Intervention de Jean-Christophe Belliard

Réunion du 23 mars 2016 à 16h00
Commission des affaires étrangères

Jean-Christophe Belliard, directeur de l'Afrique et de l'Océan indien au ministère des affaires étrangères et du développement international :

Le ministre des affaires étrangères et le ministre de l'intérieur se sont rendus en Côte d'Ivoire après l'attentat de Grand-Bassam. Même si le bilan est, certainement, lourd, la capacité des autorités ivoiriennes à faire face, rapidement et fermement, avec professionnalisme, à cette attaque, doit être soulignée.

S'agissant de la situation politique, le président Ouattara vient d'être réélu, pour un deuxième mandat de cinq ans. La constitution limite à deux le nombre de mandats et il est établi qu'elle sera respectée. C'est maintenant la règle en Afrique, même si l'on a tendance à se concentrer sur quelques exceptions. On assiste à des alternances au pouvoir, comme récemment au Nigéria, au Cap-Vert, en République Centrafricaine et au Burkina Faso. La règle fondamentale de l'Union africaine, selon laquelle les dirigeants des transitions ne peuvent pas se présenter aux élections, est également respectée.

En Côte d'Ivoire, le président Ouattara a annoncé que son nouveau mandat serait le dernier. Il travaille déjà, avec le parlement, à une révision constitutionnelle qui prévoirait, notamment, la création d'un poste de vice-président. J'ajoute qu'il y aura des élections législatives avant la fin de l'année.

Sur la scène politique, on constate une unité de vues entre le PDCI et le RDR, et une division entre le FPI de M. Affi N'Guessan, qui a joué le jeu, en participant à l'élection présidentielle, et en reconnaissant son résultat, et le FPI de M. Gbagbo, dont vous connaissez la situation devant la Cour pénale internationale. Le FPI de M. Gbagbo semble envisager de participer aux élections législatives, ce qui serait de nature à permettre un retour, progressif, à la normale, malgré les crispations.

En termes politiques, nous sommes donc dans une phase de retour à la normale. Il y a eu de bonnes élections, bien organisées, avec un taux de participation significatif, et une observation, tant locale qu'internationale. Le président Ouattara l'a emporté avec environ 84 % des voix. On est donc dans l'apaisement.

L'économie est le point fort du président Ouattara, avec son expérience passée, notamment au FMI. La Côte d'Ivoire est un pays bien géré. Vous avez mentionné les 8 % de croissance. La Côte d'Ivoire affiche l'un des taux de croissance les plus élevés d'Afrique et ce qui est intéressant est que ce n'est pas une croissance uniquement basée sur les matières premières. La Côte d'Ivoire a, d'ailleurs, moins souffert que les autres de la baisse des prix du pétrole et des investissements chinois. Son économie est, certes, basée sur le cacao et le café, mais c'est également une économie diversifiée, qui marche assez bien.

Il est intéressant de voir que la présence de la communauté française augmente, après avoir diminué pendant la crise. Les Français sont en train de revenir. Ils sont 18 000 aujourd'hui, alors qu'on était à 12 000 au creux de la vague. Les grands groupes sont là, mais il y a aussi beaucoup de PME. Ils pensent donc qu'ils peuvent gagner de l'argent en Côte d'Ivoire, où les règles du jeu sont, dans l'ensemble, claires.

Il est important de dire que si les choses marchent en Côte d'Ivoire, alors elles marchent aussi dans les pays voisins, comme le Ghana ou le Nigéria, et que cela facilitera les migrations en provenance du Sahel, qui sont généralement dirigées vers ces pays. Si le Nigéria va mieux, ce qui dépendra de la résolution de la crise Boko Haram, et si la Côte d'Ivoire va mieux, alors les migrants iront plus vers ces pays que vers le Nord. Le président Ouattara disait il y a quelques jours devant les ministres des affaires étrangères et de l'intérieur qu'avec les difficultés du Nigéria, dues à la baisse du prix du pétrole, et du Ghana, qui a de gros problèmes d'endettement, beaucoup d'investissements se sont réorientés vers la Côte d'Ivoire.

Vous avez noté le retour, à Abidjan, du siège de la Banque africaine de Développement, qui s'était, pendant la crise, installée en Tunisie. D'autres institutions internationales reviennent également en Côte d'Ivoire alors que des sièges d'entreprises s'y installent.

C'est donc l'aspect positif de la situation en Côte d'Ivoire. La situation politique est apaisée, la situation économique va dans le bon sens.

Concernant la réconciliation, les choses avancent mais peut-être pas assez vite. On parle beaucoup des procès du couple Gbagbo, mais c'est aux Ivoiriens de traiter ces questions.

La réforme du secteur de sécurité a bien avancé. L'État contrôle l'ensemble de son territoire. Il faudrait aller jusqu'au bout des réformes de la police et de l'armée.

La normalisation des relations avec la communauté internationale se poursuit. L'ONUCI va bientôt se retirer, ce qui indique un retour à la normale. L'embargo sur les armes devrait également, bientôt, être levé. Les forces de sécurité ivoiriennes ont, en effet, besoin de certains équipements qu'ils ne peuvent pas se procurer en raison de l'embargo. Le bilan est globalement positif et la situation du pays apaisée, ce qui pourrait permettre d'envisager prochainement une levée de l'embargo.

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