Intervention de Hervé Lanouzière

Réunion du 24 mars 2016 à 9h00
Mission d'information relative au paritarisme

Hervé Lanouzière, directeur général de l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail, ANACT :

Que constatons-nous sur le terrain ? Va-t-on dans le sens de la cogestion ? Le système binaire actuel est axé sur la consultation et la négociation. Dans la consultation, il faut délivrer un avis favorable ou un avis défavorable ; dans la négociation, il faut signer ou non un accord. Cette forme binaire de discussion contraint ou accule les parties à adopter des postures, souvent surprenantes. Alors qu'un consensus sur un compromis intéressant relatif à la prévention des risques psychosociaux se dessine parfois, elles peuvent ainsi refuser de signer un accord ou d'émettre un avis favorable.

Il y a donc un véritable besoin de renouvellement de part et d'autre, comme l'a montré la crise des risques psychosociaux. Elle a fait éclore des espaces de travail où les acteurs se sont mêlés : directeurs d'établissement, ingénieurs, représentants du personnel, médecins du travail, chefs de projet… En discutant et en se concertant, ils ont pu améliorer les conditions de travail, avec une hausse de la productivité à la clé, mais aussi trouver les voies d'un meilleur équilibre entre vie privée et vie professionnelle.

Je souligne la nécessité d'un espace de concertation régulé, mais il n'est pas possible de le définir a priori. Les nouveaux équilibres s'y établissent de manière spontanée. Dans une période bouleversée, il ne saurait y avoir de schéma tout fait. Nous devons en revanche outiller beaucoup plus les partenaires sociaux pour qu'ils puissent recréer un dialogue professionnel loyal dans l'entreprise.

À l'ANACT, nous avons un rôle à jouer en matière d'outillage méthodologique. Il nous faudra compter vingt ans pour accomplir une montée en compétence symétrique chez les employeurs comme chez les salariés. Dans des collectifs de travail dégradés, de gros efforts seront à fournir en restaurant des espaces de concertation régulés. Je ne pense pas qu'il faille se payer de mots avec des incantations en faveur de l'autogestion ou de la codécision.

Dans les expérimentations menées par l'ANACT, les gens expriment d'abord leur besoin de participer à une concertation. Les espaces de discussion prévus par les accords sur l'amélioration de la qualité de vie au travail assurent aux salariés que leur opinion a été prise en compte dans le processus de décision. Les entreprises doivent être amenées à considérer les conditions de travail comme un paramètre stratégique, à côté de leurs paramètres techniques et économiques : tel est l'objectif de l'ANACT.

Dans le processus décisionnel des entreprises, la concertation doit se développer, au-delà de la consultation et de la négociation. Les accords sur la qualité de vie au travail qui réussissent sont ceux où, par un accord de méthode, l'entreprise a créé des règles procédurales sur la manière d'aborder des sujets tels que l'articulation entre vie privée et vie professionnelle. Nombre d'organisations n'ont pas de problèmes avec le fait que l'entreprise prenne une décision, mais elles veulent comprendre ce qui la motive. Les salariés veulent non seulement que tel ou tel processus leur évite le mal de dos, mais qu'il rende en même temps leur travail plus efficace. Or cela n'est possible que si une concertation a lieu. Nous restons trop souvent enfermés aujourd'hui dans un schéma binaire : je consulte, donc je décide ; ou je négocie, la négociation échoue, donc on en reste là.

Nous concentrons notre énergie sur les accords de qualité de vie au travail. L'ANACT est dans une logique d'expérimentation et nous travaillons avec de grandes entreprises pour trouver des modalités innovantes.

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