Audition de M. Jean-Christophe Belliard, directeur d'Afrique et de l'Océan indien, sur la Côte d'Ivoire.
La séance est ouverte à seize heures trente.
Nous recevons M. Jean-Christophe Belliard, directeur de l'Afrique et de l'Océan indien au ministère des affaires étrangères et du développement international, pour un point sur la situation en Côte d'Ivoire et au Burundi.
Chacun connaît la crise intérieure qui a durablement meurtri la Côte-d'Ivoire depuis la fin des années 1990. Depuis 2010, ce pays paraît toutefois avoir renoué avec un certain progrès en matière politique et économique. Vous nous direz donc où on en est. Je note en particulier que le taux de croissance est d'environ 8 %, mais cet indicateur n'est pas toujours le reflet complet de la situation. Après l'attentat qui vient d'être commis à Grand-Bassam, vous évoquerez sans doute aussi la question du terrorisme.
Lorsque je me suis rendu en Côte d'Ivoire vers 1980, à l'occasion d'un voyage des élèves de l'Ecole nationale d'administration (ENA), j'avais été frappé par le contraste entre l'apparente prospérité et stabilité du pays, du moins à Abidjan et sa région, et les incertitudes, le questionnement, voire la contestation qui se faisait jour dans les conversations que nous pouvions avoir avec nos homologues de l'ENA ivoirienne, dont j'ignore d'ailleurs si elle existe toujours.
Il serait également intéressant que vous reveniez sur l'intégration de l'Agence française de développement (AFD) au sein de la Caisse des dépôts. L'AFD va-t-elle recommencer à consentir des prêts, notamment à la Côte d'Ivoire ? Certains d'entre nous redoutent qu'elle ne décide de prêter seulement aux pauvres.
Le ministre des affaires étrangères et le ministre de l'intérieur se sont rendus en Côte d'Ivoire après l'attentat de Grand-Bassam. Même si le bilan est, certainement, lourd, la capacité des autorités ivoiriennes à faire face, rapidement et fermement, avec professionnalisme, à cette attaque, doit être soulignée.
S'agissant de la situation politique, le président Ouattara vient d'être réélu, pour un deuxième mandat de cinq ans. La constitution limite à deux le nombre de mandats et il est établi qu'elle sera respectée. C'est maintenant la règle en Afrique, même si l'on a tendance à se concentrer sur quelques exceptions. On assiste à des alternances au pouvoir, comme récemment au Nigéria, au Cap-Vert, en République Centrafricaine et au Burkina Faso. La règle fondamentale de l'Union africaine, selon laquelle les dirigeants des transitions ne peuvent pas se présenter aux élections, est également respectée.
En Côte d'Ivoire, le président Ouattara a annoncé que son nouveau mandat serait le dernier. Il travaille déjà, avec le parlement, à une révision constitutionnelle qui prévoirait, notamment, la création d'un poste de vice-président. J'ajoute qu'il y aura des élections législatives avant la fin de l'année.
Sur la scène politique, on constate une unité de vues entre le PDCI et le RDR, et une division entre le FPI de M. Affi N'Guessan, qui a joué le jeu, en participant à l'élection présidentielle, et en reconnaissant son résultat, et le FPI de M. Gbagbo, dont vous connaissez la situation devant la Cour pénale internationale. Le FPI de M. Gbagbo semble envisager de participer aux élections législatives, ce qui serait de nature à permettre un retour, progressif, à la normale, malgré les crispations.
En termes politiques, nous sommes donc dans une phase de retour à la normale. Il y a eu de bonnes élections, bien organisées, avec un taux de participation significatif, et une observation, tant locale qu'internationale. Le président Ouattara l'a emporté avec environ 84 % des voix. On est donc dans l'apaisement.
L'économie est le point fort du président Ouattara, avec son expérience passée, notamment au FMI. La Côte d'Ivoire est un pays bien géré. Vous avez mentionné les 8 % de croissance. La Côte d'Ivoire affiche l'un des taux de croissance les plus élevés d'Afrique et ce qui est intéressant est que ce n'est pas une croissance uniquement basée sur les matières premières. La Côte d'Ivoire a, d'ailleurs, moins souffert que les autres de la baisse des prix du pétrole et des investissements chinois. Son économie est, certes, basée sur le cacao et le café, mais c'est également une économie diversifiée, qui marche assez bien.
Il est intéressant de voir que la présence de la communauté française augmente, après avoir diminué pendant la crise. Les Français sont en train de revenir. Ils sont 18 000 aujourd'hui, alors qu'on était à 12 000 au creux de la vague. Les grands groupes sont là, mais il y a aussi beaucoup de PME. Ils pensent donc qu'ils peuvent gagner de l'argent en Côte d'Ivoire, où les règles du jeu sont, dans l'ensemble, claires.
Il est important de dire que si les choses marchent en Côte d'Ivoire, alors elles marchent aussi dans les pays voisins, comme le Ghana ou le Nigéria, et que cela facilitera les migrations en provenance du Sahel, qui sont généralement dirigées vers ces pays. Si le Nigéria va mieux, ce qui dépendra de la résolution de la crise Boko Haram, et si la Côte d'Ivoire va mieux, alors les migrants iront plus vers ces pays que vers le Nord. Le président Ouattara disait il y a quelques jours devant les ministres des affaires étrangères et de l'intérieur qu'avec les difficultés du Nigéria, dues à la baisse du prix du pétrole, et du Ghana, qui a de gros problèmes d'endettement, beaucoup d'investissements se sont réorientés vers la Côte d'Ivoire.
Vous avez noté le retour, à Abidjan, du siège de la Banque africaine de Développement, qui s'était, pendant la crise, installée en Tunisie. D'autres institutions internationales reviennent également en Côte d'Ivoire alors que des sièges d'entreprises s'y installent.
C'est donc l'aspect positif de la situation en Côte d'Ivoire. La situation politique est apaisée, la situation économique va dans le bon sens.
Concernant la réconciliation, les choses avancent mais peut-être pas assez vite. On parle beaucoup des procès du couple Gbagbo, mais c'est aux Ivoiriens de traiter ces questions.
La réforme du secteur de sécurité a bien avancé. L'État contrôle l'ensemble de son territoire. Il faudrait aller jusqu'au bout des réformes de la police et de l'armée.
La normalisation des relations avec la communauté internationale se poursuit. L'ONUCI va bientôt se retirer, ce qui indique un retour à la normale. L'embargo sur les armes devrait également, bientôt, être levé. Les forces de sécurité ivoiriennes ont, en effet, besoin de certains équipements qu'ils ne peuvent pas se procurer en raison de l'embargo. Le bilan est globalement positif et la situation du pays apaisée, ce qui pourrait permettre d'envisager prochainement une levée de l'embargo.
Nous avons récemment entendu Bernard Cazeneuve évoquer le soutien que la France pourrait apporter à la Côte d'Ivoire en matière de logistique et de renseignements. Quelles sont aujourd'hui les capacités des services de renseignements ivoiriens ? Qu'allons-nous apporter ?
Vous avez par ailleurs évoqué à raison le dynamisme économique du pays. Le Forum « Africa CEO », qui a été maintenu il y a deux jours malgré les attentats, a été semble-t-il un véritable succès. Les investisseurs étrangers sont fortement présents en Côte d'Ivoire. Comment analysez-vous la montée en puissance de certains de nos partenaires dans le pays, je pense par exemple au Maroc ou à la Turquie ?
Nos parts de marché ont en effet baissé, ce qui peut paraître préoccupant. En réalité, que des pays tels que la Turquie, le Maroc ou encore le Brésil s'intéressent de plus en plus à l'Afrique est, d'une certaine façon, rassurant, car cela montre que l'Afrique attire et rassure. Nos parts de marchés baissent, mais la taille des économies augmente, ce qui veut dire que nos entreprises s'y retrouvent.
J'ajoute que nos parts de marché augmentent dans « l'autre Afrique » et que l'Angola, l'Ethiopie, l'Afrique du Sud ou encore le Nigeria comptent, désormais, parmi nos premiers partenaires commerciaux. Il faut donc voir aussi voir l'Afrique de manière globale.
Enfin, quelques précisions sur la mission du GIGN au Burkina Faso. Il s'agit, principalement, d'une mission de conseil, qui a, d'ailleurs, vocation à s'exercer sur le plan régional. S'y ajoute bien évidemment des coopérations en matière de formation. Quant aux questions de logistique et de matériel, la France plaide en effet, dans la perspective de la réunion du conseil de sécurité des Nations unies en avril, en faveur de la levée de l'embargo sur les armes en Côte d'Ivoire.
