La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
L’ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi relatif à l’information de l’administration par l’autorité judiciaire et à la protection des mineurs (no 3586).
La parole est à M. Erwann Binet, rapporteur de la commission mixte paritaire.
Monsieur le président, madame la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, mes chers collègues, il ne nous aura fallu que quatre mois pour que ce projet de loi parvienne au terme de la procédure parlementaire. Cette célérité trouve évidemment sa source dans le consensus qui a régné sur tous les bancs de notre assemblée, et sur tous les bancs du Sénat, pour mettre fin aux faits divers sordides qui, trop souvent, défraient la chronique.
Je n’ai pas besoin de rappeler les deux affaires qui, au début de l’année 2015, avaient révélé, à la grande émotion de chacun, les drames permis par les déficiences de notre droit et dont des écoliers ont été tristement victimes. En tant qu’hommes et femmes, nous exprimons notre compassion et notre solidarité avec les familles. En tant que législateurs, nous avons une responsabilité plus grande : parfaire la loi, corriger ses imperfections, circonvenir les risques. Pour ces familles, et notamment celles de Villefontaine auxquelles je pense d’abord aujourd’hui, le temps a été bien long jusqu’à ce jour.
Nous avions pourtant essayé d’aller au plus vite, par voie d’amendements à la loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne, dite loi DDADUE, durant l’été 2015. Le Conseil constitutionnel ne l’avait pas admis pour des raisons formelles. C’est donc un projet de loi en bonne et due forme, présenté en conseil des ministres le 25 novembre, que l’Assemblée nationale avait adopté le 8 décembre dernier. Je tiens à saluer, madame la ministre, votre engagement en faveur de ce texte afin qu’il aboutisse rapidement.
Le Sénat a procédé avec le même soin et la même volonté d’action, sur le rapport de M. François Zocchetto que je tiens à remercier, ici, pour la qualité de nos travaux. Le 26 janvier dernier, les sénateurs adoptaient à leur tour le projet de loi.
Il me revient de vous exposer le sens de l’accord auquel est parvenue la commission mixte paritaire sur les trois articles demeurant en discussion.
Je commencerai par le dernier, l’article 3, qui traite du code de l’action sociale et des familles. Le Sénat a renforcé la surveillance des départements sur les personnes partageant le domicile des assistants maternels, en permettant la consultation du bulletin no 2 du casier judiciaire et non plus seulement du bulletin no 3. Nous avons approuvé cette évolution avec, je le précise, le soutien des députés de l’opposition particulièrement engagés sur cette disposition – Guy Geoffroy et Claude de Ganay.
Une divergence entre députés et sénateurs existait pour les deux dispositions restantes.
À l’article 1er A, le Sénat avait rendu systématique, sauf décision motivée contraire, la peine d’interdiction de travail au contact des mineurs pour toute personne condamnée pour agression sexuelle. C’est un point auquel l’Assemblée nationale s’est opposée : notre ligne de conduite est que les tribunaux prononcent des peines. La rédaction du Sénat prévoyait que les tribunaux prononcent une absence de peine. Nous avons donc obtenu la suppression de l’article 1er A.
À l’article 1er, nous avions prévu une information de l’administration en cas de condamnation d’un agent, en cas de poursuite ou de mise en examen, et dès le stade de la garde à vue ou de l’audition libre à la condition, dans ce dernier cas, de l’existence d’indices graves et concordants comme le Conseil d’État l’avait suggéré dans son avis.
Le Sénat a approuvé les deux premières hypothèses. Mais il a estimé qu’agir dès la garde à vue ou l’audition libre portait une atteinte excessive à la présomption d’innocence.
Il est vrai que, s’il existe des indices graves ou concordants d’une agression, la mise en examen ou la poursuite doit être immédiate. En outre, la décision de communication du procureur de la République à la source de sanctions administratives aurait pu être indirectement contestée devant le tribunal administratif, ce qui aurait soulevé un problème considérable en termes de compétence contentieuse. Mais surtout, si une suspension conservatoire ne fait pas grief en droit, elle a des conséquences dans la réalité. Une personne écartée pour suspicion de pédophilie voit sa carrière, sa famille, sa vie, brisées. Notre prudence ne doit pas être à sens unique et l’on sait que les autorités sont régulièrement destinataires de dénonciations malveillantes et fantaisistes. La CMP a donc admis la position sénatoriale sur l’article 1er.
D’autres modifications mineures ont été apportées. Je veux évoquer seulement ici celles qui concernent la liste des infractions donnant lieu à communication automatique. La CMP a retenu tous les cas de harcèlement sexuel et non les seules infractions sur mineur de quinze ans. Elle a en revanche retiré le délit d’exhibitionnisme, puni de seulement un an d’emprisonnement et dont le coupable n’est pas uniquement le pervers en imperméable à la sortie de l’école ; c’est aussi celui qui se promène nu chez lui et qui est aperçu par la fenêtre. Adresser un signalement à l’employeur a du sens dans le premier cas – le texte le permet d’ailleurs – mais il n’en a guère dans le second, convenons-en.
Telles sont les bases du compromis, acceptable par chacun, auquel est parvenue la commission mixte paritaire. J’engage l’Assemblée nationale à l’adopter pour que ce texte puisse entrer en vigueur au plus tôt. Nous le devons pour signifier notre soutien aux victimes, et surtout pour empêcher la répétition de faits que nous ne voulons plus revoir sur le territoire de la République.
La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration de la République, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, nous nous retrouvons aujourd’hui pour débattre du texte auquel la commission mixte paritaire a abouti la semaine dernière et, je crois que nous l’espérons tous, pour donner un ultime élan à ce texte absolument indispensable au bon fonctionnement des institutions.
Il y a une forme de hasard dans le calendrier d’examen de ce projet de loi. Il vient en débat une dernière fois à l’Assemblée nationale un an tout juste après les terribles événements qui ont marqué la vie de chacun des enfants de l’école Mas de la Raz à Villefontaine.
Il y a un an, les enfants et leurs familles ont vécu avec horreur un scénario qui leur semblait impensable. L’école de la République, dans laquelle ils avaient confiance, avait laissé perdurer dans ses murs un prédateur sexuel, condamné quelques années auparavant pour des faits graves qui auraient dû conduire l’institution scolaire à le révoquer.
Faute d’information, elle n’a pu le faire et c’est finalement à moi qu’il est revenu, bien trop tard malheureusement, de radier ce directeur d’école. C’était il y a un an, le 30 mars 2015.
Nous connaissons tous l’enchaînement dramatique des faits et les dysfonctionnements graves et systémiques que cette affaire nous a révélés, s’agissant de l’absence de transmission d’informations entre l’autorité judiciaire et les administrations.
Comme vous tous dans cet hémicycle, j’ai été profondément choquée et marquée par ces événements que je ne pouvais imaginer possibles, dix ans après que ma collègue ministre, Ségolène Royal, a pris une série d’actes forts contre ce fléau qu’est la pédophilie.
Et comme vous tous aussi, j’ai eu le souci de dépasser l’émotion et la colère pour me concentrer sur la construction de mécanismes et de procédures de nature à empêcher à tout jamais cette situation choquante de se reproduire.
Ce long travail, je l’ai engagé avec la collaboration active de Christiane Taubira à qui je veux rendre hommage. Autant vous dire que c’est avec la même détermination que nous le poursuivons avec son successeur, Jean-Jacques Urvoas.
En aboutissant à un texte commun, la commission mixte paritaire a fait une oeuvre essentielle : elle a fédéré les volontés exprimées dans les deux chambres autour de quelques principes forts, qui changeront véritablement la pratique de nos institutions.
Loin du flou auquel les magistrats étaient jusqu’alors réduits, obligation sera demain faite à ces derniers de porter à la connaissance des administrations les condamnations les plus graves prononcées à l’encontre de personnes travaillant habituellement au contact des mineurs.
Dans un cadre désormais sécurisé et apportant toutes les garanties nécessaires pour les personnes mises en cause, les transmissions d’informations pourront intervenir en amont des condamnations pénales.
Je veux insister sur l’importance de ces mesures au sujet desquelles nous avons eu de nombreux débats. Ce qui m’importe à moi, en tant que ministre de l’éducation nationale, c’est que mon administration puisse intervenir au bon moment au nom de la protection des mineurs bien sûr, mais aussi avec le souci de protéger les intérêts des personnes mises en cause, qui demeurent présumées innocentes.
Si je me range aujourd’hui à la position que votre commission mixte paritaire a adoptée, c’est parce que j’ai confiance dans les nouveautés que ce texte apporte et dans l’esprit de responsabilité des magistrats.
Avec ce texte, nous permettrons, dans tous les cas, aux magistrats, dans le cadre d’un contrôle judiciaire ou d’une assignation à domicile avec surveillance électronique, d’interdire à un individu mis en examen d’exercer une activité impliquant un contact habituel avec un mineur.
Je veux, comme vous tous, croire que lorsqu’il existera des indices graves et concordants de l’existence d’une infraction grave, les magistrats s’emploieront sans tarder à engager des poursuites ou à décider une mise en examen. C’est à ce stade-là que mon administration sera informée.
Ce compromis auquel vous êtes parvenus, par-delà les approches partisanes, sera la base sur laquelle de nouvelles pratiques se mettront en place dans les tribunaux comme dans les administrations.
Je veux donc saluer l’esprit de responsabilité qui vous anime sur tous les bancs de cette assemblée et le travail qu’ont conduit votre rapporteur Erwan Binet et le président de la commission des lois. J’ai mesuré, depuis un an, l’engagement de celui-ci pour que ce texte aboutisse et qu’un compromis solide soit trouvé afin de faire avancer le droit et les pratiques.
C’est une ambition qui a animé beaucoup d’entre vous depuis le départ. Je pense en particulier à Cécile Untermaier ou encore à Colette Capdevielle, qui ont travaillé sur ces sujets.
Je voudrais saluer également les avancées qui ont été réalisées concernant le régime d’incapacité pour diriger ou exercer au sein des établissements, services ou lieux de vie et d’accueil régis par le code de l’action sociale, ainsi qu’en matière de surveillance des entourages des assistants maternels.
Nous avons là un très bel exemple de la coopération active entre les deux assemblées puisque ce sujet était venu en débat au Sénat. Nous avions fait confiance à l’Assemblée pour avancer et détailler les mécanismes. Nous avons aujourd’hui une oeuvre collective, qui a mobilisé les contributions sur tous les bancs, dans toutes les chambres. Je ne doute pas que M. de Ganay y reviendra dans le cadre de la discussion générale. Je l’espère en tout cas.
En adoptant ce texte, l’Assemblée nationale apportera donc sa contribution pour faire avancer le droit sur ce sujet extrêmement sensible et pour lequel notre législation avait du retard. Un retard qui n’est pas sans conséquence : à refuser un cadre légal clair et précis, nous avions laissé perdurer des failles visibles pour les prédateurs sexuels dont on sait qu’ils recherchent précisément des contextes professionnels dans lesquels ils peuvent côtoyer des enfants.
En adoptant ce texte, vous devez aussi avoir conscience que si vous donnez pour la première fois un cadre sécurisé aux professionnels, vous n’apportez pas une réponse complète aux errements du passé, qui, par définition, ne sont pas concernés par un texte qui ne peut être rétroactif.
Je me souviens, lorsque j’étais allée voir les familles à Villefontaine, que plusieurs d’entre elles m’avaient dit leur satisfaction que la loi évolue, mais aussi leur angoisse : et si d’autres prédateurs étaient toujours en fonction au sein de l’école, protégés par la méconnaissance de leurs condamnations passées ?
Sur cette question, j’avais pris l’engagement devant les familles de prendre mes responsabilités. Cet engagement est tenu. Ce matin même, j’ai publié au Bulletin officiel de l’éducation nationale la circulaire régissant l’opération de contrôle systématique des antécédents judiciaires que j’ai voulue pour les agents en contact avec des mineurs relevant de mon ministère. Il s’agit là d’une opération inédite, qui consistera à contrôler les casiers B de 850 000 agents et à croiser les informations avec le fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles, le FIJAIS.
Cette mesure m’est apparue indispensable. Indispensable pour montrer aux familles que nous avons tiré toutes les leçons de l’affaire de Villefontaine. Indispensable aussi pour que l’on en finisse avec la suspicion qui pèse sur les agents de l’éducation nationale. Cette suspicion, nous devons démontrer qu’elle n’est pas fondée, non par le discours mais par les actes et par la transparence sur les opérations de contrôle.
C’est la même volonté de transparence, vous le savez, qui m’a conduite à solliciter une enquête administrative sur l’affaire de Villemoisson-sur-Orge dans laquelle, en 2007, un enseignant n’a pas été sanctionné par l’éducation nationale alors qu’il avait été condamné de manière définitive par un tribunal anglais. Comme pour Villefontaine, je tirerai toutes les conséquences du rapport que me remettra prochainement l’inspection générale sur cette affaire.
Pour que notre organisation soit sans faille face aux prédateurs, les textes sont nécessaires mais insuffisants. Nous avons donc, avec la chancellerie, préparé depuis un an les professionnels de terrain, dans les parquets comme dans les rectorats, à fonctionner avec les nouveaux principes que, je l’espère, vous adopterez largement. Ainsi, depuis la rentrée scolaire 2015, des « référents éducation nationale » sont nommés dans chaque parquet et des « référents justice » sont identifiés dans chaque rectorat. En fin d’année dernière, les référents de mon ministère ont été formés pendant trois jours avec l’appui de la chancellerie, pour que chacun maîtrise le cadre juridique dans lequel s’inscrivent les transmissions d’informations ainsi que les décisions que l’administration est amenée à prendre, à titre conservatoire ou disciplinaire. Nous avons également mis en place des procédures officielles et sécurisées d’échange d’informations.
Pour tout vous dire, les textes d’application prévus par le projet de loi sont même déjà prêts, puisque nos administrations ont travaillé tout au long de la procédure parlementaire pour que nous mettions en oeuvre cette loi au plus vite dans l’intérêt de tous.
