Intervention de Alain Chrétien

Réunion du 6 avril 2016 à 16h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Chrétien :

Mes chers collègues, cette réforme me fait penser à la réforme territoriale. On a découpé des régions sur un coin de table. Ensuite, on s'est demandé quelles compétences on allait leur confier. Autrement dit, on a tout fait à l'envers. Eh bien, j'ai l'impression qu'en l'occurrence aussi on fait tout à l'envers.

Le prélèvement à la source, ce devrait être la finalité d'une vraie réforme fiscale – ambition qui figurait dans le programme de M. Hollande –, une réforme de simplification et de baisse d'un impôt que l'on rendrait aussi plus lisible. Une fois démêlé l'écheveau fiscal actuel, éventuellement, on pourrait se poser la question de la retenue à la source.

Aujourd'hui, nous sommes entrés dans les détails, et cela me dérange. C'est la première fois que nous évoquons le sujet en commission des finances. Nous devrions donc plutôt envisager les principes – c'est quand même le rôle du Parlement ! – que nous adonner à des débats de fiscalistes.

Nous avons donc pris les choses à l'envers. Le président Hollande avait annoncé une grande réforme fiscale, et il n'y en a pas. Ce passage au prélèvement à la source ne devrait pourtant intervenir qu'au terme d'une belle et grande réforme fiscale qui verrait tous les citoyens participer à l'effort fiscal. Ils ne sont plus que 47 % à le faire ! Un collègue a dit que les foyers modestes pourraient voir leur impôt diminuer, mais ils n'en paient déjà plus ; c'est un choix politique, que vous assumez.

Par ailleurs, en vertu du principe du libre consentement à l'impôt, il ne devrait pas, selon moi, y avoir d'intermédiaire entre le citoyen qui verse l'impôt et l'État qui le prélève, et cela vaut aussi pour la CSG, dont on ne sait toujours pas si c'est un impôt ou une cotisation sociale – elle entre dans les « impositions de toutes natures ». Quoi que vous en disiez, lorsque le prélèvement à la source sera en vigueur, le salarié ira voir son patron, avant d'aller voir les services fiscaux, et c'est à lui qu'il demandera pourquoi il a reçu un montant moindre que celui de son voisin ou inférieur à ce qu'il était antérieurement. Cette réforme institutionnalise donc une intermédiation dans le prélèvement de l'impôt sur le revenu, qui est pourtant l'impôt citoyen par excellence.

Le système actuel fonctionne très bien. La mensualisation progresse de 10 % à 15 % par an, et ce sont maintenant les deux tiers des contribuables qui sont mensualisés. Nous pourrions donc raisonnablement nous fixer l'objectif de 100 % de mensualisation. Deuxième point, l'impôt sur le revenu rentre très bien : nous percevons 98,5 % des sommes dues à ce titre. Dernier point, qui n'est pas non plus négligeable, les frais de gestion sont relativement limités, la perception ne coûte pas cher ; le ministère des finances est donc efficace. Allez-vous améliorer la mensualisation ? Non, car elle se fait déjà bien. Allez-vous améliorer le rendement ? Non, car il est déjà excellent. Allez-vous baisser les frais de gestion ? Non, car ils sont déjà très bas. Où est donc l'avantage de cette réforme ? Contrairement à vous, mon cher collègue Gagnaire, je n'entends personne me demander, dans ma permanence, quand nous passerons au prélèvement à la source. Nous ne devons pas avoir les mêmes électeurs...

Je pense qu'il fallait commencer par ces questions de principe avant d'entrer dans des débats parfois abscons qui n'intéressent pas forcément nos concitoyens.

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