Plusieurs questions pour ma part. Tout d'abord, comment expliquez-vous ce retour de la communauté française en Côte d'Ivoire ? Où en est l'enseignement du français ? Par ailleurs, vous avez évoqué nos positions économiques dans la région, comment nous situons-nous par rapport aux Chinois ? Pourriez-vous spécifier les raisons du maintien pour l'heure de l'embargo sur les armes qui empêchent les autorités d'acquérir jusqu'à des lunettes de vision nocturne ? Vous avez aussi utilisé l'expression de « corruption modérée », pourriez-vous préciser votre pensée ? Quelle est la présence des medias français dans le pays notamment RFI et France 24 ? Enfin, combien de militaires français sont aujourd'hui présents en Côte d'Ivoire ?
Parmi les nouveaux arrivants en Côte d'Ivoire, on compte à la fois des grandes entreprises – toutes les grandes entreprises françaises du CAC 40 sont présentes – et des dirigeants de PME qui viennent tenter leur chance dans le pays, ce qui est rassurant. Je rappelle qu'il y a aujourd'hui 700 entreprises françaises en Côte d'Ivoire.
Le lycée français a rouvert ses portes il y a deux ans, il a d'ailleurs été inauguré par le Président de la République. C'est d'ailleurs un des facteurs importants du retour de nos entreprises et de la communauté française sur place.
L'embargo sur les armes était lié à l'état politique et sécuritaire du pays, qui a changé. En outre, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, les Ivoiriens se plaignent, à juste titre, qu'ils ne peuvent toujours pas acheter certaines armes. A titre d'exemple, les frégates de surveillance maritime ne sont pas armées, et les forces de sécurité ivoiriennes ne peuvent pas acquérir de jumelles de vision nocturne.
Quant à la corruption, la Côte d'Ivoire est membre de l'OHADA, l'organisation pour l'harmonisation en Afrique du droit des affaires. Le phénomène de la corruption existe, mais il est sans commune mesure avec ce que l'on peut observer dans d'autres situations, ailleurs, dans le monde. Il y a des règles du jeu précises en Côte d'Ivoire.
L'effectif militaire français sur place est stabilisé autour de 900 militaires.
Quant aux médias, tous sont présents sur place.
L'attentat qui est survenu récemment a-t-il eu des relais ethniques en Code d'Ivoire-même. Quel est l'état de la radicalisation des populations du nord. Le conflit ethnique demeure-t-il un enjeu ou y a-t-il véritablement un apaisement ?
Si on prend l'affaire du Mali, il y a, aujourd'hui, une surenchère entre, d'un côté, AQMIAl MourabitounAnsar ed din, et, de l'autre Daech. Le premier groupe cherche, certainement, à faire la démonstration, qu'il dispose encore, d'une capacité d'action. Comme il est devenu difficile, pour ces groupes, d'agir dans la partie Nord du Mali, ils cherchent à lancer des opérations dans la partie centrale, voire dans la partie méridionale, du Mali, à la frontière avec la Côte d'Ivoire, où il y a déjà eu des accrochages. Concernant l'attaque de Grand Bassam, l'enquête commence. Il semblerait, à ce stade, que ce sont plutôt des gens d'origine malienne qui ont conduit l'opération. Aujourd'hui il est possible de circuler librement à l'intérieur de la CEDEAO.
Il m'intéresse de connaître votre analyse sur cette phase de stabilité et même de prospérité de la Cote d'Ivoire. Il y a eu des années de violences, de massacres, d'affrontements entre le nord et le sud avec cette ligne de démarcation. Comment expliquez-vous qu'en seulement trois années, non seulement la situation se soit apaisée mais que la Cote d'Ivoire connaisse la prospérité ? Est-ce le fait personnel de M. Ouattara dont on disait pourtant qu'étant originaire du nord sa présidence susciterait des tensions ?
Je voudrais également connaître le niveau des flux migratoires entre la France et la Cote d'Ivoire aujourd'hui. Il existe une communauté ivoirienne importante en France ; qu'en est-il des flux ?
