Je constate, ce qui me rassure, que les débats entre parlementaires n'ont rien à envier aux débats entre universitaires…
Monsieur Lellouche, le solde des migrants n'appartenant pas à l'Union européenne et qui entrent ou sortent de France est de 90 000 par an – ce qui n'a rien de gigantesque pour un pays de 65 000 habitants. Ce sont les chiffres de l'INSEE, qui ne me semblent pas contestables, et le chiffre de 300 000 que vous citez est donc inexact.
Pour moi d'ailleurs, le chiffre le plus préoccupant est celui des 75 000 Français que nous perdons chaque année et qui ne sont pas n'importe qui : ils ont entre vingt et trente ans et sont titulaires de bons diplômes. Si cela ne cesse pas, notre taux de fécondité étant à deux enfants par femme, la population française est vouée à diminuer à terme. J'ai insisté sur le fait qu'il fallait aborder les phénomènes migratoires sous l'angle de la circulation : il y a actuellement 3,8 millions d'étrangers en France mais 3,125 millions de Français à l'étranger, dont beaucoup ne reviendront pas.
En ce qui concerne les statistiques ethniques, elles sont selon moi le meilleur moyen de créer des discriminations, et les pays qui les ont adoptées en souffrent.
En matière d'intégration, il faut également se pencher sur les chiffres, et je vous renvoie ici à une excellente publication de l'INSEE, Immigrés et descendants d'immigrés en France, qui montre que, si les enfants d'immigrés sont globalement moins diplômés que les enfants de non-immigrés, les enfants d'ouvriers immigrés réussissent un peu mieux que les enfants d'ouvriers non-immigrés. C'est donc un succès de l'intégration, sachant que l'histoire de l'immigration en France, ce sont des ruraux et des analphabètes qu'on est allés chercher et recruter au fin fond de l'Algérie ou du Maroc dans les années soixante. Dans ces conditions, il n'y a pas à s'étonner que leurs enfants réussissent moins bien que les enfants de cadres supérieurs français, et il faut comparer ce qui est comparable.
Concernant les chiffres du recensement, la France a fait des progrès, malgré ses réticences – dues aux souvenirs de l'Occupation – à adopter comme les Pays nordiques et les Pays-Bas les registres de population, qui permettent de savoir chaque mois qui habite à quel endroit. Cependant, à la place des recensements généraux qui avaient lieu tous les huit à dix ans, l'INSEE a mis en place des enquêtes de recensement annuelles qui sont des sondages effectués à partir d'un cinquième des communes de moins de dix mille habitants et de 8 % de la population dans les communes de plus de dix mille habitants ; cela permet de disposer désormais chaque année d'un début de connaissance des mouvements migratoires.