Intervention de Natacha Valla

Réunion du 29 mars 2016 à 17h00
Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Natacha Valla, économiste :

La BCE aveugle, oui, et le réveil sera extrêmement difficile – même s'il ne se produira pas tout de suite, mais peut-être dans quelques années. La formation des prix sur le marché obligataire, et en particulier le marché des dettes souveraines de la zone euro, est aujourd'hui une anomalie.

La liquidité de la dette française, préexistait à la mise en place du QE. Des pays comme l'Autriche ou l'Allemagne dont les émissions nettes sont moins importantes que les nôtres, peuvent voir se produire un phénomène de raréfaction de leurs titres de dette sur le marché : la demande est forte, mais l'offre très limitée – d'autant qu'il y a une forte rétention de titres. Il y a donc un assèchement de la liquidité, provoqué en partie par les achats massifs de la BCE. Ce n'est pas le cas de la France, en tout cas pas encore : le système européen des banques centrales trouve encore suffisamment de papier français pour mettre en oeuvre le QE tel qu'il a été conçu.

La BCE réfléchit, sans que je puisse dire si elle s'approche d'une décision, à un rééquilibrage des proportions de ses achats de dettes, souveraines et non souveraines – elle achète en effet 88 % de papier souverain mais aussi 12 % de papier para-souverain, c'est-à-dire émis par des agences, par la Caisse des dépôts, par des banques multilatérales… Il s'agit de répondre à ce problème de liquidité dû à l'intervention de la BCE, que vous soulevez très justement : la BCE achèterait alors moins de dette allemande et autrichienne. Il serait néanmoins difficile d'acheter moins de dette à l'Allemagne sans en acheter moins à la France : les quantités sont importantes, et la répartition du capital de la BCE dépend grosso modo du PIB des États membres.

À mon sens, il serait logique d'en arriver à une telle solution : la BCE pourrait se retirer un peu du marché des dettes du monde germanique, l'offre étant moins importante, et elle se retirerait alors aussi quelque peu du marché français. Placer notre dette serait sans doute plus compliqué, mais je ne pense pas que cela provoquerait une forte augmentation des spreads français. C'est un élément à garder à l'esprit, car la situation n'ira pas en s'améliorant au fur et à mesure que la BCE continue sa politique d'achat de titres.

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