Intervention de Françoise Descamps-Crosnier

Séance en hémicycle du 28 avril 2016 à 15h00
Lutte contre le hooliganisme — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançoise Descamps-Crosnier :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi présentée par notre collègue Guillaume Larrivé avec plusieurs autres députés du groupe Les Républicains vise à renforcer le dialogue avec les supporters et la lutte contre le hooliganisme. Le groupe SRC, partageant la conviction qu’il est nécessaire d’agir dans ce domaine, a accompagné ce texte depuis le début de son parcours parlementaire, puisque nous l’avions amendé et voté en première lecture. C’est notre collègue Patrick Mennucci qui avait suivi ces travaux pour notre groupe, mais il ne pouvait malheureusement pas être des nôtres aujourd’hui.

La proposition de loi nous paraît nécessaire pour deux raisons. Il y a d’abord un aspect éminemment conjoncturel, alors que la France s’apprête à accueillir, d’ici à un peu plus d’un mois, l’Euro 2016. La proposition de loi comprend d’ailleurs une disposition adéquate à l’article 3, qui vise à étendre la possibilité de communiquer l’identité des personnes faisant l’objet d’une interdiction judiciaire ou administrative de stade aux organisations de manifestations sportives internationales comme l’UEFA. Cette initiative s’ajoute à toutes celles qui visent à assurer des conditions de sécurité maximale pour cet événement d’ampleur, qui va braquer les projecteurs mondiaux sur notre pays pendant quelques semaines. Le Gouvernement propose également la prolongation de l’état d’urgence, en s’appuyant en partie sur cet événement pour légitimer cette demande. Nous aurons l’occasion d’en débattre dans cet hémicycle prochainement.

Au-delà des aspects conjoncturels, il y a bien sûr des raisons de fond qui amènent notre groupe à soutenir cette initiative parlementaire. La première est la nécessité de responsabiliser les clubs dans la lutte contre le hooliganisme et les comportements violents, troublant l’ordre public, autour des manifestations sportives, alors que celles-ci devraient être, et sont pour l’énorme majorité d’entre elles, des moments de fraternité, de cohésion et de partage autour des valeurs du sport. Pour responsabiliser les clubs, il faut leur donner les moyens juridiques de le faire. En dépit des réformes qui ont eu lieu dans ce domaine sous la précédente législature, des manques apparaissent. Il faut donc les corriger pour s’assurer de la solidité du cadre d’ensemble.

Ainsi, la proposition de loi élargit les pouvoirs de contrôle et de sanction confiés aux clubs : il sera possible de créer des fichiers des personnes qui se sont déjà fait défavorablement connaître et de leur refuser la vente de billets. Bien sûr, un tel pouvoir nécessite un encadrement. Aussi notre groupe avait-il amendé le texte, afin qu’un décret en Conseil d’État pris après avis de la CNIL détermine les conditions de cette nouvelle possibilité laissée aux organisateurs de manifestations sportives. La sécurisation de la vente des abonnements, en s’assurant de l’identité des acheteurs par le biais d’une vente nominative directe par le club et la personnalisation de chaque carte, également proposée par notre groupe et figurant désormais à l’article 4 de la proposition de loi, relève de la même logique. Cette disposition permettra d’éviter les ventes par blocs, qui ne permettent pas de connaître l’identité des acheteurs. Le renforcement des pouvoirs est également prévu du côté des autorités publiques, avec la possibilité pour le préfet d’interdire de stade, et ce pour une durée pouvant aller jusqu’à vingt-quatre, voire trente-six mois, les personnes ayant déjà fait l’objet d’une mesure d’interdiction pendant les trois années précédentes.

Notre groupe se réjouit enfin de la volonté de renforcer le dialogue entre supporters et clubs. Cette orientation participe de la responsabilisation des acteurs du monde sportif, les clubs mais aussi les associations de supporters. Elle était d’ailleurs préconisée dès 2010 par le Livre vert du supportérisme et, plus récemment, notre collègue Jean Glavany, dans son rapport intitulé « Pour un modèle durable du football français » de janvier 2014, s’inscrivait aussi dans cette perspective. Cette dynamique, M. le secrétaire d’État l’a rappelé, est confortée par le propre mouvement du secteur associatif. Ainsi, les Assises du supportérisme de 2014 et 2015, la constitution de fédérations de supporters comme le Conseil national des supporters de football ou l’Association nationale des supporters permettent à la perspective d’un dialogue structuré d’être crédible. Aussi le texte a-t-il été fortement rééquilibré par la prise en compte de cette dimension essentielle du dialogue, qui participe de la prévention et de la dissuasion.

Au-delà de la seule dimension « sanction », grâce à la création d’une instance nationale du supportérisme et à la désignation de « référents supporters », nous plaçons les supporters en position d’être les interlocuteurs légitimes des clubs. Ce texte contribue donc à valoriser cette forme d’engagement qui, par son adhésion aux valeurs du sport, participe de la citoyenneté et de la cohésion sociale : elle est à encourager. Plusieurs de ces dispositions auraient sans doute pu, d’ailleurs, se retrouver dans le projet de loi Égalité et citoyenneté, que nous serons prochainement amenés à examiner. Nous pourrions en imaginer d’autres : la France est notoirement en retard sur ces sujets. Vous le savez bien, monsieur le secrétaire d’État, pour avoir écrit en 2013, avec Marie-George Buffet, Pascal Deguilhem et Guénhaël Huet, un rapport sur le fair-play financier européen et son application au modèle économique des clubs de football professionnel français. À l’instar de M. de Rugy, je vous invite donc à aller plus loin en l’espèce. Les différentes dispositions de la proposition de loi, qui viennent compléter un arsenal législatif déjà conséquent, doivent permettre de conforter le mouvement, qui est timidement amorcé depuis plusieurs années déjà, et qui voit nos stades redevenir les lieux de convivialité qu’ils ont toujours eu vocation à être.

Le Gouvernement, à travers votre voix, monsieur le secrétaire d’État, l’avait rappelé lors de la première lecture du texte : « un match ne doit pas être une guerre, mais avant tout une fête. » À l’heure où, dans certains territoires en France, des élus font des clubs sportifs locaux les cibles privilégiées de coupes sombres réalisées sous prétexte d’économies, quand en réalité c’est bien une certaine idéologie qui est à l’oeuvre, il est essentiel de réaffirmer la contribution positive que le sport apporte dans notre pays en termes de cohésion sociale, de mieux vivre ensemble et de fraternité. Vous avez pu le constater lors d’un déplacement dans mon territoire, monsieur le secrétaire d’État.

L’Euro 2016 devrait être l’occasion, nous l’espérons tous, d’alimenter ces valeurs, qui sont si chères à la République. Le texte que nous examinons aujourd’hui représentera l’un des jalons posés ces dernières années, souvent par voie parlementaire, pour accompagner le sport français. Je pense particulièrement à la loi du 27 novembre 2015 visant à protéger les sportifs de haut niveau et professionnels et à sécuriser leur situation juridique et sociale. Le groupe SRC en était à l’initiative.

J’ajoute que ces différents éléments sont aussi des pierres posées pour la candidature de Paris aux Jeux olympiques de 2024, puisque leur portée est générale et ne se limite pas à tel ou tel sport. Sur ce texte, comme sur d’autres, la majorité accompagne les initiatives qui vont dans le bon sens. Je tiens à le souligner, car ces initiatives ne reçoivent pas toujours le même accueil de la part de l’opposition.

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