Enfin, pouvez-vous préciser, s'agissant de la croissance, quels sont ses ressorts en dehors du café et du cacao. Il n'y a pas à ma connaissance d'industrie manufacturière. Certes le pays ouvre sur le Golfe de Guinée et le port d'Abidjan est important, mais cela ne suffit pas à expliquer le niveau de croissance.
Pourquoi cela a-t-il marché ? Je crois que c'est parce qu'il y avait une base avant : une classe moyenne éduquée, formée, des cadres. C'est donc un pays qui a une colonne vertébrale. Il y a eu une dizaine d'années difficiles, mais le pays, qui disposait d'une base, a pu repartir. Il fallait, pour cela, une direction, un cap. Le président Ouattara a donné cette direction et ce cap.
Concernant l'économie et le port, il ne s'agit pas seulement d'Abidjan mais de tout l'hinterland qui connaît la croissance, avec des grands projets tels que la construction de chemins de fer, la rénovation des ports et de nombreuses petites productions qui ont une capacité d'exportation. S'il n'y a pas de grande industrie manufacturière, la Cote d'Ivoire est un des pays qui pousse le plus à l'adoption des APE car ses petites productions peuvent s'écouler sur les marchés voisins, les pays alentours n'ayant, pas d'industries locales significatives.
La Cote d'Ivoire est un pays d'immigration – on cite le chiffre de 4 millions de Burkinabés, d'un million de Maliens – et peu d'émigration. La Communauté ivoirienne en France n'est pas si nombreuse, il n'y a pas des dizaines de milliers d'Ivoiriens. A l'inverse du Mali, le Niger, le Tchad et la Cote d'Ivoire voient peu d'émigration en direction de la France.
Qu'en est-il de la menace djihadiste et de son expansion, à court et à moyen terme, sur d'autres pays de la région, notamment le Ghana et le Liberia ?
Aujourd'hui, le pays qui a été le plus touché par le terrorisme est le Nigeria. Les chiffres indiquent qu'il y a eu globalement plus de tués par Boko Haram que par Daesch. Néanmoins, ces chiffres sont actuellement en train de baisser, car il y a un engagement déterminant du Nigeria et une coordination régionale plus efficace dans la lutte contre le terrorisme. Un bon exemple est le G5, qui réunit la Mauritanie, le Mali, le Niger, le Burkina Faso et le Tchad. Ces pays essaient de faire des choses concrètes, notamment des opérations militaires conjointes. Actuellement, une opération est en cours qui rassemble les armées du Mali, du Niger, du Tchad et des forces de l'opération « Barkhane ». La situation doit être gérée au niveau régional. Notamment la CEDEAO cherche à renforcer la coordination dans la lutte contre le terrorisme.
Vous avez souligné que le point délicat reste l'affaire Gbagbo. Est-ce qu'il doit rester éternellement à La Haye ?
Qu'en est-il de l'affaire de Bouaké, qui concerne directement la France ? Les dernières révélations ne vont pas dans le sens du récit officiel.
S'agissant des élections et de la démocratie, l'Union africaine incite mais n'impose pas la règle qui limite l'exercice de la fonction de Chef d'Etat à deux mandats. Certains pays, comme le Togo, n'ont pas mis cette règle dans leur constitution mais respecte les principes du jeu démocratique et de l'alternance. Inversement, au Congo-Brazzaville, un référendum a eu lieu qui permet désormais au président sortant de se représenter.
D'autre part, tout le monde se satisfait de la victoire facile de M. Issoufou au Niger.
Au Benin, la France a eu tort d'apporter son soutien aussi rapidement à M. Zinsou, et ce malgré ses qualités. Il a notamment souffert du soutien de l'ex-président. Néanmoins, le nouveau président M. Talon n'est pas un personnage très facile à comprendre car il fait l'objet d'une procédure judiciaire pour avoir tenté d'empoisonner son prédécesseur.
Pour le Congo-Brazzaville, on reconnait le résultat des dernières élections et du référendum. D'après mes informations, la victoire de M. Sassou-Nguesso a été écrasante avec 67% des voix. Quels sont vos renseignements ?
