Intervention de Bruno Arbouet

Réunion du 31 mars 2016 à 10h00
Mission d'information relative au paritarisme

Bruno Arbouet, directeur général de l'Union des entreprises et des salariés pour le logement, UESL :

Anciennement « 1 % Logement », le programme Action Logement a été créé il y a soixante ans, à l'initiative de patrons du Nord. Le mouvement a connu bien des vicissitudes : à une époque, il comptait mille collecteurs, deux cents il y a encore dix ans, pour vingt seulement aujourd'hui.

Action Logement contrôle actuellement un parc de 950 000 logements, dont une petite moitié relève des entreprises sociales pour l'habitat (ESH), ce qui représente 20 % du logement social. Plus de 600 filiales sont impliquées : coopératives, ESH ou comités interprofessionnels du logement (CIL). Les montants collectés au titre de la participation des entreprises à l'effort de construction s'élèvent à 1,8 milliard d'euros par an et constituent une ressource stable ; les remboursements de prêts s'élèvent à environ 3 milliards d'euros par an. L'effectif des personnes impliquées dans la gestion est de 18 000. Chaque année, 600 000 ménages sont accompagnés et un peu plus de 30 000 logements sont construits, soit un rythme de construction deux fois plus élevé que celui du secteur des habitations à loyer modéré (HLM).

Depuis sa création, l'UESL est gérée paritairement de façon satisfaisante, car l'accompagnement des salariés dans le logement, qui constitue notre mission première, est une préoccupation largement consensuelle entre le monde patronal et le monde syndical. Pour le patronat, il s'agit d'un instrument d'amélioration de la performance collective, et, pour le salarié, d'une question de bien-être.

À l'initiative de M. Jean-Louis Borloo, nous accompagnons depuis plusieurs années un certain nombre de politiques publiques. Ainsi, aujourd'hui, un quart de la ressource est consacré à la rénovation urbaine et cet effort finance 95 % du budget de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) ; à ce titre, nous avons versé 12 milliards d'euros au titre de l'ancien programme et nous nous sommes engagés à verser 5 milliards d'euros supplémentaires. De ce fait, nous finançons la quasi-totalité de la politique de renouvellement urbain. De façon significative, nous contribuons aussi aux programmes de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) et, dans une moindre mesure, au financement du Fonds national d'aide au logement (FNAL). L'UESL est ainsi devenu un acteur majeur des politiques publiques en France, du fait du retrait progressif de l'État de l'aide à la pierre. Avec la Caisse des dépôts et consignations (CDC), nous comptons parmi les premiers financeurs du logement social.

Nous sommes confrontés à de nouvelles demandes, car le nombre des travailleurs pauvres a considérablement augmenté au cours des dernières années. Les partenaires de l'UESL sont conscients que cette situation concerne beaucoup de jeunes, puisque 90 % d'entre eux obtiennent un contrat précaire lors de la première embauche, ce qui ne leur permet pas d'accéder au logement.

Les grandes confédérations partenaires actives au sein d'Action Logement portent un regard critique sur le dispositif, en considérant qu'il est, en quelque sorte, à bout de souffle, et que cette situation rend nécessaire un changement. Il y a un an, nous avons engagé une réforme radicale visant à supprimer les vingt organismes collecteurs et à constituer un véritable groupe opérateur d'intérêt général, tout en conservant nos missions à l'égard du logement et des salariés.

Les critiques portaient essentiellement sur l'efficience, l'équité et la transparence. Si, par le passé, l'UESL a pu connaître des dérives, il n'en demeure pas moins que la concentration des collecteurs a abouti à la constitution de vingt groupes extrêmement puissants qui se livrent à une concurrence stérile. Cela a obscurci la lisibilité du système, les élus locaux ne distinguant plus qui sont les acteurs d'Action Logement. Cette situation a entraîné un biais en faveur de l'aide aux salariés des grandes entreprises, au détriment de ceux des petites et moyennes entreprises (PME), dont la situation est souvent plus précaire.

L'équité aussi est malmenée, car le salarié d'une même entreprise, selon qu'il est employé à Lille ou à Nice, ne bénéficie pas de services équivalents.

Ce sont donc les partenaires sociaux qui ont pris l'initiative de la réforme, et le projet de loi qui en a résulté a été présenté au Gouvernement, puis à l'Assemblée nationale qui l'a adopté à l'unanimité (1). Nous devrions donc disposer d'un cadre nous permettant d'harmoniser notre offre de produits et services ainsi que de garantir une plus grande équité. Le groupe améliorera son ancrage dans les territoires, car nous étions quelque peu « hors sol » : de fait, la plupart des CIL, qui, à l'origine, avaient été créés localement par le patronat ou par de grands groupes industriels, sont aujourd'hui de dimension nationale. Nous souhaitons donc revenir à l'échelon de chacune des grandes régions, au plus près des territoires et des besoins des entreprises et des salariés, en créant des comités régionaux d'Action Logement, à même de dialoguer avec les instances politiques et les élus locaux.

Le groupe sera mieux piloté qu'aujourd'hui, où nous continuons à investir beaucoup trop dans les zones non tendues au détriment des zones tendues, au sein desquelles la question du lien emploi-logement est la plus prégnante. Il faut conserver à l'esprit qu'Action Logement constitue un fabuleux outil de mutualisation, sans équivalent en Europe, puisque les entreprises situées dans un territoire non tendu cotisent au profit des entreprises se trouvant dans des territoires plus tendus.

Nous entretenons des relations de confiance avec l'État, qui toutefois connaît la tentation permanente de mettre la main sur cette ressource, heureusement fléchée en direction du logement – ce qui ne serait plus le cas si elle venait à être budgétée.

À compter du 1er janvier 2017, Action Logement demeurera paritaire tout en constituant un véritable groupe piloté comme tel : la structure faîtière comprendra deux pôles, l'un produisant et distribuant des services au plus près des territoires, l'autre étant un pôle immobilier regroupant l'ensemble de nos participations majoritaires et minoritaires dans le parc social. Par ailleurs, nous demeurerons un opérateur d'intérêt général en continuant de financer les politiques publiques et en restant l'un des principaux financeurs du logement social.

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