Monsieur le secrétaire d’État, je voudrais vous interroger plus précisément sur l’accord conclu entre l’Union européenne et la Turquie, et relayer des inquiétudes très concrètes.
Amnesty International relève, depuis décembre 2015, un très grand nombre de retours forcés depuis la Turquie. Dernier exemple en date : trente réfugiés afghans ont été réexpédiés le 18 mars dans leur pays d’origine après une détention de plusieurs jours, sous couvert d’un soi-disant retour volontaire, sans avoir pu accéder à un avocat ni déposer une demande d’asile.
D’autres témoignages attestent de la mise en détention de réfugiés irakiens et iraniens, qui se sont trouvés dans l’incapacité d’effectuer les démarches permettant la reconnaissance éventuelle de leur droit à protection. À ces faits avérés s’ajoute une situation générale pour le moins incertaine en termes de respect des droits humains en Turquie.
Dans ce contexte, la France peut-elle considérer ce pays comme « pays tiers sûr » pour les réfugiés ? Interrogé à ce propos par la sénatrice Esther Benbassa le 22 mars, Harlem Désir a assuré que l’accord, en tout point conforme au droit international et européen, a pour objet de lutter contre le trafic d’êtres humains et qu’il n’y aura pas d’expulsion collective. Les faits semblent déjà contredire les intentions affichées et les déclarations.
Est-il raisonnable de demander à la Turquie de jouer le rôle de garde-frontière de l’Europe ? Ne faut-il pas renoncer à ces marchandages honteux et à cette sous-traitance de la souffrance humaine ? Ne vaut-il pas mieux envisager des voies d’accès à l’Union européenne légales et sûres, afin de considérer les demandes d’asile dans le respect du droit international et de la dignité des personnes ?