques de la transition énergétique, et plus largement de la ville durable et des usages renouvelés de l'espace urbain. C'est le premier objectif. Pourquoi ces quartiers seraient-ils les derniers à bénéficier de l'innovation ? Les investissements y seront massifs : nous avons là un terrain de jeu, si vous me permettez l'expression, pour agir et innover à l'échelle d'un quartier tout entier plutôt que d'un immeuble.

Nous accompagnerons donc fortement ces vingt quartiers ; les autres bénéficieront ensuite des résultats de ces expériences.

Notre deuxième objectif est de diminuer le reste à charge des habitants, par exemple en agissant sur l'efficacité thermique – ce qui est bon de façon globale pour la transition énergétique et écologique, mais permet aussi d'améliorer leur pouvoir d'achat.

Sur cette base, nous avons lancé un appel à manifestation d'intérêt : soixante-trois quartiers se sont portés candidats, et nous en avons retenu vingt. Nous ne souhaitons pas néanmoins, nous focaliser sur ces seuls vingt lauréats, mais plutôt qu'ils deviennent une sorte de tête de pont, afin qu'assez rapidement, l'ensemble des soixante-trois villes qui se sont déclarées intéressées par la dynamique d'innovation que nous essayons de créer, puissent en profiter – même si ceux qui n'ont pas été retenus ne recevront pas ces subventions-là.

Les porteurs de projet ont choisi des thématiques différentes : énergie, eau, déchets, mobilité… Nous nous donnons une année pour faire mûrir les projets. Nous sommes en train d'établir les conventions qui permettront de lancer des études d'ingénierie destinées à les affiner. Nous pourrons ensuite passer à la phase d'investissement proprement dite, au cours de laquelle nous porterons une attention particulière à l'articulation de ces actions spécifiques avec le programme de rénovation globale du quartier. Au-delà des 71 millions du PIA 2, nous consacrons en effet 5 milliards d'euros à ces quartiers, sans compter les investissements des bailleurs sociaux et des villes elles-mêmes… Cela représente au total une vingtaine de milliards d'euros. L'apport du PIA 2 est donc financièrement marginal, même si nous comptons beaucoup sur son effet d'entraînement.

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Pourrez-vous nous transmettre la liste des soixante-trois quartiers qui ont été candidats ?

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Nicolas Grivel, directeur général de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, ANRU

Naturellement.

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Y aura-t-il un autre appel à manifestation d'intérêt, ou bien le premier couvre-t-il l'ensemble de la période ? Pourquoi n'avoir sélectionné que vingt projets ? Est-ce seulement pour des raisons financières ?

Les crédits consacrés à cet axe ont été ramenés de 85 à 71 millions d'euros : y a-t-il à cela d'autres raisons que des arbitrages budgétaires ?

Je précise que le second axe entre également dans le champ de notre mission.

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Nicolas Grivel, directeur général de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, ANRU

Le Premier ministre a en effet pris la décision d'attribuer 71 millions d'euros à cet axe au lieu des 85 initialement prévus. Mais cette décision a été prise avant l'établissement de la convention de l'ANRU avec l'État : nous avons donc conçu notre propre travail sur la base d'un budget de 71 millions d'euros.

S'agissant des quartiers à sélectionner, nous souhaitions en limiter le nombre pour que les subventions puissent avoir un effet réel – ces subventions doivent avoir un effet de levier, et je redis qu'elles s'additionnent à tous les autres investissements. Nous nous étions donné l'objectif de choisir entre quinze et vingt quartiers ; nous sommes allés jusqu'à vingt parce que nous avons reçu beaucoup de bons projets, portant sur des thèmes assez divers.

Il n'y aura pas de deuxième vague : nous pensons utiliser pour les vingt projets retenus la totalité de l'enveloppe attribuée – toujours pour essayer d'avoir une action efficace et d'éviter le saupoudrage. Il y a certes matière à faire plus. Nous sommes aussi au tout début du nouveau programme de renouvellement urbain, dans une phase de conception des projets ; nous pourrons donc sans doute approfondir ces sujets dans le cadre du PIA 3, déjà en cours de préparation. Les quartiers où intervient l'ANRU sont ceux où les dysfonctionnements sont les plus importants et les populations les plus fragiles : il faut saisir toutes les occasions qui se présentent pour y améliorer le reste à vivre, mais aussi pour les rénover globalement en vue d'assurer la transition énergétique.

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Comment articulez-vous les différentes actions menées par la Caisse des dépôts et consignations (CDC), l'Agence nationale de la recherche (ANR), l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME)… sur des projets similaires ? Je n'imagine pas que vous puissiez travailler en vase clos.

