La proposition de loi organique, quant à elle, ne prétend pas bouleverser le système actuel. Elle se borne à reprendre le principe d’équité des temps de parole, tel qu’il est appliqué aujourd’hui avant la période intermédiaire, tout en le renforçant. Elle s’inspire ainsi des recommandations du Conseil constitutionnel, de la Commission nationale de contrôle de la campagne électorale présidentielle, du Conseil supérieur de l’audiovisuel ou encore de la « commission Jospin » de 2012.
Les critères que nous proposons pour apprécier l’équité – score aux élections, référence aux sondages, animation du débat électoral – ont déjà été utilisés par le CSA et approuvés par plusieurs arrêts du Conseil d’État. Cette équité sera doublement renforcée.
D’une part, les chaînes de radio et de télévision devront faire respecter le principe d’équité dans des conditions de programmation comparables et sous le contrôle du CSA. Les candidats seront ainsi exposés dans les mêmes tranches horaires : journal de 20 heures, matinale, première partie de soirée... Je vous invite, mes chers collègues, à demander à un candidat s’il préfère s’exprimer cinq minutes pendant le 20 heures ou quinze minutes pendant le journal de la nuit !
D’autre part, l’obligation faite au CSA de publier en open data le relevé des temps de parole et d’antenne devra être satisfaite au moins une fois par semaine. Cela permettra aux médias audiovisuels de prendre, au cours de la période intermédiaire, des mesures correctrices en cas de déséquilibres entre les candidats.
Au total, ce nouveau dispositif permettra une gradation logique de la campagne : tant que la liste des candidats n’est pas officielle, seul le principe d’équité peut, comme c’est le cas aujourd’hui, s’appliquer ; une fois la liste établie, le principe d’équité renforcé prendra le relais ; enfin, à partir du début de la campagne officielle, l’égalité stricte entre les candidats restera la règle.
Je souligne, pour terminer sur ce point, que ce dispositif a été approuvé par la commission des lois du Sénat dans le texte qu’elle a adopté le 10 février dernier. Le rapporteur, M. Christophe Béchu, du groupe Les Républicains, s’en était fait l’excellent avocat. Je le cite : « Lors des dernières élections, dix candidats se sont partagés 10 % du temps d’antenne, cela a conduit à figer la dynamique de campagne de Jean-Luc Mélenchon et de François Bayrou. L’équité, avec le critère d’animation du débat, leur aurait profité. Regardez les rapports du CSA, de la Commission de contrôle de la campagne électorale et du Conseil constitutionnel : ils sont tous unanimes. Loin de favoriser le bipartisme comme la primaire, le temps d’antenne serait mieux partagé » !
Ce n’est qu’ensuite, en séance publique, que le Sénat a adopté une position d’hostilité totale au principe d’équité. Position qu’il a confirmée jeudi dernier, en nouvelle lecture, en opposant la question préalable à la proposition de loi organique.
Si je me suis permis ce petit rappel, c’est pour souligner que certaines postures criant au « bâillonnement » des petits candidats ou à 1’« attentat contre la démocratie »semblent quelque peu surjouées...
Puisque nous rendons aujourd’hui hommage à Sophie Dessus, je voudrais vous lire les paroles qu’elle a prononcées lors de sa dernière intervention dans l’hémicycle, au cours d’une séance précisément consacrée à l’examen de ce texte : « Entre le show hollywoodien à l’américaine et l’austérité bergmanienne que nous pratiquons avec la diffusion de spots de campagne soporifiques, il va nous falloir inventer une nouvelle vague de communication électorale à la française… Il faut permettre de passer du temps du zapping au temps du débat, aider les médias à faire le chemin à côté des réseaux sociaux, derniers espaces où les citoyens choisissent de s’exprimer, à défaut de le faire dans les urnes ». On ne peut mieux résumer les préoccupations qui sont aujourd’hui les nôtres !