Intervention de Valérie Rabault

Réunion du 20 avril 2016 à 10h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaValérie Rabault, rapporteure générale :

Je me propose de présenter les grands axes du rapport, qui sera disponible à la fin de la semaine en prévision de son examen en séance publique mardi prochain.

Le premier axe reprend la présentation faite lors du Semestre européen, le 17 février dernier à Bruxelles, par le vice-président de la Cour des comptes des Pays-Bas, État qui préside actuellement l'Union européenne. Il s'agit d'une approche historique du respect des critères du pacte de stabilité et de croissance ainsi que d'un bilan de la situation au sein de la zone euro, telle qu'elle se présente aujourd'hui.

Ce document donne la liste des pays au sein de la zone euro faisant l'objet d'une procédure de la part de la Commission européenne pour déficit excessif ; ils sont au nombre de sept sur dix-neuf. Pour certains d'entre eux, un délai de deux ans est ouvert pour remplir les objectifs du pacte de stabilité, sans pour autant casser la croissance ou la dynamique de création de richesses. Cette matrice montre comment, au fil du temps, la crise a affecté un certain nombre de pays, puisqu'en 2009 quatorze pays sur seize faisaient l'objet d'une procédure pour déficit excessif.

Le deuxième axe du rapport porte sur les hypothèses du programme de stabilité. Les hypothèses retenues par le Gouvernement pour établir celui-ci y sont comparées avec celles de la plupart des organismes qui font des prévisions macroéconomiques ; elles portent sur la croissance, les exportations, la consommation, l'investissement ou l'inflation. La semaine dernière, le président du Haut Conseil des finances publiques a rappelé devant notre commission que la seule divergence susceptible de demeurer portait sur l'hypothèse de croissance potentielle pour la France.

Au demeurant, les hypothèses retenues pour l'élaboration du programme de stabilité sont proches de celles de la plupart des autres organismes ou institutions : Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), Fonds monétaire international (FMI), Banque de France, Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) et Commission européenne.

L'hypothèse de croissance potentielle – qui donne toujours lieu à de vastes discussions – est une grandeur qui ne s'observe pas, contrairement à la croissance qui se mesure a posteriori. Elle n'en est pas moins restée la même que l'an dernier, et, à l'époque, nous avions eu un débat portant sur le fait de savoir pourquoi l'hypothèse de croissance retenue par la France était supérieure à celle de la Commission européenne. Je partage le point de vue du Gouvernement qui souhaite maintenir ses prévisions.

Le 1er mars dernier, j'ai d'ailleurs écrit au commissaire européen compétent ; dans ce courrier, je manifestais mon étonnement devant les analyses macroéconomiques de la Commission, puisque, dans le document qu'elle a remis le 17 février dernier, elle précisait que la zone euro connaissait un output gap tendant vers zéro, et que l'inflation repartirait. En d'autres termes, cela signifie que la Commission européenne considère que la crise économique serait terminée au sein de la zone euro à l'horizon de la fin de l'année 2016 ou du début de l'année 2017. Nous ne partageons pas cette hypothèse qui semble peu réaliste pour bâtir un programme de stabilité : elle n'a donc pas été validée par le Gouvernement.

Ainsi, notre hypothèse de croissance potentielle est supérieure de 0,3 à 0,4 point à celle prévue par la Commission européenne pour 2016 ou 2017.

Le troisième axe du programme de stabilité concerne les objectifs, qui reposent sur deux indicateurs.

Le premier, cher au président de notre commission, porte sur le déficit nominal – c'est-à-dire l'argent sonnant et trébuchant qu'il faut emprunter pour le financer : l'objectif du Gouvernement est d'atteindre - 3,3 % du produit intérieur brut (PIB) en 2016 et – 2,7 % en 2017, alors que celui de la Commission européenne ne diffère que d'un dixième de point.

Le second, qui ne porte pas sur le déficit structurel, mais sur l'ajustement structurel – c'est-à-dire la marche à gravir pour atteindre l'objectif de déficit structurel – est estimé à 0,4 point de PIB par le Gouvernement, alors que l'Union européenne demande le double. Encore une fois, cette marche se mesure à l'aune de la croissance potentielle ; or nous ne partons pas des mêmes hypothèses.

Mon rapport établit encore la comparaison entre les prévisions de l'évolution du déficit nominal et du déficit structurel réalisées par le Gouvernement et celles du Conseil de l'Union européenne, et porte en outre sur l'appréciation comparée de l'effort structurel, c'est-à-dire de la façon dont on peut atteindre ces objectifs.

Les moyens mis en oeuvre pour cela constituent le quatrième axe du programme de stabilité. À court terme, ils reposent quasi exclusivement sur la réduction des dépenses publiques, à raison de 13,2 milliards d'euros d'économies, plus 1,8 milliard d'euros provenant d'économies de constatation sur la charge de la dette. Pour l'année 2016, 15 milliards d'euros de baisse des dépenses sont donc prévus, et 18,7 milliards le sont pour l'année 2017, ce qui permettra d'atteindre les objectifs du programme de stabilité.

Si nous avions retenu l'hypothèse de croissance potentielle de la Commission européenne, l'effort structurel nécessaire aurait été inférieur de 0,2 point de PIB à ce que propose le Gouvernement. En d'autres termes, le choix même de ce taux de croissance potentielle compte pour 0,2 point dans la réalisation de l'effort structurel ; encore une fois, aucun ajustement n'a été nécessaire par rapport à l'année 2015.

J'ai récapitulé les mesures envisagées en matière de dépenses publiques : les économies prévues par la loi de finances initiale pour 2016 s'élevaient à 15,8 milliards d'euros ; une partie de ce montant, estimée à 4,6 milliards d'euros, a été « détruite » par la faible inflation, ce qui ramène le total à 11,2 milliards d'euros.

Dans le cadre du programme de stabilité, le Gouvernement propose d'ajouter 2 milliards d'euros d'économies, le montant passant ainsi à 13,2 milliards d'euros. Par ailleurs, une moindre charge relative aux intérêts de la dette – pour 1,8 milliard d'euros – est constatée ; le montant total des économies s'élève ainsi à 15 milliards d'euros. C'est ce dernier chiffre qui est retenu par le programme de stabilité ; il est légèrement inférieur aux 15,8 milliards d'euros prévus par la loi de finances initiale, du fait de la bonne exécution, en fin d'exercice 2015, de la réduction du déficit nominal : 3,5 % du PIB au lieu des 3,8 % prévus. La marche à gravir était donc moins élevée que ce que la loi de finances initiale avait estimé.

Le Gouvernement a par ailleurs annoncé un montant de dépenses supplémentaires de 4 milliards d'euros, qu'il s'est engagé à financer par de nouvelles réductions de dépenses.

Pour l'année 2017, 18,7 milliards d'euros d'économies sont annoncés, dont 5 milliards d'euros d'économies supplémentaires prévues par le programme de stabilité. Le prochain projet de loi de finances détaillera l'ensemble de ces économies.

Que signifie « atteindre les objectifs de la Commission européenne sur l'effort structurel » ? Pour répondre à cette question, j'ai été conduite à établir mon propre calcul, car il n'existe nulle part ailleurs. Il en résulte que cela revient à considérer qu'il aurait fallu réaliser, en 2016 et 2017, 26 milliards d'euros d'économies supplémentaires, soit un effort nettement supérieur à nos prévisions.

Le modèle économétrique de simulation et d'analyse générale de l'économie, dit MÉSANGE, a, cette fois, fonctionné, et les projections établies ont montré que répondre à la demande d'effort structurel de la Commission européenne conduirait à détruire 1,1 point de PIB et 152 000 emplois à l'horizon 2018. Ces chiffres sont présentés en cumulé, c'est-à-dire que 20 000 emplois seraient détruits la première année, 83 000 à la fin de la deuxième, et 152 000 à l'horizon 2018. Il ne me semble pas que de telles perspectives soient compatibles avec le projet « Stratégie Europe 2020 » que l'Union européenne est réputée défendre, et qui ne saurait concerner les seules finances publiques.

Le programme national de réforme (PNR), présenté par chaque État, est destiné à répondre aux objectifs de la « Stratégie Europe 2020 », et connaît des variations en fonction des pays considérés. Il a été constaté que la principale difficulté rencontrée par nombre de membres de l'Union européenne est le manque de demande interne, ce qui freine la relance de la machine économique.

L'année dernière, le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique a présenté le PNR en chiffres bruts, ce qui retrace les attentes en termes de création de croissance et d'emplois. À l'époque, j'avais demandé une présentation en chiffres nets, permettant de mettre en évidence la destruction d'emplois et de croissance résultant des réductions de dépenses. Cette année, nous disposons d'une estimation en chiffres nets incluant l'effet attendu moins le « coût de son financement », c'est-à-dire sa traduction en destruction d'emploi ou de PIB.

Selon le modèle MÉSANGE, il serait créé, en cumulant toutes les mesures proposées, 665 000 emplois, principalement du fait du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) et du pacte de responsabilité. Les 40 milliards d'euros que coûtent ces deux dispositifs étant destructeurs d'emplois, le résultat net obtenu in fine serait un gain de 2,5 points de PIB et 665 000 emplois créés à l'horizon 2020, ce qui est à l'évidence moins que ce qu'indiquaient les prévisions fondées sur des chiffres bruts.

J'ai enfin recensé les objectifs d'Europe 2020, programme réputé servir de boussole aux pays membres de l'Union européenne ainsi qu'à la Commission européenne pour amener l'Europe et la zone euro vers une croissance plus élevée : ils sont au nombre de cinq.

Le premier est relatif à l'emploi. Le deuxième porte sur la recherche et développement, l'ambitieux objectif de 3 % du PIB n'étant toujours pas atteint aujourd'hui, ni par la France, ni par l'Union européenne. Le troisième vise le changement climatique et les énergies durables, ce qui implique que nous soyons capables de faire plus avec moins, en recourant à des ressources renouvelables. Le quatrième porte sur l'éducation, avec le double objectif d'abaisser à moins de 10 % le taux de sorties précoces du système scolaire et d'aboutir à un taux de diplômés de l'enseignement supérieur au moins égal à 40 % dans la population âgée de trente à quarante ans. Le cinquième concerne la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, ce qui passe par la réduction de 20 millions du nombre de personnes touchées en Europe par ce fléau.

L'action de coordination attendue de la part de la Commission européenne dans l'examen des PNR, au regard des cinq objectifs fixés par Europe 2020, n'est guère efficiente aujourd'hui. Les résultats attendus pour doper la croissance et relancer la demande interne ne sont pas pleinement atteints, et c'est pourquoi j'ai insisté pour les présenter : les objectifs d'Europe 2020 doivent être liés aux plans nationaux de réforme.

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