Intervention de Philippe Gomes

Séance en hémicycle du 31 mars 2016 à 15h00
Débat sur l'accueil des réfugiés en europe

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Gomes :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger, madame la présidente de la commission des affaires européennes, mes chers collègues, l’Europe est aux prises avec une double crise, migratoire et sécuritaire.

Elle est passive et inorganisée face à la menace globale et sournoise que représente la barbarie de Daech. Elle est médusée et impuissante lorsque des familles de réfugiés fuyant la guerre sont charriées par milliers sur ses rivages, jetées sur les routes. Tant et si bien que ce n’est pas sur l’accueil des réfugiés en Europe que notre débat de ce jour aurait pu, et aurait sans doute dû porter, mais sur l’absence d’une véritable politique européenne d’accueil des réfugiés.

Nous sommes aujourd’hui confrontés à un triple défi.

Il s’agit d’un drame humanitaire, puisque depuis que l’accord entre l’Union européenne et la Turquie est intervenu, 50 000 migrants sont venus se jeter dans l’impasse grecque, amplifiant ainsi la crise profonde traversée par un pays épuisé par l’austérité. Les migrants, harassés par leur périple, s’entassent par centaines dans le port du Pirée, où les abris de fortune fleurissent devant les portes closes de l’Europe.

Il s’agit aussi d’un péril sécuritaire, puisque les terroristes cherchent à tirer parti de la panique et de la désorganisation engendrées par les flux de migrants pour entrer sur le sol européen et tenter d’y perpétrer leurs abominables forfaits.

Enfin, il s’agit d’une épreuve pour l’Europe, pour ses valeurs qui ne sont plus que balbutiées, quand elles ne sont pas contrariées, pour sa gouvernance, aujourd’hui paralysée – une Europe inerte comme pétrifiée par les vagues de migrants.

Nous ne pouvons que déplorer de la voir céder au chantage turc et renoncer au droit d’asile en refoulant les migrants, faute d’avoir su trouver une politique migratoire et sécuritaire commune.

Le silence de la France, monsieur le secrétaire d’État, nous a semblé coupable. Il fait malheureusement écho à son inaction, à ses hésitations et disons-le à ses ambiguïtés, depuis que cette crise migratoire a éclaté.

Lorsque le Premier ministre s’est exprimé devant l’Assemblée nationale, le 16 septembre 2015, notre groupe a indiqué qu’il soutenait la décision du Président de la République d’accueillir 30 000 réfugiés, tout en soulignant que la France, qui porte les valeurs des droits de l’homme en étendard, n’avait pas suffisamment pesé dans la gestion de cette crise et ne pouvait se satisfaire de la situation.

Je crains que cela ne soit toujours vrai.

Pour autant, face à cette crise migratoire qui met en exergue les échecs de notre modèle d’intégration, qui a fait voler Schengen en éclats, notre groupe ne prône pas un angélisme béat ni une générosité dont nous n’avons plus les moyens. En revanche, nous sommes convaincus que nous pouvons organiser une réponse plus ambitieuse, fidèle à notre histoire et adaptée aux enjeux immenses que soulève cette crise migratoire.

Pour cela, nous défendons trois principes.

Premièrement, la France doit pourvoir, au niveau européen, à la mise en place d’une politique migratoire et d’une politique d’asile commune.

Celle-ci passe par l’évaluation de nos besoins démographiques et économiques, par une convergence entre les différents systèmes de traitements des demandes d’asile et par une prise en compte précise des spécificités de chaque État européen, afin qu’il participe à l’effort d’accueil en fonction de ses capacités.

Deuxièmement, la France doit affirmer clairement que sa priorité est d’accueillir dignement celles et ceux qui fuient la guerre. Pour y parvenir, notre groupe propose d’intensifier la lutte contre l’immigration irrégulière, mais aussi de suspendre les demandes de regroupement familial et, de manière plus générale, tout ce qui relève de l’immigration économique jusqu’à nouvel ordre, afin de donner la priorité à celles et ceux qui fuient la guerre, c’est-à-dire aux réfugiés politiques.

Enfin, nous devons parvenir à la bonne articulation des différents niveaux d’intervention publique. Il appartient à l’État de définir une ligne directrice ferme, pour que les réfugiés s’intègrent dans de bonnes conditions au sein de notre société, sur notre marché du travail, et qu’ils apprennent la langue française ainsi que les droits et les devoirs de la République.

Pour autant, il nous a semblé aberrant que l’État puisse fixer seul un nombre de réfugiés à accueillir, sans même consulter les collectivités territoriales, comme cela a été le cas en Allemagne. Nous nous sommes ainsi privés des intelligences et des générosités territoriales dont nous manquons aujourd’hui pour réussir le défi d’accueillir ces réfugiés, qui peuvent représenter une chance pour la France.

Telles seraient, selon notre groupe, les trois fondements d’une véritable politique d’accueil des réfugiés, responsable et concertée, fidèle à nos traditions et à nos valeurs, en France comme en Europe.

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