Enfin, concernant le Burkina Faso, nous étions sur place avec le Premier ministre et nous avons constaté une stabilité politique réelle, et ce malgré la situation économique qui est difficile. Néanmoins, la période de transition d'un an est trop longue. Les dernières décisions de M. Kafando font d'ailleurs l'objet d'une enquête judiciaire. J'aimerais donc savoir, de quelle manière faudrait-il aider le Burkina Faso sur les questions politiques, mais aussi sur les politiques de sécurité ?
S'agissant des élections au Bénin, nous ne nous sommes pas engagés en faveur de M. Zinsou. Cela est une interprétation erronée de la position française, véhiculée notamment par les médias. M. Zinsou a perdu l'élection, notamment dans la partie Sud du pays. Mais les élections sont un succès : (1) Boni Yayi s'est effectivement retiré après la fin de son deuxième mandat ; (2) il y a eu un débat télévisé ; (3) le résultat de ces élections a été reconnu par le camp Zinsou avant même la fin du décompte.
La CEDEAO a publié, dernièrement, un rapport qui suggère que la règle des deux mandats doit désormais être respectée. Tous les pays membres ont été favorables à cette règle sauf deux : la Gambie et le Togo.
La situation au Congo-Brazzaville n'est, en effet, pas simple. Le gouvernement français a publié, au cours des jours passés, deux communiqués très clairs. Nous appelons à la transparence et à la sérénité. Il y eu une élection intéressante, avec un taux de participation élevé, et, sans doute, une très forte polarisation selon les villes et les quartiers de ces villes.
Je voudrais signaler d'autres élections qui se sont tenues récemment en Afrique. Au Sénégal, il y a eu un référendum constitutionnel réduisant le mandat présidentiel de sept à cinq ans. Au Cap Vert, le pouvoir en place depuis quinze ans a perdu les élections. Plus globalement, il faut souligner que l'Union africaine défend des principes, très clairs, comme on le voit s'agissant du Burundi.
Mais c'est un fait que les choses avancent moins vite en Afrique centrale qu'en Afrique de l'ouest. En Afrique centrale, il y a eu une élection exemplaire en République centrafricaine, une élection dont on ne connaissait pas, d'avance, le résultat.
Le développement de la petite industrie en Côte d'Ivoire a été évoqué. Est-il plutôt le fait d'hommes ou de femmes ?
Les femmes participent activement à la vie publique et aux affaires en Côte d'Ivoire. C'est une société assez féminisée, avec, souvent, des traditions matrilinéaires.
J'en reviens au Burundi. Les crises ont très vite des conséquences dramatiques dans la région des Grands lacs – souvent plusieurs centaines de milliers de morts –, car c'est une région densément peuplée. Le Burundi a 15 millions d'habitants sur un tout petit territoire. Son président a décidé de changer la Constitution pour rester au pouvoir, malgré nos mises en garde. Il s'en est suivi des disparitions, des assassinats, des viols, ainsi que la fermeture de médias. Aujourd'hui nous encourageons le président, mais aussi ses opposants, à faire des gestes et à cesser les actes de violence. Depuis quelques semaines, il y a des progrès. Le secrétaire général de l'ONU, puis cinq chefs d'Etat africains se sont rendus sur place et ont obtenu des engagements : le président burundais a accepté la présence d'observateurs de l'Union africaine et du Conseil des droits de l'Homme de l'ONU, la libération de 5 000 personnes, la réouverture de certaines radios qui avaient été interdites d'émettre et enfin l'ouverture d'un dialogue dans le cadre de la Communauté d'Afrique de l'est. C'est l'ancien président tanzanien M. Mkapa qui en est chargé : il était au pouvoir au moment de la conclusion des accords d'Arusha, qui est le socle sur lequel doit reposer le Burundi. Mkapa connaît parfaitement ce dossier. Il est l'homme de la situation. Par ailleurs, le Président de la République vient d'écrire au président burundais pour l'inviter à accepter ce dialogue.
Cela dit, le dossier du Burundi est complexe. Les pays de la région soupçonnent le Rwanda de jouer un rôle sur ce dossier, et le Conseil de sécurité des nations Unies est divisé, ce qui ne facilite pas la résolution du problème.
Pour autant, le Burundi est un sujet très important qui est absolument prioritaire dans l'agenda diplomatique africain, et donc, dans notre agenda diplomatique.
La séance est levée à dix-sept heures trente.