Intervention de Danielle Auroi

Réunion du 5 avril 2016 à 8h30
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanielle Auroi, présidente :

Merci d'avoir fait ce rapport qui permet de mettre en lumière la nécessaire prise en compte de la dimension européenne dans ce projet de loi. Je note toutefois que votre travail a porté surtout sur les parties consensuelles de la loi, laissant de côté les sujets, nombreux, qui ne le sont pas – seriez-vous venus place de la République avec moi que vous n'en douteriez pas. J'approuve tout ce qui concerne les travailleurs détachés dans votre projet de conclusions, notamment concernant les donneurs d'ordre ; tout cela est positif. Il est évident que l'article 45 du projet de loi, créant une obligation de vigilance à la charge des maîtres d'ouvrage envers l'ensemble de la chaine de sous-traitance au regard de l'accomplissement de la déclaration de détachement, est une avancée. Pour le reste, je trouve ce rapport très laudatif par rapport à ce projet de loi qui est, comme l'a dit Alain Supiot, spécialiste du droit du travail, « un mauvais procès instruit contre le code du travail ». La situation n'a pas changé depuis le constat qu'il avait dressé en 1999, lors de la rédaction d'un rapport commandité par la Commission européenne sur les transformations du travail et le devenir du droit du travail en Europe : à l'époque, déjà, le résultat positif de la flexibilisation de l'emploi pour lutter contre le chômage ne sautait pas aux yeux, et les différents dispositifs ciblés sur les jeunes, vieux, ou chômeurs de longue durée n'avaient pas empêché le chômage de ces populations d'augmenter. Puisque ces dispositifs ont montré leur impuissance, pourquoi continuer à les utiliser et à affirmer qu'ils sont l'alpha et l'oméga des réformes du marché du travail ? L'embellie dont que vous avez mentionnée n'est d'ailleurs pas aussi claire que cela, comme l'indiquent les chiffres du chômage pour le mois de mars. Rappelons que le Conseil de l'orientation pour l'emploi, dans sa note de synthèse sur les réformes des marchés du travail en Europe, a bien souligné que les réformes ont tendance à accentuer la fracture entre les personnes à bon niveau de formation et tous ceux qui ont, au contraire, de niveaux de formation insuffisants. Je crois que c'est bien de réciter une antienne – c'est très religieux – mais la réalité est là. Comparaison n'est pas raison : le Danemark et les pays nordiques sont des cas très particuliers, où la protection sociale était bien plus générale et bien plus diversifiée que ce que nous connaissons, et les modes de fonctionnement sont très différents. Vous faites en outre la comparaison avec l'Italie : il ne faut pas oublier de mentionner aussi les mouvements sociaux actuellement en oeuvre dans ce pays, comme d'ailleurs aussi actuellement en France. Rien n'est choquant dans vos conclusions mais la volonté de faire de la flexibilité sous toutes ses formes et de la baisse ou de l'allègement des charges l'alpha et l'oméga de la politique sociale en Europe n'est pas de mon point de vue la solution. On voit bien que le chômage des jeunes européens, qui est pourtant une priorité depuis la présidence irlandaise, n'est pas réglé. Je note en outre que pour ce qui est du travail « classique », la France est bien plus mauvaise élève que l'Allemagne, ce qui est un comble. Pour toutes ces raisons, je m'abstiendrai donc de voter les conclusions de votre rapport.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion