Intervention de Fadia Kiwan

Réunion du 8 mars 2016 à 17h00
Commission des affaires étrangères

Fadia Kiwan, représentante du Liban au conseil exécutif de l'Organisation de la femme arabe :

Je suis moi aussi parfaitement d'accord avec vous, monsieur Glavany. Toutefois, la France n'est pas le seul pays à s'être sécularisé. En France, le processus a pris une forme particulière, brutale, en raison de la position qu'occupait l'Église sous l'Ancien Régime. Mais toutes les sociétés occidentales ont connu une démythification progressive de la métaphysique et un recours croissant au droit positif pour fonder la vie en commun. C'est l'individuation graduelle des rapports sociaux qui a permis de concevoir le citoyen, plutôt que la famille, comme un sujet de droit face à l'État. Voilà pourquoi le chemin qui s'ouvre devant nous reste long et difficile.

Les sociétés arabo-musulmanes sont largement musulmanes, mais ne le sont pas entièrement, et l'islam n'est pas uniquement arabe. Sur un milliard et 350 millions de musulmans dans le monde, 300 millions seulement sont arabes, et sur 350 millions d'arabes, quelque 300 millions sont musulmans. Ces sociétés, je l'ai dit, sont très partagées, entre différents mouvements – modernistes, favorables à la sécularisation, de gauche, traditionnels, islamistes. Et l'islamisme lui-même revêt plusieurs formes. Ne mettons donc pas les islamistes à l'écart au risque de les voir devenir tous salafistes. Il faut leur faire croire que nous croyons qu'ils veulent certes faire respecter la religion, mais aussi la réconcilier avec la modernité. Ceux qui adhèrent aux mouvements islamistes « modérés » – même si je ne crois pas à cette modération, car le gris, entre le noir et le blanc, me fait peur – sont à mi-chemin : pourquoi ne pas les attirer vers nous au lieu de les brutaliser, ce qui les poussera vers le radicalisme – qui n'est pas encore le terrorisme ?

Nous devons rétablir le sens de l'historicité des événements. Même moi, fille du pays et du monde arabe, je ne peux forcer les autres à penser comme moi alors que mes conditions particulières de vie, mon milieu immédiat m'ont offert des opportunités qui ne sont pas données à tous. Bref, il faut aider et laisser faire.

L'aide à apporter concerne essentiellement l'amélioration des textes de loi. Je l'ai dit, je crois beaucoup au volontarisme, dont la Révolution française nous fournit un excellent exemple : on n'a pas attendu que tout le monde ait évolué pour instaurer un régime entièrement nouveau. Permettez-moi pour finir de lancer une fleur aux Français. Ayant toujours remarqué que la situation des femmes était bien meilleure au Maroc, en Algérie et en Tunisie, et même en Mauritanie, que dans le Machrek, nous avons fait des recherches qui nous ont montré que cela résultait de la proximité non seulement géographique, mais culturelle, de ces pays avec le vôtre.

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