Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui le texte résultant de l’accord adopté en commission mixte paritaire par nos deux assemblées. L’un des points de divergence majeure portait sur l’inscription, dans l’article 1er, du devoir de réserve au nombre des obligations des fonctionnaires. Nous nous réjouissons, comme l’ensemble des organisations syndicales, de la suppression de la proposition introduite au Sénat tendant à consacrer l’obligation de réserve dans la loi. En effet, celle-ci apparaissait à la fois inutile et dangereuse.
Inutile, puisque le statut général comporte déjà les obligations de secret professionnel et de discrétion professionnelle. Ce devoir de réserve découle en outre implicitement des obligations de neutralité ou de laïcité qui figurent dans le texte. Surtout, il existe une jurisprudence abondante et constante en la matière, qui permet d’apprécier, au cas par cas, le respect de l’obligation de réserve en fonction de la nature des responsabilités de l’agent, de son rang, de sa hiérarchie, des circonstances, du ton et du cadre dans lequel les propos sont tenus.
Dangereuse, ensuite, puisque reconnaître une portée générale à cette obligation risquait de porter atteinte à la liberté d’expression et d’opinion des fonctionnaires. Inscrite dans la loi, cette obligation se serait imposée de manière indifférenciée et absolue à l’ensemble des fonctionnaires et aurait pu entraver la liberté syndicale.
Sur l’ensemble de l’article 1er, nous avons exprimé en première lecture nos doutes s’agissant de l’introduction des valeurs – dignité, probité, laïcité, neutralité – dans le texte même du statut. Comme le souligne Anicet Le Pors, s’il est nécessaire d’affirmer des principes ancrés dans l’histoire, tels que l’égalité, l’indépendance ou la responsabilité, les valeurs n’ont, elles, pas vocation à se traduire directement en règle de droit.
Surtout, au regard de la jurisprudence étoffée en la matière, on perçoit mal quelle serait la valeur ajoutée de l’article 1er pour le statut des fonctionnaires. Il aurait été plus opportun selon nous, alors même que nos services publics sont de plus en plus fragilisés et que les attaques contre le statut des fonctionnaires se multiplient, de réaffirmer les valeurs et les principes du service public et de la fonction publique.
Par ailleurs, nous nous réjouissons que la commission mixte paritaire ait supprimé les dispositions relatives aux trois jours de carence en cas d’arrêt maladie, l’allongement de deux à trois ans des contrats à durée déterminée en cas de vacance d’emploi ou la possibilité de recruter sous droit privé dans les groupements d’intérêt public à caractère administratif.
S’agissant des « reçus-collés », nous sommes satisfaits que la commission ait entériné l’allongement de la durée de validité de la liste d’aptitude à quatre ans. En revanche, nous regrettons vivement que le recours à l’intérim, initialement remis en cause, soit finalement maintenu dans les trois fonctions publiques.
D’une manière générale, nous réitérons aujourd’hui nos regrets s’agissant des objectifs assez peu ambitieux de cette réforme, qui privilégie les questions de déontologie – pour certaines, certes, positives – et de discipline, au détriment des principales préoccupations des agents publics.
Plusieurs modifications majeures attendues par les agents sont en effet absentes de ce projet de loi. Nous avions défendu en première lecture des amendements tendant à revenir sur de graves atteintes statutaires, en particulier la loi Galland du 13 juillet 1987 concernant la fonction publique territoriale, et par-là le recrutement sur liste d’aptitude caractéristique du système dit des « reçus-collés », ou la règle de la retenue du trentième indivisible en cas de grève – amendement Lamassoure. Nous regrettons que nos amendements n’aient pas été adoptés.
En définitive, si les députés du Front de gauche continuent de porter une appréciation en demi-teinte sur ce projet de loi, ils voteront une nouvelle fois en faveur de ce texte.