Je serai prudent dans ma réponse, m'aventurant sur des terres qui sont plutôt celles de la DGT. Nous avons mené des réflexions sur les nouvelles formes d'emploi, concept plus large que celui de la seule économie collaborative, notamment dans le cadre de nos travaux préparatoires sur le CPA – réflexions qui se structurent autour de quatre grandes options. La première consisterait à réintégrer ces travailleurs au sein du salariat ; la deuxième, à les insérer dans le champ classique des travailleurs indépendants ; la troisième, à construire un nouveau statut intermédiaire – option très intéressante sur le plan intellectuel, mais qui risque de nous conduire à recréer deux « zones grises », c'est-à-dire deux problèmes, là où il n'y en a qu'une actuellement ; la quatrième, à créer un statut unique d'actif pour l'ensemble des salariés, des travailleurs indépendants et de ces nouveaux travailleurs. Les réponses aux autres questions que vous avez posées dépendent de l'option qui sera retenue. Les évolutions en cours nous conduiront probablement à être moins tranchés que cela, ces quatre grands modèles types n'étant pas forcément complètement exclusifs les uns des autres.
La logique du CPA consiste plutôt à faire un pas vers la quatrième option sans que la philosophie du dispositif puisse se réduire à la seule consécration d'un droit de l'actif – sachant que, derrière l'élaboration d'un statut de l'actif, peut se profiler l'idée d'un socle commun assorti de droits plus spécifiques à chacun des différents statuts. Certains juristes, spécialistes du droit social, défendent l'idée d'un système qui, au-delà du droit commun, s'appuierait non pas sur les anciens statuts de salarié et d'indépendant, mais sur un continuum qui dépendrait du degré d'autonomie ou de subordination du travailleur. Le CPA, qui guide notre réflexion en la matière, repose sur cette logique de socle d'avantages communs et de transférabilité de certains droits – attachés à la personne et non plus à l'emploi.
À long terme, un pas supplémentaire pourrait être franchi en faveur d'une fongibilité entre les droits. Il existe d'ailleurs déjà une fongibilité asymétrique entre le C3P et le CPF. Avec le projet de loi qui sera bientôt soumis aux deux assemblées, nous nous apprêtons à poser les premières fondations d'un rapprochement entre ces deux comptes au sein du CPA – qui comprendra peut-être à terme d'autres dispositifs – et donc à progresser vers une fongibilité des droits. Cela soulève évidemment de nombreuses questions : quels droits doivent être fongibles ? Selon quelles modalités ? La fongibilité doit-elle être symétrique ou asymétrique ? La fongibilité des droits à la retraite dans ce système semble périlleuse. Celle des droits liés à l'assurance chômage semble plus intéressante, mais uniquement pour certains types de droits. Ces questions restent cependant au stade de la réflexion – avec d'autres administrations telles que la DGT ou les groupes de travail de France Stratégie – même si nous avons déjà beaucoup travaillé à cette nouvelle étape législative.