Je rappellerai – je ne l'ai pas précisé avant et c'est une erreur – que Pôle emploi est volontairement très déconcentré. Je considère qu'un opérateur de cette nature ne peut agir qu'au plus près des territoires. Notre objectif – au regard de notre gestion interne – est de donner un maximum de responsabilités aux responsables territoriaux en termes de moyens mais aussi d'offres de services. Je me méfie des offres de services trop standardisées au niveau national. C'est localement que l'on peut savoir si tel demandeur d'emploi est ou non autonome. Une même personne ne relèvera pas forcément de la même catégorie selon les contextes économiques locaux.
Je suis d'accord avec les propos du rapporteur sur les compétences de régions. Quand j'évoquais l'accompagnement personnel, c'était au titre de la mobilisation des acteurs. La région doit non pas assurer elle-même le suivi des demandeurs d'emploi créateurs d'entreprise mais s'assurer que les actions des divers organismes sont bien articulées. Elles sont appelées à jouer le rôle de chef d'orchestre que vous évoquez pour le CEP.
S'agissant des moyens, je soulignerai que Pôle emploi souffre d'un mal profond : nous ne sommes pas capables de présenter clairement nos résultats. Certes, notre action est un peu « écrasée » chaque mois par la publication de l'évolution du nombre de chômeurs à laquelle chacun a tendance à assimiler nos résultats, ce qui est sans doute excessif – le jour où la courbe du chômage s'inversera, personne ne dira que c'est grâce à Pôle emploi, croyez-moi. Comment montrer que les puissantes transformations que nous mettons en oeuvre produisent des résultats ? Tel est le problème auquel nous sommes confrontés.
Avec l'État et les partenaires sociaux, nous nous sommes mis d'accord sur treize indicateurs, qui reposent sur le retour à l'emploi et la satisfaction des demandeurs d'emploi et des entreprises. Nous avons publié il y a un mois et demi tous les résultats – par agence – avec une carte interactive permettant de faire des comparaisons. Personne n'en a parlé alors que toute la presse se fait l'écho du récent classement des lycées publié par le ministère de l'éducation nationale. J'aimerais que nous soyons jugés sur la base de ces chiffres, qui montrent des améliorations nettes même si elles ne sont pas suffisantes. Prenons le taux de satisfaction des demandeurs d'emploi et des entreprises : il a enregistré une progression de trois à quatre points en trois ans, ce dont on peut se réjouir, mais il se situe à 65 %. Et c'est le tiers d'insatisfaits que vous devez rencontrer dans vos permanences.
Nous devons vraiment convaincre que les orientations que nous avons retenues permettent une amélioration. Spécialiser les conseillers et dédier les après-midi à l'accueil sur rendez-vous sont des évolutions majeures ; j'attends d'elles en 2016 une amélioration des taux de satisfaction.
Le débat sur les moyens est légitime. Depuis 2012, il y a eu 4 000 créations d'emplois à temps plein au sein de Pôle emploi, ce qui a supposé un effort considérable de la part des pouvoirs publics. Et nous avons redéployé 2 000 équivalents-temps plein vers le conseil. Si l'on accordait des moyens supplémentaires à Pôle emploi, je les accepterais avec plaisir. Mais je connais les contraintes budgétaires et je sais les difficultés qui ont entouré la négociation de la convention tripartite. Maintenir à niveau la dotation de l'État était déjà un combat. Pour être tout à fait honnête, je ne suis pas en mesure de vous donner des chiffres précis. Au fond de moi, je sais qu'environ un quart des personnes qui relèvent de la catégorie des demandeurs autonomes devraient faire l'objet d'un suivi différent. Il faut continuer à pouvoir dégager du temps pour renforcer l'accompagnement et en cela, l'automatisation est d'une grande aide. Une partie des formalités passe désormais par Internet – et les personnes qui n'en disposent pas peuvent être aidées en agence par l'un des 2 000 volontaires du service civique.
Vous insistez, monsieur le rapporteur, sur la coordination. La complexité demeurera mais la visibilité peut être facilitée grâce au numérique, auquel je crois beaucoup. Nous venons de mettre au point une application développée en interne sur le mode des start-up par un conseiller aidé d'un développeur : elle s'intitule « La bonne formation ». D'abord mise en ligne dans les Pays de la Loire, elle sera progressivement étendue à toutes les régions, avec leur accord. Elle permet d'obtenir très rapidement des informations sur les formations à tel ou tel métier ainsi que sur le taux de retour à l'emploi qu'elles permettent.
S'agissant du conseil en évolution professionnelle, il faut avoir l'honnêteté de souligner que nous sommes encore dans une phase de montée en charge. Je conçois que le Fongecif ne puisse pas dire combien de CEP relèvent de Pôle emploi. De premiers partages de compétences et d'expériences entre conseillers ont lieu sous l'égide de Centre Inffo. Dans les mois et les années qui viennent, ce processus s'accélérera. Ma conviction est que les choses doivent se faire au niveau régional.
Il faut bien voir que le CEP implique un changement complet de paradigme, qui nécessite deux ou trois années de formation en interne. La tradition de l'ANPE était de proposer une offre d'emploi au demandeur d'emploi. Or la réalité du marché du travail amène à réviser ce modèle : 60 % des recrutements se font sans offre d'emploi – c'est ce qu'on appelle le marché caché. Le travail des conseillers ne consiste pas à repérer une offre d'emploi sur internet : le demandeur d'emploi peut le faire lui-même, d'autant que le site pole-emploi.fr agrège 500 000 offres d'emploi issues également d'opérateurs du secteur privé – le seul à ne pas y participer, c'est le site leboncoin.fr car il est déjà si populaire qu'il n'a pas besoin du surcroît de trafic que nous pouvons lui offrir. Le rôle du conseiller est avant tout d'aider le demandeur d'emploi à savoir s'il recherche bien dans le secteur qui correspond à ses compétences et s'il n'a pas besoin d'une formation.