Intervention de Jean-Maurice Ripert

Réunion du 30 mars 2016 à 9h00
Commission des affaires étrangères

Jean-Maurice Ripert, ambassadeur de France en Russie :

C'est la branche militaire d'un des principaux partis kurdes syriens. Il est l'allié du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Il y a un deuxième parti kurde important dans la région, le Parti démocratique du Kurdistan (PDK), proche de M. Massoud Barzani et plutôt proche des Turcs. Lorsque les Russes ont bombardé intensément le nord-ouest de la Syrie, ils disaient qu'ils cherchaient à atteindre Jabhat al-Nosra. Mais celui-ci était complètement mêlé avec des groupes kurdes, arabes et turkmènes, et c'est là que les plus grosses difficultés se sont produites.

En Ukraine, sommes-nous des naïfs ou des optimistes béats vis-à-vis de Kiev ? C'est une question politique à laquelle je ne peux pas répondre. Mais Kiev fait partie de la négociation au même titre que les Russes et c'est quand même l'Ukraine qui est occupée, pas le contraire ! Quoi qu'on en dise, il ne serait pas très difficile aux Russes de faire respecter le cessez-le-feu le long de la ligne de front – selon moi, cela pourrait être décidé en deux heures par l'état-major russe –, même s'il y a certainement des difficultés localement, notamment à Lougansk. Quant à la libre circulation de la mission de l'OSCE dans le Donbass, c'est une nécessité : pour mettre Kiev devant ses responsabilités, il faut pouvoir montrer que les Russes remplissent leurs obligations.

Rosatom a signé vingt à vingt-cinq contrats, entièrement à crédit, à taux zéro. Dans l'hypothèse où ne serait-ce que la moitié de ces contrats aboutissent, personne ne sait comment la Russie pourra payer. Les Russes signent, puis essaient d'avancer au cas par cas.

Rosatom est en effet à la fois un concurrent et un partenaire d'Areva, et c'est toute la difficulté. Néanmoins, ce sont plutôt les relations de partenariat qui dominent. Ainsi, nous avons une coopération très importante avec Rosatom, notamment pour la filière des turbines Arabelle fabriquées par Alstom. À cet égard, nous sommes en train de lever la difficulté née du rachat de la branche énergie d'Alstom par General Electric, que les Russes ont fini par accepter. La filière devrait donc être préservée et General Electric devrait pouvoir continuer le travail que faisait Alstom dans ce cadre. D'autre part, nous négocions avec les Russes sur des centrales de différentes tailles.

Les responsables français discutent de manière très claire et transparente avec les dirigeants de Rosatom. J'ajoute que le ministre russe de l'Energie, M. Alexandre Novak, a reçu récemment Mme Ségolène Royal, ministre de l'Environnement, et a eu, ce matin même à l'ambassade de Russie, un entretien avec M. Emmanuel Macron, ministre de l'Economie. Les échanges sont très concrets, notamment sur les questions de financement qui se posent en cas de projets communs.

Pour ce qui est de la Libye, les Russes s'opposent à l'adoption de quelque résolution que ce soit au Conseil de sécurité, qu'il s'agisse d'autoriser le recours à la force ou d'instaurer un embargo sur les armes. M. Poutine se méfie, car il considère qu'on s'est joué de lui avec la résolution 1973. À l'époque, il ne souhaitait pas que D. Medvedev, alors président, donne son accord. Quoi qu'il en soit, contrairement à ce que l'on raconte, les Russes savaient très bien ce qui allait se passer – tout le monde sait ce que veut dire l'expression « toutes mesures nécessaires » dans le langage codé des Nations unies.

Les Russes ont une position un peu difficile sur la Libye. Ils ne sont pas sur la ligne internationale communément admise : ils estiment que la marche vers un gouvernement d'union nationale est d'une grande naïveté, et que l'on encourage le terrorisme. En cela, ils tiennent également compte de la position de l'Égypte, qui est l'un de ses rares alliés dans le monde arabe sunnite.

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