En effet, mais je croyais que cela vous ferait plaisir, monsieur Le Fur...
Si le taux peut varier, les flux d'information passeront par la DSN, mensuelle. La DSN, c'est un projet considérable. Même si cela a parfois été un petit peu difficile au début, tous ceux qui l'utilisent trouvent aujourd'hui que c'est un excellent outil, qui supprime beaucoup d'autres déclarations, y compris des déclarations récapitulatives annuelles, qu'ils n'ont plus à faire puisque les informations sont directement transmises, par télédéclaration. Cela fonctionne très bien.
Le taux pourra varier, mais à quelle fréquence ? Cela fait partie du débat. Faudra-t-il permettre tous les mois à chaque salarié de modifier son taux d'imposition ? Peut-être prévoirons-nous une fréquence de modification maximale – deux ou trois fois par an, sauf événement exceptionnel, car il est vrai que l'on peut, la même année, avoir un enfant, trouver du travail et mourir... Il faut examiner tout cela, et nous le faisons actuellement avec les syndicats et les employeurs. Peut-être pourrait-on envoyer tous les mois aux employeurs le fichier complet des taux d'imposition de l'ensemble des salariés plutôt que de leur indiquer quels sont les salariés dont le taux est modifié. C'est finalement tout aussi simple, les systèmes étant dématérialisés, et cela évite de devoir chercher le taux à modifier.
J'ai entendu dix fois, de la part d'un certain nombre d'organisations d'employeurs, l'argument de la responsabilité supplémentaire et du risque d'erreur. Les employeurs prélèvent déjà la CSG, la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) et divers prélèvements dont les taux peuvent être différents – pour la CSG sur les retraites, trois taux sont possibles, monsieur Le Fur. Et cela change souvent, d'ailleurs, mais je ne vais pas rappeler les effets de « yo-yo » qui existaient auparavant entre CSG et impôt sur le revenu. La responsabilité de l'employeur ne pourra pas être mise en cause. Il recevra un taux de la DGFIP, et une multiplication du revenu imposable, qu'il connaît déjà puisqu'il doit figurer sur la fiche de paie, par ce taux lui permettra de connaître le montant de l'impôt à prélever.
On nous fait souvent ce procès d'intention : il s'agirait de réduire les effectifs de nos services. Nous en discutons avec les syndicats – par « nous », j'entends la DGFiP, mais aussi le ministre des finances et moi-même. Il faudra changer un certain nombre de pratiques ou de métiers à l'intérieur de notre administration. Apparaîtront de nouvelles tâches. Il faudra ainsi que certains surveillent la bonne perception et le bon reversement des sommes prélevées par l'employeur, un peu comme cela se fait en matière de taxe sur la valeur ajoutée ; c'est là un métier qui n'existe pas encore dans nos services. Dans le même temps, le service de recouvrement pourra être un peu allégé. Et il faudra probablement, notamment au début, mettre en place et renforcer des structures d'accueil pour répondre aux questions.
Tout, ou presque, a été dit à propos de la confidentialité. Il arrive déjà aujourd'hui que des salariés aux traitements identiques soient soumis à des taux d'imposition différents. Cela se sait-il ? Dans les petites entreprises, en général, les gens se connaissent, et ils savent très bien qui est marié, qui est célibataire, quelles professions exercent les conjoints. Dans les petites villes, on sait même qui perçoit des revenus locatifs. Je pense cependant que nous prenons toutes les précautions, sans oublier que nous donnons en partie la possibilité au contribuable de choisir quel taux doit porter sur quel revenu, pour peu que soit finalement prélevé tout le montant qui doit l'être. Cette possibilité de choix rend encore un peu plus floue la connaissance que l'employeur a de la situation de son salarié : le taux appliqué est-il le taux moyen du couple ou celui décidé par le foyer fiscal en raison d'une inégalité de revenus ? Car c'est évidemment le foyer fiscal qui décidera de ce taux. Mais comment cela se passe-t-il aujourd'hui ? Croyez-vous que l'on ne discute pas déjà, au sein des foyers, pour décider qui paie les impôts et sur quel compte, joint ou séparé ? Une option par défaut sera évidemment prévue, qui sera probablement l'application du taux moyen du foyer fiscal, mais celui-ci pourra décider d'appliquer plutôt tel taux à tel type de revenu ou tel membre du foyer, à la suite de quoi l'administration pourra recalculer le taux appliqué aux autres revenus pour parvenir au montant total de l'impôt.