Comment doit fonctionner à votre sens cet effet de levier ? Les quartiers que vous évoquez méritent une attention tout à fait particulière, et aussi une évaluation de ces actions, menées depuis finalement assez longtemps : pouvez-vous nous donner des exemples de résultats concrets ?

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Nicolas Grivel, directeur général de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, ANRU

La question de la complémentarité des acteurs est évidemment centrale. Il y a une gouvernance spécifique du programme d'investissements d'avenir qui relève du Commissariat général à l'investissement. Nous avons pour notre part choisi une gouvernance proche de celle mise en place pour l'ANRU elle-même, créée, vous le savez, dans une logique de guichet unique et de partenariat national. Nous avons donc instauré un conseil qui se rapproche de notre propre comité d'engagement, qui examine et valide les projets de renouvellement urbain. La CDC est ainsi présente dans le comité d'engagement mais aussi dans le comité de pilotage du PIA. L'ADEME appartient également à ce comité de pilotage. Disposant d'une grande expérience dans les domaines concernés, elles ont été associées à la conception de notre programme mais aussi à la sélection des projets et participent au pilotage des opérations. Nos liens sont donc vraiment très étroits.

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Nicolas Grivel, directeur général de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, ANRU

Nous avons examiné de très près les soixante-trois candidatures reçues à la suite de l'appel à manifestation d'intérêt. C'est un processus qui m'a paru vraiment intéressant, car il associait le regard des membres du comité de pilotage, mais aussi des services locaux de l'État – directions départementales des territoires (DDT), directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) – et d'experts et de bureaux d'études, mieux à même que nous de faire le départ entre ce qui paraît séduisant sur le papier et ce qui peut se révéler vraiment fécond.

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Quel a été le rôle des collectivités territoriales ?

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Nicolas Grivel, directeur général de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, ANRU

Ce sont les porteurs de projet.

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Nicolas Grivel, directeur général de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, ANRU

Nous avons en effet organisé une série d'auditions, destinées à préciser certains projets. Nous souhaitions choisir quinze à vingt projets, et ce processus de sélection très approfondi nous a décidés à aller jusqu'à vingt.

Je précise, pour répondre plus complètement à votre question sur les complémentarités entre les différents opérateurs, que les projets que nous avons sélectionnés ne sont pas soutenus par d'autres opérateurs dans le cadre d'autres PIA – opérateurs qui peuvent par ailleurs soutenir d'autres projets dans la même métropole ou la même intercommunalité. Nous chercherons naturellement à assurer la meilleure complémentarité possible des actions des uns et des autres. L'ANRU cherche toujours à attirer dans les quartiers dont elle s'occupe des projets innovants.

Au-delà, il peut y avoir plusieurs dispositifs de soutien à l'innovation, à la transition énergétique dans certains territoires urbains. Chaque opérateur cherche à tirer les leçons des actions entreprises – réussites, mais aussi impasses, inévitables s'agissant d'innovation. Nous essayons ensuite d'apprendre ensemble, de partager nos expériences, quel que soit le cadre institutionnel dans lequel elles se sont déroulées.

La thématique de la ville durable fait parallèlement l'objet de différents travaux, visant à améliorer nos réalisations sur le territoire français, mais aussi à promouvoir notre travail et nos capacités à l'étranger. L'ANRU s'est vu confier par le Premier ministre la préfiguration d'un Institut pour la ville durable. Cette phase s'achève, et nous allons pouvoir mettre en place un réseau d'acteurs sur la ville durable, ainsi qu'une association venant en soutien de ce réseau. Cet institut a vocation à rassembler l'ensemble des acteurs publics, mais aussi privés – entreprises de toutes tailles et experts. Nous attendons beaucoup de ce partenariat, tant, je l'ai dit, pour faire progresser nos compétences que pour gagner des marchés à l'export.

Ce lieu de travail permettra de nouveaux échanges et partages de bonnes pratiques sur tout ce qui concerne la ville durable. Vous avez raison : il faut promouvoir la transversalité et la coopération.

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Pouvez-vous nous donner des exemples concrets de ces actions ? Associez-vous les usagers à vos projets ?

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Nicolas Grivel, directeur général de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, ANRU

Oui, nous essayons toujours d'associer les usagers de façon aussi étroite que possible. Le législateur a insisté sur ce point dans la loi du 21 février 2014, avec notamment la mise en place des conseils citoyens, qui sont associés à toutes les étapes de construction d'un projet ; les actions que nous évoquons aujourd'hui s'intègrent dans des projets plus larges de rénovation co-construits avec les habitants.

S'agissant des exemples concrets, nous n'en sommes qu'au tout début du deuxième programme. Lors du PIA 1, les expériences ont été très variées – certaines réussies, d'autres plus douloureuses. Un effort a été consenti pour mieux informer les habitants ; l'idée est maintenant d'aller plus loin dans la co-construction, donc de réunir les habitants très tôt, d'essayer d'analyser les usages du quartier, les attentes… Ce n'est pas à des élus que j'apprendrai à quel point ces tâches sont complexes. La gestion du temps est un point particulièrement délicat : il est très intéressant mais très difficile d'intéresser les habitants très en amont d'un projet. Le risque est grand de produire un certain découragement.

En rencontrant les conseils citoyens, nous voyons aujourd'hui – et je n'aurais peut-être pas fait la même analyse il y a quelques mois – des gens très investis, très mobilisés, qui attendent beaucoup de ces projets. Nous sommes, je crois, sur la bonne voie, ce que nous confirment des élus qui nous avouent qu'ils n'y croyaient pas, mais voient maintenant tout l'intérêt de cette démarche. Ne soyons pas angéliques : ce n'est ni facile, ni immédiat.

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Si l'enveloppe initiale de 85 millions d'euros avait été respectée, combien de projets supplémentaires auriez-vous pu financer ? Une simple règle de trois donnerait quatre projets retenus de plus.

Pouvez-vous donner plus d'exemples concrets, comme le demandait Mme Rohfritsch ?

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Nicolas Grivel, directeur général de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, ANRU

Sur le premier point, c'est en effet un calcul que l'on peut faire. Avec une enveloppe financière plus importante, nous aurions également pu faire le choix d'augmenter les sommes allouées par projet. Il faut toutefois garder à l'esprit, s'agissant d'innovation, la nécessité de pouvoir concentrer nos efforts sur un noyau dur et de ne pas nous disperser. En l'occurrence, il me semble que nous aurions pu gérer quelques projets supplémentaires.

Néanmoins, en passant de 85 à 71 millions d'euros, on reste dans le même ordre de grandeur : il ne s'agit pas d'une division par deux. De plus, ce programme est arrimé au NPNRU : il permet donc de faire plus avec des sommes relativement limitées. Pour aller plus loin et associer davantage de quartiers, il faudra en effet des fonds plus importants : nous comptons pour cela sur le PIA 3, qui en outre arrivera au bon moment – les projets auront mûri, et notre expérience sera plus importante.

En ce qui concerne l'évaluation du renouvellement urbain, les interventions lancées au titre du premier programme de rénovation urbaine, lancé en 2004, ont été massives : l'ANRU aura investi au total 12 milliards d'euros, et tous financeurs confondus c'est plus de 50 milliards qui auront été investis jusqu'en 2020. Beaucoup de choses sont donc encore en train de se faire.

Les actions menées ont été beaucoup débattues, notamment lorsque le Parlement a discuté du projet de loi Lamy. Le regard est très positif sur les changements intervenus dans les quartiers, sur les modifications tangibles du cadre de vie – démolitions, reconstructions de logements, diversification des formes d'habitat… Il suffit de se rendre dans des villes où un quartier a été travaillé et pas un autre pour constater l'ampleur du contraste. Dans certains quartiers, on a pu faire diminuer la proportion de logements sociaux en proposant des logements en accession à la propriété ou des logements en locatif libre. On a refait des écoles, des équipements culturels et sportifs… Les services rendus aux habitants ont donc été nettement améliorés. Il faut insister aussi sur la modification de la trame des quartiers : on a supprimé des circulations incompréhensibles, des circulations en escargot… pour ouvrir les quartiers et les relier au reste de la ville. Il y a, je crois, un consensus sur l'intérêt bien réel de ces interventions.

Il y a également un consensus sur leurs limites. Tout d'abord, le programme a démarré physiquement à la fin des années 2000 : il s'est donc entièrement déroulé dans une période de crise économique et sociale ; or on sait bien que les habitants de ces quartiers sont toujours les premières victimes des dégradations de la conjoncture et les derniers à bénéficier des reprises économiques. Leur situation économique et sociale est donc restée difficile.

De plus, les mêmes populations sont demeurées dans les mêmes quartiers, certes devenus plus jolis. Le brassage des populations à l'échelle plus large n'a pas eu lieu : dans le cadre du deuxième programme, nous essayons donc de réfléchir à une meilleure répartition des différentes formes d'habitat – logements sociaux, parc de logements locatifs privés, accession à la propriété… – à l'échelle d'une métropole ou d'une intercommunalité. Ce rééquilibrage des territoires, ainsi qu'une meilleure politique de peuplement, doivent permettre d'éviter particulièrement les phénomènes de forte concentration de la pauvreté dans quelques quartiers.

Il faut également porter une attention particulière au volet économique : c'était l'un des points faibles du premier programme, qui n'a pas réussi à faire naître des fonctions économiques dans ces quartiers, ni à rendre ces fonctions économiques de la ville plus accessibles aux habitants. Ces quartiers demeurent presque entièrement résidentiels, avec une dimension économique et commerciale très peu marquée. Je ne dis nullement que les acteurs ont oublié ce sujet, mais c'est une tâche très difficile. Ce sont des problèmes auxquels il faut réfléchir à une échelle plus vaste que celle du quartier, et c'est pourquoi le législateur a souhaité que les nouveaux programmes soient pensés à l'échelle intercommunale, pertinente pour réfléchir à une stratégie de l'habitat, de l'emploi, de la mobilité ; souvent, l'arrivée d'un métro ou d'un tramway est décisive pour changer l'image d'un territoire.

Quant aux projets, plusieurs thèmes sont présents, et pertinents pour une rénovation de tout un quartier : énergie, gestion de l'eau, gestion des déchets, mobilités et transitions douces, mais aussi valorisation de friches, parfois de friches polluées. La question de la santé est, de façon transversale, souvent abordée ; plusieurs projets tournent autour de l'alimentation.

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Avez-vous des projets de jardins partagés ?

Quels financements vous paraîtraient nécessaires, ou souhaitables, pour le lancement d'un PIA 3 ?

Pouvez-vous dire quelques mots du second axe ? L'investissement en fonds propres n'est pas votre coeur de métier : comment vous appropriez-vous cette mission nouvelle ?

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Nicolas Grivel, directeur général de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, ANRU

Les jardins partagés sont très présents dans les projets de rénovation urbaine. C'est souvent une demande forte des habitants, qui se les approprient très vite. Ils contribuent à améliorer la vie sociale, et ils sont le plus souvent très bien respectés : il y a très peu de dégradations. Vous trouverez des jardins partagés dans certains des projets que nous avons sélectionnés, mais intégrés dans un cadre plus global – au sein de projets portant par exemple sur la santé, l'alimentation, le renforcement du lien avec la nature…

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Comment vos projets s'articulent-ils avec les ÉcoQuartiers ?

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Nicolas Grivel, directeur général de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, ANRU

Il n'y a pas d'articulation institutionnelle systématique. Nous mettons souvent en avant la charte des ÉcoQuartiers, qui correspond bien à notre message. Inversement, une part importante des quartiers labellisés comme ÉcoQuartiers sont des quartiers qui ont été rénovés par l'ANRU. Sans que nous fassions une promotion particulière de cet exercice, les élus, déjà engagés dans une démarche de rénovation, font en effet souvent les efforts supplémentaires nécessaires pour obtenir ce statut – et nous les soutenons, bien sûr.

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Quel est vraiment pour vous l'intérêt de ces 71 millions d'euros ? Ceux-ci visent l'innovation forte, de rupture, ce qui paraît difficile à mettre en oeuvre dans le cadre que vous décrivez.

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Nicolas Grivel, directeur général de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, ANRU

Je comprends que vous vous demandiez si ces 71 millions d'euros ne vont pas être noyés dans d'autres financements. À mon sens, ces fonds doivent constituer un aiguillon.

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Nicolas Grivel, directeur général de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, ANRU

Nous n'en sommes encore qu'à la préfiguration.

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Certes, mais vous connaissez la méthode, les projets, les quartiers. Quel est celui qui attendait vraiment cette manne supplémentaire ?

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Nicolas Grivel, directeur général de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, ANRU

Qu'aurions-nous fait sans PIA ? C'est une bonne question. Le premier programme de rénovation urbaine a permis certaines avancées écologiques – on peut penser au projet important des Mureaux. Dans le cadre du NPNRU, qui s'inscrit dans un contexte marqué par la COP21 et la loi relative à la transition énergétique, l'accent mis sur les problèmes écologiques sera évidemment plus fort encore.

