Monsieur le président, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, mesdames et messieurs les députés, je vous présente, aujourd’hui, au nom du Gouvernement, le projet de loi autorisant l’accession de notre pays au protocole sur le statut des quartiers généraux militaires internationaux créé en vertu du traité de l’Atlantique Nord, communément appelé « protocole de Paris ».
Laissant de côté les polémiques que certains ont pu essayer de susciter, j’évoquerai devant vous les faits et la réalité de ce texte qui est avant tout technique, puisqu’il définit le cadre juridique applicable aux quartiers généraux de l’OTAN ou reconnus par l’OTAN, ainsi qu’aux officiers et soldats, issus de pays alliés, qui y servent. Je le dis donc d’emblée : le protocole de Paris n’affecte en rien le positionnement de la France au sein de l’OTAN, pas plus qu’il ne porte atteinte à l’autonomie et à l’indépendance de notre politique de défense, et à la souveraineté de notre pays.
Revenons un instant sur l’histoire de ce texte, qui nous éclaire quant à sa portée réelle. Le 28 août 1952, la France fut l’un des signataires originels de ce protocole auquel notre capitale a donné son nom. Il a par la suite été dénoncé par la France le 30 mars 1966, lorsque celle-ci décida de quitter la structure de commandement intégrée de l’OTAN. Le protocole de Paris est indissolublement lié à la participation à la structure de commandement intégrée de l’OTAN, dont il constitue la traduction juridique et administrative – je reviendrai ultérieurement sur ce point.
Le gouvernement précédent ayant pris en 2009 la décision de réintégrer la structure du commandement intégré, une nouvelle accession de la France au protocole de Paris est très vite apparue comme une conséquence logique nécessaire. Tous les membres de l’OTAN sont parties à ce protocole. La France, elle, a recommencé à accueillir du personnel de l’organisation dans ses quartiers généraux militaires, sans que ces structures ni les personnes qui y servent ne bénéficient d’un statut international. À l’inverse, tous les quartiers généraux de l’OTAN ou reconnus par l’organisation, et sis dans les pays alliés, bénéficient d’un même statut unifié et homogène.
Quel est le résultat de ce décalage ? À cause de l’absence de statut harmonisé, les officiers alliés que nous accueillons dans nos structures sont parfois confrontés à de nombreuses difficultés administratives, juridiques et financières, qu’ils ne rencontrent pas dans les autres pays de l’Alliance, et que nos propres officiers, en poste dans les structures de nos alliés, ne rencontrent pas non plus, puisqu’ils bénéficient, eux, du statut défini par le protocole de Paris. Cette situation se traduit par des tracasseries bureaucratiques inutiles, par un défaut d’attractivité et une moindre visibilité de nos structures militaires, qui constituent pourtant des relais d’influence précieux auprès de nos alliés et de l’OTAN.
Par conséquent, des travaux interministériels ont été engagés en 2014 en vue d’une nouvelle accession de la France au protocole de Paris. La France a ensuite saisi le Conseil de l’Atlantique Nord, qui a approuvé à l’unanimité, le 21 janvier 2015, la demande d’accession française.
Quel est l’objet du protocole de Paris ? En dépit de la relative technicité de ses dispositions, il est très simple : il étend l’application de la convention entre les États parties au traité de l’Atlantique Nord sur le statut des forces, dite SOFA OTAN – Status of force agreement OTAN –, signée à Londres le 19 juin 1951, aux quartiers généraux interalliés créés en vertu du traité de l’Atlantique Nord, aux organismes militaires internationaux, ainsi qu’à leurs personnels civils et militaires. La France est partie au SOFA OTAN depuis l’origine, et sans discontinuer, puisque, rappelons-le, la France n’a jamais quitté l’OTAN.
Ce texte détermine le statut des forces armées des parties lorsque celles-ci se trouvent en service sur le territoire métropolitain d’une autre partie. Le protocole de Paris s’applique, quant à lui, aux quartiers généraux suprêmes de l’OTAN, ainsi qu’à « tout quartier général militaire international créé en vertu du traité de l’Atlantique Nord et directement subordonné à un quartier général suprême ». Il n’existe que deux quartiers généraux suprêmes ; aucun n’est en France. L’un est situé à Mons, en Belgique : le commandement des opérations ; l’autre est situé à Norfolk, aux États-Unis : le commandement pour la transformation, commandé par notre compatriote le général Denis Mercier. Il n’y a pas non plus de quartier général militaire international subordonné à un quartier général suprême sur le territoire de la France, et aucun projet d’en installer un.
L’article 14 du protocole de Paris prévoit toutefois – c’est cette disposition qui nous intéresse principalement – que le Conseil de l’Atlantique Nord peut décider d’appliquer tout ou partie des stipulations du protocole à tout « quartier général militaire international » ou à toute « organisation militaire internationale » n’entrant pas dans les définitions de l’article 1er du protocole de Paris. Concrètement, cela signifie qu’un État membre de l’OTAN peut demander au Conseil de l’Atlantique Nord, qui statue à l’unanimité, l’activation d’une de ses structures militaires, afin que les dispositions du protocole lui soient appliquées.
S’agissant de la France, et comme le détaille l’étude d’impact qui accompagne le projet de loi, un certain nombre de structures ont été identifiées comme pouvant bénéficier, si la France le décidait, des dispositions du protocole de Paris. S’agissant de la nature des stipulations du protocole, elles correspondent largement à celles établies par le SOFA OTAN. Elles sont relatives, d’abord, au privilège de juridiction : les pouvoirs de juridiction dévolus à l’État d’origine dans le SOFA OTAN en matière pénale et disciplinaire sont conférés, s’agissant des personnels affectés dans les quartiers généraux, aux autorités de l’État dont la loi militaire peut s’appliquer à la personne intéressée. Elles sont relatives, ensuite, au règlement des dommages : les stipulations du SOFA OTAN relatives aux dommages causés ou subis par des membres des forces sont rendues applicables aux employés des quartiers généraux.
Elles touchent, par ailleurs, aux exonérations fiscales et douanières : les personnels seront exonérés d’impôt dans l’État d’accueil au titre des traitements et émoluments payés par la force armée à laquelle ils appartiennent ou par laquelle ils sont employés, mais restent imposables dans le pays dont ils ont la nationalité. L’article 10 du protocole, par ailleurs, confère aux quartiers généraux suprêmes la capacité juridique. Enfin, ces mesures ont trait à l’inviolabilité : les archives et autres documents officiels d’un quartier général interallié conservés dans les locaux de ce quartier général ou détenus par tout membre de ce quartier général sont inviolables.
Quel est l’intérêt pour notre pays d’accéder de nouveau au protocole de Paris ? Il ne s’agit pas d’accueillir de nouveaux quartiers généraux de l’OTAN sur notre sol, mais de valoriser les structures, nationales ou multinationales, qui y sont déjà présentes. L’accession de la France au protocole de Paris nous permettrait donc de corriger une anomalie administrative et juridique qui nous pénalise et n’est pas comprise par nos partenaires.
En effet, l’application des dispositions du protocole de Paris aux quartiers généraux situés sur le territoire français simplifiera et harmonisera les règles et procédures administratives liées à l’accueil de personnel de l’OTAN. Nos alliés y seront particulièrement sensibles. En rendant l’accès à ces entités plus facile à davantage de membres du personnel de l’OTAN, notamment étrangers, l’accession de la France au protocole de Paris contribuera à promouvoir des activités économiques sur le territoire national et à valoriser nos propres structures militaires parmi nos alliés.
Voici la réalité du protocole de Paris, que le Gouvernement vous propose d’approuver aujourd’hui. Cette réalité est bien éloignée des analyses rapides qui ont tenté de conférer à ce texte une portée qu’il n’a tout simplement pas.