Aussi me suis-je permis de m’ouvrir à votre rapporteur de mon regret après que la commission mixte paritaire eut retenu le renvoi à des décrets en Conseil d’État plutôt qu’à des décrets simples pour la mise en oeuvre de cette loi. Comprenez-moi bien, il ne s’agit aucunement de faire une quelconque offense à cette institution garante du droit. C’est au contraire en plein accord avec le Conseil d’État que nous avions opté pour des décrets simples que nous pourrions publier plus rapidement. Sachant que votre assemblée est sensible à cette rapidité d’exécution, j’ai déposé en ce sens un amendement dont j’espère qu’il recueillera votre accord.
Mesdames, messieurs les députés, le texte de la commission mixte paritaire qui est soumis à votre approbation nous offre le cadre qui nous a tant manqué ces dernières années pour protéger les mineurs. Il nous donne à nous, ministres, la capacité de ne pas simplement dénoncer les dysfonctionnements, mais d’agir avec les professionnels de terrain. En nous apportant votre soutien sur un projet très largement co-construit avec votre assemblée, vous nous donnerez les instruments d’une redoutable efficacité, sans jamais renoncer à aucune des garanties qui sont accordées aux personnes. C’était votre demande et c’est le sens du travail qui a été conduit par votre rapporteur, en collaboration avec le Sénat. Vous êtes parvenus à un texte efficace et novateur. Je vous remercie par avance de son adoption.
Applaudissements sur tous les bancs.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, les récents scandales qui ont brisé la vie de jeunes enfants, plongé des familles entières dans la souffrance et lourdement entaché l’honorabilité de nos institutions, nous obligent. Ils nous obligent à tout faire pour que de telles horreurs ne puissent pas se reproduire et pour que la loi garantisse au mieux la protection juridique de nos enfants.
Ce projet de loi est le fruit d’un rigoureux travail parlementaire qui aura sollicité l’attention de nos deux assemblées et du Gouvernement. Je tiens à saluer les élus de la majorité et de l’opposition, qui auront su travailler en bonne intelligence pour mener ce projet à son terme. Je remercie également le Gouvernement d’y avoir intégré des dispositions émanant du groupe Les Républicains.
Ce projet de loi poursuit deux objectifs principaux.
Le premier est d’assurer une transmission optimale des informations entre les parquets et les administrations concernées, dès lors qu’un individu serait condamné ou ferait l’objet d’une procédure judiciaire, afin que les incompréhensibles ratés que nous avons connus ne se reproduisent plus.
Le second est d’écarter toute personne condamnée définitivement pour délit pédophile des métiers impliquant un contact avec des mineurs, et ce quelle que soit la durée de la peine prononcée par le juge.
De ces deux objectifs, nous avons pu constituer un projet de loi cohérent et utile. J’appelle votre attention sur deux articles en particulier.
L’article 1er institue un régime général de communication d’informations permettant aux parquets, sous certaines conditions et s’ils le jugent opportun, de transmettre à l’administration les décisions de condamnation ainsi que, par dérogation au secret de l’enquête et de l’instruction, les décisions de mise en examen et de renvoi devant une juridiction de jugement pour tout crime ou tout délit puni d’une peine d’emprisonnement.
Il complète également les mesures pouvant être décidées dans le cadre d’un contrôle judiciaire, afin de prévoir explicitement l’interdiction d’exercer une activité au contact habituel des mineurs, y compris dans le cas où l’infraction n’a pas été commise dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de l’activité, dès lors qu’il est à redouter qu’une nouvelle infraction soit commise.
Il prévoit enfin, dans le but d’assurer une protection élevée des mineurs, un régime d’information renforcé obligeant les parquets à adresser une information à l’administration sur la condamnation ou le placement sous contrôle judiciaire, assortie de la nouvelle interdiction d’exercice d’une activité au contact de mineurs pour certaines infractions limitativement énumérées.
Ce dispositif évitera que soient répétées les fautes inexcusables que nous avons connues au sein de l’éducation nationale. Les familles qui ont été bouleversées par ces drames attendent de l’État une organisation sans faille.
L’article 3, quant à lui, vise à rendre automatique l’incapacité d’exercice pour les personnes définitivement condamnées pour des faits de pédophilie ou de détention d’images pédopornographiques, indépendamment du quantum de peine prononcé. Cette disposition existait déjà pour les crimes ; nous ne faisons que l’étendre aux délits : c’est une mesure de simple bon sens. Je me réjouis que le Gouvernement ait retenu ce dispositif, objet d’une proposition de loi que j’avais déposée avec mon collègue Guy Geoffroy.
L’article contient également des dispositions relatives aux modalités de renouvellement de l’agrément des assistants familiaux. Désormais, chaque renouvellement de l’agrément sera conditionné au contrôle des antécédents judiciaires des majeurs vivants au foyer de l’assistant.
Plus largement, l’article prévoit que les présidents des conseils départementaux seront désormais destinataires, dans le cadre des demandes d’agrément, d’un extrait du bulletin no 2 du casier judiciaire de chaque majeur vivant au domicile du demandeur, lequel bulletin contient plus d’informations que l’extrait du bulletin no 3 transmis actuellement.
Je me félicite de la prochaine adoption de ces mesures qui, je le crois, représentent un réel progrès. Nous sommes, en cette assemblée, tenus par une lourde responsabilité : celle de tout faire pour assurer la protection juridique des plus vulnérables. Il est parfois reproché aux parlementaires de légiférer trop fréquemment, et sur des sujets secondaires. Ce texte, attendu par de nombreux parents, constituera une réelle avancée en matière de protection des mineurs. C’est pourquoi le groupe des Républicains le votera.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce projet de loi concerne un sujet grave, celui de la lutte contre la pédophilie et de la protection des mineurs. Il intervient quelques mois après les récentes affaires de pédophilie dans des établissements scolaires. À Villefontaine, notamment, l’éducation nationale n’a appris la condamnation d’un enseignant, remontant au 25 juin 2008, que lorsque celui-ci a été placé en garde à vue pour des faits de viol commis en 2015. À Orgères, c’est l’ex-compagne d’un enseignant qui a prévenu l’éducation nationale d’une condamnation de son ancien compagnon prononcée en 2006 pour des faits de pédopornographie.
La République doit être, en cette matière plus qu’en toute autre, irréprochable. Elle ne l’était pas. C’était donc une ardente obligation, pour le Parlement, que d’améliorer dans les meilleurs délais la législation pénale relative aux infractions sexuelles commises contre les mineurs, afin d’éviter que de tels drames ne se reproduisent.
Nous avons abordé ce sujet à plusieurs reprises : lors de l’examen de la proposition de loi de notre collègue Claude de Ganay, que je salue, et à l’occasion de la loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne. Le présent projet de loi est enfin le véhicule législatif adapté.
La principale mesure de ce texte est l’information de l’administration par le procureur de la République lorsqu’une personne en contact habituel avec des mineurs a été mise en cause pour une infraction grave. Le texte prévoit également de rendre plus systématique la peine complémentaire d’interdiction d’activité auprès des mineurs au sein des établissements, services ou lieux de vie et d’accueil, en cas de condamnation définitive pour un certain nombre d’infractions, qu’il s’agisse de crimes ou de délits. Nous sommes favorables à ces mesures.
En dépit d’un certain nombre de désaccords entre l’Assemblée nationale et le Sénat, la commission mixte paritaire est parvenue à un accord. Nous nous réjouissons qu’un compromis ait pu être trouvé.
Le Sénat souhaitait compléter le texte en prévoyant que la peine complémentaire d’interdiction de travail au contact des mineurs assortisse systématiquement les condamnations prononcées pour agression sexuelle, sauf décision contraire de la juridiction. De son côté, l’Assemblée nationale y était hostile. On peut comprendre le raisonnement qui consiste à considérer que les peines complémentaires doivent être décidées par le juge et ne peuvent être préemptées par le législateur. En raison de ces positions inconciliables, il était préférable de supprimer cette disposition afin que le texte puisse finalement aboutir.
S’agissant de l’information de l’administration dès le stade de la garde à vue ou de l’audition libre, le Sénat a estimé que la disposition portait une atteinte excessive à la présomption d’innocence. Juridiquement, une garde à vue et une audition libre se situent très en amont dans la procédure. Il faut également prendre en compte le fait qu’une personne écartée de ses fonctions pour suspicion de pédophilie voit sa carrière, sa famille, sa vie, brisées. C’est pourquoi la commission mixte paritaire a considéré qu’il convenait de s’en tenir à une information de l’administration dès que la condamnation était intervenue, même si elle n’était pas définitive.
Vous l’aurez compris, le texte qui résulte de la commission mixte paritaire convient au groupe UDI. Il comporte des dispositions essentielles, nécessaires à l’amélioration de la protection des mineurs. Comme en première lecture, le groupe UDI votera donc ce projet de loi, fruit d’un travail de co-construction entre le Gouvernement, que je salue et que je remercie, et les parlementaires de la majorité et de l’opposition sur un sujet qui a permis de dépasser les clivages partisans, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le texte qui est soumis aujourd’hui à notre examen est un texte important qui doit permettre d’instaurer un cadre satisfaisant et équilibré pour les échanges d’informations entre l’autorité judiciaire et l’administration, notamment l’administration de l’éducation nationale, afin de prévenir des drames tels que ceux qui ont été révélés ces derniers mois, à savoir des cas d’abus sexuels perpétrés sur des enfants par des professionnels de l’éducation nationale qui avaient déjà été condamnés par le passé pour des faits de détention d’images pornographiques représentant des mineurs.
Ces faits ont mis en lumière des manques graves dans le contrôle des antécédents judiciaires des personnes exerçant des activités ou des professions impliquant un contact habituel avec des mineurs. La presse s’est encore fait l’écho, ces derniers jours, de nouveaux détails sordides dans l’une de ces affaires. Plus jamais des faits de ce type ne doivent survenir : c’est la raison d’être de ce projet de loi, qui vise essentiellement à mieux protéger les mineurs.
J’ai bien noté, madame la ministre, que vous aviez pris une circulaire qui viendra compléter les dispositifs contenus dans ce projet de loi.
Je tiens à saluer la réactivité dont a fait preuve le Gouvernement sur cette question, notamment les ministres de l’éducation nationale et de la justice qui, au cours des derniers mois, ont mené un travail commun d’une grande qualité.
Au-delà des cas spécifiques survenus ces derniers mois, je pense au rapport commun de l’Inspection générale des services judiciaires et de l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche, paru en juillet 2015 ; je pense à la circulaire commune de septembre 2015 qui révise les modes de fonctionnement entre les administrations des deux ministères ; je pense au décret du 30 décembre 2015 relatif à la délivrance des extraits de casier judiciaire qui organise la vérification de chacun des casiers des 900 000 agents du ministère de l’éducation nationale. Enfin, je pense bien sûr au présent projet de loi qui approche enfin de sa dernière étape puisque, après notre assemblée, le Sénat examinera, mardi prochain, le texte issu de la CMP.
Ce texte fait suite à une tentative infructueuse d’amendement au projet de loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne. Le Conseil constitutionnel avait censuré les dispositions lui apparaissant comme des cavaliers législatifs, d’où ce texte dédié qui nous est à nouveau soumis aujourd’hui.
Je ne renouvellerai pas ici l’explication détaillée des dispositions prévues par le texte à laquelle notre collègue Erwann Binet s’est brillamment livré tout à l’heure. Je tiens à saluer la qualité du travail mené, qui a notamment permis à la commission mixte paritaire d’aboutir à un accord le 22 mars.
Cet accord est équilibré, chaque assemblée ayant fait un pas pour faciliter l’aboutissement rapide des dispositions législatives proposées, lesquelles, chacun s’accordera sur ce point, sont nécessaires.
Le Sénat a accepté de revenir sur l’article 1erA qu’il avait introduit et qui rendait systématique la peine complémentaire d’interdiction d’une activité professionnelle ou bénévole en cas de condamnation d’une personne pour certaines infractions sexuelles commises contre des mineurs. Pour ne pas la prononcer, la juridiction devait motiver spécialement sa décision. À l’unisson du rapporteur, le groupe socialiste, républicain et citoyen considère que, dans la droite ligne du principe d’individualisation des peines, les peines complémentaires doivent pouvoir être décidées par le juge et ne pas être préemptées par le législateur.
Les députés présents lors de la CMP ont, de leur côté, accepté de revenir sur l’information de l’administration en cas de garde à vue ou d’audition libre d’un agent. Cette question complexe a nécessité une réflexion poussée. Les membres de la commission des lois ont à coeur le respect de nos principes fondamentaux – et la présomption d’innocence en est un. Il s’agissait de trouver un équilibre fin permettant aussi d’éviter les cas de dénonciation malveillante dont les agents peuvent faire l’objet.
Ce type d’interrogation, nous l’avons eu sur d’autres sujets – et tout récemment à propos des dispositifs de lanceurs d’alerte. En tant que rapporteure, j’ai eu le même questionnement et le même souci, celui d’assurer l’équilibre, pour le dispositif d’alerte éthique en matière de prévention des conflits d’intérêts dans la fonction publique que crée le projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires. Nous aurons à nouveau à nous poser ces questions à l’occasion de l’examen du projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.
Il est de notre devoir d’assurer un équilibre qui soit respectueux de principes qui ne vont pas tous dans le même sens. L’équilibre trouvé sur ce sujet me paraît de nature à respecter ces « injonctions contradictoires », si je puis dire.
Les garanties nécessaires ont été apportées tout au long du cycle de vie de ce projet de loi, et ce dès le premier projet, qui tenait compte des « bornes » préconisées par le Conseil d’État dans son avis du 19 novembre 2015.
