Intervention de Olivier Mériaux

Réunion du 24 mars 2016 à 9h00
Mission d'information relative au paritarisme

Olivier Mériaux, directeur général adjoint et directeur scientifique et technique :

Chercheur à l'Institut d'études politiques, j'ai soutenu, il y a vingt ans, une thèse sur L'action publique partagée : paritarisme et négociation collective. En lisant le compte rendu de vos précédentes auditions, j'y ai retrouvé l'écho des débats d'alors. Je me suis rendu compte que nous creusons toujours le même sillon, ce qui est sans doute rassurant, même si la récurrence ne laisse pas d'inquiéter aussi.

Au fond, la question fondamentale est celle de la définition : quelles formes le paritarisme revêt-il ? N'a-t-il qu'une forme unique ou peut-il être tantôt un paritarisme de gestion, tantôt un paritarisme d'orientation, tantôt un paritarisme de projet ? Une définition globale devrait pouvoir rendre compte de ces différentes formes.

Au sens strict, le paritarisme est une technique de gestion des garanties collectives, qui s'opèrent dans des instances où employeurs et salariés sont représentés à parité. Sous cette forme « chimiquement pure », pour reprendre le mot de l'organisation patronale de l'époque, il se retrouve dans la gestion des retraites complémentaires et de la formation professionnelle, comme dans l'assurance-chômage des premiers temps : autant de mécanismes de gestion assurantielle induisant versement de cotisations contre prestations.

Dans un sens plus large, le paritarisme englobe toutes les formes de gestion où participent employeurs et salariés, travaillant ensemble à la production de normes et à la gestion des garanties collectives. Cela inclut la concertation – peu importe qu'elle soit bipartite ou multipartite, car l'équilibre à parité ne compte plus beaucoup –, la négociation collective, les relations collectives de travail et les instances de représentation paritaire. Dans ce cas, on ne sait plus de quoi on parle.

Il faut donc tenir bon sur une définition qui exclut du paritarisme les relations collectives de travail et la négociation collective. Ce sont différentes modalités d'organisation de la démocratie sociale, mais ce n'est pas du paritarisme. Pour éviter le double écueil d'une définition trop large ou trop restrictive, quel fil conducteur, quelle logique commune peut-on dégager ? Je dirais que, dans les instances paritaires, des représentants d'intérêts particuliers se voient déléguer la définition et l'administration de services établis dans l'intérêt général. Cela procède d'une délégation par l'État de certaines de ses prérogatives.

D'un point de vue historique, les périodes où les instances paritaires émergent correspondent à des moments où la civilisation des relations de travail ou des rapports entre capital et travail semble essentielle pour garantir la stabilité du corps politique, à savoir la Première Guerre mondiale, l'après-guerre ou Mai 1968. À cette dernière époque, le projet de Nouvelle Société a institué une formation professionnelle fondée sur le paritarisme. Pour reprendre l'expression d'un haut fonctionnaire de l'époque, il fit alors l'objet d'un « acte de foi » des pouvoirs publics, qui choisirent d'investir les partenaires sociaux de certaines missions, dans des domaines où la gestion directe par l'État était pourtant possible.

Cette délégation de pouvoir de l'État a pour condition une formule d'agencement des intérêts, la parité, telle que ces représentants d'intérêts particuliers puissent construire quelque chose dans l'intérêt commun, sans que l'une des parties prenne le dessus sur l'autre – d'où l'accent mis sur l'égalité arithmétique dans certaines définitions du paritarisme. Comme le formulait M. André Bergeron, le paritarisme est un espace où « on gère ensemble, entre gens qui s'opposent par ailleurs ».

Concrètement, le fonctionnement du paritarisme est pourtant parfois éloigné de cette promesse d'égalité et d'équilibre entre démocratie sociale et démocratie politique.

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