Intervention de Damien Abad

Réunion du 6 avril 2016 à 9h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDamien Abad, rapporteur :

Je vais essayer de répondre à l'ensemble des questions. Madame Annick Le Loch, je rappelais le travail que nous avons fait avec M. Philippe Armand Martin. Cette proposition de loi correspond bien à la proposition n° 22 de notre rapport sur les filières d'élevages. En ce qui concerne les négociations commerciales difficiles et les contrats déflationnistes qui sont signés sous la pression, il s'agit d'un constat partagé et qui est présenté dans mon rapport sur la présente proposition de loi. Par ailleurs, vous avez dit qu'on avait peu utilisé cette procédure parce qu'il existe, à l'article L. 442-6 du code de commerce, une procédure complémentaire à celle proposée aujourd'hui. Il ne s'agit pas de créer un conflit entre deux procédures, mais d'apporter un complément pour que nous ayons deux autorités, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et l'Autorité de la concurrence, qui puissent agir conjointement pour être plus efficaces dans la lutte contre ces pratiques.

Je ne reviens pas sur les propos de M. Bernard Accoyer, qui est co-auteur de cette proposition de loi : je partage tout ce qui a été dit.

Madame Brigitte Allain, vous avez évoqué la question des circuits courts. Je vous renvoie au rapport sur l'avenir des filières d'élevage, où nous évoquons cette question. J'y renverrai également M. Thierry Benoit qui a évoqué les quatre centrales d'achat qui concentrent 90 % de l'activité.

Monsieur André Chassaigne, je voudrais simplement faire un rappel historique sur ce qu'est le libéralisme. Le libéralisme n'est pas le capitalisme sauvage. Le libéralisme est issu de la philosophie des Lumières qui visait la liberté et l'égalité des individus face à l'absolutisme de la société française. Dans les profondeurs du libéralisme, nous pourrions nous retrouver. Le libéralisme n'est pas un désengagement complet de l'État, c'est une régulation. Relisez cette fable de Mandeville où vous verrez que la main invisible ne veut pas dire la non régulation du marché. Dans le libéralisme, il y a des fondamentaux utiles et ce sont les dérives de cette philosophie qui peuvent entraîner des conséquences fâcheuses. Vous observez que l'abus de dépendance économique ne concerne pas que le monde agricole et agroalimentaire. Je suis d'accord avec vous sur ce point : on trouve les mêmes difficultés dans la relation entre donneurs d'ordre et sous-traitants dans ma circonscription, pour des entreprises de plasturgies. L'abus de dépendance économique doit concerner le secteur agricole et agroalimentaire mais aussi certains secteurs industriels. Concernant les conditions commerciales injustifiées, une proposition de prix de référence a été faite dans le rapport sur les filières d'élevage. Celle-ci pourrait être reprise, par amendement, lors de l'examen du projet de loi « Sapin II ».

Madame Jeanine Dubié, je ne doute pas que votre position personnelle soit partagée par votre groupe et de votre capacité à ce qu'on puisse aller dans ce sens.

Monsieur Dominique Potier, dans cette proposition de loi, la relation entre donneur d'ordre et sous-traitant est traitée à l'échelle nationale, et non internationale. Mais je partage l'idée de renforcer l'économie responsable.

M. Philippe Armand Martin m'a interrogé sur les moyens de contrôle des abus de dépendance économique, notamment de la DGCCRF. Je ne peux pas répondre en ce qui concerne l'augmentation de ses effectifs. Mais je pense que cette proposition de loi, en donnant compétence à l'Autorité de la concurrence en complément de la DGCCRF, permet de renforcer – à moyens constants – ce contrôle.

Mme Michèle Bonneton a soulevé la question, qui s'est d'ailleurs posée lors des auditions, d'un éventuel effet pervers des dispositions de la proposition de loi, qui consisterait à inciter des distributeurs à faire appel à une petite ou moyenne entreprise plutôt qu'à une autre afin d'éviter de créer une situation de dépendance économique. Cet argument a essentiellement été soulevé, lors des auditions, par les grandes entreprises et les distributeurs. Il a une certaine pertinence mais il convient de rappeler que cette proposition de loi traite la question de la dépendance économique en ce qui concerne l'aval de la filière, et non son amont. Il ne s'agit pas de sanctionner une situation de dépendance économique en tant que telle mais les abus de cette situation, notamment lorsque ces abus risquent de compromettre l'activité. En réalité, il s'agit avant tout d'un argument qui vise à éviter tout progrès dans la lutte contre ces abus.

M. Bernard Reynès a parlé de la dévitalisation des centres villes, due à la disparition des commerces de proximité en raison de la guerre des prix, que je regrette également. S'agissant de la détermination du délai nécessaire au fournisseur pour mettre en oeuvre une solution de remplacement aux relations commerciales, qui constitue une des conditions prévues par la proposition de loi pour caractériser une situation de dépendance économique, nous avons retenu la notion de « délai raisonnable ». En effet, nous avons estimé qu'un délai de six mois constituerait un critère trop homogène au regard de la diversité des situations concernées. Il est donc préférable de laisser au juge la liberté d'apprécier la notion de délai raisonnable au cas par cas.

Je relève et j'approuve la phrase de M. Paul Molac : « nos achats sont aussi nos emplois ». Concernant le manque d'organisation des producteurs, je renvoie mon collègue aux propositions faites dans le rapport n° 3621, cosigné par Mme Annick Le Loch et moi-même, sur l'avenir des filières d'élevage, déposé le 30 mars 2016. S'agissant de l'amendement CE2 qui prévoit que la situation de dépendance économique est présumée dès lors que la part du chiffre d'affaires du fournisseur réalisée auprès du distributeur est d'au moins 22 %, je suis bien évidemment d'accord avec ce qu'il a dit.

M. Jean-Claude Bouchet a souligné la nécessité de prendre en compte les réglementations des autres pays européens, notamment dans ce domaine, pour garantir une concurrence loyale. Cette préoccupation est en effet importante et nous regarderons ce qui est fait dans d'autres pays à ce sujet.

Enfin, M. François André a noté l'importance du « hors contrat ». Les auditions confirment ce que notre collège a dit. Mais ici, l'objectif est de moraliser les relations entre les fournisseurs et les distributeurs. Ce ne sera pas suffisant, mais c'est un pas important dans ce sens.

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