Pour ces raisons, le groupe socialiste, républicain et citoyen, qui a beaucoup travaillé sur ce texte – particulièrement notre collègue Joëlle Huillier, élue du territoire de Villefontaine, qui n’a malheureusement pu être présente aujourd’hui – votera le texte issu de la CMP.
Comme je l’ai indiqué dans mon propos introductif, il serait préférable que les formes et les modalités de transmission d’informations par le ministère public aux administrations soient déterminées par décret simple, plutôt que par décret en Conseil d’État, étant entendu que nous nous sommes entendus avec celui-ci sur les points de procédure et sur le fond de ces textes réglementaires. L’objectif de cet amendement est de permettre une plus grande réactivité. Pour ne rien vous cacher, ces textes sont déjà prêts. Nous pourrons donc les sortir dès que le projet de loi sera définitivement adopté.
Nous avons eu plusieurs sujets de discussion avec le Sénat au cours de la CMP, mais cette divergence de points de vue ne nous avait pas sauté aux yeux. C’est la raison pour laquelle j’avais donné mon accord à la rédaction du Sénat.
Je suis néanmoins sensible à vos arguments, madame la ministre. À titre personnel, j’émets donc un avis favorable à cet amendement.
Je précise que le sénateur François Zocchetto, que j’ai contacté, partage notre souci d’accélérer l’application de ce texte et émettra également un avis favorable à cet amendement la semaine prochaine au Sénat.
L’amendement no 1 est adopté.
Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire modifié par l’amendement qui vient d’être adopté.
Le projet de loi est adopté à l’unanimité.
La séance, suspendue à quinze heures trente-cinq, est reprise à dix-sept heures.
L’ordre du jour appelle le débat sur l’accueil des réfugiés en Europe.
La conférence des présidents a décidé d’organiser ce débat en deux parties. Dans un premier temps, nous entendrons les orateurs des groupes, la présidente de la commission des affaires européennes, puis le Gouvernement. Nous procéderons ensuite à une séquence de questions-réponses. Je vous rappelle que la durée des questions, ainsi que celle des réponses, est limitée à deux minutes.
La parole est à M. Philippe Gomes.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger, madame la présidente de la commission des affaires européennes, mes chers collègues, l’Europe est aux prises avec une double crise, migratoire et sécuritaire.
Elle est passive et inorganisée face à la menace globale et sournoise que représente la barbarie de Daech. Elle est médusée et impuissante lorsque des familles de réfugiés fuyant la guerre sont charriées par milliers sur ses rivages, jetées sur les routes. Tant et si bien que ce n’est pas sur l’accueil des réfugiés en Europe que notre débat de ce jour aurait pu, et aurait sans doute dû porter, mais sur l’absence d’une véritable politique européenne d’accueil des réfugiés.
Nous sommes aujourd’hui confrontés à un triple défi.
Il s’agit d’un drame humanitaire, puisque depuis que l’accord entre l’Union européenne et la Turquie est intervenu, 50 000 migrants sont venus se jeter dans l’impasse grecque, amplifiant ainsi la crise profonde traversée par un pays épuisé par l’austérité. Les migrants, harassés par leur périple, s’entassent par centaines dans le port du Pirée, où les abris de fortune fleurissent devant les portes closes de l’Europe.
Il s’agit aussi d’un péril sécuritaire, puisque les terroristes cherchent à tirer parti de la panique et de la désorganisation engendrées par les flux de migrants pour entrer sur le sol européen et tenter d’y perpétrer leurs abominables forfaits.
Enfin, il s’agit d’une épreuve pour l’Europe, pour ses valeurs qui ne sont plus que balbutiées, quand elles ne sont pas contrariées, pour sa gouvernance, aujourd’hui paralysée – une Europe inerte comme pétrifiée par les vagues de migrants.
Nous ne pouvons que déplorer de la voir céder au chantage turc et renoncer au droit d’asile en refoulant les migrants, faute d’avoir su trouver une politique migratoire et sécuritaire commune.
Le silence de la France, monsieur le secrétaire d’État, nous a semblé coupable. Il fait malheureusement écho à son inaction, à ses hésitations et disons-le à ses ambiguïtés, depuis que cette crise migratoire a éclaté.
Lorsque le Premier ministre s’est exprimé devant l’Assemblée nationale, le 16 septembre 2015, notre groupe a indiqué qu’il soutenait la décision du Président de la République d’accueillir 30 000 réfugiés, tout en soulignant que la France, qui porte les valeurs des droits de l’homme en étendard, n’avait pas suffisamment pesé dans la gestion de cette crise et ne pouvait se satisfaire de la situation.
Je crains que cela ne soit toujours vrai.
Pour autant, face à cette crise migratoire qui met en exergue les échecs de notre modèle d’intégration, qui a fait voler Schengen en éclats, notre groupe ne prône pas un angélisme béat ni une générosité dont nous n’avons plus les moyens. En revanche, nous sommes convaincus que nous pouvons organiser une réponse plus ambitieuse, fidèle à notre histoire et adaptée aux enjeux immenses que soulève cette crise migratoire.
Pour cela, nous défendons trois principes.
Premièrement, la France doit pourvoir, au niveau européen, à la mise en place d’une politique migratoire et d’une politique d’asile commune.
Celle-ci passe par l’évaluation de nos besoins démographiques et économiques, par une convergence entre les différents systèmes de traitements des demandes d’asile et par une prise en compte précise des spécificités de chaque État européen, afin qu’il participe à l’effort d’accueil en fonction de ses capacités.
Deuxièmement, la France doit affirmer clairement que sa priorité est d’accueillir dignement celles et ceux qui fuient la guerre. Pour y parvenir, notre groupe propose d’intensifier la lutte contre l’immigration irrégulière, mais aussi de suspendre les demandes de regroupement familial et, de manière plus générale, tout ce qui relève de l’immigration économique jusqu’à nouvel ordre, afin de donner la priorité à celles et ceux qui fuient la guerre, c’est-à-dire aux réfugiés politiques.
Enfin, nous devons parvenir à la bonne articulation des différents niveaux d’intervention publique. Il appartient à l’État de définir une ligne directrice ferme, pour que les réfugiés s’intègrent dans de bonnes conditions au sein de notre société, sur notre marché du travail, et qu’ils apprennent la langue française ainsi que les droits et les devoirs de la République.
Pour autant, il nous a semblé aberrant que l’État puisse fixer seul un nombre de réfugiés à accueillir, sans même consulter les collectivités territoriales, comme cela a été le cas en Allemagne. Nous nous sommes ainsi privés des intelligences et des générosités territoriales dont nous manquons aujourd’hui pour réussir le défi d’accueillir ces réfugiés, qui peuvent représenter une chance pour la France.
Telles seraient, selon notre groupe, les trois fondements d’une véritable politique d’accueil des réfugiés, responsable et concertée, fidèle à nos traditions et à nos valeurs, en France comme en Europe.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier la présidente de la commission des affaires européennes, ma collègue Danielle Auroi, d’avoir proposé la tenue de ce débat. Elle nous a ainsi ouvert la possibilité de nous exprimer sur l’attitude et les actions de l’Europe vis-à-vis des réfugiés, de nous interroger, de vous interroger, monsieur le secrétaire d’État, et à travers vous, d’interroger le Gouvernement sur les choix effectués et les décisions adoptées.
La période est particulièrement tragique. Sur fond de conflit international, l’exode vers nos pays de milliers d’êtres humains vivant atrocités, violences, viols, tortures, misère a de quoi effrayer.
À cela s’ajoutent les changements climatiques, qui font déjà croître de manière dramatique le nombre de déplacés environnementaux. Ces déplacements pourraient concerner 200 millions de personnes d’ici à 2050. De nombreux sociologues, politologues, climatologues annonçaient depuis des années la migration des populations à travers le monde comme le défi du XXIe siècle. Nous y sommes.
La montée du terrorisme et des égoïsmes nationaux se nourrit de cet état. Les populations européennes doutent, hésitent entre compassion, solidarité, méfiance et rejet. Doit-on pour autant repousser loin de nos frontières ceux que l’on ne veut pas voir, cultiver l’entre-soi pour espérer gagner une paix sociale immédiate, au risque d’accroître l’attrait incontestable de nos pays riches ?
Il me semble que les politiques ont une place de premier plan à tenir dans un discours de solidarité, mère de la paix. En tant que membre de la délégation parlementaire française au Conseil de l’Europe, j’y prends ma part, en échangeant régulièrement avec mes homologues européens.
Je me suis rendue à Calais et j’ai constaté l’ampleur et la complexité de la situation. Comment accueillir décemment toutes ces personnes qui viennent de pays multiples et sont dans des situations différentes ? Quelles voies légales de passage dessiner ? Quelles perspectives leur offrir ?
L’accord avec la Turquie, tel qu’il a été conclu il y a deux semaines, n’est pas un exemple de courage. Sa légalité et sa légitimité sont de toutes parts critiquées.
Lors des échanges qui suivront, nous nous interrogerons plus spécifiquement sur la légitimité de cet accord. Peut-on considérer la Turquie comme un pays sûr, alors même qu’elle n’a pas ratifié en totalité la Convention de Genève ?
Au-delà du droit, je l’affirme, cet accord n’est pas digne des valeurs humanistes de l’Europe. Les pays européens ayant échoué à trouver des solutions communes repoussent le problème un peu plus loin. Loin des yeux, loin du coeur, comme on dit. Nous sommes en train de déshumaniser l’Europe.
Qu’en restera-t-il après ces mois et ces années de crise migratoire s’ajoutant à la crise sociale ? Notre Europe, aujourd’hui grand marché unique, peine à trouver un nouveau souffle démocratique. Montrant son impuissance face à la question migratoire, elle s’affaiblit aux yeux des citoyens et sur la scène internationale.
Chaque pays européen doit prendre sa part et accueillir les réfugiés dignement. Le gouvernement français parle souvent de responsabilité. Où est-elle aujourd’hui ?
Les pays en première ligne – l’Italie, Chypre, la Grèce – doivent être plus particulièrement soutenus, notamment avec des aides financières adéquates.
Le peuple grec éprouvé par l’austérité imposée par l’Europe fait preuve d’une grande humanité, mais ses centres d’accueil manquent cruellement de moyens. Médecins Sans Frontières, comme d’autres ONG, vient de mettre un terme à ses interventions dans les hot spots en Grèce, constatant que ceux-ci étaient devenus des centres de rétention fermés.
À Grande-Synthe, dans le Nord, le maire Damien Carême, lui, a pris ses responsabilités. Le camp, d’une capacité d’accueil de 2 500 personnes, est déjà menacé de fermeture, mais, si l’État ne le juge pas aux normes, il devrait plutôt soutenir l’action de la commune pour l’améliorer. Je sais qu’il peut le faire. Je rappelle que ce camp, composé d’abris privatifs assez solides et conformes aux normes sanitaires, a été monté pour répondre à l’urgence.
À Mauzac, en Dordogne, j’ai suivi la mise en place du centre d’accueil et d’orientation, qui a accueilli en octobre 2015 cinquante migrants venus de Calais, et principalement issus du Soudan. Ce centre est loin d’être parfait, mais la population a accueilli chaleureusement les migrants. Je veux témoigner de la réussite de cette opération.
Les personnes accueillies, reconnaissantes, se sont mobilisées pour définir leur projet d’avenir, pour apprendre le français et pour être en contact avec la population locale. Les associations, les services de l’État le sont également, même si la réalité du terrain et l’organisation logistique sont complexes.
Ne cédons pas au cynisme. Nous sommes tous des citoyens du monde. Chacun et chacune de nous, un jour, peut avoir besoin d’un refuge.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la question des migrants et les réponses de l’Europe renvoient à la civilisation sur laquelle se fondent nos sociétés démocratiques. Héritière des Lumières et de la Révolution française, la France doit s’interdire de fouler aux pieds les valeurs fondamentales de la République sur laquelle s’est constituée la nation française, dans une création continue nourrie par l’apport des vagues d’immigration successives depuis le début du XXe siècle. Cette nation est ouverte sur le monde, accueillante pour les opprimés et les persécutés, gardienne des droits de l’homme et du citoyen. Cette humanité « aux peuples étrangers qui donnait le vertige », comme l’a chanté le poète, est notre fierté. Nous voulons la faire partager aux peuples d’Europe.
Hélas, trois fois hélas, cette ode à la liberté s’est éteinte au profit des marchands, des comptables, de l’argent roi qui livrent les citoyens et les États européens à une concurrence impitoyable. La France a renâclé à être le moteur d’une politique volontaire d’accueil des réfugiés. Je réprouve avec force les propos de Manuel Valls qui, lors de son discours de Munich, affirmait que « l’Europe ne peut accueillir davantage de réfugiés ».
La vague migratoire de 2015 a sérieusement enrayé le fonctionnement de l’Union européenne. L’envie d’Europe est trahie, le continent se fracture sous les coups portés par les identitaires chauvins et nationalistes qui s’abreuvent d’une austérité génératrice de chômage et de mal-vie. Le discours de défiance du Premier ministre nous aligne sur les politiques les plus rétrogrades en matière de droit d’asile. Travailleurs détachés, dumping social, concurrence fiscale : les armes de la concurrence libre et non faussée sont chargées. Les gouvernements, pris dans l’étau de la finance, font les lois pour le libéralisme, avatar d’un capitalisme financier qui, sans vergogne, écrase le travail, exploite les agriculteurs, méprise les intellectuels. Qui peut croire que ce terreau européen ne favorise pas l’extrémisme fascisant, l’apparition de gouvernements chauvins et populistes où le seul ennemi est l’étranger ?
