Intervention de Hervé Lanouzière

Réunion du 24 mars 2016 à 9h00
Mission d'information relative au paritarisme

Hervé Lanouzière, directeur général de l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail, ANACT :

Un entrepreneur ne vient jamais déclarer de lui-même à l'ANACT qu'il veut embaucher des femmes ou mettre en place une politique d'égalité professionnelle. En revanche, il viendra nous voir pour évoquer des problèmes d'absentéisme, de rotation de main-d'oeuvre, d'attractivité de son entreprise ou de postes qu'il peine à pourvoir.

Par une étude de la démographie au travail, nous cherchons alors à comprendre les déterminants de la répartition, dans la durée, des populations dans l'entreprise. Il en ressort souvent que l'organisation a pu produire, sans que ce soit délibéré, les conditions d'une inégalité entre les hommes et les femmes. Je pourrais prendre l'exemple d'une entreprise où, au bout de vingt ans, tous les salariés d'un atelier sont devenus conducteurs de machines ou ont quitté l'entreprise, alors que les femmes sont restées cantonnées dans des tâches manuelles non qualifiées. Leurs postes seront les plus pénibles et les plus susceptibles de causer inaptitude et invalidité.

L'approche de l'entreprise ne peut pas être segmentée, compartimentant l'égalité professionnelle des hommes et des femmes, la question des jeunes, celle des seniors, mais aussi le handicap. L'entreprise doit faire face à ses impératifs de production et nous devons lui fournir les outils pour conduire ces analyses, de sorte que représentants du personnel et directions des ressources humaines ou chefs d'atelier lisent les données, très nombreuses, qui sont à leur disposition. En les interprétant, ils se rendent compte que leur organisation a non seulement fait naître de l'absentéisme, mais les a aussi privés de marges de manoeuvre.

Dans l'entreprise dont je parlais, des femmes ont pu travailler sur des machines, même si cela supposait de réfléchir à des solutions de crèche ou de garde d'enfants ou à l'offre de transports en commun dans un territoire rural. L'entreprise est parfois débordée et les partenaires sociaux ne sont pas toujours capables d'analyser et d'interpréter eux-mêmes la situation avant de construire un plan d'action. Mais, lorsque les entreprises, les employeurs et les salariés ont pris conscience des enjeux, en termes de conditions de travail ou de performance, ils n'ont plus besoin de nous pour établir ce plan d'action. Une fois qu'ils ont compris les déterminants de l'absentéisme, ils concluent un accord sur l'égalité entre hommes et femmes, non pour le plaisir d'en faire un, mais pour augmenter la productivité et améliorer les conditions de travail. Ce faisant, ils satisfont aussi à leurs obligations réglementaires.

C'est ainsi que sont nés les accords sur la qualité de vie au travail. Les entreprises ont adopté une approche systémique pour répondre aux problèmes posés par les populations présentes en leur sein et qui deviennent des publics cibles pour les pouvoirs publics. Elles se sont alors attaquées à l'amélioration des conditions de travail et de l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée.

Cependant, le mouvement reste lent. Car les entreprises se trouvent devant ces outils comme des poules devant un couteau, sans savoir par où commencer, comment rassembler les données et comment les interpréter. Convenons-en, la méthodologie n'est pas simple.

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