Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, je suis heureux que nous puissions enfin étudier un véritable serpent de mer de la Ve République : la réforme du Conseil supérieur de la magistrature.
La création du CSM remonte à 1883 – année importante, marquée aussi par la reconnaissance des syndicats. Le Conseil était alors une instance disciplinaire, sans pouvoir de nomination. C’est la IVe République qui l’a constitutionnalisé.
La Constitution de 1958 place le Président de la République au coeur de l’institution, l’article 64 l’instituant garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire. Le CSM, qu’il préside, est réputé l’assister dans cette tâche. Le Président nomme d’ailleurs les neuf autres membres du Conseil.
Une première réforme constitutionnelle, en 1993, va dans le sens d’une plus grande indépendance de la justice. Elle crée deux formations – l’une pour le parquet, l’autre pour le siège – et impose des avis conformes pour les nominations des magistrats du siège. Le Président de la République perd l’essentiel de ses pouvoirs de nomination, au détriment de magistrats élus et des présidents des deux assemblées.
En 1998, un projet de loi constitutionnelle envisage que le CSM donne un avis conforme pour les nominations au parquet, mais, chose inédite, le Président de la République revient sur le décret de convocation du Congrès.
L’importante réforme constitutionnelle de 2008 prévoit plusieurs modifications. D’abord, le Président de la République et le garde des sceaux ne sont plus membres du CSM. Le garde des sceaux peut seulement participer aux débats, mais sans droit de vote. Le justiciable se voit reconnaître le droit de saisir le CSM. Enfin, le nombre des personnalités extérieures passe de quatre à huit. Les magistrats deviennent minoritaires en matière de nomination, ce qui en Europe est une particularité – que nous ne partageons qu’avec le Portugal. C’est d’ailleurs l’aspect le plus contesté de cette réforme de 2008.
Malgré ces différents changements, le parquet français fait l’objet de critiques régulières de la part de la Cour européenne des droits de l’homme du fait de son manque d’indépendance. Son arrêt Moulin contre France du 23 novembre 2010, a ainsi souligné que le parquet français n’était pas « une autorité judiciaire au sens de l’article 5-3 de la Convention européenne des droits de l’homme ».
Si, depuis 2011, le garde des sceaux respecte les avis du CSM pour les nominations au parquet, il semble indispensable de le graver dans le marbre constitutionnel. Il n’est pas loin le temps où des gardes des sceaux UMP ignoraient les avis du CSM, y compris pour des nominations importantes.