Vingt ans après la chute du mur de Berlin, de nouveaux murs se dressent, alors que les « damnés de la Terre », qui fuient l’horreur de la guerre, la faim et la misère, sont rejetés et persécutés dans cette Europe forteresse. Depuis vingt-cinq ans, l’Union européenne a multiplié les dispositifs destinés à limiter les migrations. Le lancement de l’agence Frontex en 2005 en est le meilleur exemple. L’Europe libérale est aujourd’hui prête à toutes les concessions avec la Turquie pour ne pas accueillir de réfugiés, s’appuyant sur un mécanisme diabolique, « Syrien contre Syrien ». Tous les migrants irréguliers arrivant de Turquie sont susceptibles d’y être refoulés. Cet accord nécessitera des moyens considérables pour que les pays d’entrée, comme la Grèce ou l’Italie, isolés face à la crise, puissent accueillir et traiter l’ensemble des demandes d’asiles déposées.
Monsieur le secrétaire d’État, les milliers de morts, dans des embarcations sommaires ou sur la route des Balkans, tarauderont à jamais nos consciences. L’ensemble du monde associatif, en première ligne après la démission des pays européens, est vent debout contre ces mesures. Du Haut-commissariat aux réfugiés de l’ONU à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, l’OFPRA, tous critiquent la philosophie d’une politique européenne centrée sur la détention et l’expulsion de populations victimes de guerre. La politique européenne met à mort la convention de Genève de 1951 en remettant en question les principes de non-refoulement et de traitement individuel du droit d’asile. L’Europe choisit délibérément de tourner le dos aux traités internationaux, ce qui ne résoudra pourtant pas la crise des migrants.
Contrairement aux idées reçues, nos capacités d’accueil sont loin d’être dépassées. Notre histoire regorge d’exemples contraires. Ainsi, la France, à peine remise de la crise des années trente, a-t-elle accueilli en 1939 plus de 450 000 républicains espagnols. De même, quarante ans plus tard, lors de la crise des boat people, la France a offert l’hospitalité à près de 130 000 Vietnamiens, Cambodgiens et Laotiens.
Aujourd’hui, seule la volonté politique manque, en France et en Europe, pour poursuivre cette tradition d’accueil. La France doit désormais porter un discours politique fort aux niveaux national et international pour légitimer l’accueil des migrants. Il est temps de tourner le dos à cette Europe forteresse et de créer des ponts entre les continents. Nous devons nous rappeler les paroles de Stéphane Hessel : « Il nous appartient de veiller tous ensemble à ce que notre société reste une société dont nous soyons fiers : pas cette société des sans-papiers, des expulsions, des soupçons à l’égard des immigrés […] »
Pour l’ensemble de ces raisons, les députés communistes et du Front de gauche s’opposent avec résolution à cet accord funeste.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires européennes, chers collègues, nous sommes à peine sortis de la crise économique et financière qui a ébranlé la construction européenne à partir de 2008 que l’Europe est aujourd’hui confrontée à une crise autrement redoutable, autrement dangereuse pour la pérennité de la construction et de l’Union européenne. Faute d’avoir mouché à temps le feu naissant de la guerre civile syrienne et de Daech, l’Europe subit de plein fouet le déferlement de vagues de réfugiés sur les côtes grecques, dans la plus grande confusion politique européenne. La première des confusions pèse de son poids d’équivoques et de non-dits en qualifiant improprement de « migrants » des réfugiés de guerre, sans distinguer ce qu’il y a de libre choix chez les uns et de contrainte vitale chez les autres.
Face à ce flux de familles risquant la mort pour fuir la mort, nous avons assisté à une cacophonie des États européens et au retour du chacun pour soi. Le fier continent de la démocratie, des Lumières et des droits de l’homme est soudain pris de panique devant l’interminable cortège de civils qui fuient les théâtres de guerre et implorent sa protection. Cette crise des « migrants » éclaire tout d’un coup d’une lumière crue l’ampleur de la crise morale qui nous affecte, qui n’épargne aucun pays, sauf peut-être l’admirable peuple grec, et qui plonge les gouvernements dans le dilemme suivant : soit fermer la porte aux réfugiés, soit exposer leurs pays à une pression politique populiste.
Les 17 et 18 mars derniers, le Conseil européen a avalisé un accord, prénégocié bilatéralement entre la chancelière Merkel et le gouvernement turc de M. Ahmet Davutoglu, qui ne laissera pas le souvenir d’un haut fait européen. Certes, face à des événements aussi lourds d’enjeux et de risques, un accord vaut toujours mieux qu’un désaccord et surtout que la débandade européenne qui s’annonçait mais, disons-le honnêtement et lucidement, au-delà des cris d’orfraie qu’il suscite, ce compromis arrange tout le monde parce qu’il n’y a pas d’autre solution, aujourd’hui, sur la table de l’urgence. Cet accord est d’abord le fruit de la volte-face de la politique d’accueil de l’Allemagne, mais il n’est pas sans poser de nouvelles et redoutables questions. Il replace la Turquie dans le jeu européen. Ceux qui, comme moi, sans doute minoritaires, ont déploré que la France ait pris l’initiative de lui fermer brutalement la porte en 2007, n’en sont pas effarouchés par principe. Mais la Turquie d’aujourd’hui, précisément parce que nous l’avons répudiée sans ménagement et que nous avons fragilisé le camp laïc, n’est exempte ni de tentations autoritaires, ni de tentations islamistes radicales, sans parler du conflit intérieur, potentiellement explosif, que son premier ministre Erdogan a cru bon de réactiver contre les Kurdes. L’échange de réfugiés contre la suppression des visas pour les Turcs en Europe a sans doute été conçu comme un marchandage acceptable…
…mais il doit être assorti de garanties et de précautions contre les risques d’intrusions malveillantes que nous pourrions aussi importer de Turquie.
Le second sujet que je souhaitais aborder concerne la fameuse arithmétique d’un réfugié syrien accueilli en Europe pour un réfugié syrien refoulé de Grèce vers la Turquie. Ce dispositif suppose que la Grèce soit puissamment aidée à contrôler sa frontière maritime et à refouler les arrivages clandestins de nouveaux réfugiés ; que les pays de l’Union se partagent l’accueil des réfugiés venus de Turquie ; qu’ils soient strictement contrôlés et que leurs droits soient scrupuleusement garantis, notamment d’accès à l’asile dans des hot spots dont on ne sait s’ils fonctionnent, quand ils seront pleinement opérationnels et où le nouveau dispositif les localisera. Cet accord d’ « un pour un » ne dit rien du nombre total des réfugiés à accueillir en Europe et, surtout, des dispositions des États membres à y procéder dans la dignité et la loyauté. Elle ne dit rien, surtout, du sort et du traitement qui seront réservés aux migrants issus d’autres pays que le théâtre de guerre syrien. Enfin, comment interprétez-vous le fait que l’OFPRA ne se considère pas engagé par cet accord européen, quand notre Gouvernement et notre pays le sont ?
Monsieur le secrétaire d’État, à la faveur de ce débat, nous aimerions en savoir plus sur la politique française en matière d’accueil de réfugiés syriens et, plus généralement, de migrants. Sur le terrain, je dois vous faire part de la surprise et de la réticence de communes disposées à accueillir des familles de réfugiés de guerre, auxquelles on propose aujourd’hui d’attribuer des migrants économiques et, en particulier, ceux relocalisés depuis Sangatte. La politique du Gouvernement en matière de relocalisation des Calaisiens n’est pas contestable ; elle est courageuse, sans précédent, mais elle doit être claire et ne pas introduire de confusion entre migrants et réfugiés, au risque d’un rejet sans nuance de la part des Français.
Enfin, je voudrais vous faire part de préoccupations beaucoup plus prosaïques exprimées par nos communes, par nos élus locaux qui font l’effort d’accueillir des réfugiés syriens et qui affrontent parfois – dignement – le scepticisme ou les craintes de leurs administrés. Ces communes et ces élus sont l’honneur de la France, mais ils se plaignent, me semble-t-il légitimement, du fait qu’aucune compensation, aucun accompagnement, aucune aide financière ne leur soit apporté pour assurer l’accueil et la prise en charge de ces populations dans leurs services publics.
Je voudrais savoir si l’État envisage de prendre des mesures en ce sens.
Monsieur le secrétaire d’État, nous savons combien ce dossier est redoutable à gérer pour un gouvernement, dans le contexte actuel de crise économique et sociale, mais nous sommes tous d’accord pour considérer qu’il ne faut rien céder aux ennemis de nos valeurs, qui sont aussi les ennemis des réfugiés qui implorent notre secours. Je dois vous avouer que j’ai personnellement ressenti le retour des contrôles aux frontières nationales comme une humiliation, comme un deuil européen et comme une insupportable victoire symbolique de Daech. Je formule le souhait que l’Europe et, en son sein, la France, dont on sait la population généreuse, ne cèdent rien des valeurs qui font encore leur grandeur, leur dignité et leur rayonnement, dans des circonstances aussi dramatiques.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, alors que la France et l’Europe sont en pleine guerre contre le terrorisme et que la protection des frontières, comme l’a rappelé le Premier ministre il y a quelques jours, revêt une importance cruciale pour la sécurité de nos concitoyens, l’Europe s’apprête, dans les jours qui viennent, dans un désordre total, à la fois conceptuel et politique, à voir, avec le printemps qui arrive, une deuxième vague d’immigration massive en provenance notamment du Proche-Orient.
Les camps de réfugiés en Turquie et en Jordanie abritent au moins quatre millions de personnes, ceux du Liban accueillent un et demi à deux millions de personnes et ceux de Tunisie, un million et demi de réfugiés venus de Libye. À cela s’ajoute l’explosion démographique en cours au Sahel. L’ensemble de ces facteurs nous place devant un phénomène véritablement historique, aux proportions majeures, auquel nous ne sommes pas prêts à faire face. De fait, aucun moyen sérieux de contrôle des frontières de l’Union n’est aujourd’hui en place.
Cette crise, mes chers collègues, est donc gravissime. Je ressens, aujourd’hui, l’inutilité, pour ainsi dire, de notre engagement politique. Nous sommes à peine une dizaine de députés, auquel s’ajoute un secrétaire d’État, face à deux millions de migrants qui vont arriver en Europe. Voilà de quelle manière se tient le débat et s’expriment les positions politiques sur un sujet aussi grave !
Je ferme la parenthèse, non sans avoir remercié les députés ici présents.
Cette crise est gravissime au moins pour quatre raisons. D’abord, sur le plan humain : les souffrances, les morts, les familles que l’on met sur les routes et qui sont l’objet d’un trafic se chiffrant aujourd’hui en milliards d’euros.
Elle est également gravissime sur le plan sécuritaire car il est désormais avéré, hélas – on en a vu les conséquences au Bataclan, au Stade de France, en Belgique – qu’un certain nombre de djihadistes se sont infiltrés dans les cohortes de réfugiés. On a arrêté des gens en Finlande, en Autriche et ailleurs qui se sont livrés à des actes monstrueux en Syrie et en Irak. De tels propos, de telles craintes qui étaient considérés comme fantaisistes, voire ouvertement racistes il y a quelques mois, sont malheureusement aujourd’hui avérés.
Cette crise est gravissime, en troisième lieu, parce que l’Europe, comme la diplomatie française, ne pèse en rien sur les causes de ce qui nous arrive. Il est clair que l’Europe est inexistante au Proche-Orient et que la diplomatie française paye ses erreurs.
Malgré l’engagement de nos forces, nous avons commis, depuis quatre ans, une succession d’erreurs. Nous voici aujourd’hui littéralement sortis du processus diplomatique que l’on voit émerger entre Russes et Américains sur la Syrie. C’est préoccupant pour la France.
Cette crise est gravissime, enfin – c’est le coeur du mini-débat qui nous réunit aujourd’hui – parce que les Européens que nous sommes voyons de nos propres yeux mourir Schengen et le principe de la libre circulation, alors que nous nous révélons incapables, depuis un an et demi, de sommet en sommet, de nous doter d’une doctrine commune et des moyens nécessaires pour contrôler nos propres frontières.
La diplomatie conduite par François Hollande, Laurent Fabius et, aujourd’hui, Jean-Marc Ayrault, n’est pas sans responsabilité dans cet immense échec. Tout se passe comme si la France avait délibérément laissé l’Allemagne piloter seule ce dossier pour tenter d’échapper à une vague migratoire qui touche d’abord l’Allemagne et le nord de l’Europe. On a fait comme l’autruche : on a évité de regarder en face ce qui était en train de se passer. Il est vrai que nous comptons, année après année, en dehors des réfugiés imputés à la crise syrienne, plus de 200 000 entrées légales d’immigrés par an ; ils étaient 220 000 l’an dernier, et 80 000 demandeurs d’asile. Le coût de la gestion du droit d’asile en France est de 2 milliards d’euros ; le coût de l’aide médicale d’État pour les sans-papiers s’élève à 1 milliard d’euros.
On peut comprendre la frilosité de la France, mais en arriver à ce point, mes chers collègues… Nous devrions tous savoir que sans le co-pilotage de la France et de l’Allemagne sur les grands sujets, il ne peut y avoir de politique européenne ; c’est malheureusement ce qui se passe aujourd’hui. Mme Merkel, sur la base de la photographie d’un enfant kurde retrouvé noyé sur une plage de Bodrum le 4 septembre dernier, sur la base d’une émotion, a ouvert toute seule en grand les portes de l’Europe, déclenchant ainsi, comme je l’avais prédit ce jour-là, le 5 septembre, un immense appel d’air contre lequel elle n’a rien pu faire. On a vu arriver l’année dernière en Europe 1,8 million de personnes sur le continent européen, un flux sur lequel aucun contrôle réel n’a pu être exercé.
Devant ce désastre et la fermeture par effet domino des autres frontières, notamment en Europe de l’Est, mais pas seulement – je pense par exemple au Danemark, et à bien d’autres pays –, Mme Merkel, toute seule, a entamé des négociations avec la Turquie. Et à nouveau, nous l’avons laissé faire. Avant cela, elle avait, toute seule, activé l’article 26 du code frontières Schengen pour faire porter le chapeau à cette malheureuse Grèce, montrer que celle-ci était en défaut du contrôle des frontières de l’Union européenne, ce que tout le monde savait. Aujourd’hui, la Grèce est un immense camp de concentration à ciel ouvert pour tous ceux qui arrivent encore de Turquie, et ils sont des dizaines de milliers depuis le début de l’année.
