Intervention de Elise Moison

Réunion du 23 mars 2016 à 16h00
Délégation de l'assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Elise Moison :

Certes les enfants sont plus grands, mais il faut tout d'abord souligner que l'âge de 52 ans est une moyenne et nous avons quand même une fois tous les deux mois environ une femme accompagnée d'un enfant qui attend dans la salle d'attente, parce qu'il est âgé de cinq ou six ans seulement. Par ailleurs, même si les enfants sont plus grands, ils sont toujours présents et coûtent toujours chers – je pense par exemple à la situation d'une personne seule avec trois adolescents à charge.

Depuis dix ans, nous accompagnons vers l'emploi les femmes plus de 45 ans. Concernant la question des diplômes et du niveau académique– même si, pour ce public, on parle plutôt d'expériences et de compétences –, il s'agit d'une population qui a quand même un niveau de bac + 2 en moyenne. Je précise que l'association a accueilli environ 20 000 femmes dans les dix villes où nous sommes présents. En Île-de-France, qui représente environ 50 % de notre activité, c'est même un niveau bac + 4 ou bac + 5. Cette question du niveau académique est donc devenue un non-sujet.

Ces femmes ont notamment pour atouts l'expérience, la capacité de recul, l'organisation et l'autonomie, mais leur profil est associé à d'importants stéréotypes : en caricaturant à peine, elles peuvent envoyer 400 curriculum vitae pour recevoir finalement deux réponses négatives. C'est donc très démobilisant, avec aussi un risque d'isolement et de perte de confiance en soi, voire de perte de repères, avec une définition parfois floue du projet professionnel. Des jeunes peuvent avoir des difficultés à compléter leur CV pour ce qui concerne leurs expériences, mais pour nous, une difficulté importante tient à la prise en compte de vingt, vingt-cinq ou trente d'expériences professionnelles sur une page de CV. Et lorsqu'elles se présentent à Force femmes – ou dans d'autres associations qui proposent un accompagnement vers l'emploi, même si elles sont encore trop peu nombreuses – ces femmes nous disent que personne ne les a jamais vraiment aidées et qu'elles ont seulement reçu un SMS de Pôle Emploi six mois auparavant…

Il y a donc un besoin important d'accompagnement pour la définition du projet professionnel et la connaissance du marché de l'emploi, mais aussi leur apporter un appui concernant les passerelles et les formations. Par exemple, que faire lorsque tel métier n'existe plus ou que le secteur d'activité est bouché ? Environ la moitié des femmes que nous accompagnons ont été licenciées. Environ un quart des femmes sont accueillies suite à une fin de mission, mais les trois quarts sont là suite à un licenciement pour motifs économiques. Par ailleurs, contrairement à ce que certains peuvent penser, seulement 2 % des femmes environ que nous accompagnons n'ont jamais travaillé.

En direction de ces femmes qui se retrouvent au chômage, l'association est centrée sur l'accompagnement vers l'emploi – nous ne sommes pas un chantier d'insertion – mais on voit à quel point le millefeuille des problématiques connexes vient compliquer la recherche d'emplois. Il peut s'agir de problèmes de logement, de surendettement, voire malheureusement de prostitution, ou encore de santé et d'addictions. La question des violences doit toutefois être mise à part, car elles ne surviennent pas dans le cadre de cette perte d'emplois.

Nous proposons un accompagnement intensif de recherche d'emploi, et nous avons ainsi suivi 20 000 femmes en dix ans dans une dizaine de villes en France. Force Femmes s'appuie sur un réseau de 600 bénévoles, qui sont des spécialistes des ressources humaines, car nous sommes partis du principe qu'il s'agit de compétences et d'une expertise bien précises, avec la volonté d'être utiles au plus vite, notamment parce qu'il s'agit de ce que nous appelons une « génération sandwich », au sens où elles ont à la fois des enfants et des parents à charge. On voit ainsi de plus en plus de femmes qui nous disent qu'elles ne pourront plus venir à l'association car elles doivent s'occuper d'un ascendant. Il s'agit là d'une question importante.

Une autre problématique tient à la mobilité géographique : en raison des charges familiales, les déplacements sont compliqués. J'insiste sur le fait que ces femmes sont globalement prêtes à faire beaucoup de concessions pour retrouver un emploi mais, contrairement à un ou une jeune, elles doivent assumer la charge d'enfants et de parents. La précarité financière n'est peut-être pas si importante dans l'absolu, mais le salaire perçu doit permettre de nourrir toute une famille. D'après l'enquête que nous avons menée auprès de 1 200 femmes, 95 % d'entre elles sont prêtes à faire des concessions pour retrouver un emploi – 62 % sur la durée de contrat et 68 % sur le salaire et parmi elles, 60 % sont prêtes à réduire leur salaire de 10 % et jusqu'à 40 %. Par ailleurs, 55 % sont prêtes à reprendre une formation courte et 36 % une formation longue. Cependant, l'accès à l'information pose problème ; on observe une perte de repères par rapport aux circuits d'information et de financement de ces formations.

Pour conclure, nous souhaitons alerter sur l'émergence de nouvelles situations précaires : on voit de plus en plus, comme cela a été évoqué précédemment, des personnes retrouver un emploi, puis revenir à l'association parce qu'elles l'ont perdu, des ruptures conventionnelles, des personnes embauchées en CDI, mais auxquelles il est mis fin au contrat de travail à la fin de la période d'essai, car cela coûte moins cher qu'un CDD avec une prime de précarité.

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