Intervention de Georges Fenech

Réunion du 30 mars 2016 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGeorges Fenech :

Il me semble – je n'ai pu être présent la semaine dernière pour le dire, et vous prie de m'en excuser – que ce projet de loi sous sa forme actuelle est le fruit d'une confusion entre les rôles du parquet et du siège. Faut-il aller en effet jusqu'à graver dans le marbre de la Constitution la subordination de la nomination des procureurs à l'avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature ? Je sais que, dans la pratique, le Gouvernement n'a jamais passé outre les avis non conformes du CSM, mais qu'il en ait la possibilité constitue une soupape de sécurité garantissant que le garde des sceaux, dont la légitimité procède du suffrage universel, pourra défendre sa politique pénale.

Ne doit-on pas craindre, en rapprochant encore le statut des magistrats du parquet sur celui des magistrats du siège, de donner naissance – après tout, pourquoi pas ? – à un authentique pouvoir judiciaire qui pourrait s'auto-nommer, s'auto-promouvoir et s'auto-sanctionner sans qu'en contrepartie la responsabilité des juges soit clairement définie ?

Je rappelle, en outre, que les magistrats élus au CSM ont dans leur quasi-totalité été candidats sur des listes syndicales, ce qui signifie que nous assisterions à l'émergence d'une forme de pouvoir syndical, voire – et j'y insiste – de politisation de la justice, ce qui peut être problématique lorsque l'on se souvient que, par le passé, un certain syndicat a appelé à faire battre un candidat à la présidence de la République ; que, plus récemment, il s'est permis de décrier la loi sur l'état d'urgence que nous avions pourtant votée en toute souveraineté ; ou que, dernièrement, il s'en est pris à la réforme du code du travail, autant de prises de position dont on peut contester la légitimité, qui ne procède en rien du suffrage universel.

Le groupe Les Républicains ne peut adopter cette réforme, quand bien même la parité qu'elle instaure au sein du CSM entre « clercs » et « laïcs », entre magistrats et non-magistrats, correspond aux standards européens. Aujourd'hui, le CSM est majoritairement composé de non-magistrats, ce qui permet de limiter les risques de corporatisme.

Si ce projet de loi était adopté en l'état, sans être enrichi d'un volet précisant qui définit et qui conduit la politique pénale du pays, qui en est responsable devant le peuple, nous bouleverserions la Constitution en transformant l'autorité judiciaire en pouvoir judiciaire.

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