Enfin, voilà deux semaines était négocié, directement entre la chancelière allemande et le premier ministre turc Ahmet Davutoglu, ce scandaleux marchandage de bazar. Le président Hollande était à Bruxelles ; il n’a pas été invité à la table des négociations. C’est sans précédent dans l’histoire diplomatique de l’Europe. Nous avons laissé la chancelière allemande négocier un accord aussi bizarre que ce plan du « un pour un ». Nous nous sommes engagés à donner à la Turquie 6 milliards d’euros – excusez du peu ! –, à lever les visas pour 80 millions de Turcs – excuser du peu ! – d’ici au mois de juin, à redémarrer les négociations avec un pays qui viole tous les engagements de l’Union européenne, notamment en matière de libertés publiques, et tout cela pour faire plaisir à Mme Merkel, pour lui permettre de rebâtir ses frontières.
Au demeurant, l’accord en question est d’ores et déjà inapplicable : qui va arrêter les migrants qui se trouvent sur des bateaux en ce moment même ? La marine française ? La marine allemande ? Qui va les reconduire ? Quelle est la base légale de cet accord ? Comment allez-vous expliquer à l’OFPRA, monsieur le secrétaire d’État, que cet accord ne peut pas fonctionner et ne fonctionnera pas ?
Ces questions, je les ai posées la semaine dernière au Gouvernement, qui n’a pas répondu. J’espère que vous accepterez de vous en charger aujourd’hui, monsieur le secrétaire d’État.
Permettez-moi de terminer mon propos, monsieur le président ; je sais que j’ai dépassé mon temps de parole d’une minute, mais l’affaire me paraît suffisamment grave pour qu’on s’y attarde.
Nous devons être capables de regarder les choses en face : si nous ne gérons pas sérieusement cette crise, cela aura en Europe, notamment en France, des conséquences sociales et politiques incalculables, et je ne parle même pas des effets en termes de sécurité. Il est temps que le pays se réveille, que l’Europe se réveille. Nous attendons de vous aujourd’hui de vraies réponses sur ce qui va se passer dans les semaines à venir, monsieur le secrétaire d’État, car c’est maintenant que les migrants sont en train d’arriver.
La parole est à Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est sur l’initiative de notre commission des affaires européennes que nous sommes réunis aujourd’hui pour débattre de l’accueil des réfugiés en Europe, un sujet majeur pour l’avenir de l’Union, qui met en cause ses valeurs, sa raison d’être même ; tous ceux qui m’ont précédé à cette tribune l’ont souligné.
L’Union ne peut en effet être seulement une communauté d’intérêts économiques ; elle est aussi, depuis l’origine, un projet de paix, de démocratie, au service des peuples, au coeur duquel se trouve la protection des droits humains. La crise des réfugiés devrait être pour l’Europe le symbole de sa solidarité au lieu de représenter pour cette entité le risque de perdre son âme. Il devient donc urgent pour l’Union de se ressaisir et de retrouver ses valeurs fondamentales. Et dans ce contexte, notre pays, par son histoire particulière, a une responsabilité plus forte.
Que constatons-nous aujourd’hui ? Après l’échec cuisant des propositions de relocalisation faites par Jean-Claude Juncker voilà quelques mois, l’Allemagne cherche à organiser la solidarité entre les États membres, car elle considère, à juste titre, que l’accueil des réfugiés est une obligation morale pour l’ensemble des pays de l’Union européenne. Dans le même temps, la Hongrie fait l’objet d’une procédure d’infraction de la part de la Commission européenne au sujet de sa législation en matière d’asile, car elle est de plus en plus intolérante. En France, un préfet cherche à entraver les efforts de ceux qui souhaitent apporter un abri décent aux réfugiés à Grande-Synthe. Est-ce vraiment cela, la solidarité ? Bref, on a l’impression que l’Union a perdu sa boussole, et que face à cet enjeu majeur, les États membres sont en train de piétiner les bases même du droit d’asile.
La guerre est à nos portes en Irak, en Érythrée, en Syrie et en Libye et nous regardons ailleurs. Certes, l’accueil de plus de 1 million de personnes depuis début 2015 pose incontestablement un défi aux États européens. Nous oublions, et cela a été rappelé voilà quelques instants, que d’autres pays ont fait face à une arrivée de réfugiés bien plus massive – la Jordanie, le Liban, la Tunisie – avec des moyens financiers sans comparaison avec ceux dont les États européens disposent.
J’en viens à l’accord qui a été passé entre l’Union européenne et la Turquie le 18 mars dernier et dont le texte définitif n’est toujours pas disponible.
Il ne serait officiellement applicable qu’au 1er juin. Pourtant, le renvoi des réfugiés arrivant dans les îles grecques est effectif depuis le 20 mars, et la Turquie n’est pas à ce jour officiellement reconnue comme un pays tiers sûr. De fait, elle a accordé une protection temporaire à plus de 2 millions de Syriens, mais elle continue à refuser de fournir une véritable protection à des non-Européens qui en font la demande, notamment les Afghans et les Irakiens. Cela contrevient à la Convention de Genève qui régit le droit d’asile.
Par ailleurs, rien n’a été précisé sur la manière dont seront hébergés des réfugiés forcés à quitter la Grèce pour la Turquie. Le Haut commissariat aux réfugiés – le HCR – sera-t-il associé à ces procédures, lui qui vient de marquer sa désapprobation quant à l’évolution des hot spots en Grèce, devenus des centres de rétention fermés ? Ce constat n’est pas le fait des seules ONG.
Le mécanisme du « un pour un », cet échange de réfugiés entre la Turquie et l’Union, pose lui aussi de nombreuses questions. Pour le dire autrement, un réfugié syrien ne pourra être accueilli en Europe que si un autre réfugié syrien risque sa vie en mer. Quelle honteuse arithmétique ! Que deviendront les personnes arrivées en Grèce début 2016 et qui sont aujourd’hui bloquées à la frontière avec la Macédoine, parquées de manière inacceptable à Idoméni, par exemple ? Quel organisme indépendant contrôlera l’utilisation des fonds octroyés à la Turquie ? Par cet accord, les personnes qui ne parviennent pas à démontrer la légitimité de leur demande d’asile à l’issue d’une procédure équitable peuvent faire l’objet d’un retour, mais sur quelle base réelle ? Et comment accepter des expulsions collectives accélérées ou la création de camps de rétention à durée indéterminée ? La Grèce ne peut pas être un grand camp à ciel ouvert.
Ouvrons les yeux : faute de voies d’accès légales et sûres, les passeurs auront beau jeu de trouver de nouvelles routes, toujours plus lucratives pour eux, toujours plus dangereuses pour les réfugiés. Et les États qui se sentent aujourd’hui menacés – je pense à l’Albanie ou au Monténégro, où nous nous sommes rendus récemment – se disent qu’ils ne sauront pas faire face et que l’Europe ne les y aide pas.
Dans ce débat douloureux, la liste des interrogations est longue, y compris sur l’attitude de la France qui, je le rappelle ici, s’est engagée à accueillir 28 000 réfugiés réinstallés et qui, en six mois, n’a ouvert ses portes qu’à 300 personnes. La France ferme les yeux sur le sort des mineurs isolés, exposés aux trafics et aux violences, à Calais notamment, alors qu’on pourrait espérer qu’un accord digne soit trouvé avec l’Angleterre pour que ces enfants rejoignent leurs familles.
Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, mon propos vous paraîtra peut-être dur, mais il est celui d’une personne indignée. Il est de notre devoir de ne pas laisser l’indifférence ou la démagogie l’emporter. Avec la gestion de cette crise, nous engageons l’Europe de demain et ses relations avec le reste du monde. Or, nous risquons de trahir l’idéal européen si nous ne prenons pas mieux en compte le droit d’asile et notre devoir humanitaire.
Faute d’une mobilisation commune, coordonnée et solidaire, l’Europe s’affaiblit et l’espace de paix qu’elle avait construit patiemment se trouve hérissé de frontières internes et de barbelés. Pourtant, nos valeurs constituent le meilleur rempart contre l’obscurantisme et la démagogie, à l’intérieur et à l’extérieur des frontières de l’Union. Monsieur le secrétaire d’État, pensez-vous pouvoir convaincre vos collègues d’envisager enfin l’ouverture de voies légales et sûres d’accès à l’Union ? La France n’est-elle pas en mesure d’accueillir dignement des réfugiés à la hauteur de ses engagements ? Permettez-moi de conclure par ces mots que Jean Cayrol écrivit pour le film Nuit et brouillard : « Il y a nous […] qui feignons de croire que tout cela est d’un seul temps et d’un seul pays, et qui ne pensons pas à regarder autour de nous et qui n’entendons pas qu’on crie sans fin. »
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger.
Monsieur le président, madame la présidente de la commission, mesdames, messieurs les députés, je tiens tout d’abord à saluer l’initiative de la commission des affaires européennes d’inscrire ce débat à l’ordre du jour et à remercier toutes celles et tous ceux qui y participent et y prennent toute leur part, le sujet choisi étant en effet fondamental.
Depuis un an et demi, l’Union européenne vit une crise migratoire historique, vous l’avez tous souligné. Nous faisons face collectivement à une situation exceptionnelle et à un défi sans précédent, du moins dans l’histoire récente.
Si la France n’est pas dans la même situation que certains de ses voisins, notamment l’Allemagne, l’Autriche ou la Suède, elle a connu en 2015 une augmentation de 20 % du nombre de demandeurs d’asile, qui est passé de 65 000 à 80 000. Aux réfugiés, principalement syriens et irakiens, qu’il est de notre devoir d’accueillir dans la dignité, s’ajoutent des migrants économiques, souvent leurrés par des marchands de rêves peu scrupuleux – vous avez insisté sur ce point, monsieur le député Gomes – et qui, tous, espèrent une vie meilleure en Europe.
Il a été question dans l’intervention de M. le député Asensi du caractère rétrograde de la politique de l’asile de ce gouvernement. Je rappellerai à cet égard un certain nombre de faits. Tout d’abord, la majorité actuelle et le Gouvernement actuel ont mené la réforme la plus ambitieuse du droit d’asile depuis longtemps. Mme la députée Mazetier était la rapporteure de ce texte, et plusieurs députés ici présents se sont beaucoup impliqués dans son examen. La loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d’asile a apporté un certain nombre de précisions et traduit en droit un certain nombre de décisions qui étaient attendues. En particulier, 13 500 places supplémentaires ont été créées en 2015 et en 2016 dans les centres d’accueil pour demandeurs d’asile, les procédures d’instruction se sont accélérées et les droits fondamentaux sont mieux garantis. Près de 100 postes ont été créés à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides pour instruire les dossiers et réduire les délais de traitement. Toutes ces mesures sont des avancées concrètes et constituent le premier levier de garantie de ce droit fondamental auquel notre pays est tant attaché depuis longtemps et qui est aussi au coeur d’une certaine conception de l’Europe, l’Europe des droits et des libertés.
L’Europe joue en effet son âme dans cette crise, et une part de son avenir. Elle doit faire face à ses responsabilités en conciliant le droit d’asile, l’hospitalité, qui sont au fondement même de nos valeurs, avec la nécessaire protection de son intégrité et de sa sécurité. C’est la réponse globale que l’Union européenne doit s’efforcer d’apporter à cette crise, et elle doit le faire en se réinventant, car elle n’a pas été conçue pour cela à l’origine.
La première urgence est d’apporter toute notre aide à la Grèce, qui est confrontée à une situation humanitaire sans précédent, et de garantir le respect du droit d’asile et des droits de l’homme.
L’Union européenne a ainsi mis en place plusieurs mécanismes de solidarité pour apporter un soutien à la Grèce et à l’Italie, deux pays qui se trouvent en première ligne. Deux mécanismes de relocalisation d’urgence ont été mis en place en septembre dernier : ils visent à répartir entre les États membres 160 000 personnes en besoin manifeste de protection qui ont été enregistrées dans des zones d’attente – les fameux hot spots – en Italie et en Grèce.
Par ailleurs, le conseil Justice et affaires intérieures du 20 juillet dernier a décidé la réinstallation, à partir de pays tiers, de plus de 22 000 migrants. Dans ce cadre, notre pays accueillera au titre de la solidarité 30 000 personnes pour la relocalisation et 2 375 personnes pour la réinstallation sur une période de deux ans. Le Premier ministre a encore récemment confirmé cet objectif.
Ces mécanismes commencent à être opérationnels. À l’heure actuelle, 937 relocalisations ont été effectuées à l’échelle européenne, dont 242 relocalisations réalisées depuis la Grèce et 41 depuis l’Italie pour la France. Des progrès restent à faire, c’est le moins qu’on puisse dire, mais ces mécanismes commencent à fonctionner.
Pour permettre à la Grèce d’examiner la recevabilité des demandes d’asile dans les hot spots mais aussi l’aider à mieux assurer la protection de ses frontières, la solidarité de l’Union européenne s’est manifestée par la mise à disposition d’experts, de spécialistes et de policiers. Un besoin de 4 000 experts a été identifié. À la demande du Président de la République et de la chancelière fédérale allemande, Bernard Cazeneuve et son homologue allemand Thomas de Maizière ont indiqué dans un courrier adressé à la Commission européenne que la France contribuera au soutien de la Grèce en mobilisant 200 policiers affectés à l’agence Frontex et 100 experts issus notamment de l’OFPRA, affectés au Bureau européen d’appui en matière d’asile. L’Allemagne contribuera au même niveau et la France et l’Allemagne fourniront ensemble un soutien additionnel de 600 agents sur les 2 300 qui seront mobilisés par les États membres.
