La Caisse des dépôts est une vieille dame dont la fierté est de ne jamais perdre d'argent. Sans doute la BPI, à l'initiative de son directeur général, a-t-elle conquis son indépendance, mais l'héritage culturel demeure. Quoi qu'il en soit, je suis favorable à ce qu'elle prenne davantage de risques.
Quant à la BEI, elle a raison à deux égards.
Tout d'abord, le mécanisme du prix carbone ne suffit pas à générer des financements suffisants et ciblés ; en pratique, il faut parfois tordre le bras aux acteurs financiers pour qu'ils abandonnent leurs réflexes et orientent leurs investissements là où ils sont nécessaires. Il me semble utile de proposer des mécanismes les encourageant à investir dans les énergies décarbonées, même en l'absence de taxe carbone.
D'autre part, la transition écologique concerne des biens publics – parfois mondiaux – et donc l'intérêt général. En l'absence de rentabilité, ce n'est évidemment pas le marché qui crée l'appétit de transition énergétique. Il n'est donc pas illogique que des acteurs publics consentent une partie de l'investissement dans ce domaine, à perte, le cas échéant.
J'en viens à la programmation pluriannuelle de l'énergie. Les grandes orientations industrielles sont indispensables. À titre d'exemple, le développement des pompes à chaleur a échoué d'emblée parce que les entreprises concernées n'ont pas vendu une technologie – alors onéreuse et posant des problèmes de maintenance – mais une forme de crédit d'impôt. Or, il existe aujourd'hui des pompes à chaleur d'excellente qualité – hélas produites hors de France – qui sont fort utiles pour remplacer le parc de chaudières à fioul et à propane. Il me semble donc opportun de privilégier une politique de soutien à une filière lorsqu'elle est mûre.
Autrement dit, l'absence de programmation pluriannuelle de l'énergie est très gênante pour les acteurs économiques, qui se trouvent dans l'impossibilité de suivre un cap. Sans être trop rigide, un cadre de réflexion clair est très utile. Le secteur colossal du stockage dans les batteries électriques, par exemple, suivra dans les vingt prochaines années un chemin très différent selon que la production électrique française reposera encore pour l'essentiel sur le parc nucléaire ou que les énergies renouvelables auront été davantage développées. De ce point de vue, la libéralisation par à-coups à laquelle a procédé l'Union européenne, en mettant les acteurs économiques en concurrence au point de les tuer – et au risque de provoquer une panne de réseau – a fait la preuve de son inefficacité. La programmation pluriannuelle de l'énergie est donc précieuse.