Mais le PIA me semble avoir de vraies vertus : le risque pour nous est de travailler quartier par quartier, en tuyaux d'orgue, dans un mouvement certes d'écoute et de financement de projets qui nous viennent du terrain, mais auquel l'animation, la stimulation permises par des innovations venues d'ailleurs pourraient faire défaut. Le PIA permet d'investir et de financer des projets de transformation, vraiment innovants dont nous pourrons tirer les enseignements pour aller plus loin. Il doit nous permettre de construire une démarche d'innovation en allant chercher des acteurs auxquels nous n'aurions pas spontanément fait appel.

Il est intéressant pour l'ANRU d'être gestionnaire de PIA pour différentes raisons, mais en particulier parce que ces projets peuvent en retour nous amener à transformer l'ensemble de nos programmes. Nous développons des projets de smart grids, de gestion de l'eau… qui n'auraient sans doute pas existé sans la spécificité du PIA.

S'agissant du second axe, qui porte sur la diversification fonctionnelle, avec des financements en fonds propres, il nous conduit en effet à exercer un métier quelque peu nouveau, celui d'investisseur. Il s'agit en effet d'accompagner des investisseurs privés qui ne vont pas spontanément dans les quartiers, afin d'apporter de l'activité économique – hôtels d'entreprises, centres d'affaires de quartier, pépinières… – ou de l'activité commerciale, mais aussi d'opérer une diversification des formes d'habitat en construisant par exemple des résidences pour seniors ou pour étudiants.

Il nous faut donc identifier des investisseurs qui pourraient être intéressés si nous leur proposons un partage du risque financier. C'est un sujet très difficile, mais très prometteur : la rénovation urbaine transforme les quartiers de fond en comble, non seulement en changeant le cadre de vie, mais aussi les rendant plus accessibles ; ils deviennent donc plus attractifs, et leur image peut évoluer. Certains quartiers, déjà transformés par le premier programme de rénovation urbaine, peuvent déjà espérer recevoir de tels investissements.

Dans les 1 500 quartiers désignés comme prioritaires par la politique de la ville, nous cherchons donc des lieux qui pourraient accueillir ces nouvelles fonctions économiques, mais aussi des investisseurs qui pourraient être intéressés, et des projets qui pourraient nous réunir. Nous devons raisonner en investisseurs, dans une logique à la fois d'investisseur avisé et d'investisseur d'intérêt général, avec des objectifs de rentabilité qui ne sont pas forcément ceux d'autres acteurs.

Nous avons conclu sur ce sujet une convention avec la CDC, ce qui devrait renforcer la confiance des acteurs privés.

Nous en sommes au tout début, c'est-à-dire à la captation de la bonne volonté d'élus qui cherchent à développer des projets économiques d'un côté, et de l'autre côté d'investisseurs qui croient au potentiel de ces quartiers, qui comprennent qu'il y a un risque supplémentaire, mais aussi peut-être, à terme, une rentabilité plus forte. Il nous revient d'organiser la rencontre de ces deux univers, qui s'ignorent souvent : on ne pense pas spontanément aux quartiers de la politique de la ville, qui sont essentiellement résidentiels et parfois difficiles, comme à des lieux adaptés à l'investissement économique. Pourtant, la nouvelle attractivité née de la rénovation peut permettre d'attirer des investissements qui à leur tour accéléreront les changements.

Restera encore à insérer ces projets d'investissement dans un projet global de ville durable et solidaire, afin qu'ils soient non seulement un levier de diversification fonctionnelle mais aussi d'insertion dans une ville durable.

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Je répète mes questions : quels fonds estimez-vous nécessaires pour un PIA 3 ? Quelle est votre expérience en matière de gestion de fonds propres ?

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Nicolas Grivel, directeur général de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, ANRU

S'agissant du PIA 3, je mettrai l'accent sur le premier axe que j'ai développé : nous avons la matière pour aller plus loin – on pourrait ainsi calculer les montants nécessaires pour toucher les 200 quartiers d'intérêt national. Mais, dans un PIA 3, nous ne chercherions plus forcément uniquement la nouveauté, la rupture ; nous pourrions déployer les innovations qui résulteront du PIA 2, donc accompagner davantage de projets.

S'agissant du co-investissement, les sommes allouées aujourd'hui sont importantes ; de plus, nous sommes toujours investisseurs minoritaires : elles permettront donc des actions fortes. Pour le moment, nous devons d'abord réussir à mobiliser les montants prévus par le PIA 2 ; cela prendra du temps, mais nous croyons pouvoir réussir. Bien sûr, en fonction des calendriers et des échéances, le PIA 2 pourra s'articuler avec un PIA 3.

Il faut aussi souligner que nous devrons ensuite gérer des actifs pour dix ou quinze ans – ce sont des programmes à long terme.

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Le temps qui nous était imparti est écoulé. Merci.