On nous a fait l'injure de nous demander si nous avons bien vérifié que nos systèmes d'information sont à niveau. Franchement, vous avez quand même devant vous des gens responsables ! Et même si le ministre et le secrétaire d'État étaient des irresponsables, un certain nombre de gens, présentement assis derrière nous, auraient quand même appelé notre attention sur le problème. D'ailleurs, pourquoi sommes-nous aujourd'hui devant vous, alors que la réforme ne doit être mise en oeuvre que le 1er janvier 2018 ? Tout simplement parce que nous avons effectivement conscience qu'au cours de l'année 2017 il faudra calibrer et structurer nos systèmes d'information, mobiliser nos personnels, et peut-être faut-il aussi un peu de temps pour que la DSN soit mise en oeuvre dans toutes les entreprises. Nous savons bien que les délais sont serrés, et c'est pour cette raison que nous sommes, dès aujourd'hui, devant vous, c'est pour entendre les remarques et les questions.
Madame Schmid, qu'en est-il des Français qui ont des revenus en France mais sont domiciliés à l'étranger ? On pourrait d'ailleurs évoquer aussi le cas symétrique. Je sais qu'il y a des situations particulières et je ne donnerai pas, aujourd'hui, de réponse formelle, mais reconnaissez que le système actuel n'est pas satisfaisant. Prenez l'exemple d'un Français qui vit en France, qui travaille en France, qui paie donc ses impôts en France. Quand il quitte notre pays pour travailler dans un autre où l'impôt sur le revenu est prélevé à la source, eh bien, la première année, il paie deux fois ! Il n'apprécie pas forcément. Et quand il revient, eh bien, la première année, il ne paie pas d'impôt ! Comme nous sommes l'un des rares pays à ne pas pratiquer la retenue à la source, ce type de situation quelque peu aberrante disparaîtra à l'entrée en vigueur de notre réforme.
Monsieur Le Fur, vous prétendez qu'une naissance ne sera pas prise en compte pour l'année complète. C'est complètement faux. Actuellement, un enfant qui naît en cours d'année donne droit, l'année suivante, au bénéfice de la demi-part sur l'ensemble de l'année de sa naissance. Eh bien, demain, ce sera pareil ! Un enfant né au cours de l'année 2018, par exemple, donnera droit à une demi-part supplémentaire sur l'ensemble des revenus de l'année 2018. La grande différence, c'est que le bénéfice de la demi-part sera immédiat ou presque : disons qu'il faudra un délai d'un mois ou deux pour que la naissance soit signalée et que l'administration fiscale calcule le nouveau taux et le transmette. Les dates précises, dans le mois, de la naissance et du versement du salaire pourront aussi jouer, mais le délai n'excédera pas deux ou trois mois, et le bénéfice de la demi-part sera accordé pour l'année complète.
Quant aux agriculteurs, monsieur Le Fur, puisque vous connaissez bien cette profession, il ne vous a pas échappé que leurs revenus peuvent varier au cours de l'année. Les récoltes ne se vendent d'ailleurs pas toujours en fin d'année : elles se vendent de plus en plus dans des délais qui dépendent des cours, que les agriculteurs ont raison de consulter assez régulièrement. C'est donc au moment de la perception du revenu que le taux sera appliqué, ce qui constituera une facilité. S'il y a un sujet sur lequel les organisations syndicales ont été plutôt agréablement surprises, c'est celui des professions agricoles. Un dispositif de cette nature est parfaitement adapté, nous ont-elles dit, à la saisonnalité des revenus agricoles.
C'est une lourde question que celle des crédits et réductions d'impôts, évoquée notamment par Mme Berger, et il faut sans doute distinguer, en effet, ce qui présente un caractère récurrent de ce qui est plus exceptionnel. J'ai reçu, déjà, des organisations qui collectent non pour les partis politiques mais pour les oeuvres sociales en général. Elles éprouvent une certaine inquiétude, et nous travaillons avec elles. Nous envisageons notamment une campagne de communication expliquant qu'il n'y aura pas de bouleversement Il faut évidemment que les dons effectués en 2017 puissent donner droit à un crédit d'impôt en 2018. Peut-être faudra-t-il donc adapter le taux en intégrant les crédits d'impôt au titre de l'année précédente. Le problème est peut-être différent pour les crédits d'impôt liés à la transition énergétique, qui concernent généralement des opérations plus ponctuelles.
En termes de personnel, la réforme sera relativement neutre. Nos agents s'interrogent sur les métiers et les structures, mais nous répondrons à leurs questions.
En revanche, ne nous le cachons pas, la gestion des crédits et réductions d'impôt peut induire un coût la première année de mise en oeuvre, et il n'est pas impossible que nous connaissions une espèce d'année double pour certains crédits d'impôt. La question est importante, elle touche aux conséquences budgétaires de la réforme. Il faudra y travailler, et je n'ai pas forcément toutes les réponses sur ce point.
Monsieur Hetzel, je m'en tiens à ma condition de secrétaire d'État, qui ne me permet pas de me prononcer sur la constitutionnalité de la réforme à la place du Conseil constitutionnel, dont j'imagine que les uns et les autres le saisiront. Naturellement, sur un sujet de cette nature, il est bon de travailler avec le Conseil d'État et de se préoccuper du point de vue du Conseil constitutionnel.