Intervention de Élisabeth Guigou

Réunion du 8 mars 2016 à 17h00
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉlisabeth Guigou, présidente :

Merci de votre présence, mesdames. Notre commission s'intéressant beaucoup aux relations euro-méditerranéennes et, naturellement, à la question des femmes, nous avons souhaité bénéficier, à l'occasion de la journée internationale de la femme, de l'éclairage des deux éminentes ressortissantes du Sud de la Méditerranée que vous êtes.

Au sein de l'Assemblée nationale et spécialement de cette commission, nous savons tous combien les rapports entre les hommes et les femmes, l'égalité et la parité – promue par une loi que j'ai eu l'honneur de défendre ici – sont fondamentaux pour l'avenir de l'humanité. En la matière, nous, Européens et Sud-Méditerranéens, avons beaucoup à faire et à échanger.

La conférence ministérielle de l'Union pour la Méditerranée sur le renforcement du rôle des femmes dans la société, qui s'est tenue en septembre 2013, a débouché sur l'adoption de conclusions ambitieuses en matière d'égalité salariale et de participation des femmes aux instances de direction des entreprises. Comme souvent, dans ce domaine comme dans d'autres, l'application en est encore timide. On progresse – vous nous direz ce que vous en pensez –, mais beaucoup reste à faire. La journée internationale de la femme nous a d'ailleurs donné l'occasion de dresser le bilan de la situation française à cet égard.

J'aimerais évoquer aussi d'autres textes internationaux, en particulier le programme d'action adopté lors de la conférence de Pékin de 1995 et à propos duquel Nicole Ameline, ici présente, s'est montré très active. Est-il en mesure d'orienter les politiques publiques dans la région euro-méditerranéenne ? Ces conclusions servent-elles de point d'appui aux acteurs de la société civile ?

À ce propos, je suis convaincue que la mobilisation de la société civile est particulièrement déterminante dans le domaine qui nous occupe. Au Maroc, les organisations féministes ont suscité et accompagné l'adoption en 2005 du nouveau code de la famille (moudawana), qui a beaucoup réduit les inégalités, sans les faire disparaître. On se souvient également des très vifs débats qui ont entouré l'élaboration de la nouvelle Constitution tunisienne et que nous avons suivis de très près. Au Liban, le mariage civil est interdit mais, paradoxalement, reconnu lorsqu'il est contracté à l'étranger. Si l'action des associations se concentre sur sa reconnaissance, celle-ci divise profondément la classe politique et provoque l'opposition des dignitaires religieux. Quel est votre sentiment sur le résultat de ces mobilisations, sur les progrès et les lacunes que l'on peut observer en ces matières ?

En Europe, particulièrement en France, on a tendance à lier étroitement le combat féministe à la question de la laïcité. Or les acteurs associatifs arabes s'appuient beaucoup sur le droit musulman contre ceux qui voudraient confiner les femmes dans un statut d'infériorité au nom de la religion. On entend ainsi dire quelquefois que c'est le système patriarcal qui génère les inégalités, non le Coran. Il me semble que de tels arguments ont une place grandissante. Qu'en pensez-vous ? Ne marquent-ils pas une forme de renoncement au combat féministe ? Sont-ils tactiques ? Sont-ils sincères ? Et comment surmonter l'incompréhension qu'ils suscitent ici ou là ?

Nous pourrions également parler du bilan de la mise en oeuvre de la convention d'Istanbul sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes, adoptée en 2011 par le Conseil de l'Europe. Pour vous, est-elle un instrument efficace ou une simple déclaration d'intention ?

Le Maroc a accueilli en février dernier une grande conférence régionale réunissant plus de 21 pays arabes afin de promouvoir un agenda positif en matière de participation des femmes à la prise de décision politique. Comment la coopération euro-méditerranéenne peut-elle y contribuer ? Quelle approche vous semble la plus adaptée ? Personnellement, je tiens beaucoup à l'approche paritaire et je suis défavorable à l'approche par quotas, car les femmes sont la moitié de l'humanité et j'estime qu'il ne faut pas minorer ses ambitions à cet égard.

Enfin, le problème se pose évidemment de la protection des femmes dans les conflits.

Les femmes sont les principales victimes des préjugés culturels et des guerres, mais aussi les principales actrices du dialogue entre les sociétés européennes et méditerranéennes. Présidente de la fondation Anna Lindh, qui leur accorde une attention particulière ainsi qu'aux jeunes, je mesure d'autant mieux l'apport économique, social, culturel de leur action.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion