Intervention de Hélène Rey

Réunion du 30 mars 2016 à 9h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Hélène Rey, professeure à la London Business School :

Je ne crois pas non plus que l'output gap puisse être fermé alors que le chômage s'établit à 10 %. Sachant la façon dont il est calculé, ce n'est pas si surprenant : personne ne sait calculer correctement un output gap, il faut donc toujours prendre ces modèles avec des pincettes.

S'agissant de la BCE, il est vrai qu'elle fait beaucoup de choses, market making et autres, et ce fardeau est certainement trop lourd. Le quantitative easing impose du répondant de la part des autorités nationales, qu'il s'agisse des politiques budgétaires nationales ou européenne, et des réformes.

Faudrait-il plus d'investissements au niveau européen ? Bien sûr ! Qu'attendons-nous ?

Il y a une complémentarité de toutes ces politiques macroéconomiques, qui ne peuvent s'exprimer que si elles sont exécutées de manière coordonnée. Le policy mix macroéconomique de la zone euro a été mauvais, et il faudrait y remédier.

Je suggérais sur ce point un investissement rapide en faveur de l'intégration des réfugiés. Les motivations en sont plus humanitaires que budgétaires, mais une telle mesure contribuerait aussi à une amélioration des politiques macroéconomiques. Il y a beaucoup de choses à faire, et le principe de subsidiarité pourrait s'appliquer pour l'intégration des réfugiés, la construction de logements ou le développement de la sécurité au sein de la zone. Il faudrait essayer de saisir ces occasions.

Une question a été posée sur les contrats d'assurance vie. Étant membre du Haut Conseil de stabilité financière, je vais y répondre. Nos communiqués de presse rappellent constamment que nous suivons avec beaucoup d'attention l'évolution des taux garantis. Bien évidemment, lorsque les taux d'intérêt bas perdurent, il faut les réduire. Cela se fait de manière glissante, et pas abrupte, mais c'est nécessaire. Il faut surveiller cela, vous n'ignorez pas qu'il y a des problèmes à ce niveau en Allemagne.

Sur l'existence d'une bulle obligataire, je partage l'analyse de Jean Pisani-Ferry : c'est la politique des banques centrales qui crée ces évaluations, et la manière d'éviter des mouvements trop rapides est de sortir de façon très progressive des politiques de quantitative easing. C'est ce que tente de faire Janet Yellen en balisant énormément la montée des taux par sa communication, de façon que les portefeuilles puissent s'ajuster le plus doucement possible. Évidemment, dans des environnements où les acteurs sont sujets à des effets de levier très importants, il n'est pas toujours possible d'avoir des évolutions très lisses. Il y a toujours un danger et il faut être vigilant, mais c'est la seule façon de faire.

En ce qui concerne la régulation des fonds d'investissement, il convient de savoir si les entités sont systémiques, dans un sens différent du système bancaire. Des fonds d'investissement sont systémiques s'il y a des vagues de rachat et qu'ils doivent liquider des actifs, et que cette liquidation entraîne des effets secondaires sur des banques ou d'autres acteurs financiers importants. Dans ce cas, il faudrait limiter ces liquidations d'actifs, et il existe plusieurs pistes pour ce faire. Il convient d'étudier si les fonds en question sont soumis à d'importants effets de levier par le jeu de produits dérivés.

S'agissant de la faiblesse de l'investissement dans l'OCDE, en particulier dans les infrastructures, on peut en effet se demander pourquoi, lorsque les taux d'intérêt réels sont si bas, il n'y a pas plus d'investissement productif. Tout cela procède du déficit d'investissement évoqué précédemment. Il serait d'une grande aide de mener une politique monétaire expansionniste et d'effectuer des investissements – si possible au niveau européen et coordonnés au niveau de l'OCDE – et de faire les réformes appropriées au point de vue national.

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