Vous avez raison de souligner que le paritarisme est une forme institutionnelle qui a eu sa validité à une époque donnée de l'organisation du travail et du rapport salarial. Il doit évoluer à partir du moment où les droits ne sont plus attachés à l'emploi, mais à la personne du salarié, en poste ou non. Si l'on ne peut aller jusqu'à parler d'obsolescence, la validité du paritarisme est cependant questionnée ; comme schéma lié à une forme d'économie et d'organisation du travail, il doit se renouveler. Mais comment le réinventer, notamment pour la gestion de nouveaux droits sociaux ?
Je rappelle que, en France, le schéma du paritarisme ne va pas de soi. Même à sa grande époque, il présentait au moins trois faiblesses congénitales. D'abord, sur le plan sociologique, il faut relever que les organisations représentatives des salariés manquent d'ancrage, puisque n'y adhèrent que 8 % des salariés, alors que ce taux est beaucoup plus élevé dans d'autres pays, voire que l'adhésion y est obligatoire. Ensuite, le paritarisme présente une faiblesse sur le plan de la légitimité politique : comme le montrent les archives parlementaires, la concurrence des sources de production normative et l'articulation de la démocratie sociale et de la démocratie politique apparaissaient problématiques dès l'origine. Enfin, les organisations représentatives des salariés, pauvres en hommes et en ressources, vont parfois chercher dans la sphère paritaire les moyens qui leur font défaut ; il n'est pas possible de méconnaître le lien entre le financement du paritarisme et le financement de ces organisations.
S'ajoute à cela le fait que la délégation par l'État n'appartient pas à la culture politique dominante, qui en fait au contraire le seul garant ou le seul porteur de l'intérêt général. L'autonomie paritaire est donc extrêmement faible, puisqu'elle repose sur une délégation octroyée à des organisations tierces. D'une manière générale, le même problème se pose pour tous les corps intermédiaires.