Concrètement, comment les choses se passeront-elles à partir du 1er janvier 2018 ?
Prenons l'exemple d'un salarié. Son impôt sera prélevé chaque mois sur sa fiche de paie, et ce dès le mois de janvier, le taux d'imposition ayant été préalablement calculé par l'administration fiscale et transmis à l'employeur. Si, certains mois, son revenu augmente, par exemple s'il a reçu une prime, son impôt augmentera aussi ; si, au contraire, il diminue, l'impôt diminuera mécaniquement. L'employeur ne sera informé ni de la situation familiale, ni des autres revenus perçus par le salarié : c'est l'administration fiscale qui restera l'unique destinataire des informations fiscales et l'unique interlocuteur des contribuables. L'employeur ne connaîtra qu'un taux d'imposition, qui pourra d'ailleurs être différencié entre les membres d'un couple et qui, à lui seul, ne donnera aucun indice sur les revenus d'un foyer – même si, quand on sait, mesdames et messieurs les députés, que le taux de prélèvement de près de 90 % est compris entre zéro et 10 %, on se rend compte que, pour la très grande majorité des Français, la question de la confidentialité ne se posera pas.
Au printemps 2018, ce salarié enverra sa déclaration de revenus au titre de l'année 2017. La déclaration annuelle des revenus est en effet indispensable pour maintenir la familialisation et la conjugalisation de l'impôt. Il déclarera tous ses revenus s'il dispose d'autres sources de revenus, ainsi que les avantages fiscaux qu'il souhaite obtenir, comme les crédits et réductions d'impôts. L'administration recalculera alors le taux d'imposition et transmettra, le cas échéant, un nouveau taux à l'employeur au mois de septembre, pour que l'impôt payé soit aussi proche que possible de ce qu'il devrait être.
Pour ceux dont les revenus sont réguliers d'une année sur l'autre, la réforme conduira finalement à un prélèvement automatique et mensuel de leur impôt, calculé sur les revenus de l'année en cours. Il s'agit non pas simplement de mensualiser systématiquement le paiement de l'impôt, mais aussi de rendre l'impôt payé contemporain des revenus perçus.
Bien sûr, il peut y avoir des imprévus. C'est alors que la réforme se révèle dans toute sa dimension protectrice pour ce salarié. À l'ajustement en temps réel de l'assiette, la réforme ajoutera une plus grande réactivité de l'impôt aux changements grâce à un mécanisme de modulation. Si, par exemple, un heureux événement arrive avec la naissance d'un enfant, ou si un membre du foyer perd son emploi et connaît une chute importante de son revenu, il doit aujourd'hui attendre un an avant de voir son impôt ajusté. Demain, il pourra immédiatement prévenir l'administration qu'un événement affecte significativement sa situation fiscale, et celle-ci recalculera le taux d'imposition de manière à ajuster l'impôt à cette nouvelle situation, et le transmettra à l'employeur ou à l'organisme qui prélève l'impôt. Cet exemple du salarié peut évidemment être étendu au retraité, dont l'impôt sera prélevé par sa caisse de retraite, ou au demandeur d'emploi, dont l'impôt sera prélevé par Pôle emploi : dans tous ces cas, il existe une source unique du revenu et l'impôt y sera directement prélevé.
Comment les choses se passeront-elles pour un travailleur indépendant ? Pour ce dernier, il n'y a pas à proprement parler de « source », ou, au contraire, les sources sont trop diverses, ce qui empêche toute identification d'un collecteur. Cela se passera donc de manière très proche de ce qui se passe aujourd'hui car nous avons voulu privilégier la simplicité et la continuité. En 2018, cet indépendant versera son impôt sous la forme d'acomptes d'abord calculés sur la base des revenus 2016 puis ajustés, à l'automne, en fonction des revenus 2017 qu'il aura déclarés au printemps, mais comme le salarié, l'indépendant bénéficiera d'une avancée majeure de la réforme : s'il anticipe, sur la base d'éléments objectifs, une forte baisse de son bénéfice prévisionnel en 2018, il pourra le signaler à l'administration fiscale qui modulera l'impôt à verser. Ce peut être le cas d'un artisan qui perd un gros client, d'un agriculteur qui subit les aléas des prix des matières premières ou d'un commerçant qui doit engager la rénovation de sa boutique ; chaque fois, l'impôt pourra être ajusté immédiatement pour tenir compte de cette dégradation de la situation financière. Ce mécanisme d'acompte propre aux indépendants sera repris pour les revenus fonciers.
Pour le budget de l'État, il n'y aura ni année blanche ni année double. Les contribuables n'auront pas non plus à payer deux fois leur impôt en 2018, mais ils paieront l'impôt chaque année : en 2017, leur impôt sur les revenus de l'année 2016 ; en 2018, leur impôt sur les revenus de l'année 2018. Le budget de l'État percevra donc l'impôt sur le revenu sans interruption en 2017 et en 2018. Cette réforme est lancée : elle fait actuellement l'objet de concertations avec les partenaires sociaux. Nous avons déjà reçu, séparément ou ensemble, la plupart d'entre eux, et, bien entendu, nous sommes à l'entière disposition de votre commission pour travailler avec vous sur les modalités de cette réforme.
De nombreux pays se sont déjà engagés, avec succès, sur cette voie – la plupart, en fait. Les délais sont réalistes et, grâce à la mobilisation de notre administration, que je remercie, nous sommes tout à fait confiants : les entreprises, plus largement l'ensemble des employeurs et les organismes qui versent des revenus de remplacement, seront aussi au rendez-vous. C'est une réforme de progrès, et c'est pourquoi nous allons la mener à bien. Et, surtout, ne m'opposez pas de prétendues contradictions ! Vous n'avez qu'à vous reporter à mes déclarations de ces dernières années, elles vous prouveront que je n'ai pas d'état d'âme à faire cette réforme, bien au contraire.