La fermeture de la route des Balkans requiert d’apporter à la Grèce un soutien exceptionnel afin qu’elle accueille au mieux une population de plus de 50 000 personnes bloquées sur son territoire et prévienne le risque d’une dégradation rapide des conditions sanitaires. L’Union européenne a décidé la création d’un nouvel instrument d’aide humanitaire intra-européen, baptisé EURO-ECHO, doté de 700 millions d’euros pour la période 2016-2018. Pour aider la Grèce à faire face à cette situation exceptionnelle, la France s’engage à titre bilatéral auprès de ses amis grecs en leur fournissant une contribution matérielle comportant notamment des abris préfabriqués, des équipements de chauffage, des conteneurs sanitaires et des équipements destinés à la distribution d’eau potable, soit autant d’actes concrets qui changent la donne sur le terrain.
Pour mettre fin au drame du trafic d’êtres humains en mer Egée, odieux mais très lucratif, dont profitent d’ignobles passeurs, un accord avec la Turquie s’imposait. Il suppose une coopération opérationnelle renforcée avec ce pays mais certainement pas le silence de la France sur le sort des minorités comme la minorité kurde ni sur l’évolution de la situation intérieure de ce pays au regard du respect de l’État de droit, des libertés fondamentales, des droits de l’homme, de l’égalité entre les femmes et les hommes et plus généralement de tous les standards en matière de droits et de libertés garantis par la convention européenne des droits de l’homme, dont la Turquie est signataire. L’honnêteté force d’ailleurs à dire que la Turquie est aussi l’un des pays les plus condamnés par la Cour européenne des droits de l’homme. Nous ferons donc preuve d’une vigilance forte et permanente sur ce point.
La Turquie étant le principal point de départ des migrants vers l’Europe, l’Union européenne a multiplié les efforts pour accroître la coopération avec elle depuis le sommet UE-Turquie du 29 novembre 2015, à l’issue duquel un plan d’action conjoint a été adopté en matière d’immigration. Ce plan d’action est articulé en deux volets, d’une part l’assistance à l’accueil et l’intégration des réfugiés et d’autre part le renforcement de la lutte contre les trafics, du contrôle des frontières et des réadmissions. Il ne résout évidemment pas tous les problèmes et sa mise en oeuvre suppose encore beaucoup de travail et d’ajustements.
Pour réaliser ses engagements, l’Union a décidé de soutenir financièrement la Turquie à hauteur de 3 milliards d’euros. Ces moyens très conséquents permettront à l’Union de porter assistance aux réfugiés accueillis en Turquie en soutenant des projets en matière de santé, d’éducation ou encore d’aide alimentaire. Ces fonds seront progressivement mobilisés sous forme de partenariats associant des ONG et la Commission européenne en fonction des efforts concrètement déployés par la Turquie. À cette fin, nous attendons une évaluation précise des besoins. C’est uniquement sur cette base que seront financés des projets, sans jamais perdre de vue ce qui se passe réellement sur le terrain. Il ne s’agit donc en aucun cas d’un chèque en blanc donné à la Turquie – je comprends parfaitement les inquiétudes et les préoccupations qui ont été soulevées à ce sujet.
Le plan d’action adopté en novembre dernier a été complété par l’adoption de mesures supplémentaires par les chefs d’État et de gouvernement lors du Conseil européen des 17 et 18 mars. La Turquie s’est engagée à réadmettre à partir du 20 mars toutes les personnes qui sont entrées irrégulièrement dans les îles grecques. Elle doit le faire, c’est la moindre des choses, en appliquant les standards internationaux du droit d’asile, en particulier le principe de non-refoulement. La France y a veillé et le Haut commissariat aux réfugiés garantira le bon respect de ces principes. Vous avez, madame la présidente Auroi, soulevé cette question.
Par ailleurs, il s’agit bien, monsieur le député Lellouche, d’un accord européen. Il est vrai que l’Allemagne a joué un rôle important dans sa préparation mais c’est le président du Conseil européen qui l’a négocié et il engage tous les pays membres de l’Union européenne. Il met en place un système de renvoi des migrants arrivant irrégulièrement en Grèce depuis la Turquie et prévoit en contrepartie la réinstallation en Europe des réfugiés qui se trouvent déjà dans des camps en Turquie.
Ce système est appelé « un pour un », soit un réfugié réinstallé pour un migrant renvoyé. Il vise à dissuader les départs qui mettent les migrants en danger. J’invite chacun d’entre vous à ne pas sous-estimer la dangerosité de certaines situations dans lesquelles sont placés les migrants par des passeurs sans scrupule. Face au trafic d’êtres humains et aux filières illégales, l’objectif de l’Union européenne est d’aménager une filière d’admission légale. Comme je l’ai indiqué, la France s’est engagée à accueillir 30 000 personnes relocalisées.
Vous êtes nombreux à vous interroger sur la légalité de l’accord avec la Turquie au regard du droit international et du droit européen. Le Gouvernement comprend ces interrogations. Il faut savoir que quiconque le souhaite pourra déposer une demande d’asile en Grèce et que chaque demande sera examinée de façon personnalisée, droit de recours inclus. Toutes les demandes d’asile introduites en Grèce feront l’objet d’un traitement individuel et seront susceptibles de recours selon les voies juridiques appropriées. Il ne saurait y avoir en aucun cas d’expulsions collectives ni de dossiers non examinés, comme le stipule clairement le texte de la déclaration conjointe UE-Turquie. Les engagements pris avec la Turquie respecteront également le cadre existant des négociations d’adhésion et de la feuille de route qui comprend soixante-dix critères conditionnant la libéralisation des visas. Notre partenariat avec la Turquie est important, mais il n’est pas question de transiger avec le respect de ces critères. La Turquie doit les satisfaire pour obtenir la libéralisation des visas ou faire avancer les procédures d’ouverture de nouveaux chapitres du processus d’adhésion.
La décision d’ouvrir le chapitre 33 relatif aux dispositions budgétaires et financières est une décision pragmatique conciliant la demande de la Turquie d’une relance des négociations et la préservation des exigences légitimes de Chypre afin de ne pas obérer le processus de réunification en cours. Cette négociation sur de nouveaux chapitres ne préjuge en aucun cas d’une décision au sujet de l’adhésion de la Turquie. Sur les trente-cinq chapitres qui la conditionnent, quinze ont été ouverts depuis 2005 dont onze entre 2007 et 2012 et deux seulement depuis 2012. Comme l’a rappelé le Président de la République, la conclusion éventuelle des discussions avec la Turquie n’est pas encore écrite et les Français seront consultés le jour venu à l’issue du processus, conformément à la Constitution. C’est d’ailleurs sous la présidence de Jacques Chirac que cette disposition a été introduite dans notre norme fondamentale.
Les prochaines semaines seront déterminantes pour rendre ces dispositions opérationnelles et atteindre les objectifs fixés, mais les défis sont considérables. Il est essentiel de veiller à la légalité du dispositif, compte tenu des critiques fortes du HCR et de plusieurs ONG. Cette crise ne nous met pas seulement au défi d’être fidèles à nos valeurs, elle exacerbe aussi les forces centrifuges, parfois populistes, qui menacent l’idée même de projet européen. Dans ce contexte, l’Union européenne doit garantir son intégrité et sa sécurité. Nous sommes nombreux à nous émouvoir, en Européens, du repli auquel nous assistons. Il s’agit d’une régression à laquelle nous ne devons pas céder. Gilles Savary, comme beaucoup d’entre vous, l’a dit, avec une conviction européenne particulièrement forte.
C’est pourquoi il est primordial d’assurer le contrôle des frontières extérieures de l’Union et de garantir le bon fonctionnement de l’espace Schengen. Après les attentats perpétrés l’an dernier, dans le contexte d’arrivées massives sur le territoire européen, il a été ainsi décidé de renforcer l’agence Frontex et de la transformer en agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures de l’UE. Elle formera un système européen de garde-frontières et de garde-côtes destiné à soutenir un État membre en difficulté et sera susceptible de proposer des mesures préventives aux frontières extérieures. Elle devrait être opérationnelle l’été prochain.
Pour garantir la sécurité de nos concitoyens, le Conseil de l’UE a par ailleurs adopté une modification ciblée du code frontières Schengen prévoyant des contrôles systématiques et coordonnés aux frontières extérieures. Nous appelons à son adoption par le Parlement européen dans les plus brefs délais. En outre, la Commission européenne présentera le 4 avril prochain à titre d’instrument complémentaire un paquet « Frontières intelligentes » qui fournira des outils technologiques permettant des contrôles automatisés systématiques à l’entrée et à la sortie de l’Union tout en garantissant la fluidité des passages de voyageurs.
Enfin, pour préserver l’intégrité de l’espace Schengen, tandis que plusieurs États membres, dont la France, ont rétabli des contrôles temporaires à leurs frontières, le Conseil a adopté le 12 février dernier des recommandations adressées à la Grèce, qui a connu au cours des derniers mois de grandes difficultés pour garantir le contrôle de ses frontières. Sur le fond, la Grèce doit bénéficier de toute l’assistance nécessaire pour exercer un contrôle effectif de ses frontières, et la France y contribue pleinement.
Plusieurs questions ont porté sur l’application de cet accord sur le terrain. Madame la députée Allain, vous avez cité le camp de Mauzac, situé dans votre circonscription. Ce camp est l’un des 121 centres d’accueil et d’orientation créés pour offrir une solution d’accueil temporaire aux personnes qui se trouvent à Calais. Telle est la solution privilégiée par l’État, conformément à la stratégie qui a été indiquée, au détriment de la création de campements comme celui de Grande-Synthe. Monsieur le député Savary, vous avez appelé l’attention sur le travail mené sur le terrain, notamment par les municipalités. Je salue au nom du Gouvernement l’implication des élus locaux dans l’accueil des réfugiés. Le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, a associé les maires dès le 12 septembre de l’année dernière à la stratégie d’accueil. Il a demandé aux maires et aux élus locaux leur appui. Lors de cette réunion comme toujours depuis, ils ont répondu présent, avec un grand sens des responsabilités.
L’État a mis en place un dispositif d’accompagnement des communes, consacré en particulier au logement. Le ministère de l’intérieur reste bien entendu à la disposition des élus pour faire le point sur toutes les situations, y compris les situations problématiques ou conflictuelles comme celles qui ont été évoquées. Quant à l’OFPRA, il est pleinement engagé dans la mise en oeuvre de l’accord UE-Turquie. Comme je l’ai indiqué, il enverra dès lundi en Grèce des officiers de protection afin de relocaliser en France et ailleurs en Europe tous les migrants ayant besoin de protection actuellement bloqués en Grèce, en lien avec le Bureau européen d’appui en matière d’asile.
L’OFPRA participe par ailleurs, dans le cadre du dispositif « un pour un », à des missions de réinstallation de migrants syriens vulnérables vivant en Turquie dans des conditions particulièrement difficiles. L’Office est donc pleinement partie prenante à la stratégie du Gouvernement dans cette affaire. Il est vrai qu’il a refusé de participer aux missions de police, en précisant que tel n’est pas son rôle. Chacun est libre de penser ce qu’il veut de cette décision mais elle me semble, à titre personnel, recevable et défendable. Hormis cette réserve, l’OFPRA est pleinement impliqué dans notre stratégie, ce qui est d’ailleurs indispensable pour la garantie des droits.
Par-delà l’urgence, nous devons traiter les causes profondes du phénomène en lien étroit avec les pays d’origine et de transit. L’Union européenne a renforcé le dialogue et les actions menés avec les pays d’origine et de transit afin d’y ouvrir des perspectives pour les migrants économiques qui cherchent à rejoindre l’Europe. La conférence de haut niveau sur la route des Balkans occidentaux et de la Méditerranée orientale tenue le 8 octobre dernier a défini une feuille de route axée sur l’aide aux réfugiés et aux communautés hôtes en Turquie, au Liban et en Jordanie mais aussi sur la lutte contre les filières de passeurs et la surveillance des frontières. La coopération entre les pays de la région et les États membres de l’Union européenne est indispensable,
Pour venir en aide aux pays voisins du conflit syrien, une conférence des donateurs relative à la crise syrienne s’est tenue à Londres le 4 février dernier à l’initiative de l’Allemagne, du Royaume-Uni, de la Norvège, du Koweït et des Nations Unies. Plus de 10 milliards de dollars ont été promis, dont plus de 3 par les États membres de l’Union européenne. La France a promis 200 millions d’euros de dons pour la période 2016-2018. La Jordanie et le Liban devraient ainsi bénéficier de mesures de soutien de la part de l’Union, en matière notamment d’assistance financière mais aussi de relations commerciales, de sécurité et de mobilité. Il s’agit par ailleurs de promouvoir une stratégie globale visant à offrir aux réfugiés syriens un minimum de stabilité par l’accès à l’emploi et la scolarisation des enfants.
Par ailleurs, le Sommet UE-Afrique tenu à La Valette les 11 et 12 novembre 2015 a aussi jeté les bases d’un partenariat global avec les pays d’origine et de transit visant à trouver des solutions communes et durables face à l’enjeu migratoire. Dans ce cadre, une déclaration politique et un plan d’action comportant seize actions prioritaires à mettre en oeuvre avant la fin de cette année ont été agréés. À partir d’un fonds de 1,8 milliard d’euros, vingt projets viennent d’être approuvés, en décembre pour l’Afrique de l’Est et en janvier pour l’Afrique de l’Ouest. Toutefois, la Haute représentante souhaite lier la mise en oeuvre de ce fonds avec les dialogues politiques de haut niveau sur le retour et la réadmission.
La coopération des États tiers, y compris en matière de retour et de réadmission, est bien sûr un enjeu clé. Des dialogues ont ainsi été initiés avec le Sénégal, l’Éthiopie et le Niger et les discussions sont en cours s’agissant des paquets incitatifs pour identifier les leviers concrets qui peuvent être mobilisés pour encourager une meilleure coopération de la part de ces pays en matière de migration légale, conformément aux engagements pris dans le plan d’action de La Valette.
La lutte contre le trafic d’êtres humains et contre les réseaux fait partie intégrante de la réponse européenne. En Méditerranée centrale, depuis plus de neuf mois, l’opération navale au titre de la politique de sécurité et de défense commune appelée Sophia lutte contre les trafiquants de migrants et les réseaux de passeurs. Cette opération a pour objectif la neutralisation des navires de trafiquants et de passeurs avant même leur utilisation. La deuxième phase de l’opération, qui doit permettre l’arraisonnement et la saisie de navires uniquement en haute mer, a débuté le 7 octobre. Nous espérons fortement que Sophia pourra prochainement opérer dans les eaux territoriales libyennes, conformément à son mandat. Cela requiert toutefois un accord préalable du futur gouvernement d’unité nationale libyen ou le vote d’une nouvelle résolution du Conseil de sécurité.
Enfin, la France participe aux activités de l’OTAN visant à renforcer la surveillance et le suivi des flux de migrants en mer Egée. Comme l’a annoncé le Président de la République le 4 mars, nous y avons déployé un patrouilleur de haute mer qui accomplit sa mission en coopération étroite avec les autres navires engagés dans ce cadre, envoyés par l’Allemagne, le Royaume-Uni, la Turquie, le Canada, la Grèce et les Pays-Bas.
Mesdames et messieurs les députés, les défis immenses que révèle ce débat, la situation à laquelle l’Europe est confrontée, ne justifient ni le renoncement ni le repli national, qui n’apportent aucune solution. L’Europe a les moyens d’y faire face. Elle en sera d’autant plus capable qu’elle sera fidèle aux principes de solidarité, de responsabilité et d’hospitalité. La France ne ménage pas et ne ménagera pas ses efforts pour y contribuer pleinement.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Nous en venons aux questions. Leur durée, ainsi que celle des réponses, est fixée à deux minutes.
La parole est à M. Philippe Gomes, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le secrétaire d’État, à l’occasion du Conseil européen des 18 et 19 février, l’Allemagne, soutenue principalement par la Grèce, submergée par l’afflux de migrants, a plaidé de nouveau pour un mécanisme de répartition permanent au niveau européen.
Dans un premier temps, la France avait indiqué, par une lettre commune de François Hollande et d’Angela Merkel, qu’elle était favorable à un tel mécanisme. Lors de son déplacement à Munich le 16 février, le Premier ministre aurait indiqué que la France n’était plus favorable à la mise en oeuvre d’un mécanisme de répartition, qu’elle n’accueillerait pas plus de 30 000 réfugiés sur deux ans et que les solutions à cette crise migratoire se trouvaient au Levant, en Turquie, en Jordanie et en Méditerranée.
Ces solutions sont effectivement indispensables, mais elles ne peuvent constituer la seule réponse à ces vagues migratoires. Je souhaiterais, monsieur le secrétaire d’État, que vous précisiez un certain nombre d’éléments concernant la position de la France.
Selon différentes sources, la France aurait accueilli à ce jour entre 62 et 300 réfugiés, sur les 30 000 annoncés. Pouvez-vous confirmer ces estimations ? Par ailleurs, le Gouvernement entend-il lancer une concertation avec les territoires pour évaluer plus précisément les capacités d’accueil, comme cela s’est fait en Allemagne ? Cette concertation serait-elle engagée si, au-delà du seuil de 30 000 réfugiés autorisé par le chef de l’État, des capacités d’accueil supplémentaires étaient débloquées ?
Enfin, le groupe de l’UDI, eu égard aux circonstances exceptionnelles, a proposé que les regroupements familiaux soient suspendus, afin de faire de l’accueil des véritables réfugiés politiques la priorité. Cette proposition est-elle susceptible d’être examinée par le Gouvernement ? Si oui, quelle suite entend-il lui donner ?
Monsieur le député, je vous remercie d’abord pour le ton que vous employez, et pour le grand humanisme et l’équilibre qui imprégnaient votre intervention de tout à l’heure. Dans le contexte actuel et la tonalité générale du débat, cela me semble fondamental.
Le Premier ministre a effectivement indiqué que la France avait pour objectif d’accueillir 30 000 réfugiés, et cela a été confirmé encore récemment. S’agissant des chiffres, vous êtes dans les bons ordres de grandeur. Il n’existe pas de chiffrage précis, mais nous savons que la France a déjà accueilli 350 réfugiés et en accueillera 140 supplémentaires au titre de la relocalisation dans les jours qui viennent. Nous sommes effectivement bien loin de l’objectif final.
Quant à la proposition du groupe de l’UDI, elle n’est pas recevable car elle contrevient à de nombreux engagements européens et internationaux de la France. L’unité de la famille du réfugié est un principe fondamental dans notre droit, garanti notamment par la Convention européenne des droits de l’homme et par la jurisprudence de la Cour européenne. Lorsqu’une personne est persécutée dans son pays en raison de ses origines ou de sa lutte pour la liberté, elle et sa famille ont droit à l’asile en Europe. Ce droit est placé tout en haut de la hiérarchie des normes.
Si, c’est le sujet. Je réponds à une question concernant les réfugiés.
Monsieur le secrétaire d’État, je voudrais vous interroger plus précisément sur l’accord conclu entre l’Union européenne et la Turquie, et relayer des inquiétudes très concrètes.
Amnesty International relève, depuis décembre 2015, un très grand nombre de retours forcés depuis la Turquie. Dernier exemple en date : trente réfugiés afghans ont été réexpédiés le 18 mars dans leur pays d’origine après une détention de plusieurs jours, sous couvert d’un soi-disant retour volontaire, sans avoir pu accéder à un avocat ni déposer une demande d’asile.
D’autres témoignages attestent de la mise en détention de réfugiés irakiens et iraniens, qui se sont trouvés dans l’incapacité d’effectuer les démarches permettant la reconnaissance éventuelle de leur droit à protection. À ces faits avérés s’ajoute une situation générale pour le moins incertaine en termes de respect des droits humains en Turquie.
Dans ce contexte, la France peut-elle considérer ce pays comme « pays tiers sûr » pour les réfugiés ? Interrogé à ce propos par la sénatrice Esther Benbassa le 22 mars, Harlem Désir a assuré que l’accord, en tout point conforme au droit international et européen, a pour objet de lutter contre le trafic d’êtres humains et qu’il n’y aura pas d’expulsion collective. Les faits semblent déjà contredire les intentions affichées et les déclarations.
Est-il raisonnable de demander à la Turquie de jouer le rôle de garde-frontière de l’Europe ? Ne faut-il pas renoncer à ces marchandages honteux et à cette sous-traitance de la souffrance humaine ? Ne vaut-il pas mieux envisager des voies d’accès à l’Union européenne légales et sûres, afin de considérer les demandes d’asile dans le respect du droit international et de la dignité des personnes ?
Madame la députée, le Gouvernement partage vos préoccupations et est très attentif à la question du respect des droits de l’homme et, en l’occurrence, du droit d’asile.
L’accord UE-Turquie est très précis à cet égard : il n’y aura pas de renvoi de masse de migrants et chacun pourra, s’il le souhaite, déposer une demande d’asile. Chaque demande sera examinée de manière individuelle, le droit de recours sera garanti. Nous serons très attentifs à ce que l’effectivité des droits soit respectée, aussi bien dans le texte de l’accord que dans la réalité des faits – puisque c’est finalement la seule chose qui compte.
La France se mobilise et assiste sur le terrain, avec des moyens humains supplémentaires, les services en charge du droit d’asile et du contrôle des frontières. Nous nous montrerons très attentifs à ce que, y compris en Turquie, un certain nombre d’adaptations législatives interviennent afin que les migrants soient effectivement protégés, conformément aux normes internationales applicables et dans le respect du principe de non-refoulement. Cela vaut aussi pour les Afghans, dont vous avez souligné la situation. Nous serons attentifs au principe, et à son respect effectif sur le terrain. À chaque fois que ce ne sera pas le cas, il y a aura des demandes très précises d’adaptation du droit et des pratiques constatées dans ces pays.
La parole est à M. François Asensi, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le secrétaire d’État, la mort d’Aylan, cet enfant de 3 ans, a ému la planète entière. La photo insoutenable de son corps a démontré à elle seule l’étendue de l’inaction de la communauté internationale et de l’Union européenne face à l’urgence humanitaire.
Avant sa disparition, au moins 3 700 personnes ont trouvé la mort en tentant de rejoindre les côtes européennes. Autant ont péri après.
Le 18 mars, l’Union européenne a signé un accord avec la Turquie pour résoudre la crise migratoire qui a secoué l’Europe au point de remettre en question les principes d’humanité sur laquelle elle s’est construite. Comme beaucoup d’autres, j’estime que cet accord est une honte pour notre pays.
Les migrants seront susceptibles d’être renvoyés chez eux, au péril de leur vie. L’UNICEF a fait part de sa grande inquiétude face aux implications de l’accord pour les enfants. D’après une porte-parole de l’organisation onusienne, la question des mineurs n’est absolument pas mentionnée, alors même qu’ils représentent près de la moitié des réfugiés dans le monde. Il est inconcevable que la question des enfants ne soit pas centrale dans cet accord. La France a ratifié la Convention internationale des droits de l’enfant, qui garantit à chaque enfant le droit d’avoir un refuge, de bénéficier de soins médicaux, d’aller à l’école… en un mot, le droit de vivre dans la dignité.
Monsieur le secrétaire d’État, le Gouvernement a-t-il l’intention d’apporter des modifications à cet accord afin de le faire prendre en compte le droit des enfants et de le rendre conforme au droit international ?
Monsieur le député, le Gouvernement partage votre préoccupation concernant le sort des enfants. Vous avez rappelé un cas qui a particulièrement frappé l’opinion internationale ; malheureusement, il y en a beaucoup d’autres.
L’Union européenne est engagée dans une stratégie globale sur la question des mineurs, qu’ils soient au sein de leur famille ou isolés. Plus de 200 millions d’euros sont mobilisés pour la période 2014-2020 afin de protéger les mineurs migrants, en Europe et dans les pays voisins. Par ailleurs, les paquets de soutien en faveur de la Jordanie et du Liban, auxquels travaille actuellement l’Union, seront consacrés principalement à la promotion d’une stratégie globale qui permettrait notamment la scolarisation généralisée des enfants syriens.
L’Union se mobilise également pour lutter contre le trafic d’enfants. Nous le savons bien, les mineurs peuvent constituer des cibles privilégiées et particulièrement vulnérables des réseaux de trafiquants. Europol et Eurojust oeuvrent au démantèlement de réseaux de trafiquants et de traite des mineurs. C’est une des priorités de la Plateforme européenne pluridisciplinaire contre les menaces des réseaux criminels de trafic d’êtres humains. La Plateforme européenne de la société civile de lutte contre la traite des êtres humains est également très impliquée sur ces questions, en lien avec les ONG de défense des droits des mineurs.
Enfin, la révision de l’article 8 du règlement Dublin II, proposée par la Commission européenne, en discussion avec le Parlement européen, vise à ce que les demandes d’asile des mineurs soient traitées dans l’État membre où elles ont été déposées, à moins que ce ne soit contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant.
La France suit cette stratégie globale et veille à ce que la question des mineurs soit particulièrement intégrée dans tous les débats en cours.
Nous en venons aux questions du groupe socialiste, républicain et citoyen. La parole est à M. Erwann Binet.
Monsieur le secrétaire d’État, dans votre intervention, vous avez détaillé le contenu et les implications de l’accord signé entre l’Union européenne et la Turquie. Je voudrais revenir sur son caractère opérant et les critiques qui en sont faites.
Plusieurs de mes collègues l’ont rappelé, cet accord « un Syrien pour un Syrien » fait l’objet de critiques de la part notamment des ONG les plus impliquées sur le terrain et du HCR, qui a cru bon de rappeler la priorité à donner à la garantie du droit d’asile. Il est également contesté d’un point de vue moral, car il donne l’impression que l’Europe renonce à l’accueil des demandeurs d’asile quand, dans le même temps, les pays immédiatement voisins de la zone de conflit les accueillent par millions. Vous avez néanmoins rappelé que l’Union européenne les soutient dans cette démarche. Cet accord, surtout, n’évoque pas la situation des Afghans, des Érythréens ou de ressortissants d’autres nationalités susceptibles d’obtenir le statut de réfugiés.
Je souhaite enfin appeler votre attention sur les défis logistiques immenses que constituera la mise en pratique de cet accord par la Grèce, à la fois pour traiter les demandes et renvoyer les migrants en Turquie. Un autre défi sera de veiller à ne pas provoquer l’émergence d’autres routes en Méditerranée encore plus dangereuses et mortelles pour les hommes, les femmes et les enfants poussés à l’exode.
Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous préciser les effets de l’accord déjà constatés sur le terrain depuis le 20 mars, date de son application, ainsi que ses effets attendus à long terme par la France ?
Monsieur le député, je tiens tout d’abord à saluer votre implication au long cours dans ce sujet. Nous avons travaillé ensemble lorsque je siégeais sur vos bancs à la question de l’accueil des étrangers et, plus généralement, à celle des migrations et des réfugiés, toutes questions dans lesquelles vous êtes particulièrement impliqué.
Vous avez rappelé les critiques très fortes, virulentes même de l’accord, qui ont été formulées par des organisations non gouvernementales et par le HCR. Il est vrai que ces critiques doivent être entendues. Mais nous sommes attentifs à ce que, sur le plan des principes, le respect des droits fondamentaux soit assuré en permanence et à ce que le droit turc soit adapté lorsque cela se révèle nécessaire, et ce l’est dans bien des cas, afin d’assurer le respect du droit international dans le principe et dans les pratiques.
Quelques jours à peine après le début de l’entrée en vigueur de l’accord, il est un peu tôt pour dresser un bilan réaliste. Nous n’avons pas le recul suffisant. Nous attendons de cet accord l’amélioration de la situation trop souvent insupportable à laquelle des femmes et des hommes sont confrontés sur le terrain : progressivement, les choses doivent aller dans le bon sens. C’est également le sens de l’assistance très concrète qu’apporte la France, je l’ai déjà évoqué, avec l’acheminement de matériels ou d’eau potable par exemple, en vue d’améliorer la condition matérielle des réfugiés, une condition qui, dans bien des endroits, n’est pas digne d’une certaine idée de l’homme et de l’Europe.
Nous portons donc une attention particulière à tous ces points, sur lesquels je salue l’implication du Parlement. Le contrôle parlementaire tout au long des différentes étapes du processus me paraît une des clés du succès, qui repose sur la vigilance permanente de chacun.
Je tiens tout d’abord à dire la fierté qui est la mienne d’avoir été la rapporteure d’un texte qui a consacré l’indépendance fonctionnelle de l’OFPRA, en l’inscrivant dans le marbre de la loi. Je souhaite adresser un mot de soutien aux officiers de protection de l’Office qui effectuent un travail exceptionnel en ces temps particulièrement difficiles. Monsieur Lellouche, vous avez affirmé que l’Union européenne ne s’est pas préparée à accueillir des migrants. Or, elle a adopté au début du siècle une directive sur la protection temporaire qui, s’il elle avait été appliquée, aurait permis la mise en oeuvre plus rapide de solutions plus dignes pour faire face à l’afflux massif des personnes qui fuient des conflits.
Monsieur le secrétaire d’État, les mineurs suscitent toute notre inquiétude. Pour la seule année 2015, Europol compte 85 000 mineurs isolés ayant déposé une demande d’asile dans l’Union européenne. En outre, un rapport très alarmant de l’UNICEF déplore la disparition de 10 000 enfants passés par les hot spots : c’est dire le nombre d’enfants n’étant pas passés par ces centres qui ont disparu ! Les enfants constituant la population la plus vulnérable parmi les vulnérables, quelles mesures la France défend-elle au sein de l’Union européenne pour que celle-ci prenne en compte les dangers qui pèsent sur eux ?
Où en sont enfin les discussions avec nos voisins britanniques, qui n’appartiennent pas à l’espace Schengen ? De nombreux mineurs attendent, sur les côtes de la Manche et de la mer du Nord, de pouvoir rejoindre leur famille en Grande-Bretagne. Ils y seraient naturellement bien plus en sécurité que dans les camps de Grande-Synthe ou de Calais.
Madame la présidente, je salue votre travail sur ce thème. J’ai déjà évoqué votre travail de rapporteure sur le droit d’asile et la réforme très forte qui a été réalisée par la majorité sur ce thème fondamental, alors que la situation, il faut le reconnaître, s’était considérablement dégradée depuis des années. Grâce à la loi qui a été votée et aux différentes dispositions qui sont mises en oeuvre, notamment l’indépendance de l’OFPRA, la situation, sans être parfaite, est désormais bien encadrée au plan législatif. Je me joins à vous pour saluer le travail remarquable réalisé par les officiers de protection et toutes les équipes de l’OFPRA, qu’avec plusieurs parlementaires nous avons eu l’occasion, il y a quelques années, de rencontrer pour faire le point et juger concrètement de la situation.
Vous m’interrogez vous aussi sur la situation des mineurs. J’ai déjà indiqué les éléments de stratégie de l’Union sur ce sujet en termes d’aide matérielle et de ciblage de cette population particulièrement vulnérable. Compte tenu du peu de temps qui m’est imparti, je concentrerai ma réponse sur Calais.
Vous savez que le ministre de l’intérieur, qui est très impliqué sur ce sujet, a indiqué devant la commission des lois que la mise à l’abri des mineurs constitue une de ses priorités absolues. Le centre Jules Ferry permet d’accueillir les enfants accompagnés de leur mère. Quant aux mineurs isolés, particulièrement vulnérables, ils font l’objet d’un suivi spécifique. L’État a missionné l’association France terre d’asile pour le recensement et la mise à l’abri des mineurs isolés. Lors des maraudes, il leur est proposé de rejoindre un des deux centres qui leur sont dédiés : le centre de Saint-Omer pour les plus de 15 ans et le centre Georges-Brassens pour les plus jeunes. Pour les plus de 15 ans, cette orientation dépend de leur consentement, conformément au droit.
En outre, le ministre de l’intérieur a décidé de renforcer considérablement notre dispositif d’accueil des mineurs. Des places leur sont réservées dans le centre d’accueil provisoire et dans les tentes de la sécurité civile.
Enfin, j’ajoute que, lors du sommet franco-britannique d’Amiens, le 3 mars dernier, la France a obtenu du Royaume-Uni qu’il s’engage à accueillir sur son territoire les mineurs isolés présents à Calais ayant de la famille outre-Manche, dans le cadre de l’application rigoureuse du règlement européen de Dublin. C’est un sujet supplémentaire sur lequel notre coopération a permis d’avancer. En la matière, il est essentiel que le Royaume-Uni prenne toute sa part. Je vous remercie pour votre suivi attentif de ce sujet.
Nous en venons aux questions du groupe Les Républicains.
La parole est à Mme Nicole Ameline.
Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de vos réponses, tout en notant un très grand décalage entre, d’une part, votre volonté et la conscience exprimée dans ce débat et, d’autre part, la réalité européenne. Je vous demande avec beaucoup de force de faire en sorte que la voix de la France s’exprime plus fortement à Bruxelles. Il faut également renforcer la présence des droits de l’homme et du droit international dans les décisions de politique intérieure qui sont prises. C’est une revendication de la Commission nationale consultative des droits de l’homme et, je crois, de plus en plus d’observateurs internationaux atterrés par l’attitude de l’Europe dans cette crise.
Je tiens à rappeler que nos principes sont nos forces dans le monde. Au-delà des droits de l’homme, le droit international fonde notre légitimité à l’ONU, à l’OTAN et dans tout ce que nous entreprenons. Or c’est un affaiblissement considérable que de renoncer aujourd’hui à son expression et à son évocation dans toutes les décisions que nous prenons pour faire face à cette crise sans précédent.
Vous avez évoqué la question des partenariats européens. Je tiens à intervenir sur la Méditerranée alors qu’hier, un nouveau gouvernement s’est installé en Libye. L’arraisonnement des bateaux au large des côtes libyennes ne répond pas à l’enjeu. Il est important de créer une approche globale permettant à l’ensemble de la région de consolider une transition politique et sécuritaire qui allie tous les aspects du développement. Je tiens à le dire avec beaucoup de force : comme vous l’avez souligné, l’Europe joue en ce moment son âme et son avenir. Peut-être ce partenariat euro-méditerranéen est-il un moyen de redonner à la perspective des droits de l’homme, des valeurs universelles et de la sécurité, qui sont indissociables, une dimension qui serait l’honneur de nos pays.
Je vous le demande avec insistance : pouvons-nous espérer un partenariat euro-méditerranéen stratégique ?
Je tiens également à saluer votre implication, madame la députée, sur tous ces sujets. Vous êtes depuis longtemps impliquée sur la question des droits de l’homme et en particulier des droits des femmes, y compris à l’ONU. Vous avez raison de rappeler que le droit international fonde un grand nombre des engagements de la France ainsi que notre rayonnement. C’est vrai de notre place de membre permanent au Conseil de sécurité, c’est vrai du message universel de la France, c’est vrai de l’éminente contribution de juristes français à la Déclaration universelle de droits de l’homme – je pense à René Cassin. Sur tous ces sujets, le message de la France est celui des droits de l’homme et du respect des libertés partout dans le monde. Vous avez parfaitement raison de le rappeler dans le contexte général dans lequel se situe le débat public français. Il est salutaire que ce type de voix s’exprime dans toutes les familles politiques.
C’est vrai, le partenariat euro-méditerranéen, pour lequel vous vous impliquez, est d’une grande importance stratégique pour faire face aux défis communs aux deux rives de la Méditerranée. Si les problèmes ne sont pas réglés sur l’une des deux rives, ils rejailliront nécessairement sur l’autre à plus ou moins court terme, tant les choses sont désormais liées. C’est vrai tant sur le plan sécuritaire que sur les plans économique et social.
Des outils existent, dont certains ont déjà fait leur preuve. Je pense à la politique européenne de voisinage, qui vient d’être révisée, au dialogue 5+5, dont la France assure actuellement la coprésidence, à l’Union pour la Méditerranée, qui est aujourd’hui la seule enceinte de coopération régionale euro-méditerranéenne, ou encore à la coopération entre l’Union européenne et la Ligue des États arabes, marquée notamment par le récent lancement d’un dialogue stratégique sur de nombreux sujets.
Notre pays continuera d’oeuvrer en faveur du renforcement du partenariat euro-méditerranéen, en particulier autour de trois axes d’action : la jeunesse, le renforcement de l’intégration régionale, dans le souci que vous avez souligné de coopérer, et le dialogue sur les questions de sécurité, en particulier la lutte contre le terrorisme et la radicalisation.
Nous partageons au moins sur ces points le diagnostic que rien ne peut se faire si l’ensemble du pourtour méditerranéen n’est pas impliqué pour travailler ensemble, conformément au message de Fernand Braudel sur l’identité méditerranéenne.
Le message de Fernand Braudel… et de Nicolas Sarkozy, qui a lancé l’Union pour la Méditerranée, monsieur le secrétaire d’État, vous le savez bien !
Vous n’avez pas répondu aux questions que je vous ai posées, notamment sur le retour des migrants en Turquie – qui les ramènera ? – et sur la raison pour laquelle la Turquie accueillerait ces migrants alors qu’elle a déjà signé un accord de réadmission avec la Grèce qu’elle n’a jamais appliqué. Vous n’avez pas non plus répondu à la question de Philippe Gomes sur le regroupement familial, qui est fondamentale. Les Républicains partagent son diagnostic. Nous ne pourrons pas continuer de pratiquer un regroupement familial que la loi votée début mars à l’instigation du Gouvernement a rendu encore plus généreux qu’avant, si nous devons accueillir en plus les vagues migratoires qui arrivent. La question du regroupement familial ne se posera pas seulement pour les réfugiés, vous le savez fort bien, monsieur le secrétaire d’État.
Ayant renoncé à espérer des réponses sur les questions précédentes, je souhaite vous poser deux autres questions. Première question : dans le climat actuel, comment réussirons-nous à connecter, lors de l’arrivée des migrants, les contrôles qui devraient être mis en oeuvre au système d’information Schengen ? Nous nous sommes en effet aperçus que, malheureusement, en matière de lutte antiterroriste, il n’y a eu aucune connexion sérieuse entre un système d’information Schengen déjà ridiculement faible et les vagues migratoires importantes de l’année dernière.
J’en viens à ma deuxième question, qui n’est pas des moindres. En décembre dernier, en prétextant de la COP21, le Gouvernement a rétabli les frontières nationales. Personne n’a été dupe : la COP21 avait bon dos, c’est en réalité la vague migratoire qui était la vraie raison de cette mesure. Cependant, cette dernière doit prendre fin fin mai ou début juin, c’est-à-dire lorsque commencera l’Euro. Le Gouvernement maintiendra-t-il les frontières nationales à partir de la fin du mois de mai et pendant toute la durée de la compétition, ou rétablira-t-il le régime de libre circulation ? Ce n’est pas une question légère en matière de sécurité publique.
Monsieur le député, vous m’avez posé plusieurs questions. Qui va reconduire les réfugiés en Turquie ? C’est l’agence Frontex, dont c’est la mission, laquelle a d’ailleurs été récemment redéfinie et précisée.
Quant au durcissement du regroupement familial, il serait en contradiction flagrante avec les normes internationales et les engagements internationaux de la France, que votre collègue Nicole Ameline vient de nous appeler à respecter. Pour quelques centaines de réfugiés accueillis à ce jour dans notre pays, votre famille politique déclenche polémique sur polémique. Elle joue sur les peurs de nos concitoyens, y compris sur des fantasmes, et sur une détresse bien réelle aujourd’hui. Elle poursuit une stratégie politique bien précise, que nous connaissons et qui consiste à courir après l’extrême-droite.
Vous n’allez pas pouvoir longtemps parler de fantasmes, mon cher ami ! C’est tellement grave !
C’est la vérité ! Il est parfaitement regrettable qu’une famille politique responsable, ou qui se définit comme telle, aspirant à exercer des responsabilités, puisqu’elle compte désormais douze candidats à la primaire,…
Rires sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen
…puisse tenir de tels discours sur un sujet aussi fondamental, tombant bien souvent dans une indécence absolue.
En matière de niveau, je souffre la comparaison, monsieur le ministre Lellouche.
Puisque vous avez posé des questions précises, je vous apporte des réponses précises. S’agissant de la connexion entre le contrôle des nouveaux migrants et le système d’information Schengen, elle est assurée par la base Eurodac, installée dans les hot spots.
J’en viens à votre dernière question, là encore gravissime, qui est de savoir comment sera géré l’Euro, dont nous souhaitons la tenue et la réussite…
Ce n’est pas la question ! Je ne vous demande pas comment sera géré l’Euro, mais si vous allez rétablir les frontières !
…dans des conditions sécuritaires parfaites. Évidemment, le Gouvernement étudiera de très près à la fois la question des frontières nationales et celle du maintien ou non de l’état d’urgence.
Ces questions sont laissées à l’appréciation des plus hautes autorités de ce pays, qui prendront à l’évidence, en temps utile, les décisions qui s’imposent.
Prochaine séance, mardi 5 avril, à quinze heures :
Questions au Gouvernement ;
Éloge funèbre de Sophie Dessus ;
Discussion, en lecture définitive, de la proposition de loi organique de modernisation des règles applicables à l’élection présidentielle et de la proposition de loi de modernisation de diverses règles applicables aux élections ;
Discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires ;
Discussion, en deuxième lecture, du projet de loi constitutionnelle portant réforme du Conseil supérieur de la magistrature.
La séance est levée.
La séance est levée à dix-huit heures trente-cinq.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly