Nous avons le plaisir de recevoir M. Jean-Maurice Ripert, ambassadeur de France à Moscou depuis 2013. Je vous remercie d'avoir répondu à notre invitation, monsieur l'ambassadeur.
Notre commission a reçu la semaine dernière pour un petit-déjeuner M. Alexandre Orlov, ambassadeur de Russie à Paris. Nous avions auparavant auditionné mon homologue M. Alexeï Pouchkov, président de la commission des affaires étrangères de la Douma, que je rencontre par ailleurs fréquemment lorsqu'il vient à Paris. Chantal Guittet, présidente du groupe d'amitié France-Russie, a des relations suivies avec ses interlocuteurs russes, de même que plusieurs d'entre nous, notamment Thierry Mariani, élu des Français de l'étranger dans la circonscription qui comprend la Russie.
Une délégation du Sénat, conduite par son président, M. Gérard Larcher, sera la semaine prochaine à Moscou. Pour ma part, je souhaite rendre à M. Pouchkov la visite qu'il a faite ici, ainsi que je l'ai mentionné au cours de l'entretien qu'a eu le Premier ministre avec son homologue, M. Dimitri Medvedev, en marge de la conférence de Munich sur la sécurité.
Les parlementaires français et russes continuent donc à entretenir des relations régulières, malgré les difficultés sur les dossiers ukrainien et syrien. Il faut, bien évidemment, séparer ces deux dossiers. De même que nous, ici, au Parlement, le Gouvernement attache une très grande importance à nos relations avec la Russie. Le Président de la République s'est rendu à plusieurs reprises à Moscou et entretient des relations suivies avec le président Poutine. D'ailleurs, sur la question ukrainienne, ce sont la France et l'Allemagne qui ont lancé l'initiative qui a abouti à la signature des accords de Minsk.
Pouvez-vous, monsieur l'ambassadeur, évoquer successivement la question ukrainienne, la politique russe et la situation intérieure en Russie ? Quelle évaluation faites-vous de nos relations bilatérales avec ce pays ?
Concernant le dossier ukrainien, il est très clair, de mon point de vue, que Kiev porte une responsabilité croissante dans le blocage de l'application des accords de Minsk, la Rada ne parvenant pas à voter la réforme constitutionnelle en deuxième lecture – elle doit le faire, certes, à la majorité qualifiée. Les problèmes internes de l'Ukraine ne sont pas réglés. On s'oriente, semble-t-il, vers un changement de premier ministre. Dans le même temps, les séparatistes sont responsables d'un certain nombre de violations du cessez-le-feu. Les Russes se défendent en disant qu'ils ne peuvent pas leur dicter leur conduite. Initialement, les accords de Minsk devaient entrer en vigueur avant le 31 décembre 2015. Le délai a été prolongé, mais cela ne pourra pas être le cas indéfiniment. Quelles sont vos analyses en la matière ?
S'agissant du dossier syrien, nous nous posons beaucoup de questions sur les évolutions récentes de la politique russe. Certaines d'entre elles sont positives : on a l'impression que les Russes qui, au départ, bombardaient indistinctement, voire visaient plus volontiers les opposants non islamistes que Daech et Jabhat al-Nosra, ont rééquilibré leurs frappes, sur l'insistance, entre autres, de la France. En outre, la Russie a récemment retiré une partie de ses militaires. Il nous revient – c'est aussi ce que nous a dit M. Orlov – qu'elle chercherait ainsi à faire pression sur le régime pour qu'on entre dans un véritable processus de négociation. Les opposants et le régime s'accusent mutuellement de ne pas s'asseoir sérieusement à la table des négociations. Vous nous donnerez votre sentiment sur tous ces points.
Pour ce qui est des relations de la Russie avec l'Union européenne et avec la France, nous aimerions que vous abordiez en particulier la question des sanctions, qui sont liées, je le rappelle, au seul dossier ukrainien : une partie d'entre elles a été motivée par l'annexion de la Crimée, une autre – l'essentiel des sanctions sectorielles – par le soutien des Russes aux séparatistes dans le Donbass. Vous pourrez d'ailleurs nous rappeler les différentes catégories de sanctions : il y a, d'une part, des sanctions qui frappent des individus et, d'autre part, des sanctions sectorielles, qui ont été prolongées récemment par l'Union européenne. Je souligne qu'elles résultent toutes de décisions non pas bilatérales, mais européennes.